Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 139 IV 89



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Urteilskopf

139 IV 89

12. Extrait de l'arrêt de la Cour de droit pénal dans la cause A.X. contre
Ministère public de la République et canton de Genève, Y. et B.X. (recours en
matière pénale)
6B_591/2012 du 21 décembre 2012

Regeste

Art. 116 Abs. 2, Art. 117 Abs. 3 und Art. 122 Abs. 2 StPO; Angehörige des
Opfers als Privatklägerschaft.
Im Unterschied zur geschädigten Person und zum Opfer kann sich der Angehörige
des Opfers als Privatklägerschaft nur konstituieren, wenn er im Strafverfahren
eigene Zivilansprüche geltend macht. Hiefür genügt es nicht, dass er frei
erfundene Zivilforderungen ohne jede Grundlage einbringt. Die Zivilansprüche
müssen mit einer gewissen Wahrscheinlichkeit begründet sein. Ein strikter
Nachweis ist nicht erforderlich. Dies ist vielmehr Gegenstand des Prozesses (E.
2.2).

Sachverhalt ab Seite 89

BGE 139 IV 89 S. 89

A. Il est reproché à Y. d'avoir violé le 22 novembre 2009 la mineure B.X., née
le 25 janvier 1995. A l'ouverture des débats devant le Tribunal correctionnel
du canton de Genève, la mère de l'enfant, A.X., a déposé des conclusions
civiles en son propre nom à concurrence de 26'835 fr. 25 tendant au paiement
par Y. du dommage et du tort moral qu'elle prétendait avoir elle-même subis.
Par décision du 31 mai 2011, le Tribunal correctionnel du canton de Genève a
constaté que A.X n'avait pas qualité de partie plaignante.
BGE 139 IV 89 S. 90
Les débats se sont poursuivis sans A.X. Par jugement du 3 juin 2011, le
Tribunal correctionnel a reconnu Y. coupable de viol (art. 190 al. 1 CP), l'a
acquitté de l'infraction d'actes d'ordre sexuel avec des enfants (art. 187 CP)
et l'a condamné à une peine privative de liberté de 3 ans, sous déduction de
380 jours de détention avant jugement, cette peine étant prononcée sans sursis
à raison de 12 mois, le sursis partiel lui étant accordé pour le surplus avec
délai d'épreuve de 4 ans. Le tribunal a accordé à l'enfant B.X. une indemnité
de 15'000 fr. pour tort moral. Les parties ont déposé des déclarations d'appel
contre ce jugement auprès de la Chambre d'appel et de révision de la Cour de
justice genevoise.
A.X. a formé un recours contre la décision du 31 mai 2011. Par arrêt du 16
septembre 2011, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la
République et canton de Genève a déclaré ce recours irrecevable, considérant
qu'aucune voie de droit n'était ouverte à ce stade de la procédure.
Par arrêt du 21 mai 2012 (ATF 138 IV 193), le Tribunal fédéral a admis le
recours formé par A.X. dans la mesure de sa recevabilité et renvoyé la cause en
instance cantonale pour nouvelle décision. En bref, il a considéré qu'une voie
de droit immédiate devait être ouverte au plan cantonal.

B. Par arrêt du 28 août 2012, la Chambre pénale de recours de la Cour de
justice genevoise a rejeté le recours formé par A.X. contre la décision du 31
mai 2011.

C. A.X. interjette un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre cet
arrêt. Elle conclut, sous suite de frais et dépens, à son annulation, à ce que
sa qualité de partie plaignante soit reconnue, à ce que la cause soit renvoyée
au Tribunal correctionnel et à ce que la direction de la procédure statue sur
ses conclusions civiles, subsidiairement à ce que la Chambre pénale d'appel et
de révision de la Cour de justice genevoise statue sur ses conclusions civiles.
Elle sollicite par ailleurs l'assistance judiciaire.
Le Ministère public conclut au rejet du recours.
L'intimée B.X. s'en rapporte à justice.
L'intimé Y. s'en rapporte à justice et sollicite par ailleurs l'assistance
judiciaire.

Erwägungen

BGE 139 IV 89 S. 91
Extrait des considérants:

2. Se prévalant d'une violation de l'art. 122 al. 2 CPP, la recourante est
d'avis que la qualité de partie plaignante lui a été déniée à tort.

