Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 139 I 155



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Urteilskopf

139 I 155

14. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit social dans la cause C. et A.
contre Office AI pour les assurés résidant à l'étranger (recours en matière de
droit public)
9C_962/2012 du 15 avril 2013

Regeste

Art. 8 und 14 EMRK; Art. 39 Abs. 1 und Art. 42 Abs. 1 IVG; Erfordernis eines
Wohnsitzes in der Schweiz als Voraussetzung für einen Anspruch auf
Versicherungsleistungen.
Die Aufhebung einer ausserordentlichen Invalidenrente und der
Hilflosenentschädigung infolge fehlenden Wohnsitzes in der Schweiz - die
Versicherte hat sich in Brasilien niedergelassen, mit welchem Staat die Schweiz
kein Sozialversicherungsabkommen abgeschlossen hat - fällt nicht in den
Schutzbereich von Art. 8 EMRK; es ist nicht Zweck der fraglichen Leistungen,
das Familienleben zu begünstigen oder auf persönliche oder familiäre
Beziehungen einzuwirken. Von daher stellt sich die Frage nach einer
Diskriminierung im Sinne von Art. 14 EMRK nicht (E. 4).

Sachverhalt ab Seite 155

BGE 139 I 155 S. 155

A. C. a été mise au bénéfice d'une rente extraordinaire de
l'assurance-invalidité ("rente augmentée pour invalide de naissance") à partir
du 1^er septembre 1980 et d'une allocation pour impotent de degré moyen dès le
1^er septembre 1997 (décisions des 17 juillet 1981 et 24 mars 2004).
Au cours d'une procédure de révision initiée en juillet 2009, l'Office de
l'assurance-invalidité du canton de Genève a pris des renseignements auprès
notamment de A. et B., parents (divorcés) de l'assurée. Il en ressortait que
C., placée sous l'autorité parentale de sa mère
BGE 139 I 155 S. 156
dès l'été 2009, résidait avec elle en Amérique du Sud depuis plusieurs années,
venant en Suisse chez son père tous les trois mois, pour environ trois
semaines. Après que le dossier de l'assurée lui a été transmis comme objet de
sa compétence (cf. jugement du Tribunal cantonal genevois des assurances
sociales du 15 septembre 2010 et décision [annulée] du 22 mars 2010), l'Office
AI pour les assurés résidant àl'étranger a supprimé le droit de C. à la rente
extraordinaire d'invalidité et à l'allocation pour impotent à partir du 1^er
avril 2010 (décision du 3 décembre 2010).

B. Statuant le 5 octobre 2012 sur le recours formé par C. et A. contre cette
décision, le Tribunal administratif fédéral l'a rejeté. En substance, il a
considéré que l'assurée n'avait plus droit aux prestations en cause, faute de
domicile et de résidence en Suisse.

C. Agissant par la voie du recours en matière de droit public, C. et A.
demandent au Tribunal fédéral d'annuler le jugement du Tribunal administratif
fédéral, ainsi que la décision du 3 décembre 2010, et de condamner l'Office AI
pour les assurés résidant à l'étranger, sous suite de frais et dépens, à verser
"sans discontinuer" à l'assurée la rente extraordinaire d'invalidité et
l'allocation pour impotent, avec intérêts à 5 % l'an.
Le recours a été rejeté.

Erwägungen

Extrait des considérants:

2. Le litige porte sur la suppression du droit de l'assurée à la rente
extraordinaire d'invalidité et à l'allocation pour impotent, allouées jusqu'au
31 mars 2010. Le jugement entrepris expose de manière complète les règles
légales et la jurisprudence relatives aux conditions de la révision d'une
décision de prestation durable, du droit à une rente extraordinaire
d'invalidité et à une allocation pour impotent. Il suffit d'y renvoyer.

3.

3.1 Les recourantes ne contestent pas qu'en vertu des seules dispositions de la
LAI et de la LAVS applicables (art. 39 al. 1 LAI et art. 42 al. 1 LAVS; art. 42
al. 1 LAI) - aucune convention de sécurité sociale ne s'appliquant en
l'occurrence -, la rente extraordinaire d'invalidité et l'allocation pour
impotent constituent des prestations qui sont allouées seulement à des assurés
domiciliés en Suisse, si bien que C. n'y a pas droit, puisqu'elle n'a plus de
domicile ni de résidence en Suisse.
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3.2 Les recourantes font en revanche valoir que la suppression des prestations
en raison de leur caractère non exportable porte une atteinte injustifiée car
disproportionnée au respect de leur vie privée et familiale, ainsi que de leur
domicile, protégé par l'art. 8 par. 1 et 2 CEDH. Si la suppression était
confirmée, C. se verrait contrainte de revenir en Suisse afin de bénéficier des
prestations nécessaires pour sa qualité de vie, de sorte qu'elle devrait soit
vivre séparée de sa mère, soit celle-ci serait tenue, afin d'éviter une telle
séparation, de revenir vivre en Suisse avec sa fille, ce qui impliquerait une
séparation d'avec son époux actuel. Le droit au respect du domicile serait de
plus touché, parce que l'assurée serait contrainte de déménager en Suisse. Aux
yeux des recourantes, ladite atteinte est par ailleurs discriminatoire au sens
de l'art. 14 CEDH, en relation avec l'art. 8 CEDH, car le fondement de la
suppression des prestations est lié à la nature du handicap de l'assurée, qui,
née avec une atteinte à la santé, n'a pas été en mesure de cotiser à l'AVS/AI
avant la survenance de l'invalidité.

