Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 139 IV 179



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Urteilskopf

139 IV 179

23. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public dans la cause A. contre
Ministère public de la République et canton de Genève (recours en matière
pénale)
1B_82/2013 du 27 mars 2013

Regeste

Art. 3 Abs. 2 lit. c, Art. 226 Abs. 2 und Art. 231 Abs. 1 StPO; Art. 29 Abs. 2
BV; Haftverlängerungsentscheid des erstinstanzlichen Gerichts;
Begründungsanforderungen.
Der Entscheid des erstinstanzlichen Gerichts, die Sicherheitshaft gestützt auf
Art. 231 Abs. 1 StPO zu verlängern, unterliegt den analog anwendbaren
Anforderungen von Art. 226 Abs. 2 StPO. Der Entscheid ist den Vorgaben des
rechtlichen Gehörs entsprechend zu begründen (Art. 29 Abs. 2 BV und Art. 3 Abs.
2 lit. c StPO). Falls die schriftliche Begründung der Haftverlängerung nicht im
Zeitpunkt der mündlichen Urteilsverkündung erfolgen kann, muss sie unverzüglich
mit separatem Entscheid zugestellt werden (E. 2.6).

Sachverhalt ab Seite 180

BGE 139 IV 179 S. 180

A. A. a été arrêté et placé en détention le 30 novembre 2012. Il été renvoyé en
jugement devant le Tribunal de police du canton de Genève pour séjour illégal
et non-respect d'une assignation à un lieu de résidence. A la demande du
Ministère public, le Tribunal des mesures de contrainte du canton de Genève
(ci-après: le Tmc) a ordonné la détention pour des motifs de sûreté le 17
décembre 2012. Par ordonnance du 28 décembre 2012, la direction du Tribunal de
police s'est opposée à la demande de mise en liberté introduite par le prévenu
et a transmis cette demande au Tmc qui l'a rejetée par décision du 2 janvier
2013.

B. Par jugement rendu le 30 janvier 2013, dont le dispositif a été notifié
séance tenante, le Tribunal de police a reconnu A. coupable de séjours illégaux
et non-respect d'une assignation à un lieu de résidence aux sens des art. 115
al. 1 let. b et 119 LEtr (RS 142.20) et l'a condamné à une peine privative de
liberté de 6 mois (sous déduction de 66 jours de détention subie avant
jugement), révoquant en outre le sursis octroyé le 27 mai 2011 à la peine de 10
jours-amende à 30 fr. Il a enfin ordonné le maintien en détention de
l'intéressé pour une durée de 3 mois en application de l'art. 231 al. 1 CPP (RS
312.0). Le 4 février 2013, A. a formé une déclaration d'appel.
BGE 139 IV 179 S. 181

C. A. a formé recours contre le jugement du Tribunal de police auprès de la
Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de
Genève (ci-après: la Cour de justice); il se plaignait notamment d'une
violation de son droit d'être entendu. Le Tribunal de police a communiqué à la
Cour de justice le jugement motivé complet en annexe à ses observations du 7
février 2013; les motifs du maintien en détention pour des motifs de sûreté du
recourant étaient explicités dans ledit jugement.
Le 20 février 2013, la Cour de justice a rejeté le recours et a confirmé le
maintien de A. en détention pour des motifs de sûreté. Elle a estimé qu'en
indiquant les motifs de sa décision de maintien en détention avec le jugement
motivé au fond rendu le 7 février 2013 et notifié le lendemain aux parties, le
Tribunal de police respectait néanmoins encore le principe de célérité; elle a
en outre retenu que les motifs de sa détention avaient été communiqués
oralement lors de l'audience du 30 janvier 2013. Enfin, sur le fond, l'instance
précédente a admis l'existence du risque de fuite, qu'aucune mesure de
substitution ne pouvait pallier.

