Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 139 II 346



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Urteilskopf

139 II 346

25. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public dans la cause X. Inc.
contre Administration fédérale des contributions, Division principale de la
taxe sur la valeur ajoutée (recours en matière de droit public)
2C_1100/2012 du 20 mai 2013

Art. 8, 10 und 45 MWSTG 2009; Ort der Dienstleistung; Mehrwertsteuerpflicht
einer ausländischen Gesellschaft, welche auf Begegnungs-Websites via Internet
Dienstleistungen erbringt.
Bestimmung des Orts von Dienstleistungen (Art. 8 Abs. 1 MWSTG): Grundregel
Empfängerortsprinzip (E. 6.3.1); Ausnahme des Erbringerortsprinzips für
Dienstleistungen, die typischerweise unmittelbar gegenüber physisch anwesenden
Personen erbracht werden (Art. 8 Abs. 2 lit. a MWSTG; E. 6.3.2 und 6.3.3).
Keine Anwendung von Art. 8 Abs. 2 lit. a MWSTG auf Dienstleistungen, die
ausschliesslich auf Begegnungs-Websites, und ohne dass eine physische Begegnung
organisiert wird, angeboten werden (E. 6.3.4-6.4).
Grundsatz der Steuerpflicht für Umsätze im Inland (Art. 10 Abs. 1 MWSTG),
Ausnahme für Leistungen von Unternehmen mit Sitz im Ausland und Gegenausnahme
für "elektronische Dienstleistungen" (Art. 10 Abs. 2 lit. b MWSTG; E. 7.1 und
7.2). Auslegung und Definition des letztgenannten Begriffs namentlich unter dem
Gesichtswinkel des EU-Rechts (E. 7.3.1-7.3.5). Anwendung im konkreten Fall (E.
7.4 und 7.5).

Sachverhalt ab Seite 347

BGE 139 II 346 S. 347

A. La société X. Inc. (ci-après: la Société), dont le siège se trouve en
Floride, Etats-Unis d'Amérique, exploite différents sites de rencontres sur
internet.
La majorité de ces sites permettent à leurs utilisateurs de se retrouver par
pays ou par langue, ainsi que par centres d'intérêt (religion ou autres
critères établis au moyen de questionnaires); quelques sites visent à établir
des relations à caractère sexuel. Les rencontres ont lieu de manière virtuelle,
les participants étant libres de se fixer rendez-vous par la suite. Les sites
de la Société offrent plusieurs services à leurs utilisateurs, tels que la
création de profils, l'inscription dans des répertoires et l'accès à des
informations relatives à d'autres utilisateurs, la visite de boutiques en ligne
ainsi que divers moyens de communiquer (forums de discussion, messagerie
instantanée, webcam, blogs, "magazines"). Les sites prévoient plusieurs niveaux
de participation, permettant d'accéder à des informations plus ou moins
détaillées sur les autres utilisateurs. Le montant payé par les internautes
dépend de la catégorie de membres à laquelle ils appartiennent, l'accès "de
base" étant apparemment gratuit.
BGE 139 II 346 S. 348
La Société semble disposer d'un service de contrôle occupant 350 personnes,
dont certaines se trouveraient chez des sous-traitants, et ayant pour tâche de
vérifier les profils d'utilisateur créés ou modifiés pour en écarter les
éléments inappropriés.

B. Le 29 janvier 2010, la Société a remis à l'Administration fédérale des
contributions (ci-après: l'Administration fédérale) un questionnaire pour la
détermination de l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après:
la TVA), indiquant que son activité avait débuté le 1^er janvier 2010 et
qu'elle s'attendait à un chiffre d'affaires provenant de prestations de
services fournies sur le territoire suisse durant les douze premiers mois de
3'960'000 fr. Le 8 février 2010, l'Administration fédérale a notamment invité
la Société à désigner un représentant fiscal en Suisse et à fournir une
caution, l'assujettissant implicitement à la TVA. A la demande de la Société,
l'Administration fédérale a, par décision du 4 janvier 2011, confirmé
l'immatriculation de celle-ci au registre des assujettis à la TVA avec effet au
1^er janvier 2010, et a exigé la nomination d'un représentant fiscal en Suisse
ainsi que la fourniture de sûretés à hauteur de 230'000 fr.
La Société ayant formé une contestation, l'Administration fédérale a confirmé,
par décision sur réclamation du 2 mai 2011, sa décision du 4 janvier 2011. Par
arrêt du 2 octobre 2012, le Tribunal administratif fédéral a rejeté le recours
formé par la Société à l'encontre de la décision du 2 mai 2011.

C. Contre l'arrêt du 2 octobre 2012, la Société forme un recours en matière de
droit public au Tribunal fédéral. Elle conclut, sous suite de frais et dépens,
à l'annulation de l'arrêt précité et à ce qu'il soit dit qu'elle n'est pas
assujettie à la TVA, ne doit pas fournir de sûretés pour garantir les montants
de la TVA ni ne doit nommer un représentant fiscal en Suisse. (...)
Le Tribunal fédéral rejette le recours.
(extrait)

Erwägungen

Extrait des considérants:

6.

