Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 139 II 65



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Urteilskopf

139 II 65

5. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public dans la cause B. contre
Service de la population et des migrations et Conseil d'Etat du canton du
Valais (recours en matière de droit public)
2C_184/2012 du 15 décembre 2012

Regeste

Art. 33 der Genfer Flüchtlingskonvention; Art. 3 EMRK; Art. 25 Abs. 2 und 3 BV;
Art. 5, 64 Abs. 1 lit. d und Art. 65 AsylG; Art. 62, 63 und 64 AuG;
Koordination der die Anwesenheit in der Schweiz beendenden Verfahren gemäss
AsylG und gemäss AuG.
Die Rechtsprechung betreffend Art. 64 Abs. 1 lit. d AsylG in Verbindung mit
Art. 10 ANAG bleibt unter der Herrschaft des AuG anwendbar. Die kantonalen
Behörden können über die Nichtverlängerung oder den Widerruf
einer von ihnen erteilten Anwesenheitsbewilligung entscheiden und sodann die
Wegweisung verfügen und vollziehen, ohne dass vorgängig das Asyl widerrufen
werden muss (E. 4).
Beabsichtigt die kantonale Behörde, eine Aufenthalts- oder
Niederlassungsbewilligung eines Ausländers, der über Asyl verfügt, nicht zu
verlängern oder zu widerrufen und den Betroffenen in Anwendung von Art. 64 Abs.
1 lit. c AuG wegzuweisen, hat sie allerdings dafür zu sorgen, dass neben den
Voraussetzungen gemäss Art. 62 ff. AuG auch die Erfordernisse nach Art. 65
AsylG beachtet sind (E. 5.1). Anwendungsvoraussetzung von Art. 65 AsylG (E. 5.2
und 5.3). Voraussetzungen für eine Abweichung vom Grundsatz des Non-Refoulement
(E. 5.4).
Anwendung im vorliegenden Fall (E. 6).

Sachverhalt ab Seite 66

BGE 139 II 65 S. 66

A. Le 22 décembre 1998, B., né en 1964, de nationalité turque, a déposé une
demande d'asile. L'Office fédéral des migrations (ci-après: l'Office fédéral),
a refusé d'entrer en matière sur cette demande et prononcé le renvoi de Suisse
du requérant. Pendant la procédure de recours, B. a épousé une citoyenne turque
reconnue comme réfugiée en Suisse. Le 23 août 2000, l'Office fédéral a constaté
que B. ne remplissait pas à titre personnel les conditions pour obtenir le
statut de réfugié, mais, en raison de son mariage, il a reconnu à B. la qualité
de réfugié et lui a octroyé l'asile à titre dérivé.
En 2001, alors qu'il travaillait comme chauffeur de taxi, B. a été impliqué
dans une rixe avec des clients, pour laquelle il a été condamné, le 15
septembre 2003, à trente jours d'emprisonnement avec sursis. A la suite de cet
événement, B. a souffert de troubles psychologiques qui l'ont amené à arrêter
toute activité professionnelle.
BGE 139 II 65 S. 67
S'étant séparé de son épouse, B. s'est installé en Valais à partir du mois
d'août 2002. Le Service valaisan de la population et des migrations (ci-après:
le Service cantonal) lui a délivré une autorisation de séjour, le 6 février
2003, en raison de son statut de réfugié. Le divorce a été prononcé le 14 mai
2003.
Le 6 août 2004, B. a épousé sa cousine A., citoyenne turque née en 1971. Ils
ont eu deux enfants, nés en 2005 et 2006.
Par jugement du 10 septembre 2007, B. a été condamné à trois ans
d'emprisonnement pour lésions corporelles graves, mise en danger de la vie
d'autrui, lésions corporelles simples et rixe, en raison d'une bagarre au
couteau à laquelle il avait pris part en mai 2003, ainsi que pour d'autres
infractions, soit vol, dommages à la propriété, violation grave des règles de
la circulation et ivresse au volant qualifiée. Sur appel, la peine a été
assortie d'un sursis partiel portant sur dix-huit mois.