4.

4.1 L'art. 8 par. 1 CEDH garantit le droit au respect de la vie privée et
familiale, c'est-à-dire le droit de toute personne de choisir son mode de vie,
d'organiser ses loisirs et celui de nouer et de développer des relations avec
ses semblables, respectivement d'entretenir librement ses relations familiales
et de mener une vie de famille. Le droit au respect de la vie privée protège
notamment l'intégrité physique et morale d'une personne; il est destiné à
assurer le développement sans ingérences extérieures de la personnalité de
chaque individu dans les relations avec ses semblables (arrêt de la Cour
européenne des droits de l'homme [ci-après: CourEDH] Botta contre Italie du 24
février 1998, Recueil CourEDH 1998-I p. 412 § 32).
Le droit au respect de la vie familiale protège la personne contre les
atteintes que pourrait porter l'Etat et qui auraient pour but ou pour effet de
séparer la famille ou, au contraire, de la contraindre à vivre ensemble, ou
encore d'intervenir d'une manière ou d'une autre dans la relation familiale,
notamment dans les rapports entre les parents et leurs enfants (cf. arrêt de la
CourEDH Marckx contre Belgique du 13 juin 1979 § 31; ATF 137 V 334 consid.
6.1.1 p. 347). Selon la jurisprudence de la CourEDH, les rapports entre adultes
ne bénéficient pas nécessairement de la protection de l'art. 8 CEDH sans que
soit démontrée l'existence d'éléments supplémentaires de dépendance, autres que
les liens affectifs normaux (arrêt de la CourEDH Yilmaz contre Allemagne du 17
avril 2003 § 44).
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L'art. 8 par. 1 CEDH garantit aussi le droit de l'individu au respect de son
domicile, soit du lieu, de l'espace physiquement déterminé où se développe la
vie privée et familiale. L'individu a droit au respect de son domicile, conçu
non seulement comme le droit à un simple espace physique mais aussi comme celui
à la jouissance, en toute tranquillité, dudit espace. Des atteintes au droit au
respect du domicile ne visent pas seulement les atteintes matérielles ou
corporelles, telles que l'entrée dans le domicile d'une personne non autorisée,
mais aussi les atteintes immatérielles ou incorporelles, telles que les bruits,
les émissions, les odeurs et autres ingérences (arrêt de la CourEDH Moreno
contre Espagne du 16 novembre 2004, Recueil CourEDH 2004-X p. 307 § 53).

4.2 Selon la jurisprudence constante de la CourEDH, l'art. 8 CEDH ne fonde pas
un droit direct à des prestations d'assurance sociale. La CourEDH a certes
reconnu que si l'art. 8 CEDH a essentiellement pour objet de prémunir
l'individu contre les ingérences arbitraires des pouvoirs publics, il peut
impliquer, dans certaines circonstances, des obligations positives inhérentes à
un respect effectif de la vie privée ou familiale (parmi d'autres, arrêt Botta,
§ 33). Elle a toutefois retenu que l'art. 8 CEDH n'impose pas aux Etats
contractants l'obligation de fournir certaines prestations financières ou de
garantir un certain niveau de vie (arrêt Petrovic contre Autriche du 27 mars
1998, Recueil Cour EDH 1998-II p. 579 §§ 26 ss; décision d'irrecevabilité
Pancenko contre Lettonie du 28 octobre 1999). Cette disposition ne limite pas
la liberté des Etats de décider s'il convient ou non d'instaurer un système de
sécurité sociale ou de choisir le type ou le niveau de prestations devant être
accordées au titre de pareil régime (arrêt de la CourEDH Stec et autres contre
Royaume-Uni du 12 avril 2006, Recueil Cour EDH 2006-VI p. 159 § 53). La CourEDH
a ainsi considéré que le refus d'attribuer une allocation de congé parental au
requérant ne constituait pas une restriction de la vie familiale, parce que l'
art. 8 CEDH n'impose pas aux Etats une obligation positive de fournir
l'assistance financière en question (arrêt Petrovic, § 26).
En conséquence, dès lors que l'art. 8 CEDH ne fonde pas un droit à un certain
niveau de vie ou une obligation positive de fournir une prestation d'assurance
sociale, la suppression des prestations en cause en raison du départ de
l'assurée de Suisse ne saurait constituer une atteinte à la vie privée ou
familiale. Cette mesure ne touche pas non plus au respect du domicile au sens
de l'art. 8 par. 1 CEDH et la jurisprudence de la CourEDH, dont les recourantes
font une interprétation extensive, puisqu'elle n'implique aucune atteinte
concrète de
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l'espace où se développe leur vie privée et familiale. Au demeurant, il est
manifeste que les recourantes n'ont pas été entravées par les autorités suisses
dans leur choix de vie et le développement de leurs relations familiales en
Suisse ou à l'étranger; elles n'ont en particulier pas été empêchées
d'entretenir des relations familiales et sociales dans ce pays ou de s'y
installer ou de le quitter à leur guise.
C'est le lieu de préciser que dans les cas dans lesquels la CourEDH a examiné
le refus de prestations déterminées de l'assurance sociale à la lumière des
droits garantis par la CEDH, elle s'est fondée sur le Protocole n° 1 du 20 mars
1952 à la CEDH, comme par exemple, dans l'arrêt Moskal contre Pologne du 15
septembre 2009 § 93 s., cité par les recourantes (voir aussi les arrêts Stec et
autres, § 53; Koua Poirrez contre France du 30 septembre 2003, Recueil CourEDH
2003-X p. 45 §§ 43 ss). La Suisse n'ayant pas ratifié ce protocole, elle n'est
pas liée par la jurisprudence de la CourEDH relative à l'allocation non
discriminatoire de prestations de la sécurité sociale fondée sur l'art. 1 du
protocole.