6.1 Le lieu où la Société est réputée offrir ses prestations représente un
critère essentiel en vue d'évaluer son assujettissement potentiel à la TVA
suisse. En matière de services, les critères de rattachement sont prévus à l'
art. 8 LTVA (RS 641.20), qui dispose:
BGE 139 II 346 S. 349
^1 Sous réserve de l'al. 2, le lieu de la prestation de services est le lieu où
le destinataire a le siège de son activité économique ou l'établissement stable
pour lequel la prestation de services est fournie ou, à défaut d'un tel siège
ou d'un tel établissement, le lieu où il a son domicile ou le lieu où il
séjourne habituellement.
^2 Le lieu des prestations de services suivantes est: a. pour les prestations
de services qui sont d'ordinaire fournies directement à des personnes physiques
présentes, même si elles sont exceptionnellement fournies à distance: le lieu
où le prestataire a le siège de son activité économique ou un établissement
stable ou, à défaut, le lieu où il a son domicile ou à partir duquel il exerce
son activité; font notamment partie de ces prestations de services: les
traitements et thérapies, les soins de santé, les soins corporels, le conseil
conjugal, familial et personnel, l'assistance sociale, l'aide sociale ou la
protection de l'enfance et de la jeunesse (...).

6.2 Contrairement aux précédents juges dont elle critique l'interprétation
prétendument trop restrictive, la recourante estime qu'en facilitant la
rencontre de personnes physiques dans le monde réel, les prestations fournies
par ses sites de rencontres devraient être qualifiées de prestations de
services qui sont d'ordinaire prodiguées directement à des personnes physiques
présentes. A ce titre, la recourante compare son activité aux prestations
offertes par une agence de rencontres. En conséquence, le lieu de la prestation
de services serait non pas celui du destinataire situé en Suisse, mais celui du
siège de l'activité économique de la Société à l'étranger. Il convient partant
de vérifier si, comme le prétend la recourante, l'exploitation de sites de
rencontres sur internet tombe sous le coup du régime d'exception prévu par
l'art. 8 al. 2 let. a précité ou si, tel que l'ont retenu les précédents juges,
ladite activité relève de la clause générale de l'art. 8 al. 1 LTVA.

6.3

6.3.1 Selon la systématique de l'art. 8 LTVA, son al. 2 let. a (les autres
lettres n'entrant pas en ligne de compte ici) déroge au principe général, prévu
à l'al. 1, du lieu du destinataire ("Empfängerortsprinzip"; cf. FELIX GEIGER,
in MWSTG Kommentar, 2012, n^os 2 et 7 ad art. 8 LTVA p. 68 s.) au profit du
critère du lieu du prestataire ("Erbringerortsprinzip"). Cette nouvelle
réglementation constitue un changement de paradigmes par rapport à l'ancien
droit, dans la mesure où l'art. 14 aLTVA avait érigé en principe le critère du
lieu du prestataire des services et celui du lieu du destinataire en tant
qu'exception (Message du 25 juin 2008 sur la simplification de la TVA, FF 2008
6277 6333 s. ad art. 8; ALOIS CAMENZIND ET AL., Handbuch
BGE 139 II 346 S. 350
zum Mehrwertsteuergesetz [MWSTG], 3^e éd. 2012, p. 136 n. 259 et p. 142 ss;
GEIGER, op. cit., n° 28 ad art. 8 LTVA p. 75 s.; MOLLARD/OBERSON/TISSOT
BENEDETTO, Traité TVA, 2009, n° 34 ad art. 8 LTVA p. 1091). Il sied encore de
dégager le sens de cette nouvelle clause dérogatoire figurant à l'art. 8 al. 2
let. a LTVA.

6.3.2 L'art. 8 al. 2 let. a LTVA vise, d'une part, les prestations de services
qui ne peuvent être fournies sans la présence physique du destinataire (par
exemple, une coupe de cheveux effectuée par un coiffeur) et, d'autre part,
celles qui exigent, en principe, la présence du destinataire, même lorsqu'elles
ne sont pas, dans un cas particulier, fournies sur place, par exemple la visite
occasionnelle d'un médecin, agissant habituellement dans ses locaux, au
domicile du patient (cf. FF 2008 6277, 6334 s.). L'expression "d'ordinaire"
("typischerweise"; "di norma") implique un traitement schématique des diverses
situations de fait, de manière à ce que, pour des motifs liés à la sécurité
juridique et à la clarté, les prestations de services de même teneur soient
imposées au même endroit (cf. FF 2008 6277, 6334 s.). L'énumération des
services figurant à l'art. 8 al. 2 let. a in fine LTVA, qui n'est pas
exhaustive ("notamment"; FF 2008 6277, 6335; Info TVA 06 du 27 août 2010, Lieu
de la fourniture de la prestation, partie III ch. 2.2 p. 48), contient de
telles illustrations générales. De par le schématisme voulu par le législateur,
ces dérogations expresses à la règle du lieu du destinataire des prestations de
services ne doivent pas d'emblée s'interpréter restrictivement, mais en
fonction des raisons qui se trouvent à l'origine de leur consécration dans la
loi (cf. MOLLARD/OBERSON/TISSOT BENEDETTO, op. cit., n° 37 ad art. 8 LTVA p.
1092; ALOIS CAMENZIND, Der Ort von Dienstleistungen im Mehrwertsteuergesetz
2010, Archives 78 p. 714 ss, 726).