B. Le 24 août 2009, à la demande du Service cantonal, l'Office fédéral a rendu
un rapport relatif à la conformité au regard du droit public international
d'une éventuelle expulsion administrative de B. vers la Turquie. Le 30 novembre
2009, le Service cantonal a informé les époux A.B. qu'il avait l'intention de
ne pas prolonger leur autorisation de séjour et de prononcer leur renvoi de
Suisse.
Par décision du 18 mars 2010, le Service cantonal a refusé de renouveler
l'autorisation de séjour de B. et prononcé son renvoi de Suisse dès sa sortie
de prison. Les recours successifs interjetés par l'intéressé ont été rejetés le
17 août 2011 par le Conseil d'Etat du canton du Valais et le 20 janvier 2012
par le Tribunal cantonal du canton du Valais (ci-après: le Tribunal cantonal).

C. Par acte du 22 février 2012, B. dépose un recours en matière de droit public
au Tribunal fédéral. Il conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation
de la décision rendue par le Service cantonal et à la prolongation de son
autorisation de séjour. Subsidiairement, il requiert le renvoi de la cause au
Service cantonal pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
Le Tribunal fédéral rejette le recours.
(résumé)

Erwägungen

Extrait des considérants:

4. Le recourant a obtenu l'asile à titre dérivé. Le canton du Valais a décidé
de ne pas renouveler l'autorisation de séjour qu'il lui avait
BGE 139 II 65 S. 68
délivrée et a prononcé son renvoi. Dans un tel contexte, il faut en premier
lieu se demander si un canton peut décider de révoquer ou de ne pas renouveler
un titre de séjour et renvoyer un étranger au bénéfice de l'asile sans que cet
asile n'ait été révoqué au préalable. Si tel ne devait pas être le cas, les
cantons sur le territoire desquels séjournent des étrangers au bénéfice de
l'asile seraient tenus de demander à l'Office fédéral de statuer sur la
révocation de l'asile et d'attendre l'issue de cette procédure avant de retirer
le titre de séjour, étant rappelé que la décision de l'Office fédéral peut
faire l'objet d'un recours au Tribunal administratif fédéral. Cette question
implique de s'interroger sur les liens, souvent complexes, existant entre la
loi du 26 juin 1998 sur l'asile (LAsi; RS 142.31), le droit international et la
loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers (LEtr; RS 142.20).

4.1 La Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (RS
0.142.30; ci-après: la Convention) et la LAsi règlent le statut des réfugiés en
Suisse (art. 1 let. a LAsi; art. 12 ss de la Convention). Tant qu'une personne
bénéficie de l'asile en Suisse, la Convention et la LAsi lui sont applicables.
Aux termes de l'art. 58 LAsi, le statut des réfugiés en Suisse est régi par la
législation applicable aux étrangers, en particulier la LEtr, à moins que ne
priment des dispositions particulières, notamment celles de la LAsi ou celles
de la Convention. Quiconque a obtenu l'asile en Suisse a ainsi droit à une
autorisation de séjour, voire d'établissement, dans le canton où il séjourne
légalement (art. 60 LAsi). L'asile peut cependant être révoqué et la qualité de
réfugié retirée à certaines conditions précisées à l'art. 63 LAsi, en
particulier si le réfugié a porté atteinte à la sécurité intérieure ou
extérieure de la Suisse, s'il les compromet ou s'il a commis des actes
délictueux particulièrement répréhensibles (art. 63 al. 2 LAsi). Enfin, un
réfugié ne peut être expulsé que s'il compromet la sûreté intérieure ou
extérieure de la Suisse ou s'il a porté gravement atteinte à l'ordre public
(art. 65 LAsi).

