Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 139 III 135



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Urteilskopf

139 III 135

19. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit civil dans la cause A. contre B.
et C. (recours en matière civile)
5A_355/2012 du 21 décembre 2012

Regeste

Art. 80 Abs. 1 und Art. 271 Abs. 1 Ziff. 6 SchKG; Art. 9 BV; Arrest;
definitiver Rechtsöffnungstitel; vorfrageweise Prüfung des Exequaturs eines
ausländischen "nicht Lugano-Urteils" oder eines ausländischen Schiedsspruches.
Ein ausländisches "nicht Lugano-Urteil" stellt einen definitiven
Rechtsöffnungstitel dar und der Arrestrichter kann aufgrund einer summarischen
rechtlichen Würdigung und auf der Grundlage der glaubhaft gemachten Tatsachen
vorfrageweise das Exequatur eines solchen Urteils prüfen (E. 4).

Sachverhalt ab Seite 136

BGE 139 III 135 S. 136

A. Le 14 avril 2011, un arbitre unique siégeant à Londres (UK) a rendu une
sentence arbitrale dans un litige de nature contractuelle opposant B. et C., en
qualité de demanderesses, à une société tierce et à A., en qualité de
défendeurs. Il a notamment déclaré que A. était partie au contrat litigieux (
Share Purchase Agreement), soumis à sa compétence en tant qu'arbitre unique, et
ordonné que les défendeurs versent aux demanderesses la somme de 5'000'000 USD,
leur remboursent leurs honoraires et frais juridiques s'élevant à 136'195 USD,
et leur paient des intérêts au taux de 1,25 % par an sur la totalité ou une
partie de la somme de 5'407'955 USD encore due entre la date de la réception de
la sentence et la date du paiement intégral de la somme de 5'407'955 USD, plus
les éventuels intérêts cumulés.

B.

B.a Le 5 juillet 2011, B. et C. ont requis du juge de paix du district de Nyon
qu'il ordonne le séquestre, en vertu de l'art. 271 al. 1 ch. 6 LP, à
concurrence de 4'587'568 fr., plus intérêts à 1,25 % l'an dès le 21 avril 2011,
de la parcelle x de la Commune de D., propriété de A., de tous les meubles s'y
trouvant, appartenant au prénommé, et de tous les avoirs et biens lui
appartenant, de quelque nature et en quelque monnaie qu'ils soient, en mains de
E. AG, à F. A l'appui de leur requête, elles ont notamment produit une copie
certifiée de la sentence arbitrale du 14 avril 2011, une copie du courrier de
la cour d'arbitrage du 29 juin 2011, confirmant que la sentence avait été
notifiée aux défendeurs le 21 avril 2011, un affidavit du 28 juin 2011, émanant
d'un conseil britannique, déclarant que la sentence arbitrale était devenue
définitive et exécutoire, et un extrait du Registre foncier de D.
Le même jour, le juge de paix a ordonné le séquestre demandé et a astreint les
requérantes à fournir 50'000 fr. à titre de sûretés.

B.b A. a fait opposition au séquestre. Il a fait valoir en substance que, faute
d'exequatur préalable dans le cadre d'une procédure contradictoire, la sentence
arbitrale du 14 avril 2011 ne constituait pas un titre de mainlevée définitive,
de sorte que les conditions du séquestre de l'art. 271 al. 1 ch. 6 LP n'étaient
pas remplies.
Par décision du 11 octobre 2011, le juge de paix a admis l'opposition au
séquestre, au motif que les créancières n'avaient pas rendu vraisemblables les
conditions de la reconnaissance et de l'exécution de la sentence arbitrale.

B.c Par arrêt du 12 avril 2012, la Cour des poursuites et faillites du Tribunal
cantonal vaudois a admis le recours formé par B. et C. contre
BGE 139 III 135 S. 137
cette décision. Il a réformé celle-ci en ce sens que l'opposition au séquestre
est rejetée et l'ordonnance du 5 juillet 2011 confirmée.