6.3.3 Il est admis (consid. 6.3.2 supra) que les prestations de services
énoncées par l'art. 8 al. 2 let. a LTVA puissent être de facto fournies en un
autre lieu qu'à l'endroit auquel le prestataire accomplit d'ordinaire son
activité économique (déplacement du fournisseur au domicile du destinataire),
voire à distance, en l'absence du destinataire (prestations par téléphone,
internet, etc.). Toutefois, il ressort des termes légaux employés
("d'ordinaire"; "exceptionnellement"; "personnes physiques présentes") que
cette entorse doit, dans l'activité considérée, demeurer l'exception ou, à tout
le moins, rester accessoire par rapport à la manière habituelle dont les
prestations
BGE 139 II 346 S. 351
de services sont délivrées, à savoir en la présence physique du destinataire et
du fournisseur. Partant, des prestations de services qui seraient uniquement ou
de façon prépondérante fournies à distance ou hors du siège de l'activité
économique ou de l'établissement stable du prestataire, ne sauraient, à peine
d'inverser la systématique propre à l'art. 8 al. 2 let. a LTVA, être
considérées en tant que "prestations de services qui sont d'ordinaire fournies
directement à des personnes physiques présentes" (cf., dans ce sens, GEIGER,
op. cit., n° 29 ad art. 8 LTVA p. 76). En d'autres termes, lorsqu'un type
d'activité est, par nature et de façon prépondérante, accompli à distance (par
exemple, la télémédecine), il ne peut être qualifié de "prestations de services
qui sont d'ordinaire fournies directement à des personnes physiques présentes"
(par exemple, la consultation au cabinet du médecin de famille), quand bien
même le contenu de ces deux activités présenterait des similitudes marquées. En
effet, l'entrée ou non d'une activité dans le champ d'application de l'art. 8
al. 2 let. a LTVA dépend du mode de fourniture habituel des prestations (entre
personnes présentes ou à distance) et non pas de leur contenu.
Contrairement à ce qu'affirme la recourante, le schématisme applicable à cette
disposition ou l'interdiction d'appréhender d'emblée de façon restrictive les
exceptions que celle-ci prévoit ne remettent pas en cause cette interprétation.
Comme il a été vu, l'application de l'art. 8 al. 2 let. a LTVA est en effet
subordonnée à la condition que la prestation de services considérée soit
ordinairement fournie à des personnes physiques présentes, ce qui n'est à
l'évidence pas le cas s'agissant d'un service qui serait, de par sa nature, en
principe délivré à distance. Par ailleurs, opter pour une interprétation
différente irait à l'encontre du texte de la loi et de la volonté du
législateur fédéral de mieux maîtriser, en faisant coïncider le lieu de la
prestation avec celui de sa consommation, l'augmentation des prestations de
services immatérielles offertes à distance et d'éviter les cas de distorsion de
la concurrence découlant d'une double ou non-imposition de ces dernières (cf.
arrêt 2C_717/2010 du 21 avril 2011 consid. 6.5; CAMENZIND, op. cit., p. 713 s.;
JANSEN/ROBINSON, Mehrwertsteuer im Onlinehandel aus Sicht des Bestimmungslandes
in der EU, in Geschäftsplattform Internet III, Weber/Hilty/Auf der Maur
[éd.],2002, p. 261 ss, 270; WERNER A. RÄBER, Die Mehrwertsteuer auf
Telecom-Leistungen im grenzüberschreitenden Verhältnis, TREX 1998 p. 105;
CHRISTINA RINNE, Die neuen Regeln über den Ort der Dienstleistung in der EU,
TREX 2008 p. 276; REGINE SCHLUCKEBIER,
BGE 139 II 346 S. 352
Union européenne: nouveaux principes d'imposition des prestations de services
dès le 1^er janvier 2010, TREX 2009 p. 216 ss, 221; MANUEL R. V. VOGEL,
Grenzüberschreitender Dienstleistungs- und Warenverkehr im Lichte der
Mehrwertsteuer, 2003, p. 297; voir aussi Directive 2008/8/CE du Conseil du 12
février 2008 modifiant la Directive 2006/112/CE en ce qui concerne le lieu des
prestations de services, JO L 44 du 20 février 2008 p. 11).

6.3.4 En l'espèce, et tels qu'ils sont décrits dans l'arrêt entrepris, les
services proposés sur les sites de rencontres exploités par la recourante le
sont exclusivement via internet. Pour qu'un utilisateur puisse bénéficier d'un
service particulier, aucune rencontre physique entre ce dernier et un
représentant du fournisseur n'est au demeurant requise ni envisagée. En outre,
la question de savoir si, comme le prétend la recourante, les services en cause
sont, de par leur contenu, susceptibles de présenter des similitudes avec les
services fournis par un conseil conjugal, voire une agence de rencontres hors
internet, souffre de rester ouverte, dès lors que les prestations offertes sur
les sites de la Société ne sont, par définition, pas fournies à des personnes
physiques présentes, au sens de l'art. 8 al. 2 let. a LTVA, puisqu'ils ont
toujours lieu à distance, au moyen de l'internet. N'est en outre pas
pertinente, dans la mesure où la disposition précitée s'intéresse aux rapports
directs entre le fournisseur et le destinataire de la prestation de services et
non à ceux entre les consommateurs, la question de savoir si les sites
exploités par la Société sont ou non principalement axés sur une rencontre des
utilisateurs dans le monde non virtuel. Il s'ensuit qu'on ne saurait qualifier
ce genre de prestations fournies uniquement à distance de services qui sont
d'ordinaire fournis directement à des personnes physiques présentes.

6.3.5 La jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne (arrêt du 3
septembre C-37/08 2009 RCI Europe contre Commissioners for Her Majesty's
Revenue and Customs, Rec. 2009 I-7533 ss) que cite la recourante aux fins
d'inviter le Tribunal fédéral à définir les services offerts via internet non
pas en fonction de leur moyen de diffusion, mais sur la base de la prestation
sous-jacente, en l'occurrence - selon la recourante - la mise en contact de
personnes en vue de rencontres réelles, ne modifie pas l'interprétation
juridique susvisée. L'arrêt en cause impliquait en effet des services
consistant à favoriser l'échange de droits sur des biens immobiliers, que des
dispositions spéciales localisent par défaut au lieu de
BGE 139 II 346 S. 353
situation desdits immeubles (l'arrêt concernait l'art. 9 par. 2 let. a de la
Sixième Directive 77/388/CEE du Conseil des Communautés européennes du 17 mai
1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives
aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur
ajoutée: assiette uniforme, repris à l'art. 45 de la Directive 2006/112/CE du
28 novembre 2006, lui-même refondu à l'art. 47 de la version consolidée
consultable sur le site http://europa.eu/legislation_summaries/taxation/I31057_
fr.htm; cf. aussi art. 8 al. 2 let. f LTVA). A défaut de dispositions spéciales
similaires s'agissant de sites de rencontres, aucun parallèle ne peut donc être
tiré de cet arrêt.

