Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 138 V 2



Urteilskopf

138 V 2

1. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit social dans la cause Office
fédéral des assurances sociales et Caisse cantonale genevoise d'allocations
familiales pour personnes sans activité lucrative contre A. (recours en matière
de droit public)
8C_161/2011 / 8C_179/2011 du 6 janvier 2012

Regeste

Art. 25 lit. d FamZG; Art. 20 Abs. 2 AHVG; Art. 120 ff. OR; Verrechnung einer
Forderung von AHV-Beiträgen nichterwerbstätiger Ehegatten mit nachzuzahlenden
Familienzulagen nach FamZG.
Obschon in Art. 20 Abs. 2 AHVG nicht erwähnt, findet diese Bestimmung auf
Familienzulagen nach FamZG kraft Verweises in Art. 25 lit. d FamZG Anwendung
(E. 4.3.1).
Wenn der Versicherte gleichzeitig Gläubiger und Schuldner von verschiedenen
Sozialversicherern ist, auf welche Art. 20 Abs. 2 AHVG Anwendung findet, ist
eine Verrechnung zulässig, ohne dass zu prüfen wäre, ob die einander
gegenüberstehenden Verrechnungsforderungen in einer unter
versicherungstechnischem und rechtlichem Aspekt engen Beziehung stehen (E.
4.3.2).

Sachverhalt ab Seite 3

BGE 138 V 2 S. 3

A. A., son épouse, et leurs trois enfants nés en 1991, respectivement 1992 et
2007, ont le statut de réfugiés. Ils sont assistés financièrement par
l'Association Caritas Genève (ci-après: Caritas). Les conjoints sont affiliés à
l'AVS en qualité de personnes sans activité lucrative depuis le 1^er juin 2008
en ce qui concerne le mari et le 1^er mars 2009 pour l'épouse.
Saisie d'une demande tendant à l'octroi d'allocations familiales pour les trois
enfants, la Caisse d'allocations familiales pour personnes sans activité
lucrative (ci-après: la CAFNA) a reconnu le droit des époux à des allocations
familiales depuis le 1^er septembre 2008, date de l'arrivée des enfants en
Suisse. Toutefois, comme les intéressés devaient encore à la Caisse cantonale
genevoise de compensation (ci-après: la caisse de compensation) un montant de
1'272 fr. au titre de cotisations AVS non payées, la CAFNA a compensé cette
dette avec les allocations échues et elle a versé le solde, soit 16'488 fr., à
Caritas (décision du 29 juillet 2010).
A., représenté par Caritas, a fait opposition à cette décision en tant qu'elle
concernait la compensation, en alléguant que sa famille dépendait de l'aide
sociale et qu'il avait présenté une demande de remise des cotisations AVS.
Le 21 juillet 2010, la caisse de compensation a admis la demande de remise des
cotisations AVS pour les mois de juin à décembre 2008, ainsi que janvier et
février 2009.
Statuant sur l'opposition formée par A. contre la décision de compensation du
29 juillet 2010, la CAFNA l'a rejetée par décision du 30 septembre 2010.

B. L'intéressé a recouru contre cette décision sur opposition devant le
Tribunal cantonal des assurances sociales de la République et canton de Genève
(aujourd'hui: Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des
assurances sociales).
Par jugement du 20 janvier 2011, la juridiction cantonale a admis le recours et
annulé les décisions de la CAFNA des 29 juillet et 30 septembre 2010.

C. L'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) interjette un recours en
matière de droit public en concluant à l'annulation de ce jugement.
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La CAFNA forme également un recours en matière de droit public contre le
jugement cantonal dont elle requiert l'annulation en concluant à la
confirmation de sa décision sur opposition du 30 septembre 2010.
A. conclut au rejet des recours dans la mesure où ils sont recevables.
La CAFNA conclut à l'admission du recours de l'OFAS, tandis que celui-ci a
renoncé à présenter des déterminations sur le recours de la CAFNA.

Erwägungen

Extrait des considérants:

3. Le litige porte sur la compensation de la créance de cotisations AVS de la
caisse de compensation pour la période du mois de mars 2009 au mois de juin
2010 avec des arriérés d'allocations familiales dus par la CAFNA.

4.