C. Le Tribunal fédéral a rejeté le recours en matière civile formé par A.
(résumé)

Erwägungen

Extrait des considérants:

4. Il s'agit de déterminer s'il est arbitraire, au sens de l'art. 9 Cst., de
retenir que le juge du séquestre peut déclarer exécutoire, à titre incident, un
jugement étranger rendu dans un Etat qui n'est pas partie à la CL (RS 0.275.12)
- ou une sentence arbitrale étrangère -, de sorte que cette décision vaut titre
de mainlevée définitive au sens de l'art. 271 al. 1 ch. 6 LP.
Aux termes de l'art. 271 al. 1 ch. 6 LP, le créancier d'une dette échue et non
garantie par gage peut requérir le séquestre des biens du débiteur qui se
trouvent en Suisse lorsqu'[il] possède contre le débiteur un titre de mainlevée
définitive. Selon l'art. 271 al. 3 LP, dans les cas énoncés à l'al. 1 ch. 6 qui
concernent un jugement rendu dans un Etat étranger auquel s'applique la CL, le
juge statue aussi sur la constatation de la force exécutoire.

4.1 La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation
littérale). Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs
interprétations de celui-ci sont possibles, le juge recherchera la véritable
portée de la norme au regard notamment de la volonté du législateur telle
qu'elle ressort notamment des travaux préparatoires (interprétation
historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur
lesquelles elle repose, singulièrement de l'intérêt protégé (interprétation
téléologique) ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales
(interprétation systématique; ATF 138 III 166 consid. 3.2; ATF 136 III 283
consid. 2.3.1; ATF 135 III 640 consid. 2.3.1). Lorsqu'il est appelé à
interpréter une loi, le Tribunal fédéral adopte une position pragmatique en
suivant ces différentes interprétations, sans les soumettre à un ordre de
priorité (ATF 137 III 344 consid. 5.1; ATF 133 III 257 consid. 2.4; ATF 131 III
623 consid. 2.4.4 et les références).

4.2 Le texte de l'art. 271 al. 1 ch. 6 LP fait mention d'un "titre de mainlevée
définitive" (definitiven Rechtsöffnungstitel; titolo definitivo di rigetto
dell'opposizione). Est un titre de mainlevée définitive, au sens de l'art. 80
al. 1 LP, "un jugement exécutoire". Tout comme cette dernière norme, l'art. 271
al. 1 ch. 6 LP ne fait de
BGE 139 III 135 S. 138
distinction ni entre les jugements rendus par une autorité suisse ou étrangère,
ni, dans ce cas, entre les jugements "Lugano" ou "non Lugano". De l'art. 81 al.
3 LP, il ressort également que la notion de "titre de mainlevée définitive"
englobe les jugements rendus "dans un autre Etat".

4.3 L'art. 271 LP a été modifié lors de l'entrée en vigueur, le 1^er janvier
2011, de la CL révisée de 2007.

4.3.1 Avant la révision de cette disposition, le créancier au bénéfice d'un
jugement étranger - ou d'une sentence arbitrale étrangère - exécutoire, dont le
débiteur était domicilié à l'étranger pouvait, s'il n'y avait pas d'autre cas
de séquestre, requérir cette mesure conservatoire sur la base de l'ancien art.
271 al. 1 ch. 4 LP. Une procédure préalable d'exequatur (cf. art. 28 ss LDIP
[RS 291]) n'était pas nécessaire; le juge du séquestre pouvait donc juger
lui-même, à titre incident, si la décision étrangère sur laquelle se fondait la
requête de séquestre était susceptible d'exequatur en vertu des dispositions de
la LDIP ou d'un traité international, à la suite d'un examen sommaire du droit
fondé sur les faits rendus simplement vraisemblables. Le caractère exécutoire
du jugement étranger était ensuite jugé définitivement dans le procès ordinaire
en validation du séquestre (ATF 126 III 156 consid. 2; arrêts 5A_501/2010 du 20
janvier 2011 consid. 2.3.2; 5P.353/2004 du 21 février 2005 consid. 2.1; cf.
notamment URS BOLLER, Arrest gestützt auf ausländische Entscheide - Erste
Erfahrungen mit dem neuen Arrestrecht, PCEF 2011/2012 p. 33 ss [37]; FELIX C.
MEIER-DIETERLE, in Kurzkommentar SchKG, 2009, n° 11 ad art. 271 LP; NAEGELI/
MARZORATI, Der definitive Rechtsöffnungstitel als neuer Arrestgrund - ein
vollstreckungsrechtlicher Zankapfel, Jusletter 10 septembre 2012 n° 7; STOFFEL/
CHABLOZ, in Commentaire romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 72 ad art. 271
LP).