D. Agissant par la voie du recours en matière pénale, A. demande au Tribunal
fédéral d'annuler cette décision, de constater la violation de son droit d'être
entendu par le Tribunal de police et d'ordonner sa mise en liberté immédiate
principalement sans condition, subsidiairement moyennant une ou plusieurs
mesures de substitution. Il conclut également à l'allocation d'une indemnité de
dépens pour la procédure cantonale et fédérale.
Le Tribunal fédéral a partiellement admis le recours.
(résumé)

Erwägungen

Extrait des considérants:

2. Invoquant une violation de l'art. 226 al. 2 deuxième phrase CPP, ainsi que
des art. 3 al. 2 let. c CPP et 29 al. 2 Cst. (droit d'être entendu), le
recourant soutient que le maintien en détention pour des motifs de sûreté
ordonné par le Tribunal de première instance conformément à l'art. 231 al. 1
CPP devait faire l'objet d'une décision motivée écrite séparée du jugement au
fond rendue dans les plus brefs délais. Il critique la solution de la Cour de
justice qui applique l'art. 227 al. 5 CPP au cas d'espèce.

2.1 La détention pour des motifs de sûreté commence lorsque l'acte d'accusation
est notifié au tribunal de première instance et s'achève
BGE 139 IV 179 S. 182
lorsque le jugement devient exécutoire, que le prévenu commence à purger sa
sanction privative de liberté ou qu'il soit libéré (art. 220 al. 2 CPP).
Conformément à l'art. 231 al. 1 CPP, au moment du jugement, le tribunal de
première instance détermine si le prévenu qui a été condamné doit être placé ou
maintenu en détention pour des motifs de sûreté: (let. a ) pour garantir
l'exécution de la peine ou de la mesure prononcée ou (let. b) en prévision de
la procédure d'appel.
La procédure relative à la détention pour des motifs de sûreté devant le
tribunal des mesures de contrainte est régie par l'art. 229 CPP. Cette
disposition renvoie selon qu'il y a eu ou non détention provisoire préalable
respectivement aux art. 225 et 226 (art. 229 al. 3 let. a CPP) ou à l'art. 227
CPP (art. 229 al. 3 let. b CPP).
L'art. 226 CPP dispose que le tribunal des mesures de contrainte statue
immédiatement, mais au plus tard dans les 48 heures suivant la réception de la
demande (al. 1). Il communique immédiatement et verbalement sa décision au
ministère public, au prévenu et à son défenseur, ou par écrit si ceux-ci sont
absents; la décision leur est en outre notifiée par écrit et brièvement motivée
(al. 2).
Quant à l'art. 227 CPP, il porte sur la prolongation de la détention provisoire
et prévoit que:
^1 A l'expiration de la durée de la détention provisoire fixée par le tribunal
des mesures de contrainte, le ministère public peut demander la prolongation de
la détention. Si la durée de la détention n'est pas limitée, la demande doit
être présentée dans les trois mois suivant le début de la détention.
^2 Le ministère public transmet au tribunal des mesures de contrainte la
demande de prolongation écrite et motivée, au plus tard quatre jours avant la
fin de la période de détention, et y joint les pièces essentielles du dossier.
^3 Le tribunal des mesures de contrainte accorde au détenu et à son défenseur
le droit de consulter le dossier en sa possession et leur impartit un délai de
trois jours pour s'exprimer par écrit sur la demande de prolongation.
^4 Il peut ordonner une prolongation de la détention provisoire jusqu'à ce
qu'il ait statué.
^5 Le tribunal des mesures de contrainte statue au plus tard dans les cinq
jours qui suivent la réception de la réplique ou l'expiration du délai fixé à
l'al. 3. Il peut astreindre le ministère public à procéder à certains actes de
procédure ou ordonner une mesure de substitution.
^6 En règle générale, la procédure se déroule par écrit; toutefois, le tribunal
des mesures de contrainte peut ordonner une audience; celle-ci se déroule à
huis clos.
BGE 139 IV 179 S. 183
^7 La détention provisoire peut être prolongée plusieurs fois, chaque fois de
trois mois au plus et, dans des cas exceptionnels, de six mois au plus.

2.2 La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst., art.
3 al. 2 let. c CPP) l'obligation pour le juge de motiver ses décisions afin que
le justiciable puisse les comprendre et exercer ses droits de recours à bon
escient. Le juge doit ainsi mentionner, au moins brièvement, les motifs qui
l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que
l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en
connaissance de cause. Il n'a toutefois pas l'obligation d'exposer et de
discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties,
mais peut au contraire se limiter à l'examen des questions décisives pour
l'issue du litige (ATF 134 I 83 consid. 4.1 p. 88 et les arrêts cités).