4.2 L'art. 64 al. 1 let. d LAsi et la jurisprudence y relative permettaient de
régler les liens entre le renvoi de Suisse et la perte de l'asile sous l'empire
de l'art. 10 LSEE (RS 1 113; cf. WALTER KÄLIN, Grundriss des Asylverfahrens,
1990, p. 163; ACHERMANN/HAUSAMMANN, Handbuch des Asylrechts, 2^e éd. 1991, p.
344; MINH SON NGUYEN, Droit public des étrangers, 2003, p. 593 et 626). Selon
l'art. 64 al. 1 let. d LAsi en effet, l'asile en Suisse prend fin par
l'exécution de l'expulsion administrative ou judiciaire. L'art. 43 al. 1 de
l'ordonnance 1 du 11 août 1999 sur
BGE 139 II 65 S. 69
l'asile relative à la procédure (OA 1; RS 142.311) précise à cet égard que
l'extinction de l'asile (au sens de l'art. 64 LAsi) prime sa révocation. Cette
réglementation a pour but d'adapter la situation juridique formelle à la
situation de fait et de faire tomber l'asile ex lege lorsque l'étranger
concerné a quitté la Suisse à la suite d'une expulsion administrative ou
judiciaire prononcée par les autorités cantonales, dans le cadre de laquelle il
appartient aux autorités saisies d'examiner les obstacles à l'exécution
découlant de la réglementation en relation avec le statut de réfugié (cf. ATF
135 II 110 consid. 3.2 p. 116 s.). C'est pourquoi, avant d'exécuter l'expulsion
administrative ou judiciaire d'un étranger au bénéfice de l'asile, l'autorité
cantonale peut - voire doit - demander à l'Office fédéral si, à son avis,
d'éventuels empêchements n'y feraient pas obstacle (cf. art. 43 al. 2 OA 1). Il
en découle que, sous l'empire de l'ancien droit sur les étrangers, les
autorités judiciaires ou administratives compétentes pouvaient prononcer
l'expulsion administrative ou judiciaire d'un étranger au bénéfice de l'asile
sans que cet asile ne doive être révoqué au préalable par l'Office fédéral, dès
lors que l'exécution de ladite mesure y mettait fin en vertu de l'art. 64 al. 1
let. d LAsi (cf. Message du 25 avril 1990 à l'appui d'un arrêté fédéral sur la
procédure d'asile et d'une loi fédérale instituant un Office fédéral des
réfugiés, FF 1990 II 537, spéc. 617; ACHERMANN/HAUSAMMANN, loc. cit.; KÄLIN,
loc. cit.; MINH SON NGUYEN, op. cit., p. 627; ROLAND BERSIER, Droit d'asile et
statut du réfugié en Suisse, 1991, n^os 545 et 604; d'un avis différent WALTER
STÖCKLI, in Ausländerrecht, Uebersax/Rudin/Hugi Yar/Geiser [éd.], 2^e éd. 2009,
n° 11.64 p. 545). Après le prononcé de l'expulsion, les cantons demeuraient en
premier lieu compétents pour l'exécution de la mesure et pour vérifier s'il
n'existait pas des empêchements tirés du droit d'asile, en tous les cas tant
que l'Office fédéral ne retirait pas à l'étranger le statut de réfugié ou
révoquait à son tour l'asile (cf. arrêt 2A.313/2005 du 25 août 2005 consid.
3.3.3 et les références citées).

4.3 Avec l'entrée en vigueur de la LEtr, la situation juridique a changé, dès
lors que cette loi ne connaît plus la mesure de l'expulsion administrative,
mais prévoit à la place le non-renouvellement ou la révocation du titre de
séjour pour les motifs prévus aux art. 62 et 63 LEtr, ce qui entraîne le renvoi
de Suisse en application de l'art. 64 al. 1 let. c LEtr (cf. Message du 8 mars
2002 concernant la loi sur les étrangers, FF 2002 3469, spéc. 3565; ZÜND/
ARQUINT HILL, in Ausländerrecht, Uebersax/Rudin/Hugi Yar/Geiser [éd.], 2^e éd.
2009, n° 8.2
BGE 139 II 65 S. 70
p. 313; THOMAS HÄBERLI, in Basler Kommentar, Bundesgerichtsgesetz, 2^e éd.
2011, Niggli/Uebersax/Wiprächtiger [éd.], n° 101 ad art. 83 LTF;ALAIN
WURZBURGER, in Commentaire de la LTF, Corboz/Wurzburger/Ferrari/Frésard/Aubry
Girardin [éd.], 2009, n° 56 ad art. 83 LTF).Il se trouve que l'art. 64 al. 1
let. d LAsi n'a à ce jour pas été adapté à cette nouvelle configuration
juridique et se réfère toujours à l'expulsion administrative. Il convient donc
de se demander si l'on peut, par analogie, continuer d'appliquer les principes
posés sous l'empire de la LSEE et considérer que les autorités cantonales
peuvent décider de ne pas renouveler ou de révoquer un titre de séjour qu'elles
ont accordé à un étranger au bénéfice de l'asile, puis prononcer et exécuter le
renvoi, sans que l'asile ne doive être révoqué au préalable.