6.4 Compte tenu des éléments qui précèdent, les prestations de services que la
recourante offre via ses divers sites de rencontres sur internet ne tombent pas
dans le champ de l'art. 8 al. 2 let. a LTVA. Par conséquent, la clause générale
instaurée à l'al. 1 de cette disposition trouve à s'appliquer. Il en découle
que les services considérés sont réputés situés au lieu de leurs destinataires,
c'est-à-dire en Suisse.

7. Tel que l'a mentionné à raison le Tribunal administratif fédéral, le simple
fait de fournir des prestations de services en Suisse ne suffit pas en soi à
engendrer l'obligation de s'assujettir. Il faut donc de surcroît se reporter
aux règles sur l'assujettissement qui sont énoncées à l'art. 10 LTVA.

7.1 Selon le principe général figurant à l'art. 10 al. 1 LTVA, est assujetti à
l'impôt quiconque exploite une entreprise (...), à moins d'en être libéré en
vertu de l'al. 2 de cette disposition. En vertu de la clause d'exception prévue
à l'art. 10 al. 2 let. b in initio LTVA, est libéré de l'assujettissement visé
à l'al. 1 quiconque exploite une entreprise ayant son siège à l'étranger
lorsqu'il fournit exclusivement, sur le territoire suisse, des prestations
soumises à l'impôt sur les acquisitions (art. 45 à 49 LTVA). Tel est en
principe le cas des prestations de services d'entreprises qui ont leur siège à
l'étranger et ne sont pas inscrites au registre des assujettis, si le lieu de
la prestation se trouve sur le territoire suisse au sens de l'art. 8 al. 1 LTVA
(art. 45 al. 1 let. a LTVA); dans une telle hypothèse, l'assujetti à l'impôt
n'est pas le fournisseur mais, à certaines conditions, le destinataire se
trouvant en Suisse (art. 45 al. 2 LTVA; cf. aussi, sous l'empire de l'ancien
art. 18 OTVA de 1994, arrêt 2A.400/2001 du 9 avril 2002 consid. 2.3 s., in RDAF
2002 II p. 347).
BGE 139 II 346 S. 354

7.2 A l'art. 10 al. 2 let. b in fine LTVA, le législateur a néanmoins introduit
une contre-exception pour ce qui est des "services en matière d'informatique ou
de télécommunications". A ce titre, celui qui exploite une entreprise ayant son
siège à l'étranger et fournit sur le territoire suisse de telles prestations de
services demeure assujetti à l'impôt grevant les opérations réalisées sur le
territoire suisse. Bien que le Message du Conseil fédéral ne dise mot à ce
sujet (cf. FF 2008 6277, 6376 ad art. 44), l'insertion des prestations en
matière d'informatique aux côtés des prestations de services en matière de
télécommunications peut néanmoins, en s'inspirant des motifs à la base de l'
art. 25 al. 1 let. c aLTVA (cf. DENNER/RONCHI, Steuern und E-Commerce, in
Internet-Recht und Electronic Commerce Law, Arter/Jörg [éd.], 2001, p. 289 ss,
319; cf. aussi XAVIER OBERSON, Commerce électronique et TVA, in Internet 2003,
Alan Ragueneau[éd.], 2004, p. 133 ss, 144 s.), en éclairer la ratio legis.
Celle-ciconsiste à éviter une distorsion de concurrence entre opérateurs
suisses et étrangers. En effet, nombre de prestations en matière d'informatique
s'adressent, par nature, majoritairement voire exclusivement aux personnes
physiques. Or, ces dernières ne sont pour la plupart pas assujetties à l'impôt
et, au demeurant, rarement enclines ou en mesure d'acquérir, durant une année
civile, pour plus de 10'000 fr. de prestations (art. 45 al. 2 let. b LTVA), de
sorte qu'en définitive, aucun impôt ne pourrait être prélevé par la
Confédération (cf. RÄBER, op. cit., p. 112; ROGER M. CADOSCH,
Besteuerungsprobleme beim Electronic Commerce, 2001, p. 238 ss; MICHAELA MERZ,
in Mwst.com, Clavadetscher/Glauser/Schafroth [éd.], 2000, n^os 14 ss ad art. 25
LTVA p. 493 s.).

7.3 En l'espèce, la Société exploite ses sites de rencontres depuis l'étranger.
Toutes les prestations de services qu'elle offre sont réputées fournies au lieu
du destinataire, au sens de l'art. 8 al. 1 LTVA. Il s'ensuit qu'à moins de
tomber sous le coup de la contre-exception figurant à l'art. 10 al. 2 let. b in
fine LTVA, lesdites prestations sont a priori soumises à l'impôt sur les
acquisitions, qui frappe en principe le seul destinataire (cf. art. 10 al. 2
let. b in initio cum art. 45 LTVA). Il sied partant de vérifier si, tel qu'elle
le soutient, la recourante peut se prévaloir de l'exception prévue à l'art. 10
al. 2 let. b in initio LTVA ou si, tel que l'a retenu l'arrêt querellé, la
contre-exception relative aux "services en matière d'informatique ou de
télécommunications" (art. 10 al. 2 let. b in fine LTVA) lui est
BGE 139 II 346 S. 355
applicable. Cet examen commande avant tout de définir les termes "en matière
d'informatique".

