Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 139 IV 78



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Urteilskopf

139 IV 78

10. Extrait de l'arrêt de la Cour de droit pénal dans la cause X. SA contre
Ministère public de la République et canton de Genève, A. et consorts (recours
en matière pénale)
6B_261/2012 du 22 octobre 2012

Regeste

Art. 115, Art. 118 Abs. 1, Art. 119 Abs. 2 lit. a und Art. 382 Abs. 1 StPO;
Beschwerdelegitimation des Strafklägers.
Der Geschädigte, selbst wenn er im Strafverfahren keine Zivilforderung
angemeldet hat, ist als Strafkläger legitimiert, im Strafpunkt Berufung zu
erheben (E. 3).

Sachverhalt ab Seite 79

BGE 139 IV 78 S. 79

A. Par jugement du 21 octobre 2011, le Tribunal de police du canton de Genève a
acquitté A., B. et C. de tentative de gestion déloyale aggravée et d'infraction
à la loi fédérale du 19 décembre 1986 contre la concurrence déloyale (LCD; RS
241).

B. X. SA a formé appel contre ce jugement, concluant à ce que A. soit reconnu
coupable de gestion déloyale aggravée et d'infraction à la LCD. X. SA
reprochait à A., employé depuis 2003, d'avoir, en 2005, tenté de détourner des
clients au profit d'une autre société dont il était administrateur, d'avoir,
dans les mêmes circonstances, tenté d'exploiter de façon indue le résultat du
travail confié par X. SA et de s'être associé à deux autres employés de cette
société pour exploiter ce résultat. X. SA a porté plainte pénale et s'est
constituée partie civile. Elle a toutefois retiré ses conclusions civiles
devant le premier juge. Par arrêt du 26 mars 2012, la Chambre pénale d'appel et
de révision genevoise a déclaré irrecevable l'appel formé par X. SA. Elle a
exposé que l'appelante X. SA, partie plaignante, n'avait pas exercé l'action
civile devant le premier juge, ni expliqué quelles prétentions elle entendait
faire valoir, dans quelle mesure le jugement attaqué avait une incidence sur
celles-ci et pourquoi elle n'avait pas été en mesure d'agir dans la procédure
pénale. La Chambre pénale lui a ainsi dénié un intérêt juridique à requérir un
verdict de culpabilité.

C. X. SA forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre cet
arrêt, concluant, sous suite de dépens, à son annulation et à ce qu'ordre soit
donné à la Chambre pénale d'appel et de révision de statuer sur le fond. Elle
forme par ailleurs un recours constitutionnel subsidiaire, en reprenant la même
argumentation et les mêmes conclusions.
La Chambre pénale d'appel et de révision et le Ministère public ont conclu à la
confirmation de l'arrêt attaqué.
L'intimé A. a conclu à l'irrecevabilité, respectivement au rejet du recours.
L'intimé B. s'en est rapporté à justice et l'intimé C. ne s'est pas déterminé.
BGE 139 IV 78 S. 80

Erwägungen

Extrait des considérants:

3. La recourante prétend que c'est à tort que l'instance précédente lui a dénié
la qualité pour recourir. Elle invoque une violation de l'art. 382 CPP.

3.1 Les jugements des tribunaux de première instance qui ont clos tout ou
partie de la procédure sont susceptibles de faire l'objet d'un appel en vertu
de l'art. 398 al. 1 CPP. La qualité pour former appel est définie à l'art. 382
al. 1 CPP, disposition générique en matière de qualité pour recourir. Selon
cette disposition, toute partie qui a un intérêt juridiquement protégé à
l'annulation ou à la modification d'une décision a qualité pour recourir contre
celle-ci.
La notion de partie visée à l'art. 382 CPP doit être comprise au sens des art.
104 et 105 CPP. L'art. 104 al. 1 let. b CPP reconnaît notamment cette qualité à
la partie plaignante soit, selon l'art. 118 al. 1 CPP, au lésé qui déclare
expressément vouloir participer à la procédure pénale comme demandeur au pénal
ou au civil. Conformément à l'art. 119 al. 2 CPP, le lésé peut dans sa
déclaration cumulativement ou alternativement demander la poursuite et la
condamnation de la personne pénalement responsable de l'infraction (plainte
pénale) (let. a); faire valoir des conclusions civiles déduites de l'infraction
(action civile) par adhésion à la procédure pénale (let. b).

3.2 La cour cantonale a exposé que la recourante avait renoncé à faire valoir
des prétentions civiles dans la procédure pénale, celle-ci ayant pris dans un
premier temps des conclusions civiles avant de les retirer avant la clôture des
débats de première instance et de manifester son intention de réserver ses
droits civils. La cour a ainsi considéré que, faute de conclusions civiles
prises dans la procédure pénale, la recourante n'était pas habilitée à former
appel, se référant en particulier à un avis de doctrine (YVAN JEANNERET,
L'action civile au pénal, in Quelques actions en paiement, 2009, p. 95 ss,
spéc. 145 n^o 100).