4.4 L'art. 64 al. 1 let. d LAsi a été introduit afin d'éviter une double
procédure, devant l'Office fédéral d'une part, et devant les autorités
cantonales de droit des étrangers d'autre part (cf. supra consid. 4.2; ATF 135
II 110 consid. 3.2 p. 116 s.). Sous l'ancien droit, cette disposition ne
faisait pas de sens si l'Office fédéral avait été seul habilité à prononcer
l'expulsion d'une personne au bénéfice de l'asile, car il n'aurait alors pas
été nécessaire de régler la coordination entre la décision d'expulsion
prononcée par les autorités cantonales en application de la législation sur les
étrangers et la fin de l'asile. Ce raisonnement demeure valable sous l'empire
du nouveau droit des étrangers. Dans la mesure où la LEtr instaure une
procédure comparable à la procédure d'expulsion réglée par la LSEE en prévoyant
le non-renouvellement ou la révocation du titre de séjour suivi du renvoi, rien
ne s'oppose en effet à considérer un tel renvoi comme en principe équivalent à
l'expulsion en ce qui concerne ses conséquences sur l'asile, même si les effets
juridiques d'un renvoi, mesure d'exécution prononcée lorsque l'autorisation de
séjour a pris fin (cf. art. 64 al. 1 LEtr), ne sont pas les mêmes que ceux
d'une expulsion, qui provoquait l'extinction du titre de séjour (cf. art. 9 al.
3 LSEE; arrêt 2C_761/2009 du 18 mai 2009 consid. 7.4.2). Dans la mesure où,
avant d'exécuter le renvoi d'un étranger au bénéfice de l'asile, l'autorité
cantonale peut, voire doit, comme avant d'exécuter l'expulsion administrative
au sens de la LSEE, demander l'avis de l'Office fédéral quant aux éventuels
empêchements qui y feraient obstacle (cf. supra consid. 4.2), les protections
particulières mises en place par la législation internationale et nationale sur
l'asile, en particulier le principe de non-refoulement (cf. art. 5 LAsi et 33
de la Convention), sont prises en compte de façon adéquate.
BGE 139 II 65 S. 71
Il convient de relever en outre que la solution inverse, à savoir que les
autorités cantonales ne pourraient révoquer ou ne pas renouveler le titre de
séjour d'un étranger au bénéfice de l'asile qu'après que l'Office fédéral eût
révoqué d'abord l'asile ou retiré le statut de réfugié compliquerait et
allongerait la procédure. La décision de l'Office fédéral peut en effet faire
l'objet d'un recours au Tribunal administratif fédéral et devrait être suivie
ensuite d'une procédure cantonale de révocation ou de non-renouvellement du
titre de séjour qui pourrait, à son tour, faire l'objet d'un recours au
Tribunal fédéral. Or, les voies de droit sont garanties également avec une
procédure unique menée par les autorités cantonales dès lors que la décision de
révocation ou de non-renouvellement d'une autorisation de séjour ou
d'établissement accordée à une personne au bénéfice de l'asile peut faire
l'objet d'un recours jusqu'au Tribunal fédéral (cf. art. 83 let. c ch. 2 LTF).
La modification de la LAsi adoptée par les deux Chambres lors du vote final du
14 décembre 2012 prévoit par ailleurs, à l'art. 64 al. 1 let. d LAsi, que
l'asile en Suisse prend fin par l'exécution du renvoi ou de l'expulsion, et
précise, à l'art. 65 LAsi, que le renvoi ou l'expulsion d'un réfugié sont régis
par l'art. 64 LEtr en relation avec les art. 63 al. 1 let. b et 68 LEtr (cf.
Message du 26 mai 2010 concernant la modification de la loi sur l'asile, FF
2010 4035, spéc. 4079 et 4114; BO 2011 CE 1128; BO 2012 CN 1122). Ces nouvelles
dispositions sont certes encore sujettes au référendum facultatif, mais on peut
néanmoins en conclure que le législateur entend maintenir le système mis en
place sous l'empire de la LSEE et traiter le renvoi selon l'art. 64 LEtr en
relation avec l'art. 63 al. 1 let. b LEtr comme l'expulsion selon l'art. 10
LSEE, ce qui constitue une raison supplémentaire de suivre cette voie également
sous l'empire du texte actuel des art. 64 al. 1 let. d et 65 LAsi.
Il découle de ce qui précède que les autorités cantonales peuvent décider de ne
pas renouveler ou de révoquer un titre de séjour qu'elles ont accordé à un
étranger au bénéfice de l'asile, puis prononcer et exécuter le renvoi, sans que
l'asile ne doive être révoqué au préalable, étant précisé qu'il s'agit là d'une
possibilité ouverte aux autorités cantonales qui n'enlève rien à la compétence
autonome de l'Office fédéral de révoquer l'asile ou de retirer le statut de
réfugié à un étranger qui n'en remplit plus les conditions.