7.3.1 La notion "en matière d'informatique" ("elektronische Dienstleistungen";
"in materia d'informatica") a été nouvellement introduite par l'art. 10 al. 2
let. b LTVA. Elle étend le champ d'application de l'art. 25 al. 1 let. c in
fine aLTVA, qui était confiné aux prestations de télécommunications (cf. Info
TVA du 15 décembre 2009, TVA en bref et Info TVA concernant la transition,
partie I ch. 2.1.3 p. 24 s.; BAUMGARTNER/CLAVADETSCHER/KOCHER, Vom alten zum
neuen Mehrwertsteuergesetz, 2010, p. 83 § 3/43; MOLLARD/OBERSON/TISSOT
BENEDETTO, op. cit., p. 532 n° 395; REGINE SCHLUCKEBIER, in MWSTG Kommentar,
2012, n° 87 ad art. 10 LTVA p. 108). Tel que l'ont à juste titre relevé les
précédents juges, les travaux préparatoires ne définissent pas cette notion
(cf. Message, op. cit., FF 2008 6277, 6340; BO 2009 CN 315 et 1073 ss; BO 2009
CE 413 ss et 627; objet 08.053). Comme il a cependant été vu plus haut (consid.
7.2), sa ratio legis vise à éviter une distorsion de concurrence entre
opérateurs suisses et étrangers. Par ailleurs, il convient de souligner la
jurisprudence selon laquelle tous les motifs d'exonération de l'impôt doivent
être interprétés de manière restrictive, en tant qu'ils se heurtent aux
principes de l'universalité de l'impôt et de la neutralité concurrentielle (cf.
ATF 138 II 251 consid. 2.3.4 p. 256 et les jurisprudences citées).

7.3.2 L'art. 10 al. 1 de l'ordonnance fédérale du 27 novembre 2009 régissant la
taxe sur la valeur ajoutée [OTVA; RS 641.201] énumère un catalogue non
exhaustif ("notamment") de prestations de services en matière d'informatique ou
de télécommunications, à savoir:
"les services de radiodiffusion et de télédiffusion (let. a); l'octroi de
droits d'accès notamment aux réseaux de communication fixes ou mobiles et à la
communication par satellite, ainsi qu'à d'autres réseaux d'informations (let.
b); la mise à disposition et la garantie des capacités de transmission de
données (let. c); la mise à disposition de sites web, l'hébergement web, la
télémaintenance de programmes et d'équipements (let. d); la mise à disposition
et la mise à jour électroniques de logiciels (let. e); la mise à disposition
électronique d'images, de textes et d'informations ainsi que la mise à
disposition de banques de données (let. f); la mise à disposition électronique
de musiques, de films et de jeux, y compris les jeux de hasard et les loteries
(let. g)."
Selon l'art. 10 al. 2 OTVA, n'entrent pas dans la catégorie des prestations de
services en matière d'informatique ou de télécommunications, notamment:
BGE 139 II 346 S. 356
"la simple communication par fil, par radiocommunication, par un réseau optique
ou par un autre système électromagnétique entre le fournisseur et le
destinataire de la prestation (let. a); les prestations de formation au sens de
l'art. 21 al. 2 ch. 11 LTVA, sous forme interactive; la simple mise à
disposition d'installations ou de parties d'installations désignées précisément
et destinées à l'usage exclusif du locataire pour la transmission de données
(let. c)."
La pratique de l'Administration fédérale reprend, en les illustrant par
endroits, les exemples de prestations de services en matière d'informatique
énumérés à l'al. 1 let. d à g OTVA (Info TVA 13 du 2 juillet 2010 concernant le
secteur télécommunications et prestations de services en matière
d'informatique, p. 10 ch. 2.3.2 et p. 17 ch. 4.7.2). Les services offerts par
les sites de rencontres exploités par la Société ne sont en revanche pas
explicitement abordés dans ces différents documents.