2.1 La cour cantonale a admis que la recourante était une proche de la victime
au sens de l'art. 116 al. 2 CPP et qu'elle avait expressément déclaré vouloir
participer à la procédure, à tout le moins sur le plan civil. En instance
cantonale, la recourante a fait valoir qu'elle avait subi des atteintes propres
en raison des actes commis sur sa fille, soit un préjudice moral et un dommage
matériel. La cour cantonale a considéré d'une part qu'il n'était pas possible
de retenir que la souffrance endurée par la recourante avait été suffisamment
intense pour admettre qu'étaient réalisées les conditions d'une indemnisation
du tort moral, d'autre part que le dommage matériel allégué ne se trouvait pas
en relation de causalité naturelle et adéquate avec les infractions reprochées.
Elle a ainsi confirmé la décision du 31 mai 2011 déniant la qualité de partie
plaignante de la recourante.

2.2 Selon l'art. 116 al. 1 CPP, on entend par victime, le lésé qui, du fait
d'une infraction, a subi une atteinte directe à son intégrité physique,
psychique ou sexuelle. Le proche de la victime est défini à l'art. 116 al. 2
CPP. Il s'agit notamment des parents de celle-ci.
En vertu de l'art. 117 al. 3 CPP, les proches de la victime jouissent des mêmes
droits que celle-ci lorsqu'ils se portent partie civile contre les prévenus.
Les termes "se portent partie civile" de la version française doivent
s'interpréter dans le sens de faire valoir des prétentions civiles, comme en
attestent les versions allemande et italienne ("Machen die Angehörigen des
Opfers Zivilansprüche geltend"; "se fanno valere pretese civili"). Par "mêmes
droits", il faut entendre notamment le droit pour le proche de se constituer
partie plaignante comme demandeur au civil, le cas échéant aussi au pénal.
Toutefois, le droit du proche de se constituer partie plaignante implique, ce
que confirme la combinaison des art. 117 al. 3 et 122 al. 2 CPP, qu'il fasse
valoir des prétentions civiles propres dans la procédure pénale (cf.
MAZZUCCHELLI/POSTIZZI, in Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung,
2011, n° 11 ad art. 115 CPP et n^os 6 et 7 ad art. 117 CPP). Autrement dit, le
proche de la victime ne peut se constituer partie plaignante que s'il fait
valoir des prétentions civiles propres dans la procédure pénale. Cette exigence
est spécifique au proche de la victime et ne vaut pas pour le lésé ou la
victime, lesquels peuvent en effet se
BGE 139 IV 89 S. 92
constituer partie plaignante au pénal indépendamment de conclusions civiles
(cf. art. 119 al. 2 CPP).
Les art. 117 al. 3 et 122 al. 2 CPP sont une reprise de l'ancien art. 2 al. 2,
respectivement de l'ancien art. 39 de la loi du 23 mars 2007 sur l'aide aux
victimes d'infractions (LAVI; RS 312.5; NIKLAUS SCHMID, Schweizerische
Strafprozessordnung [StPO], Praxiskommentar, 2009, n° 4 ad art. 117 CPP et n° 5
ad art. 122 CPP). Conformément à ce qui prévalait sous l'égide de la LAVI, le
proche bénéficie des droits procéduraux, dorénavant conférés par le CPP, si les
prétentions qu'il invoque apparaissent crédibles au vu de ses allégués. Il n'y
a pas lieu d'exiger une preuve stricte, laquelle est justement l'objet du
procès au fond. Il ne suffit cependant pas d'articuler des prétentions civiles
sans aucun fondement, voire fantaisistes pour bénéficier des droits
procéduraux. Il faut une certaine vraisemblance que les prétentions invoquées
soient fondées (cf. arrêts 6P.30/2005 du 3 juin 2005 consid. 3; 6B_627/2007 du
11 août 2008 consid. 2.2.3).