5. Encore faut-il examiner quelles sont les dispositions - de la LEtr et de la
LAsi - dont l'autorité cantonale qui entend ne pas renouveler
BGE 139 II 65 S. 72
ou révoquer un titre de séjour et prononcer le renvoi d'un étranger au bénéfice
de l'asile doit tenir compte.

5.1 Tous les motifs de révocation ou de non-renouvellement d'un titre de
séjour, et par conséquent de renvoi, ne sont pas équivalents. Selon l'art. 62
LEtr, l'autorité compétente peut révoquer ou ne pas renouveler une autorisation
de séjour notamment si l'étranger a été condamné à une peine privative de
liberté de longue durée (let. b), à savoir d'une durée supérieure à une année
(cf. ATF 135 II 377 consid. 4.2 p. 379 s.), ou s'il attente de manière grave ou
répétée à la sécurité et l'ordre publics en Suisse ou à l'étranger, les met en
danger ou représente une menace pour la sécurité intérieure ou extérieure de la
Suisse (let. c). Les conditions de révocation d'une autorisation pour atteinte
à la sécurité et à l'ordre publics par le détenteur d'une autorisation de
séjour (art. 62 let. c LEtr) sont ainsi moins strictes que celles prévues pour
le détenteur d'une autorisation d'établissement (art. 63 al. 1 let. b LEtr). En
particulier, en ce qui concerne la condition de l'atteinte à la sécurité et
l'ordre publics, l'atteinte doit être "très grave" pour la révocation de
l'autorisation d'établissement alors qu'une atteinte "grave ou répétée" suffit
pour révoquer l'autorisation de séjour (cf. Message, FF 2002 3565; ATF 137 II
297 consid. 3.2 p. 302 s.). En présence d'un étranger qui bénéficie de l'asile,
l'autorité cantonale qui doit statuer sur la révocation ou le
non-renouvellement de l'autorisation de séjour ou d'établissement et prononcer
le renvoi, doit également prendre en considération, lors de son examen, les
aspects liés à l'asile dont bénéficie l'intéressé (cf. STÖCKLI, op. cit., n°
11.64 p. 544; KÄLIN, loc. cit.; ACHERMANN/HAUSAMMANN, loc. cit.). Ainsi, en
vertu de l'art. 65 LAsi et de l'art. 32 ch. 1 de la Convention, un réfugié ne
peut être expulsé que s'il compromet la sûreté intérieure ou extérieure de la
Suisse ou s'il a porté gravement atteinte à l'ordre public. La possibilité de
renvoyer un réfugié est ainsi restreinte par le droit d'asile (cf. ATF 135 II
110 consid. 3.2.1 p. 113 et les références citées).
En résumé, l'autorité cantonale qui entend ne pas renouveler ou révoquer une
autorisation de séjour ou d'établissement d'un étranger au bénéfice de l'asile
et prononcer le renvoi de l'intéressé en application de l'art. 64 al. 1 let. c
LEtr, doit veiller à ce que, outre le respect des conditions des art. 62 ss
LEtr, les exigences de l'art. 65 LAsi soient respectées, ce qui suppose que
l'étranger en question compromette la sûreté intérieure ou extérieure de la
Suisse ou qu'il ait porté gravement atteinte à l'ordre public.
BGE 139 II 65 S. 73