4.3.2 Selon le Message du 18 février 2009 relatif à l'arrêté fédéral portant
approbation et mise en oeuvre de la Convention de Lugano révisée (FF 2009 1497
ss [1537 s. ch. 4.1]), comme la CL révisée garantit un droit inconditionnel à
des mesures conservatoires en première instance de la procédure d'exequatur
(cf. art. 47 al. 2 CL), l'existence d'un titre de mainlevée définitive comme
cas de séquestre doit être inscrite au chiffre 6 de l'art. 271 al. 1 LP.
Néanmoins, le nouveau cas de séquestre dépasse les objectifs de la CL révisée.
Proposé pour l'ensemble des titres de mainlevée définitive, il est également
applicable aux titres de mainlevée suisses (FF 2009 1533 ch. 2.7.5.2)
BGE 139 III 135 S. 139
et, en principe, aux jugements étrangers émis en dehors du champ d'application
de la CL (FF 2009 1538 ch. 4.1). Le nouveau ch. 6 rend donc inutile le renvoi
aux jugements exécutoires que prévoyait dans son ancienne version l'art. 271
al. 1 ch. 4 (loc. cit.). En effet, lorsqu'un tel jugement existe, le motif du
séquestre du ch. 6 est réalisé et les conditions supplémentaires prévues au ch.
4 n'ont pas à être examinées. En conséquence, l'expression "ou qu'elle se fonde
sur un jugement exécutoire" qui figurait au ch. 4 est supprimée (loc. cit.). Le
Message précise encore que le créancier bénéficie des avantages de la procédure
d'exécution forcée "que la CLrév soit appliquée ou non" (FF 2009 1548 ch. 6.3
[qui parle à tort de "débiteur", au lieu de"créancier", comme c'est le cas dans
les versions allemande (p. 1831) et italienne (p. 1490) du Message]).
Il ressort de ce qui précède que le motif initial de la révision des règles sur
le séquestre était de rendre le droit suisse compatible avec les exigences de
la CL révisée quant aux mesures conservatoires. Cependant, la révision a
dépassé cet objectif initial pour s'étendre à l'ensemble des jugements, qu'ils
soient suisses ou étrangers - "Lugano" ou "non Lugano" - et améliorer ainsi la
situation de tous les créanciers (BOLLER, op. cit., p. 41). Ainsi, la notion de
titre de mainlevée définitive comprend tous les jugements suisses et étrangers
(y compris les sentences arbitrales étrangères). Le Message ne fait pas état
d'une volonté du législateur d'aggraver la situation des créanciers au bénéfice
d'un jugement "non Lugano", telle que sus-exposée (cf. supra consid. 4.3.1).