3.3

3.3.1 Contrairement à ce que laisse entendre l'intimé A., la recourante n'est
pas irrévocablement déchue de ses prétentions civiles pour le motif qu'elle a
renoncé à ses conclusions avant la clôture des débats de première instance.
Conformément à l'art. 122 al. 4 CPP, elle pourra à nouveau agir par la voie
civile.

3.3.2 Selon le courant de doctrine cité par la cour cantonale, la partie
plaignante n'a d'intérêt juridique à l'appel que si la décision pénale peut
BGE 139 IV 78 S. 81
avoir un effet sur ses conclusions civiles. Si la partie plaignante s'est
exclusivement constituée demanderesse au pénal en application de l'art. 119 al.
2 let. a CPP, elle ne peut alors pas interjeter d'appel faute d'avoir pris de
conclusions civiles. Cette solution se recoupe avec celle qui prévaut pour le
recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral (cf. YVAN JEANNERET,
ibidem, ainsi que, le même, La partie plaignante et l'action civile, RPS 128/
2010 p. 297 ss, spéc. 305 s.).

3.3.3 Contrairement à l'avis précité, la majorité de la doctrine ne mentionne
pas l'exigence de prise de conclusions civiles comme condition de recevabilité
selon l'art. 382 al. 1 CPP. Elle admet largement la qualité pour former appel.
Ainsi, la partie plaignante peut former appel pour ce qui concerne la
culpabilité du prévenu lorsqu'elle s'est uniquement déclarée demanderesse à
l'action pénale selon les art. 118 al. 1 et 119 al. 2 let. a CPP (cf. NIKLAUS
SCHMID, Schweizerische Strafprozessordnung [StPO], Praxiskommentar, 2009, n^o 5
ad art. 382 CPP; MAZZUCCHELLI/POSTIZZI, in Basler Kommentar, Schweizerische
Strafprozessordnung, 2011, n^o 5 ad art. 119 CPP et MARTIN ZIEGLER, ibidem, n^o
4 ad art. 382 CPP). La partie plaignante n'est pas tenue de faire valoir ses
prétentions civiles dans le procès pénal. Elle dispose d'un intérêt à pouvoir
recourir au pénal sur la question de la culpabilité, qui peut avoir une
influence sur dites prétentions (cf. RICHARD CALAME, in Commentaire romand,
Code de procédure pénale suisse, 2011, n^o 11 ad art. 382 CPP). La voie de
l'appel est ouverte à la partie plaignante indépendamment du sort des
conclusions civiles. La partie plaignante est habilitée à appeler d'un jugement
d'acquittement même si elle n'a pas pris de conclusions civiles. Le CPP
reconnaît au lésé une vocation strictement pénale à intervenir dans la
procédure pénale. Cette vocation n'est pas limitée à la procédure de première
instance. Le droit de demander la poursuite et la condamnation de l'auteur de
l'infraction consacré à l'art. 119 al. 2 let. a CPP indépendamment de toute
action civile ou de préjudice actuel fonde l'intérêt juridique de la partie
plaignante, au sens de l'art. 382 al. 1 CPP, à appeler du jugement, y compris
uniquement ses aspects pénaux (cf. ALAIN MACALUSO, L'action civile dans le
procès pénal régi par le nouveau CPP, in Le procès en responsabilité civile,
2011, p. 175 ss, spéc. 188 s.).
L'approche majoritaire doit être suivie. L'art. 119 al. 2 CPP ouvre au lésé la
possibilité d'agir cumulativement ou alternativement comme demandeur au pénal
ou au civil. Le lésé devient ainsi partie plaignante
BGE 139 IV 78 S. 82
(cf. art. 118 al. 1 CPP). Le législateur a donc conféré à la partie plaignante
le pouvoir de se constituer partie à la seule fin de soutenir l'action pénale.
L'articulation du CPP ne permet pas d'en déduire que ce rôle procédural serait
limité à la première instance. L'exigence de l'intérêt juridiquement protégé
que pose l'art. 382 al. 1 CPP n'a pas à s'interpréter dans un sens étroit. Elle
n'impose pas la prise effective de conclusions civiles dans la procédure
pénale. Le cas échéant, la partie plaignante peut faire valoir ultérieurement
ses prétentions. Qui plus est, le rôle procédural que lui autorise l'art. 119
al. 2 let. a CPP sous-tend un intérêt juridique indépendamment de toute
prétention civile. Il suffit d'être lésé c'est-à-dire une personne dont les
droits ont été touchés directement par une infraction (art. 115 al. 1 CPP). Les
droits touchés sont les biens juridiques individuels tels que la vie et
l'intégrité corporelle, la propriété, l'honneur, etc. (Message du 21 décembre
2005 relatif à l'unification du droit de la procédure pénale, FF 2006 1148 ch.
2.3.3.1). Un dommage n'est pas nécessaire pour être lésé au sens de l'art. 115
CPP. L'atteinte directe selon cette disposition se rapporte à la violation du
droit pénal et non à un dommage (cf. MAZZUCCHELLI/POSTIZZI, op. cit., n^o 22 ad
art. 115 CPP). Une autre approche aboutirait à une interprétation incohérente
du CPP. En envisageant par exemple le cas où le prévenu serait un agent public,
comme un policier ou un médecin, le lésé, qui ne pourrait émettre aucune
prétention civile à l'égard de celui-ci en raison de la responsabilité primaire
du canton concerné, pourrait participer à la procédure de première instance
mais serait privé d'appel. Une telle scission n'est en rien justifiée par la
systématique du CPP.