7.3.3 Le Message du Conseil fédéral sur la simplification de la TVA traduit "la
nécessité de veiller à la compatibilité de la TVA suisse avec le système de
l'UE", de même que l'intention d'"éviter les doubles impositions et les doubles
exonérations d'impôt" (FF 2008 6277, 6314 s. ch. 1.7.2). Il est ainsi utile de
vérifier si la notion suisse de "en matière d'informatique" est traitée de
manière similaire au sein de l'Union européenne.
A ce titre, la Directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au
système commun de taxe sur la valeur ajoutée, qui a été modifiée à de
nombreuses reprises et dont une version consolidée est consultable en ligne
(consid. 6.3.5 supra), constitue l'instrument de référence en droit
communautaire. A son art. 58, cette directive traite de la localisation des
"services fournis par voie électronique à des personnes non assujetties"; elle
renvoie pour le surplus (cf. aussi art. 59) à l'annexe II, contenant une liste
indicative de tels services, à savoir:
"1) La fourniture et l'hébergement de sites informatiques, maintenance à
distance de programmes et d'équipement; 2) la fourniture de logiciels et mise à
jour de ceux-ci; 3) la fourniture d'images, de textes et d'informations, et
mise à disposition de bases de données; 4) la fourniture de musique, de films
et de jeux, y compris les jeux de hasard ou d'argent, et d'émissions ou de
manifestations politiques, culturelles, artistiques, sportives, scientifiques
ou de divertissement; 5) la fourniture de services d'enseignement à distance."
La Directive 2006/112/CE a été concrétisée par le Règlement d'exécution (UE) n°
282/2011 du Conseil du 15 mars 2011 (JO L 77 du 23 mars 2011 p. 1), dont l'art.
7 dispose:
BGE 139 II 346 S. 357
^1 Les "services fournis par voie électronique" visés par la directive 2006/112
/CE comprennent les services fournis sur l'internet ou sur un réseau
électronique et dont la nature rend la prestation largement automatisée,
accompagnée d'une intervention humaine minimale, et impossible à assurer en
l'absence de technologie de l'information.
^2 Le paragraphe 1 couvre, notamment: a) la fourniture de produits numériques
en général, en ce compris les logiciels et leurs modifications ou leurs mises à
jour; b) les services consistant à assurer ou à soutenir la présence
d'entreprises ou de particuliers sur un réseau électronique, tels qu'un site ou
une page internet; c) les services générés automatiquement par ordinateur sur
l'internet ou sur un réseau électronique, en réponse à des données
particulières saisies par le preneur; d) l'octroi, à titre onéreux, du droit de
mettre en vente des biens ou des services sur un site internet opérant comme
marché en ligne, où les acheteurs potentiels font leurs offres par un procédé
automatisé et où les parties sont averties de la réalisation d'une vente par un
courrier électronique généré automatiquement par ordinateur; e) les offres
forfaitaires de services internet (ISP) dans lesquelles l'aspect
télécommunications est auxiliaire et secondaire (c'est-à-dire forfaits allant
au-delà du simple accès à l'internet et comprenant d'autres éléments comme des
pages à contenu donnant accès aux actualités à des informations météorologiques
ou touristiques; espaces de jeu; hébergement de sites; accès à des débats en
ligne; etc.); f) les services énumérés à l'annexe I.
^3 Le paragraphe 1 ne couvre pas, notamment: a) les services de radiodiffusion
et de télévision; b) les services de télécommunications; c) les biens pour
lesquels la commande et le traitement de la commande se font par voie
électronique; d) les CD-ROM, disquettes et supports matériels analogues; e) les
imprimés tels que les livres, les lettres d'information, les journaux ou les
périodiques; f) les CD et cassettes audio; g) les cassettes vidéo et DVD; h)
les jeux sur CD-ROM; i) les services professionnels tels que les juristes et
les consultants financiers, qui conseillent leurs clients par courrier
électronique; j) les services d'enseignement, lorsque le contenu des cours est
fourni par un enseignant sur l'internet ou sur un réseau électronique (...); k)
les services de réparation matérielle hors ligne de l'équipement informatique;
l) les services de stockage de données hors ligne; m) les services de
publicité, notamment dans les journaux, sur des affiches et à la télévision; n)
les services d'assistance téléphonique; o) les services d'enseignement
exclusivement fournis par correspondance, utilisant notamment les services
postaux; p) les services classiques de vente aux enchères reposant sur une
intervention humaine directe, indépendamment de la façon dont les offres sont
faites; q) les services téléphoniques comportant une composante vidéo,
également appelés services de vidéophonie; r) l'accès à l'internet et au World
Wide Web; s) les services téléphoniques fournis sur l'internet.
Les services qui sont listés à l'annexe I du Règlement d'exécution (UE) n° 282/
2011 détaillent les points 1 à 5 de l'annexe II de la
BGE 139 II 346 S. 358
Directive 2006/112/CE, en incluant notamment: sous point 1, la maintenance
automatisée de programmes, à distance et en ligne, ainsi que l'administration
de systèmes à distance; sous point 3, l'abonnement à des journaux et à des
périodiques en ligne; des blogs et statistiques de fréquentation de sites
internet, des informations en ligne, y compris celles générées automatiquement
par un logiciel, au départ de données saisies par le client, telles que des
données juridiques ou financières (notamment, cours des marchés boursiers en
temps réel), de même que l'utilisation de moteurs de recherche et d'annuaires
internet; sous point 4, l'accès à des jeux automatisés en ligne qui sont
dépendants de l'internet ou de réseaux électroniques analogues et où les
différents joueurs sont géographiquement distants les uns des autres, etc.

7.3.4 A l'exception des services fournis par voie électronique en lien avec
l'enseignement à distance, que l'art. 10 OTVA ne mentionne pas expressément
dans sa liste exemplative (cf. cependant art. 10 al. 2 let. b e contrario
OTVA), les divers types de services énumérés à l'art. 10 al. 1 let. d à g OTVA
concordent en large partie avec ceux visés par l'annexe II à la directive 2006/
112/CE, voire utilisent des termes identiques; il en va de même pour les
services que la Suisse et l'Union européenne ont d'emblée exclus de cette liste
(art. 7 par. 3 Règlement (UE) n° 282/2011; art. 10 al. 2 OTVA). Quant à la
terminologie utilisée pour qualifier ces services, il est vrai que la version
francophone de l'art. 10 al. 2 let. b in fine LTVA emploie les mots
"prestations de services en matière d'informatique", alors que l'art. 58 de la
directive 2006/112/CE utilise la dénomination à première vue plus étendue de
"services fournis par voie électronique". Cette différence lexicale n'altère
cependant pas la nature similaire des prestations visées par ces deux textes;
en effet, tant les travaux préparatoires concernant la LTVA (cf. FF 2008 6277,
6340: "domaine de [...] l'électronique") que la version germanophone de l'art.
10 al. 2 let. b in fine LTVA ("elektronische Dienstleistungen"; comp. directive
2006/112/CE: "elektronisch erbrachte Dienstleistungen") confirment la volonté
de la Confédération de faire coïncider - sauf dérogation inexistante in casu
(cf., pour un exemple: FF 2008 6277, 6340: définition de la "livraison";
CAMENZIND ET AL., op. cit., p. 38 ss n. 75 ss) - le droit suisse avec la
législation communautaire. Il est partant possible de se référer au droit
communautaire en vue d'interpréter la notion de "prestations de services en
matière d'informatique" consacrée par le droit suisse.
BGE 139 II 346 S. 359