5.2 L'ordre public est gravement violé au sens du droit d'asile si les
fondements de la vie en société sont menacés (cf. arrêt 6S.444/2006 du 1^er
décembre 2006 consid. 2.1). Le Tribunal fédéral a admis qu'il y avait une
atteinte grave à l'ordre public au sens de l'art. 65 LAsi dans le cas d'un viol
(cf. arrêt 2A.139/1994 du 1^er juillet 1994 consid. 3a), d'une infraction grave
à la LStup (RS 812.121), liée à d'autres infractions (cf. arrêts 2C_833/2011 du
6 juin 2012 consid. 3.1; 2A.88/1995 du 25 août 1995 consid. 3), d'un incendie
avec un cocktail Molotov (cf. ATF 123 IV 107 consid. 2 p. 110), d'une tentative
de meurtre (cf. arrêt 2A.313/2005 du 25 août 2005 consid. 3.1.2), ainsi qu'en
cas de vols et de brigandages en bande et par métier (cf. arrêts 2A.51/2006 du
8 mai 2006 consid. 4.3.2; 6P.138/2002 du 7 février 2003 consid. 3.3). Les
conditions de la révocation de l'asile de l'art. 63 al. 2 LAsi sont au
demeurant comparables aux conditions posées pour ordonner l'expulsion d'un
réfugié en application de l'art. 65 LAsi (cf. ATF 135 II 110 consid. 3.1 p.
116).

5.3 L'expulsion selon l'art. 65 LAsi ne peut être prononcée que si elle s'avère
proportionnée à l'ensemble des circonstances (cf. ATF 135 II 110 consid. 4.2 p.
118 s.). La question du caractère tolérable (Zumutbarkeit) de l'exécution du
renvoi d'un réfugié se recoupe dans ce contexte avec la pesée des intérêts à
laquelle l'autorité doit procéder en application de l'art. 96 al. 1 LEtr (cf.
arrêt 2C_833/2011 du 6 juin 2012 consid. 2.2). Il convient donc de prendre en
considération, dans la pesée des intérêts publics et privés en présence, la
gravité de la faute commise, le degré d'intégration respectivement la durée du
séjour effectué en Suisse et le préjudice que l'intéressé et sa famille
auraient à subir en raison de la mesure (cf. ATF 135 II 377 consid. 4.3 p. 381
s.; ATF 135 II 110 consid. 4.2 p. 118 s.).

5.4 L'exécution du renvoi ne doit par ailleurs pas contrevenir aux art. 25 al.
2 Cst., 5 al. 1 LAsi - auquel renvoie du reste l'art. 65 LAsi - et 33 al. 1 de
la Convention (principe de non-refoulement), 3 CEDH et 25 al. 3 Cst.
(interdiction de la torture), ainsi que 83 al. 3 LEtr (cf. arrêts 2C_833/2011
du 6 juin 2012 consid. 3.4; 2A.51/2006 du 8 mai 2006 consid. 5.2.1).
L'art. 83 al. 3 LEtr prévoit que l'exécution du renvoi n'est pas licite lorsque
le renvoi de l'étranger dans son Etat d'origine, dans son Etat de provenance ou
dans un Etat tiers est contraire aux engagements de la Suisse relevant du droit
international. L'art. 5 al. 1 LAsi et l'art. 33 al. 1 de la Convention
retiennent que nul ne peut être contraint, de quelque manière que ce soit, à se
rendre dans un pays où sa vie, son
BGE 139 II 65 S. 74
intégrité corporelle ou sa liberté seraient menacées en raison de sa race, de
sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social
déterminé ou de ses opinions politiques. Selon l'art. 5 al. 2 LAsi, qui
correspond à l'art. 33 al. 2 de la Convention, l'interdiction du refoulement ne
peut cependant être invoquée lorsqu'il y a de sérieuses raisons d'admettre que
la personne qui l'invoque compromet la sûreté de la Suisse ou que, ayant été
condamnée par un jugement passé en force à la suite d'un crime ou d'un délit
particulièrement grave, elle doit être considérée comme dangereuse pour la
communauté. Seul un crime particulièrement grave autorise à passer outre le
principe de non-refoulement. Une exception à ce principe ne se justifie en
effet que lorsque l'auteur constitue un danger pour le public de l'Etat de
refuge. Ce danger ne peut pas être admis sur la seule base de la condamnation
pour des crimes particulièrement graves; l'étranger doit encore présenter un
risque de récidive concret, un risque uniquement abstrait ne suffisant pas (cf.
ATF 135 II 110 consid. 2.2.2 p. 114 et consid. 4.3.2 p. 120; arrêts 2A.139/1994
du 1^er juillet 1994 consid. 6; 2A.51/2006 du 8 mai 2006 consid. 5.2).
Aux termes de l'art. 25 al. 2 Cst., les réfugiés ne peuvent par ailleurs être
refoulés sur le territoire d'un Etat dans lequel ils sont persécutés ni remis
aux autorités d'un tel Etat. Enfin, les art. 3 CEDH et 25 al. 3 Cst.
interdisent le refoulement d'une personne sur le territoire d'un Etat dans
lequel il risque la torture ou tout autre traitement ou peine cruels et
inhumains. Comme en matière d'extradition ou de transfèrement, on examinera
dans un premier temps, la situation générale des droits de l'homme dans l'Etat
concerné. Puis on regardera si la personne en cause, compte tenu des
circonstances concrètes de sa situation personnelle, court le risque d'un
traitement contraire aux droits de l'homme. Dans ce contexte, son appartenance
éventuelle à un groupe particulièrement menacé dans l'Etat requérant joue un
rôle important (cf. ATF 134 IV 156 consid. 6.8 p. 170).