4.1 La loi fédérale du 24 mars 2006 sur les allocations familiales (loi sur les
allocations familiales, LAFam; RS 836.2) est entrée en vigueur le 1^er janvier
2009. Selon l'art. 25 let. d LAFam, sont applicables les dispositions de la
législation sur l'AVS, y compris les dérogations à la LPGA (RS 830.1),
concernant la compensation (art. 20 LAVS).
Aux termes de l'art. 20 al. 2 LAVS, peuvent être compensées avec des
prestations échues:
a) les créances découlant de la LAVS, de la LAI, de la loi fédérale du 25
septembre 1952 sur le régime des allocations pour perte de gain en faveur des
personnes servant dans l'armée ou dans la protection civile, et de la loi
fédérale du 20 juin 1952 sur les allocations familiales dans l'agriculture;
b) les créances en restitution des prestations complémentaires à
l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité, ainsi que
c) les créances en restitution des rentes et indemnités journalières de
l'assurance-accidents obligatoire, de l'assurance militaire, de
l'assurance-chômage et de l'assurance-maladie.
En l'absence de lois spéciales en matière d'assurances sociales qui règlent la
compensation des créances, le principe de compensation des créances de droit
public est admis comme règle générale. Dans ce cas, les dispositions du Code
des obligations qui en fixent les conditions (art. 120 ss CO) sont applicables
par analogie (ATF 130 V 505 consid. 2.1 p. 508 s. et les références).
De manière générale, la compensation, en droit public - et donc notamment en
droit des assurances sociales - est subordonnée à la
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condition que deux personnes soient réciproquement créancières et débitrices
l'une de l'autre conformément à la règle posée à l'art. 120 al. 1 CO. Cette
règle n'est cependant pas absolue. Il a toujours été admis, en effet, que
l'art. 20 LAVS y déroge dans une certaine mesure pour prendre en compte les
particularités relatives aux assurances sociales en ce qui concerne précisément
cette condition de la réciprocité des sujets de droit posée à l'art. 120 al. 1
CO. La possibilité de compenser s'écarte de cette réglementation quand les
créances opposées en compensation sont en relation étroite, du point de vue de
la technique d'assurance et du point de vue juridique. Dans ces situations, il
n'est pas nécessaire que l'administré ou l'assuré soit en même temps créancier
et débiteur de l'administration (ATF 137 V 175 consid. 2.2.1 p. 178; ATF 130 V
505 consid. 2.4 p. 510 s.; voir également cet arrêt pour les exemples
d'exceptions à la condition de la réciprocité, lorsque l'assuré n'est pas
simultanément créancier et débiteur de l'assureur social).

4.2

4.2.1 La juridiction cantonale a considéré qu'il était contraire à l'esprit et
au but des allocations familiales d'autoriser la compensation d'une créance de
prestations fondée sur la LAFam avec une dette de cotisations AVS. Certes, elle
est d'avis, contrairement au point de vue soutenu par l'intéressé dans son
recours de droit cantonal, qu'une telle compensation repose effectivement sur
une base légale même si l'art. 20 al. 2 let. a LAVS mentionne seulement les
créances découlant de la loi fédérale du 20 juin 1952 sur les allocations
familiales dans l'agriculture (LFA; RS 836.1). Les premiers juges ont
considéré, en effet, que l'art. 25 let. d LAFam renvoie expressément à l'art.
20 LAVS, de sorte que l'art. 20 al. 2 LAVS est applicable par analogie dans le
régime des allocations familiales de droit commun, bien qu'il ne mentionne pas
la LAFam. Toutefois, dans le cas particulier, la juridiction cantonale a exclu
la compensation pour un autre motif. Elle a considéré qu'il n'existait pas une
relation suffisamment étroite du point de vue de la technique d'assurance et du
point de vue juridique entre les cotisations AVS et les allocations familiales
pour justifier la compensation lorsque l'assuré n'est pas en même temps
créancier et débiteur de l'assureur social.

4.2.2 A l'appui de son recours, l'OFAS fait valoir que le simple renvoi de
l'art. 25 let. d LAFam à l'art. 20 LAVS suffit pour rendre applicable cette
disposition de la LAVS dans le régime des allocations familiales LAFam, du
moment que le refus de reconnaître ce renvoi
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reviendrait à vider l'art. 25 let. d LAFam de toute sa substance. Dès lors,
selon l'OFAS, la possibilité de compenser se fonde non pas sur les règles
générales du droit, lesquelles sont exprimées notamment par les art. 120 ss CO,
mais sur le système de l'art. 20 al. 2 LAVS qui s'en écarte partiellement. Ce
système spécifique permet de compenser des cotisations et des rentes
interdépendantes du point de vue du droit des assurances sociales et cela sans
considération des personnes soumises à l'obligation de cotiser ou ayants droit
à la prestation.