4.3 Contrairement à ce que soutiennent ensuite les recourantes, la suppression
des prestations d'assurance sociale en question n'entre pas du point de vue
thématique dans le champ d'application de l'art. 8 CEDH, ce qui impliquerait la
possibilité d'invoquer l'art. 14 CEDH. Cette disposition, qui complète les
autres clauses normatives de la CEDH, peut entrer en jeu même sans un
manquement à leurs exigences, pour autant cependant que les faits du litige
tombent sous l'emprise de l'une au moins desdites clauses (parmi beaucoup
d'autres, arrêt Konstantin Makin contre Russie du 22 mars 2012 § 129; cf. aussi
MATTHIAS KRADOLFER, Soziale Sicherheit zwischen "Verrechtlichung" und
Fortentwicklung, Die Rechtsprechung des EGMR zum Leistungsabbau im
Sozialversicherungsrecht, ZBl 2/2012 p. 53 ss, 74; SUZANNE LEUZINGER-NAEF,
Tragweite des Rechts auf Achtung des Privat- und Familienlebens [Art. 8 EMRK]
und auf Eheschliessung[Art. 12 EMRK] im schweizerischen
Sozialversicherungsrecht, in Private Law, Mélanges Ingeborg Schwenzer, Tome II,
2011, p. 1066).
De manière générale, la rente de l'assurance-invalidité prévue par le droit
suisse constitue une prestation de l'assurance sociale qui vise à remplacer la
perte de gain subie par un assuré en raison des effets d'une atteinte à la
santé sur sa capacité de travail ou à pallier une incapacité à accomplir ses
travaux habituels, liée à une atteinte à la santé. La rente extraordinaire
d'invalidité assure cette fonction pour les personnes invalides depuis leur
naissance (ou devenues invalides,
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sans avoir acquis le droit à une rente ordinaire). Quant à l'allocation pour
impotent, elle est liée au besoin durable de l'aide d'autrui ou d'une
surveillance personnelle de l'assuré concerné pour accomplir des actes
élémentaires de la vie quotidienne, en raison d'une atteinte à la santé.
Ces prestations d'assurance sociale sont versées indépendamment du mode de vie
de l'ayant droit, soit sans égard au fait qu'il vit seul, en famille ou dans
une institution (sous réserve de certains cas exceptionnels qui ne sont pas
pertinents en l'occurrence, voir par exemple les art. 42 al. 5 LAI et 35^bis
al. 3 RAI [RS 831.201]). Sous cet angle,elles ont précisément pour objectif de
permettre au bénéficiaire majeur de mener une existence autonome dans la mesure
du possible, sans dépendre de l'aide et de l'assistance des membres de sa
famille. Elles n'ont pas pour but de favoriser la vie familiale ou d'intervenir
dans les relations personnelles ou familiales. A l'inverse des exemples cités
par les recourantes et par l'avis de doctrine auquel elles se réfèrent
(KRADOLFER, op. cit., p. 73), à savoir une allocation de congé parental (arrêt
Petrovic, § 27) et une rente d'assistance versée aux parents d'un enfant
handicapé (arrêt Moskal contre Pologne, § 93), la rente extraordinaire
d'invalidité et l'allocation pour impotent suisses ne visent pas à permettre à
l'un des parents de rester au foyer pour s'occuper de leur enfant (majeur). La
suppression de ces prestations en raison du défaut de la condition du domicile
en Suisse prévue par le droit national n'entre dès lors pas dans le champ
d'application de l'art. 8 CEDH.

4.4 Il n'y a pas lieu, en conséquence, d'examiner si la suppression des
prestations en cause constitue une atteinte à l'art. 14 CEDH.