6. Le recourant a fait l'objet d'une décision de non-renouvellement de son
autorisation de séjour ainsi que d'une décision de renvoi. En application des
principes précités, il convient d'examiner si la décision attaquée respecte non
seulement les conditions d'application des art. 62 et 64 al. 1 let. c LEtr,
mais également les exigences des art. 3 CEDH, 25 al. 2 et 3 Cst., 65 et 5 al. 2
LAsi, ainsi que 33 al. 3 de la Convention.

6.1 Le Tribunal cantonal a procédé à l'examen du non-renouvellement de
l'autorisation de séjour et du renvoi, mais a omis d'analyser
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la cause sous l'angle du droit d'asile. Dans la mesure où il s'agit d'une
question de droit fédéral et que les faits retenus conduisent à admettre que
les conditions des art. 65 et 5 al. 2 LAsi, ainsi que 33 al. 3 de la
Convention, sont remplies, cette omission ne saurait cependant porter à
conséquence.

6.2 Le recourant, qui avait déjà été impliqué dans une rixe en 2001 et condamné
pour cette raison à trente jours d'emprisonnement, a été condamné en 2007 à
trois ans d'emprisonnement pour lésions corporelles graves, mise en danger de
la vie d'autrui, lésions corporelles simples et rixe, en raison d'une bagarre
au couteau à laquelle il avait pris part en mai 2003, ainsi que pour d'autres
infractions, en particulier violation grave des règles de la circulation et
ivresse au volant qualifiée. Les conditions de l'art. 62 let. b LEtr sont ainsi
à l'évidence remplies.
Le recourant a ainsi récidivé et ses actes portent toujours atteinte à des
biens juridiques dont la protection revêt une grande importance, en particulier
la vie et l'intégrité corporelle. Il découle de l'ensemble de ces éléments
qu'il a porté gravement atteinte à l'ordre public en Suisse et qu'il réalise
donc également les conditions d'application de l'art. 65 LAsi.

6.3 En ce qui concerne la proportionnalité de la mesure prononcée, le Tribunal
cantonal a relevé que le recourant avait été condamné à une peine privative de
liberté de trois ans et que les faits que sanctionnait le jugement pénal
étaient objectivement graves, le recourant ayant été l'un des protagonistes
principaux d'une violente rixe à l'arme blanche. Sous l'angle de la durée du
séjour et de l'intégration, l'instance précédente a relevé que le recourant
totalisait certes plus de vingt ans de présence en Suisse, mais que cette durée
devait être relativisée dès lors qu'elle avait été interrompue à plusieurs
reprises par des séjours en Turquie. Le recourant ayant été durant près de neuf
ans sans emploi et la dette sociale de la famille dépassant fr. 177'000.- en
septembre 2009, les juges cantonaux ont retenu que son intégration économique
et sociale n'apparaissait pas particulièrement forte, malgré le développement
récent d'une activité lucrative et les bonnes connaissance de français dont il
faisait preuve. L'instance précédente a également relevé que le recourant avait
vécu en Turquie jusqu'à l'âge de 22 ans, puis de 30 à 34 ans et que la femme
qu'il avait épousée en 2004 avait vécu jusqu'alors en Turquie, ce qui devrait
faciliter leur réinsertion dans ce pays, avec leurs deux jeunes enfants qui
viennent
BGE 139 II 65 S. 76
de commencer leur scolarité. Enfin, selon le rapport de l'Office fédéral
sollicité par le Service cantonal, le retour du recourant en Turquie ne
contrevient pas aux règles du droit international. Compte tenu de l'ensemble de
ces éléments, les juges cantonaux ont considéré que la révocation de
l'autorisation de séjour et le renvoi du recourant respectaient le principe de
proportionnalité.
L'analyse à laquelle le Tribunal cantonal a procédé doit être qualifiée
d'approfondie et adéquate. En effet, la condamnation à une lourde peine subie
par le recourant, l'importance du bien juridique mis en danger - la vie et
l'intégrité corporelle - et le défaut d'intégration économique durable du
recourant et de son épouse en Suisse, font apparaître l'intérêt public à
l'éloignement du recourant comme prépondérant par rapport à son intérêt privé à
rester en Suisse. Le non-renouvellement de l'autorisation de séjour et le
renvoi du recourant sont donc proportionnés.