7.3.5 Des considérations qui précèdent (cf., en particulier, art. 7 par. 1
Règlement [UE] n° 282/2011), il est notamment permis de qualifier de
prestations de services en matière d'informatique, au sens de l'art. 10 al. 2
let. b in fine LTVA, celles dont le fournisseur s'acquitte de manière
virtuelle, sur internet ou via un réseau électronique similaire, notamment par
la fourniture d'informations ou d'autres prestations dématérialisées. Il faut
que les prestations soient délivrées au destinataire par des procédés largement
automatisés, sans qu'une intervention humaine importante ne soit requise, ce
qui exclut en particulier les conseils professionnels qui, bien que fournis via
internet (par exemple par courriel), maintiendraient un lien personnel étroit
entre le conseiller et son client. Par ailleurs, les prestations en cause
doivent être distinguées des services de télécommunications, en ce sens qu'il
ne suffit pas, pour être en présence de ces premières, que l'internet serve
uniquement de moyen de transmission à des fins téléphoniques, de
radiodiffusion, etc. Enfin, il doit être impossible de fournir la prestation de
services en cause en l'absence de technologie de l'information, cette
impossibilité pouvant par exemple être d'ordre technique, organisationnel ou
financier.

7.4 En l'espèce, la recourante offre aux utilisateurs des types de services
qu'il convient d'analyser à la lumière des critères susdécrits.

7.4.1 Il ressort de l'état de fait retenu par le Tribunal administratif fédéral
que la Société exploite plusieurs sites de rencontres par le biais desquels
elle permet aux consommateurs de se retrouver par pays, par langue ou par
centres d'intérêt, après avoir rempli un questionnaire, établi un profil en
ligne et/ou s'être inscrits dans des répertoires en ligne. Les services de
rencontres se trouvent au centre des prestations offertes par la recourante.
N'étant accessibles que sur internet sous la forme de contenus dématérialisés,
ils favorisent les échanges entre utilisateurs. A ce titre et contrairement à
ce qu'allègue la recourante, il n'importe pas de savoir s'il est en définitive
prévu que ces contacts se bornent au monde virtuel ou qu'ils débouchent sur des
rencontres réelles ultérieures (cf. consid. 6.3.4 supra). Il sera du reste
précisé que même à supposer que les sites de rencontres en cause encouragent
des rencontres réelles, le choix ultime, et non déterminé par avance, d'y
procéder ou, au contraire, de continuer à converser sur internet, par exemple à
la manière d'une amitié épistolaire, appartiendra aux seuls utilisateurs.

7.4.2 Les contacts sont facilités, voire noués à partir des indications
personnelles dont les internautes auront nourri les bases de données
BGE 139 II 346 S. 360
intégrées auxdits sites. C'est en effet grâce à l'accès, en principe payant,
par les autres utilisateurs intéressés à ces données qui sont gérées de façon
automatisée et consultables notamment en fonction de certains paramètres de
recherche mis à disposition sur les sites que les consommateurs pourront se
découvrir d'éventuelles affinités mutuelles et entrer en contact. En cela, les
précédents juges ont à bon droit établi des analogies avec la mise à
disposition de banques de données, ainsi qu'avec la fourniture d'informations
en ligne (art. 10 al. 1 let. f OTVA; cf. point 3 let. f et g, voire let. i de
l'annexe I au Règlement d'exécution [UE] n° 282/2011; JANSEN/ROBINSON, op.
cit., p. 269: "Datenverarbeitung, d.h. automatisierte Auswertung von
Eingabedaten und Überlassung des Ergebnisses an den User") qui font partie des
prestations visées à l'art. 10 al. 2 let. b LTVA. Cette dernière analogie
(fourniture d'informations) est corroborée par l'accès que les sites de
rencontres donnent à des magazines paraissant en ligne, ainsi qu'à des journaux
personnels (blogs) créés par des utilisateurs et informant notamment au sujet
de leur vie privée (cf. point 3 let. d et e de l'annexe I au règlement
précité).

7.4.3 Comme il a été vu, les sites de rencontres litigieux mettent en réseau
leurs utilisateurs non seulement en leur offrant différents canaux techniques
pour entrer en communication l'un avec l'autre (accès à des forums de
discussion en ligne, webcam, chat, etc.), mais aussi en leur proposant diverses
prestations virtuelles leur permettant d'apprendre à se connaître et partager
des intérêts communs sur internet (accès à la base de données des autres
membres, magazines, blogs, accès à des boutiques en ligne, etc.). Or, de par
cette combinaison de prestations offertes sur les sites de rencontres, force
est de retenir que les prestations de services en cause se démarquent - en
prodiguant des services dépassant ce cadre - d'une plateforme qui se
contenterait de donner accès à une communauté virtuelle; a fortiori, elles se
distinguent d'un pur service ou vecteur de télécommunications (cf., pour cette
notion, PER PROD'HOM, La définition des services immatériels, TREX 2002 p. 119
ss, 125). Quoiqu'en dise la recourante, la panoplie des prestations et les
interactions virtuelles que ces sites offrent les distinguent aussi des
prestations que l'on trouverait dans des enceintes de rencontres opérant
en-dehors d'internet. En outre, comme l'ont relevé les premiers juges, lesdits
sites présentent également des traits communs avec des jeux automatisés en
ligne qui, dépendant de l'internet, permettraient à différents joueurs
géographiquement distants d'interagir dans le monde virtuel, eux
BGE 139 II 346 S. 361
aussi appréhendés par l'art. 10 al. 2 let. b in fine LTVA (cf. art. 10 al. 1
let. g OTVA; point 4 let. e de l'annexe I au Règlement d'exécution (UE) n° 282/
2011).