4.4 La doctrine admet de manière quasi unanime qu'un jugement étranger "non
Lugano" constitue un titre de mainlevée définitive au sens de l'art. 271 al. 1
ch. 6 LP (contra uniquement: WALTER A. STOFFEL, in Basler Kommentar,
Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, vol. II, 2^e éd. 2010, n° 109
ad art. 271 LP).
En revanche, les avis divergent sur la question de savoir si ce jugement doit,
au préalable, faire l'objet d'une procédure d'exequatur indépendante et
contradictoire (cf. art. 28 ss LDIP).
Pour certains auteurs, tel est le cas: seul le créancier au bénéfice d'un
jugement "non Lugano" dont le débiteur est domicilié à l'étranger pourrait,
selon eux, requérir le séquestre sur la base de l'art. 271 al. 1 ch. 4 LP, sans
devoir obtenir une décision définitive d'exequatur au préalable (DANIEL
STAEHELIN, in Lugano-Übereinkommen [LugÜ], 2^e éd. 2011, n^os 20 ss ad art. 47
CL; le même, Neues Arrestrecht ab 2011,
BGE 139 III 135 S. 140
Jusletter 11 octobre 2010 n^os 40 ss; cf. aussi, GUILLAUME/PELLATON, Le
séquestre en tant que mesure conservatoire visant à garantir l'exécution des
décisions en application de la Convention de Lugano, in Quelques actions en
exécution, 2011, p. 178 ss [205 s.]; REISER/JENT-SØRENSEN, Exequatur und Arrest
im Zusammenhang mit dem revidierten Lugano-Übereinkommen, RSJ 107/2011 p. 453
ss [459]; RODRIGO RODRIGUEZ, Sicherung und Vollstreckung nach revidiertem
Lugano Übereinkommen, PJA 2009 p. 1550 ss [1557]).
Pour d'autres, au contraire, le juge du séquestre peut prononcer la mesure
conservatoire, après avoir statué à titre incident sur le caractère exécutoire
du jugement "non Lugano", à la suite d'un examen sommaire du droit, fondé sur
les faits rendus simplement vraisemblables (BOLLER, op. cit., p. 41 ss; GRÉGORY
BOVEY, La révision de la Convention de Lugano et le séquestre, JdT 2012 II p.
80 ss [83 s.]; ANDREAS BUCHER, in Commentaire romand, Loi sur le droit
international privé, Convention de Lugano, 2011, n° 18 ad art. 29 LDIP; GASSER/
MÜLLER/PIETSCH-KOJAN, Ein Jahr Schweizerische ZPO - ein Erfahrungsbericht,
Revue de l'avocat 2012 p. 8 ss [14 s.]; HOFMANN/KUNZ, in Basler Kommentar,
Lugano-Übereinkommen, 2011, n° 72 ad art. 47 CL; MICHAEL LAZOPOULOS,
Arrestrecht - die wesentlichen Änderungen im Zusammenhang mit dem revidierten
LugÜ und der Schweizerischen ZPO, PJA 2011 p. 608 ss [613]; FELIX C.
MEIER-DIETERLE, Ausländische "nicht LugÜ-Entscheide" als Arrestgrund?,
Jusletter 18 juillet 2011 n° 21; NAEGELI/MARZORATI, op. cit., n^os 58 ss; JÜRG
ROTH, Neues Arrestrecht im Nicht-LugÜ-Bereich: Der Ausländerarrest im
Besonderen, in Vorsorglicher Rechtsschutz, 2011, p. 63 ss [74, 77 s.]; DANIEL
SCHWANDER, Arrestrechtliche Neuerungen im Zuge der Umsetzung des revidierten
Lugano-Übereinkommens, RJB 146/2010 p. 641 ss [656 s.]).