4.2.3 De son côté, la CAFNA soutient que le raisonnement de la juridiction
cantonale - qui consiste à nier l'existence d'une relation suffisamment étroite
entre les cotisations AVS et les allocations familiales - vide de son sens le
renvoi de l'art. 25 let. d LAFam à l'art. 20 LAVS et contrevient ainsi à la
volonté du législateur. En outre, d'après l'art. 19 al. 1 LAFam, le droit des
personnes sans activité lucrative à des allocations familiales dépend de leur
affiliation à l'AVS à ce titre. Il existe donc, selon la CAFNA, un lien étroit
entre l'affiliation à l'AVS et le droit à des allocations familiales, ce qui
justifie la compensation des allocations arriérées avec les cotisations AVS
échues. Par ailleurs, se référant à la jurisprudence selon laquelle la
compensation entre des cotisations AVS échues et des allocations familiales
dans l'agriculture est possible (ATF 106 V 137; RCC 1955 p. 108), la recourante
fait valoir qu'il n'y a pas de motif d'admettre la compensation dans le régime
de la LFA mais pas dans celui de la LAFam. Enfin, la CAFNA invoque le fait que
dans le canton de Genève, les personnes sans activité lucrative et les salariés
ne paient pas de contributions d'allocations familiales (outre les salariés
d'employeurs non soumis à cotisations). Aussi, dans la mesure où les
cotisations AVS/AI/APG sont prélevées directement sur le revenu des salariés et
que seul l'employeur est redevable et responsable du paiement des cotisations
AVS/AI/APG, la recourante est-elle d'avis que l'interdiction de la compensation
entre les cotisations AVS/AI/APG et les prestations d'allocations familiales
dans le régime des personnes sans activité lucrative aurait pour effet qu'une
caisse de compensation ne pourrait de facto jamais procéder à la compensation
au sens de l'art. 20 al. 2 LAVS par renvoi de l'art. 25 let. d LAFam.

4.2.4 Quant à l'intimé, il se réfère à la jurisprudence selon laquelle la
compensation n'est admissible qu'à la condition que la dette soit
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celle du bénéficiaire des prestations personnellement ou qu'elle soit en
relation étroite avec les prestations, du point de vue du rapport d'assurance.
Tel n'est pas le cas, selon lui, en ce qui concerne les allocations familiales
destinées à soutenir les parents en participant aux coûts occasionnés par les
enfants et les cotisations AVS dues par les parents afin d'obtenir une rente
vieillesse ou de survivant.

4.3

4.3.1 En l'occurrence, il y a lieu d'admettre, à l'instar de la juridiction
cantonale, que la compensation d'une créance de prestations fondée sur la LAFam
avec une dette de cotisations AVS repose sur une base légale. Certes, l'art. 20
al. 2 let. a LAVS ne mentionne pas les créances fondées sur la LAFam mais
seulement celles qui découlent de la LFA. Toutefois, l'entrée en vigueur, le 1^
er janvier 2009 de l'art. 25 let. d LAFam a modifié la situation juridique.
Selon l'adage consacré pour résoudre un conflit de normes, la règle de droit la
plus récente l'emporte sur la plus ancienne ("lex posterior derogat legi
priori"). Il s'ensuit que l'art. 20 al. 2 let. a LAVS, dans la mesure où il
entrerait en contradiction avec l'art. 25 let. d LAFam parce qu'il ne mentionne
pas la LAFam, ne peut que céder le pas à cette norme entrée en vigueur
postérieurement. La possibilité de compenser une créance en paiement de
prestations découlant de la LAFam avec une dette de cotisations AVS repose
ainsi sur une réglementation spéciale en matière d'assurances sociales.