7.4.4 S'agissant de l'intervention humaine requise pour exploiter les sites
litigieux, il ressort des constatations du Tribunal administratif fédéral que
la recourante occuperait 350 personnes, dont certaines sont employées par des
sous-traitants, et qui ont pour tâche de vérifier l'intégralité des profils
d'utilisateur et des modifications qui y sont apportées, afin d'en écarter,
notamment sur plainte des utilisateurs, les éléments inappropriés ou choquants.
Or, comme l'ont à juste titre relevé les premiers juges, ce service de contrôle
n'est pas indispensable au fonctionnement même des sites et des prestations que
ceux-ci contiennent; son rôle, destiné à des fins de surveillance ou de support
informatique, est purement accessoire (cf., dans ce sens, BARETTA/LUDWIG,
Steuerpflicht in der Schweiz: Probleme und Lösungsansätze, in
Geschäftsplattform Internet III, Weber/Hilty/Auf der Maur [éd.], 2002, p. 215
ss, 219) et son contenu semble être standardisé. Il vise à prévenir des abus et
atteintes aux droits de la personnalité au sein de ces communautés virtuelles
totalisant plusieurs millions de clients, sans doute également dans l'optique
d'éviter à la Société d'engager sa responsabilité vis-à-vis de ses clients au
travers d'une gestion négligente de ses sites. Comme d'autres éléments étayant
un besoin d'interventions humaines plus important dans le but d'offrir les
prestations de services caractéristiques en cause font défaut, c'est à bon
droit (contrairement à ce qu'affirme la recourante) que ledit besoin pouvait
être qualifié de marginal par les juges précédents.

7.4.5 Les sites de rencontres exploités par la recourante combinent divers
services largement automatisés auxquels les utilisateurs, comportant plusieurs
millions de personnes, peuvent accéder à tout moment et en tous lieux depuis
internet, en partie par le biais de voies de communication et d'instruments
interactifs qui sont spécifiques au monde virtuel. A l'instar des précédents
juges, il est dès lors permis de retenir que la fourniture de telles
prestations interactives à un aussi grand nombre de personnes serait impossible
ou, à tout le moins, trop onéreuse si la Société n'avait pas pu recourir à la
technologie de l'information.

7.4.6 La recourante se prévaut aussi d'une décision du 10 juin 2009 émanant des
autorités fiscales britanniques, par laquelle celles-ci ont,
BGE 139 II 346 S. 362
sur réclamation, renoncé à considérer que la Société fournissait des services
électroniques sur le territoire du Royaume-Uni; elles ont préféré les qualifier
de "services d'accès à une communauté en ligne", qui tombent sous le coup du
principe du siège du fournisseur des prestations et échappent ainsi à
l'obligation de s'assujettir à la TVA au Royaume-Uni.
Tel que l'ont à juste titre retenu les précédents juges, cette décision, dont
on ignore le contexte exact dans lequel elle a été rendue, apparaît comme une
décision administrative isolée. En tout état, s'il est en principe permis aux
autorités suisses de s'en inspirer, l'interprétation donnée par l'autorité d'un
Etat membre de l'Union européenne au droit communautaire ne les lie pas (cf.
ATF 124 II 193 consid. 6a p. 203). Or en l'espèce, les considérations
susmentionnées militent en faveur d'une distanciation de la solution retenue
par l'administration fiscale britannique.

7.5 Il découle des éléments qui précèdent que, réunissant l'ensemble des
caractéristiques propres à de telles prestations, les services que la
recourante propose sur ses sites de rencontres sur internet constituent des
"prestations de services en matière d'informatique", au sens de l'art. 10 al. 2
let. b in fine LTVA. Dès lors que chacune des diverses prestations traitées
ci-avant fait individuellement partie du catalogue non exhaustif des
prestations figurant à l'art. 10 al. 1 let. d à g OTVA ou peut y être rattachée
par un raisonnement analogique, la question de savoir si les prestations en
cause doivent être qualifiées de prestations complexes, ce qui aurait pour
conséquence que les différentes composantes ou les prestations accessoires
soient soumises à un même régime juridique, ou traitées en tant que plusieurs
prestations indépendantes (cf. art. 19 LTVA; arrêts 2C_717/2010 du 21 avril
2011 consid. 4.2; 2A.499/2004 du 1^er novembre 2005 consid. 3.2, in RF 61/2006
p. 553), souffre de demeurer indécise.
La qualification des prestations ainsi retenue entraîne l'assujettissement de
la Société à la TVA et son inscription au registre des contribuables à partir
du 1^er janvier 2010. En effet, il sera à ce titre rappelé que cette dernière
est une entreprise ayant son siège à l'étranger et fournissant des prestations
sur le territoire suisse (cf. art. 8 al. 1 LTVA) à des personnes physiques qui,
au vu du type de prestations concernées, ne sont en général pas assujetties à
l'impôt (cf. art. 10 al. 2 let. b in fine et art. 45 al. 2 let. b LTVA); qui
plus est, le montant annuel des prestations annoncé, soit 3'969'000 fr.,
dépasse de
BGE 139 II 346 S. 363
loin le chiffre d'affaires seuil de 100'000 fr. provenant de prestations
imposables (cf. art. 10 al. 2 let. a LTVA; SCHLUCKEBIER, op. cit., n° 86 ad
art. 10 LTVA p. 108).