6.4 Encore faut-il que l'exécution du renvoi ne contrevienne pas au principe de
non-refoulement des art. 25 al. 2 Cst., 5 LAsi et 33 al. 2 de la Convention, ni
à l'interdiction de la torture des art. 3 CEDH et 25 al. 3 Cst.
Après avoir relevé que les faits que sanctionnait le jugement pénal étaient
objectivement graves, les juges cantonaux ont ajouté qu'il ne s'agissait pas
d'un événement isolé. Le recourant avait commis d'autres infractions et avait,
par le passé, eu affaire à la justice suisse pour le même genre d'infractions,
à savoir une rixe et l'ivresse au volant. Selon les constatations de l'arrêt
attaqué, le recourant souffre d'une affection psychique et a tendance à
minimiser la gravité des faits pour lesquels il a été condamné. Au vu de ces
éléments, il faut admettre qu'on est en présence d'un risque concret de
récidive. En effet, malgré le mariage du recourant en 2004 et la naissance de
ses deux enfants en 2005 et 2006, il a récidivé, portant une atteinte plus
grave aux mêmes biens protégés, et les risques de violence demeurent présents,
comme cela ressort des entretiens d'évaluation du recourant menés durant sa
détention (cf. art. 105 al. 2 LTF).
Le recourant affirme qu'en raison de son appartenance ethnique et de ses
opinions politiques, il serait recherché par les autorités turques et se serait
vu retirer la nationalité turque. Il s'agit là de faits qui n'ont pas été
retenus par le Tribunal cantonal et le recourant ne prétend ni ne démontre que
cette instance aurait fait preuve d'arbitraire dans l'établissement des faits.
Il n'indique en particulier pas d'éléments de preuve
BGE 139 II 65 S. 77
produits en procédure cantonale dont l'instance précédente aurait omis de tenir
compte. Dans ces conditions, force est de constater que le Tribunal cantonal
n'a pas constaté les faits de façon manifestement inexacte ou arbitraire. La
Cour de céans ne saurait par conséquent tenir compte des affirmations, non
étayées, du recourant sur ce point.
Enfin, selon le rapport de l'Office fédéral du 24 août 2009, qui se réfère à la
décision du 23 août 2003 lui octroyant l'asile, les allégations du recourant
relatives à des préjudices subis ou à craindre en Turquie ont été considérées
comme invraisemblables. Force est donc de conclure à l'absence de risques liés
au retour de la famille en Turquie. La situation en matière de violation des
droits de l'homme s'est en outre sensiblement améliorée depuis quelques années
dans ce pays (cf. arrêts 2C_87/2007 du 18 juin 2007 consid. 4.2.3; 2C_833/2011
du 6 juin 2012 consid. 3.4). Le recourant se contente enfin d'allégations
générales sans démontrer qu'il courrait un risque concret de torture ou de
traitement inhumain en cas de retour en Turquie, ce qui n'est pas suffisant
(cf. arrêts 2C_87/2007 du 18 juin 2007 consid. 4.2.3; 2D_3/2012 du 2 août 2012
consid. 4.3).
Au vu de ce qui précède, il faut admettre, en application des art. 5 al. 2 LAsi
et 33 al. 2 de la Convention, que le recourant ne saurait invoquer le principe
de non-refoulement pour s'opposer à son renvoi en Turquie, renvoi dont
l'exécution mettra fin à l'asile en application de l'art. 64 al. 1 let. d LAsi.