4.5

4.5.1 Un avis doctrinal soutenant de manière isolée le contraire (cf. supra
consid. 4.4 in initio: STOFFEL, op. cit., n° 109 ad art. 271 LP), il n'est pas
arbitraire d'admettre que les jugements "non Lugano" - y compris les sentences
arbitrales étrangères - constituent des titres de mainlevée définitive au sens
de l'art. 271 al. 1 ch. 6 LP.
En effet, la notion de titre de mainlevée définitive est définie à l'art. 80
al. 1 LP, qui prévoit que le créancier peut obtenir cette mainlevée s'il est au
bénéfice d'un "jugement exécutoire". Il est incontesté que cette norme englobe
tant les jugements suisses que les jugements étrangers. Cette interprétation
est confirmée aussi par l'art. 81 al. 3 LP,
BGE 139 III 135 S. 141
qui précise les moyens de défense du débiteur condamné par un jugement rendu de
manière générale "dans un autre Etat", qu'il soit exécutable selon une
convention internationale ou selon la LDIP (cf. notamment DANIEL STAEHELIN, in
Basler Kommentar, Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, vol. I, 2^e
éd. 2010, n^os 59 ss ad art. 80 LP; cf. aussi, au sujet de l'art. 271 al. 1 ch.
6 LP, BOLLER, op. cit., p. 36; BUCHER, op. cit., n° 18 ad art. 29 LDIP; NAEGELI
/MARZORATI, op. cit., n^os 54 ss). L'art. 271 al. 1 ch. 6 LP, qui fait
référence au "titre de mainlevée définitive", ne fait pas non plus de
distinction entre les jugements. En outre, il ressort expressément du Message
que les jugements étrangers "non Lugano" sont des titres de mainlevée
définitive au sens de cette norme (FF 2009 1538 ch. 4.1). Ainsi, ces éléments
d'interprétation conduisent à retenir qu'il n'est pas arbitraire de renoncer à
différencier les jugements en fonction de leur provenance.