3.3.4 Contrairement à l'avis exprimé par YVAN JEANNERET (ibidem), une analogie
avec les conditions de recevabilité pour le recours en matière pénale au
Tribunal fédéral ne se justifie pas.
Avant l'adoption du CPP, le recours en matière pénale était ouvert à la victime
au sens de la loi fédérale du 23 mars 2007 sur l'aide aux victimes
d'infractions (LAVI; RS 312.5) si la décision attaquée pouvait avoir un effet
sur le jugement de ses prétentions civiles (cf. ancien art. 81 al. 1 let. b ch.
5 LTF). La recevabilité du recours dépendait en principe de la prise effective
par la victime de conclusions civiles dans la procédure pénale (ATF 137 IV 246
consid. 1.3.1 p. 247). Avec l'adoption du CPP, le législateur a d'abord choisi
de modifier la LTF en adoptant un nouvel art. 81 al. 1 let. b ch. 5 qui
élargissait la qualité pour recourir en conférant cette qualité non plus
uniquement à la victime mais à la partie plaignante. La qualité pour
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former un recours en matière pénale était ainsi conférée à la partie plaignante
"dans la mesure où elle a qualité pour recourir selon le code de procédure
pénale" (FF 2007 6722). Cette disposition unifiait donc la qualité pour
recourir entre le CPP et la LTF. Elle n'est cependant jamais entrée en vigueur.
En effet, elle a été modifiée dans le cadre de l'adoption de la loi fédérale du
19 mars 2010 sur l'organisationdes autorités pénales de la Confédération (LOAP;
RS 173.71). Dans son Message, le Conseil fédéral mentionnait que l'adoption de
cette disposition risquait de créer une charge de travail supplémentaire pour
le Tribunal fédéral, contraire aux objectifs de la LTF. Il a ainsi proposé de
revenir en arrière et de limiter la qualité pour recourir à la victime,
conformément à ce qui valait précédemment (cf. Message du 10 septembre 2008
relatif à la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la
Confédération, FF 2008 7424 s. ad art. 81 al. 1let. b ch. 5). Cette proposition
a suscité des discussions devant les Chambres fédérales. Une solution médiane
(intervention Vischer, "Mittellösung", BO 2010 CN 124) s'est dégagée,
c'est-à-dire un compromis entre la solution unifiée avec le CPP qui avait été
adoptée et le retour en arrière proposé par le Conseil fédéral (cf. MARC
THOMMEN, inBasler Kommentar, Bundesgerichtsgesetz, 2^e éd. 2011, n^o 29 ad art.
81LTF). La notion de victime a ainsi été abandonnée au profit de celle de
partie plaignante, la condition des effets sur le jugement des prétentions
civiles étant par ailleurs maintenue. Il s'agit de la disposition dans sa
teneur actuelle, entrée en vigueur le 1^er janvier 2011. La jurisprudence
antérieure, selon laquelle la recevabilité du recours dépendait en principe de
la prise effective de conclusions civiles dans la procédure pénale, a gardé sa
portée (ATF 137 IV 246 consid. 1.3.1 p. 247 s.).
Au regard du processus législatif suivi, une interprétation de la qualité pour
recourir selon l'art. 382 al. 1 CPP ne saurait se faire à la lumière de l'art.
81 al. 1 let. b ch. 5 LTF. Les travaux législatifs attestent au contraire d'une
approche différenciée. Ce qui vaut pour la LTF ne vaut pas pour le CPP.

3.3.5 Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que la cour cantonale a nié
la qualité pour former appel de la recourante pour le motif qu'elle n'avait pas
pris de conclusions civiles dans la procédure pénale. Le recours doit donc être
admis et la cause retournée à la cour cantonale pour qu'elle entre en matière
sur l'appel.