2.3 En l'espèce, la fille de la recourante est une victime au sens de l'art.
116 al. 1 CPP, de sorte que la recourante est une proche selon l'art. 116 al. 2
CPP. Il n'est pas contesté que la recourante a valablement déclaré vouloir
participer à la procédure (cf. art. 118 al. 3 CPP) après avoir été interpellée
par la direction de la procédure, étant rappelé que la phase d'instruction de
la cause s'est en l'occurrence déroulée en 2010, avant l'entrée en vigueur du
CPP. La cour cantonale a relevé que la recourante avait déclaré à la direction
de la procédure vouloir participer à la procédure comme demanderesse, à tout le
moins au plan civil. En outre, la recourante a articulé des prétentions propres
et a pris à ce titre des conclusions civiles devant le tribunal correctionnel.
Dans les circonstances précitées, la qualité de partie plaignante de la
recourante ne pouvait être exclue que s'il apparaissait d'emblée, conformément
à la jurisprudence précitée rendue sous l'égide de l'ancienne LAVI, que les
prétentions émises étaient dépourvues de tout fondement voire fantaisistes.

2.4

2.4.1 S'agissant des prétentions en tort moral émises par la recourante, la
cour cantonale a exposé qu'il n'était pas possible de retenir, même sous
l'angle de la vraisemblance, que la souffrance endurée par celle-ci puisse être
comparée à celle qu'elle aurait endurée en cas de mort de sa fille. Selon la
cour, la recourante n'avait pas démontré avoir été touchée plus fortement ou de
la même manière qu'en cas de décès, son état dépressif d'intensité moyenne
n'étant pas suffisant.
BGE 139 IV 89 S. 93
La jurisprudence est restrictive quant à l'allocation d'une indemnité pour tort
moral aux parents d'un enfant abusé sexuellement, exigeant qu'ils soient
touchés avec la même intensité qu'en cas de décès de l'enfant (arrêt 6B_646/
2008 du 23 avril 2009 consid. 7). Il ressort en l'espèce du dossier (art. 105
al. 2 LTF) que la recourante a allégué dans son écriture du 31 mai 2011 déposée
à l'appui de ses conclusions civiles qu'elle nécessitait toujours un soutien
psychiatrique et psychothérapeutique 18 mois après les faits, qu'elle souffrait
énormément d'être quotidiennement confrontée au stress post-traumatique de sa
fille (troubles du sommeil, incapacité de se déplacer sans être accompagnée,
attaques de panique), qu'elle était sans cesse préoccupée par sa fille animée
d'idées suicidaires, qu'elle avait le sentiment que sa souffrance allait durer
pour le restant de sa vie, comme si elle avait perdu sa fille. Au vu des
éléments ainsi exposés, la cour cantonale ne pouvait pas d'emblée, même au
regard d'exigences jurisprudentielles restrictives, considérer les prétentions
comme dépourvues de tout fondement. La recourante avait suffisamment articulé
ses prétentions, sans qu'une preuve stricte n'ait à être exigée d'elle à
l'ouverture des débats. C'est ainsi à tort que la qualité de partie plaignante
lui a été déniée et le recours doit être admis à cet égard.

2.4.2 Ce qui précède vaut aussi pour les prétentions en réparation du dommage
invoquées par la recourante.
La cour cantonale a exposé que pour le dommage matériel, aucun lien de
causalité naturelle et adéquate ne pouvait être retenu avec les infractions en
cause. Selon la cour, la recourante n'avait pas prouvé que les frais
extraordinaires qu'elle avait assumés en raison de son obligation d'entretien
(frais de séjour à l'étranger, frais d'ambulance et frais médicaux) étaient en
lien avec les infractions.
Dans son écriture du 31 mai 2011, la recourante a exposé qu'un éloignement de
Genève avait médicalement été recommandé pour sa fille, ce qui avait entraîné
différents frais (1'096 fr. 75 et 9'986 fr. 50) pour que celle-ci puisse se
rendre en Belgique et au Canada, qu'elle avait également dû assumer des frais
d'ambulance (768 fr. 50) à la suite d'une crise de sa fille ainsi que des frais
médicaux (722 fr. 40) correspondant à la quote-part non prise en charge par
l'assurance-maladie. Au regard en particulier des frais d'ambulance et des
frais médicaux, la cour cantonale ne pouvait pas d'entrée de cause considérer
les prétentions émises comme sans fondement. Ce faisant, elle s'est muée en
juge du fond, ce qu'elle n'avait pas à faire à ce stade de
BGE 139 IV 89 S. 94
l'examen des prétentions. Une vraisemblance suffisante existe que les frais
engagés puissent résulter des séquelles des infractions reprochées. Cela suffit
pour reconnaître la qualité de partie plaignante de la recourante. Le recours
est bien fondé.