4.5.2 Pour les raisons qui suivent, il y a lieu d'admettre qu'il n'est
également pas arbitraire de retenir que le juge du séquestre peut statuer à
titre incident sur le caractère exécutoire de la décision (y compris une
sentence arbitrale) étrangère "non Lugano", à la suite d'un examen sommaire du
droit fondé sur les faits rendus simplement vraisemblables, au terme duquel il
rend une décision provisoire, qui, par définition, n'acquiert pas force de
chose jugée. Comme sous l'ancien droit (cf. supra consid. 4.3.1), le requérant
devant rendre le cas de séquestre vraisemblable (art. 272 al. 1 ch. 2 LP), il
devra démontrer que, prima facie, aucune objection ne s'oppose à la
reconnaissance et à l'exécution de la décision. L'examen plus approfondi des
conditions des art. 25 ss LDIP - et en cas de sentence arbitrale étrangère,
celles de l'art. V de la Convention du 10 juin 1958 pour la reconnaissance et
l'exécution des sentences arbitrales étrangères (RS 0.277.12; ci-après:
Convention de New York) - aura lieu ultérieurement dans la procédure
d'opposition à l'ordonnance de séquestre (art. 278 LP).
En effet, bien qu'il n'exige pas expressément que le créancier au bénéfice
d'une décision "non Lugano" en obtienne l'exequatur avant de requérir le
séquestre, le texte de l'art. 271 al. 1 ch. 6 LP, qui fait référence à un
"titre de mainlevée définitive", soit, selon l'art. 80 al. 1 LP, un "jugement
exécutoire", n'est pas absolument clair et plusieurs interprétations de
celui-ci sont possibles.
En revanche, il ressort du Message précité, que la volonté du législateur était
de prévoir un seul cas de séquestre pour tous les
BGE 139 III 135 S. 142
créanciers au bénéfice d'un jugement exécutoire, sans distinction fondée sur la
provenance de ce jugement, et de favoriser ainsi de manière générale le
prononcé d'un séquestre (cf. supra consid. 4.3.2; FF 2009 1548 ch. 6.3; cf.
aussi, BOLLER, op. cit., p. 42 s.; MEIER-DIETERLE, op. cit., Jusletter 18
juillet 2011 n° 19). Pour cette raison, le législateur a renoncé à exiger que
le créancier au bénéfice d'un jugement étranger ne puisse requérir le séquestre
que si son débiteur est domicilié à l'étranger. Ainsi, il n'a pas voulu placer
les créanciers au bénéfice d'un jugement "non Lugano" dans une situation moins
avantageuse que celle qui était la leur sous l'ancien art. 271 al. 1 ch. 4 LP
(cf. supra consid. 4.3.1), en leur imposant d'obtenir au préalable une décision
définitive d'exequatur pour pouvoir requérir le séquestre. Il y a également
lieu d'admettre qu'il n'y a pas de lacune au nouveau chiffre 4 de l'art. 271
al. 1 LP, qui ne mentionne pas les jugements "non Lugano" comme condition
alternative à l'octroi du séquestre.
Par ailleurs, admettre une décision incidente d'exequatur du jugement "non
Lugano" est en accord avec la procédure sommaire à laquelle le séquestre est
soumis. Selon cette procédure, le cas de séquestre - en l'occurrence,
l'existence d'un titre de mainlevée définitive -, doit seulement être admis
provisoirement, au terme d'un examen sommaire du droit fondé sur la simple
vraisemblance des faits (ATF 138 III 636 consid. 4.3.2 p. 639 et les
références). Si on imposait au créancier d'un jugement "non Lugano" d'obtenir
une décision définitive d'exequatur, rendue sur la base d'un examen complet en
fait et en droit, on s'écarterait des principes régissant la procédure sommaire
(cf. notamment BOLLER, op. cit., p. 41). Une autre solution prévaut certes pour
les jugements "Lugano", en vertu de l'art. 271 al. 3 LP, mais elle est
justifiée par l'allègement des conditions d'obtention de l' exequatur. En
effet, depuis la révision de la CL, la procédure préalable d' exequatur
consacrée à l'art. 41 CL est unilatérale en première instance et l'examen de
l'autorité saisie est limité à "l'achèvement des formalités prévues à l'art.
53", à savoir la production de la décision et du certificat de l'art. 54 CL. Le
contrôle des motifs de refus de la reconnaissance des art. 34 et 35 CL est
entièrement reporté au stade du recours (art. 41 et 45 CL). La CL de 2007
assure ainsi à la demande d'exécution un effet de surprise, empêchant le
défendeur de soustraire ses biens à l'exécution forcée (BUCHER, op. cit., n^os
1, 3 et 5 ad art. 41 CL). Même si le juge du séquestre statue définitivement
sur l'exequatur du jugement "Lugano", conformément à l'art. 271 al. 3 LP,
l'effet de surprise est préservé. Tel ne serait pas le cas d'une
BGE 139 III 135 S. 143
procédure d'exequatur préalable d'un jugement "non Lugano" puisque celle-ci est
contradictoire en vertu des art. 25 ss LDIP (cf. art. 29 al. 2 LDIP; art. V
Convention de New York; notamment MEIER-DIETERLE, op. cit., Jusletter 18
juillet 2011 n^os 15 et 24): l'effet de surprise, indispensable à la mise en
oeuvre du séquestre, s'en trouverait compromis.
En conclusion, il n'est pas arbitraire de considérer que le juge du séquestre
doit statuer à titre incident sur le caractère exécutoire d'une décision
étrangère "non Lugano". Au vu des conséquences de sa décision - certes
provisoire - sur le patrimoine du débiteur, il lui appartient toutefois
d'examiner avec soin les conditions de la reconnaissance et de l'exequatur, en
particulier si le jugement étranger a été rendu par défaut ou dans un Etat avec
lequel il n'existe aucune réciprocité en matière de reconnaissance et
d'exécution des décisions.

4.6 Il s'ensuit que, en l'espèce, l'autorité cantonale n'a pas violé l'art. 9
Cst. dans l'application qu'elle a faite de l'art. 271 al. 1 ch. 6 LP, soit en
rejetant l'opposition au séquestre après un examen incident du caractère
exécutoire d'une sentence arbitrale étrangère soumise à la Convention de New
York et en confirmant le séquestre. Partant, le grief d'arbitraire doit être
rejeté.