2.3 En l'espèce, le maintien en détention pour des motifs de sûreté du
recourant a été ordonné en application de l'art. 231 al. 1 CPP par le Tribunal
de police dans le dispositif de son jugement rendu en présence des parties le
30 janvier 2013, dont les considérants écrits n'ont pas été notifiés
immédiatement. Le Tribunal de police affirme avoir communiqué oralement au
recourant, lors de l'audience de jugement du 30 janvier 2013, les motifs de sa
détention; le procès-verbal de cette audience indique en effet que "la
Présidente donne connaissance du dispositif, avec motivation orale brève,
lequel est notifié séance tenante". Il n'y a dès lors pas lieu de douter de
cette autorité lorsqu'elle soutient avoir donné une motivation orale sur ce
point, ce d'autant moins que le recourant avait expressément conclu à la levée
de la détention pour des motifs de sûreté pendant les débats. Cela étant, une
motivation écrite sur la détention n'a été notifiée au recourant qu'avec le
jugement au fond motivé rendu le 7 février 2013 et communiqué à l'intéressé le
lendemain, soit plus de 9 jours après le prononcé du jugement de première
instance. Il convient d'examiner si un tel procédé est conforme au droit.

2.4 Dans l'arrêt attaqué, l'instance précédente relève que si le juge d'appel -
qui prononce la détention en application de l'art. 232 CPP - doit respecter le
délai très bref découlant de l'art. 226 al. 2 CPP (applicable par analogie; cf.
ATF 138 IV 81) pour motiver la mise en détention pour des motifs de sûreté, le
délai dont dispose le Tribunal de première instance est, quant à lui, celui qui
résulte de l'art. 227 al. 5 CPP portant sur la prolongation de la détention. La
Cour de justice estime qu'aucune raison ne justifie que le juge du fond devrait
BGE 139 IV 179 S. 184
rendre, après avoir condamné le prévenu, une décision plus rapidement que ne
devait le faire auparavant le juge du contrôle de la détention, à savoir "dans
les cinq jours qui suivent la réception de la réplique ou l'expiration du délai
fixé à l'alinéa 3 de cette disposition" (cf. art. 227 al. 5 et 229 al. 3 let. b
CPP); elle soutient que si la juridiction de jugement n'a pas encore rendu sa
décision motivée sur le fond et sur le maintien de la détention à l'échéance de
ce délai, elle doit, pour respecter le principe de célérité et le droit d'être
entendu du recourant, rendre une décision motivée séparée sur la détention.
Dans ces circonstances, la Cour de justice a estimé que le principe de célérité
n'avait pas été violé ni, par conséquent, le droit d'être entendu du recourant.
Le recourant critique cette appréciation. Selon lui, les considérations
évoquées par le Tribunal fédéral dans l' ATF 138 IV 81 en lien avec une
détention pour des motifs de sûreté prononcée par la juridiction d'appel en
application de l'art. 232 CPP ("Détention pour des motifs de sûreté pendant la
procédure devant la juridiction d'appel") vaudraient également pour le cas
d'espèce, de sorte que les exigences découlant de l'art. 226 al. 2 CPP seraient
applicables par analogie. Par conséquent, le maintien en détention pour des
motifs de sûreté ordonné par le Tribunal de police devait faire l'objet d'une
décision motivée écrite séparée du jugement au fond rendue dans les plus brefs
délais.