4.3.2 Cette réglementation spéciale permet donc, dans le domaine des
allocations familiales selon la LAFam et à certaines conditions, d'opérer la
compensation tout en dérogeant, dans une certaine mesure, à l'exigence de
réciprocité des sujets de droit posée à l'art. 120 al. 1 CO. En particulier, il
est possible de déroger à l'exigence que l'administré ou l'assuré soit en même
temps créancier et débiteur de l'administration ou de l'assureur social, à la
condition que les créances opposées en compensation soient en relation étroite,
du point de vue de la technique d'assurance ou du point de vue juridique
(KIESER/REICHMUTH, Bundesgesetz über die Familienzulagen, 2010, n° 22 ad art.
25 LAFam). La jurisprudence a précisé à de nombreuses reprises la notion de
relation étroite entre les créances dans des situations où le débiteur des
cotisations (ou de l'obligation de restituer des prestations indues ou encore
de l'obligation de réparer le dommage [art. 52 LAVS]) n'était pas le titulaire
de la créance en paiement de prestations (voir les arrêts cités dans l'arrêt
ATF 130 V 505 consid. 2.4 p. 511 s.).
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Contrairement au point de vue de la juridiction cantonale, cette jurisprudence
n'est toutefois pas applicable dans le cas d'espèce, du moment que les
débiteurs de l'administration sont également ses créanciers. Les époux, qui
n'exercent aucune activité lucrative, sont en effet les débiteurs des
cotisations AVS, lesquelles font partie des dépenses d'entretien de la famille
au sens de l'art. 163 CC (cf. DESCHENAUX/STEINAUER/BADDELEY, Les effets du
mariage, 2^e éd. 2009, n. 420 p. 236; HAUSHEER/REUSSER/GEISER, in Commentaire
bernois, Das Familienrecht, 2^e éd. 1999, n^os 19 et 23 ad art. 163 CC; cf.
aussi l'art. 28 al. 4 RAVS [RS 831.101] selon lequel les cotisations des
conjoints n'exerçant pas d'activité lucrative sont calculées en fonction des
conditions sociales du couple), et également les créanciers des allocations
familiales en faveur de leurs enfants (art. 19 al. 1 LAFam; KIESER/REICHMUTH,
op. cit., n^os 68 ss ad art. 19 LAFam). Cela étant, dans la mesure où, en
l'espèce, les intéressés sont en même temps créanciers et débiteurs de
l'administration, les créances peuvent être compensées sans qu'il soit
nécessaire d'examiner s'il existe une relation étroite entre les créances
opposées en compensation.
Il est vrai qu'en l'occurrence, la Caisse cantonale genevoise de compensation,
qui est créancière des cotisations AVS dues par les personnes n'exerçant aucune
activité lucrative (art. 64 al. 2 LAVS), n'est pas en même temps la débitrice
des allocations familiales. Celles-ci sont dues par la CAFNA, laquelle, bien
que gérée par la caisse cantonale de compensation (art. 9 du Règlement
d'exécution du 19 novembre 2008 de la loi cantonale genevoise sur les
allocations familiales [RAF; RSG J 5 10.01]), est un établissement autonome de
droit public (art. 18 al. 3 de la loi du canton de Genève du 1^er mars 1996 sur
les allocations familiales [LAF; RSG J 5 10]). Le système de compensation des
créances réglé à l'art. 20 al. 2 LAVS - auquel renvoie l'art. 25 let. d LAFam -
n'exige cependant pas que le même assureur social soit en même temps créancier
et débiteur de l'assuré(voir en particulier l'art. 20 al. 2 let. c LAVS, qui
mentionne les créances en restitution d'autres assureurs sociaux que le
débiteur des prestations AVS; cf. UELI KIESER, Alters- und
Hinterlassenenversicherung, in Soziale Sicherheit, SBVR vol. XIV, 2^e éd. 2007,
p. 1336 s. n. 410).

4.3.3 Vu ce qui précède, la CAFNA était fondée, par sa décision sur opposition
du 30 septembre 2010, à compenser la dette de cotisation AVS des époux avec la
créance de ceux-ci en paiement des allocations familiales échues. Quant au
montant compensé (1'272 fr.) -
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qui correspond aux cotisations encore dues pour la période postérieure à celle
pour laquelle la caisse de compensation a accordé la remise par sa décision du
21 juillet 2010 -, il n'est pas critiquable. Au demeurant, il ne fait l'objet
d'aucune controverse entre les parties.
Les recours se révèlent ainsi bien fondés.