2.5 L'arrêt publié aux ATF 138 IV 81 dont se prévaut le recourant a été rendu
dans une cause où les motifs de détention du prévenu n'étaient apparus qu'au
cours de la procédure devant la juridiction d'appel. Celle-ci avait alors
ordonné, dans le cadre de son jugement sur appel, l'arrestation du condamné et
son placement en détention pour des motifs de sûreté en application de l'art.
232 CPP. Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral a confirmé que la décision de mise
en détention pour des motifs de sûreté prise par la juridiction d'appel en
application de cette disposition était soumise aux exigences de l'art. 226 al.
2 CPP, applicable par analogie. Selon cette norme, le tribunal communique
immédiatement et verbalement sa décision au ministère public, au prévenu et à
son défenseur, la décision leur étant en outre notifiée par écrit et brièvement
motivée. En se référant à l'art. 226 al. 2 CPP, le Tribunal fédéral a considéré
qu'il n'était pas suffisant de prononcer la mesure de détention selon l'art.
232 CPP dans le dispositif du jugement sur appel, dès lors que la motivation de
ce
BGE 139 IV 179 S. 185
jugement n'était pas notifiée immédiatement. Il y avait lieu de rendre une
décision séparée sur la détention afin que le condamné soit en mesure de
contester utilement cette mesure. Conformément à la jurisprudence relative à l'
art. 226 al. 2 CPP, cette décision pouvait être notifiée après l'audience.
Compte tenu des enjeux pour le condamné et du caractère sommaire de la décision
exigée, la décision devait être expédiée dans les plus brefs délais (cf. ATF
138 IV 81 consid. 2.2 ss. p. 84 s.; arrêt 1B_564/2011 du 27 octobre 2011
consid. 3.1 et les références).

2.6 L'argumentation de la Cour de justice ne convainc pas. Il ne faut en effet
pas confondre le délai dont dispose l'autorité compétente pour statuer sur le
maintien en détention et celui pour motiver par écrit sa décision. La Cour de
justice perd en outre de vue que le Tribunal de première instance a
effectivement statué sur le maintien en détention pour des motifs de sûreté le
30 janvier 2013. Elle fonde par ailleurs toute son argumentation sur la
distinction qu'il y aurait lieu de faire selon qu'il y a eu ou non détention
préalable. Cette distinction n'est pas pertinente dès lors que la seule
question qui se posait en l'espèce était de savoir dans quel délai la
motivation écrite devait intervenir. Sur ce point, il n'y a pas lieu de
s'écarter des principes développés par la jurisprudence précitée rendue à
propos d'un jugement sur appel ordonnant le placement du condamné en détention
pour des motifs de sûreté (cf. consid. 2.5 supra). L'art. 226 al. 2 CPP est
également applicable à la décision relative à la détention prise par le
tribunal de première instance au moment de son jugement, à savoir à l'issue de
l'audience de première instance (cf. art. 84 al. 1 et 2 CPP).
Dans les causes pénales ne présentant pas de difficulté particulière, le
jugement peut en principe être notifié à l'audience avec motivation écrite tant
sur le fond que sur la détention. Si la motivation écrite concernant la
détention ne peut pas intervenir au moment du prononcé oral du jugement, elle
doit alors être notifiée par une décision séparée dans les plus brefs délais,
conformément au principe de célérité (art. 5 CPP). Il importe en effet que,
dans tous les cas, le condamné puisse prendre connaissance de cette motivation
pour pouvoir exercer ses droits de recours à bon escient et en temps utile (cf.
ATF 138 IV 81 consid. 2.5 p. 85).

2.7 En l'espèce, une motivation écrite suffisante relative au maintien en
détention pour des motifs de sûretés a été notifiée au recourant seulement 9
jours après que le Tribunal de police a statué sur ce point. Il y a donc eu,
durant cette période, une violation des art. 3 al. 2 let. c
BGE 139 IV 179 S. 186
et 226 al. 2 CPP en relation avec l'art. 29 al. 2 Cst., ces dispositions
exigeant qu'une décision écrite sur la détention, au moins sommairement
motivée, soit notifiée dans les plus brefs délais. La présente cause ne
présentait au demeurant aucune difficulté particulière (cf. infra consid. 3 non
publié) et le Tribunal de police avait d'ailleurs déjà examiné récemment la
question de la détention du recourant en se prononçant sur la demande de
libération déposée par ce dernier en décembre 2012.
Le recours doit donc être admis sur ce point. A l'instar de la violation de
certains délais procéduraux, la violation des art. 3 al. 2 let. c et 226 al. 2
CPP en relation avec l'art. 29 al. 2 Cst. peut être réparée par une
constatation de celle-ci, une admission partielle du recours sur ce point et
l'octroi de pleins dépens au recourant (cf. ATF 137 IV 118 consid. 2.2 in fine
p. 121 s. et les références citées).