Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 138 I 410



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Urteilskopf

138 I 410

36. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public dans la cause A. SA et
consorts contre Grand Conseil du canton de Vaud (recours en matière de droit
public)
2C_219/2012 du 22 octobre 2012

Regeste

Art. 49 Abs. 1 BV; Art. 25a Abs. 5, Art. 35 und 39 KVG; abstrakte
Normenkontrolle des Waadtländer Gesetzes vom 17. Mai 2011 über die Änderung des
kantonalen Gesetzes vom 5. Dezember 1978 über die Planung und Finanzierung von
Gesundheitseinrichtungen öffentlichen Interesses; Festsetzung von Bedingungen
für die Rückerstattung der Pflegeheimkosten (kantonaler Anteil).
Verfassungsmässigkeit der im Waadtländer Gesetz vom 17. Mai 2011 enthaltenen
Verpflichtung, wonach im Kanton nicht als Einrichtungen öffentlichen Interesses
anerkannte Pflegeheime, die aber auf der Liste der zur Abrechnung mit der
obligatorischen Krankenpflegeversicherung zugelassenen Leistungserbringer
stehen, gewisse - den Pflegeheimen öffentlichen Interesses auferlegte -
Anforderungen erfüllen müssen, um in den Genuss der Rückerstattung des
kantonalen Anteils im Sinne von Art. 25a Abs. 5 KVG zu kommen? Standpunkte der
Parteien (E. 3). Ermessensspielraum der Kantone in Bezug auf die
Gesundheitsplanung; bedingungslose Pflicht der Kantone, die Restfinanzierung
der auf der KVG-Liste stehenden Pflegeheime zu tragen (E. 4). Verletzung des
Grundsatzes des Vorranges des Bundesrechts; Möglichkeit für die Kantone, mit
anderen Mitteln vorzugehen (E. 5).

Sachverhalt ab Seite 411

BGE 138 I 410 S. 411

A. La loi fédérale du 13 juin 2008 sur le nouveau régime de financement des
soins (RO 2009 3517), entrée en vigueur le 1^er janvier 2011, a notamment
complété la loi fédérale du 18 mars 1994 sur l'assurance-maladie (LAMal; RS
832.10) d'un nouvel art. 25a, dont l'al. 5 prévoit que:
BGE 138 I 410 S. 412
"Les coûts des soins (en cas de maladie) qui ne sont pas pris en charge par les
assurances sociales ne peuvent être répercutés sur la personne assurée qu'à
hauteur de 20 % au plus de la contribution maximale fixée par le Conseil
fédéral. Les cantons règlent le financement résiduel".

B. Par suite de la modification du 13 juin 2008, le Grand Conseil du canton de
Vaud (ci-après: le Grand Conseil) a adopté la loi cantonale modifiant celle du
5 décembre 1978 sur la planification et le financement des établissements
sanitaires d'intérêt public (LPFES/VD; RSV 810.01) en date du 17 mai 2011.
Celle-ci a été publiée dans la Feuille des avis officiels du canton de Vaud n^
os 47-48 des 14 et 17 juin 2011 (p. 6 s.), et prévoit notamment:
"Art. 26g Coûts des soins
^1 La part du coût des soins fournis par les EMS à la charge de
l'assurance-maladie est déterminée conformément à la loi fédérale sur
l'assurance-maladie et à ses dispositions d'application.
^2 Le Conseil d'Etat détermine annuellement, par voie d'arrêté:
a. la part du coût des soins à la charge du résident, cette part ne pouvant pas
dépasser le 10 % de la contribution maximale de l'assurance-maladie;
b. le financement résiduel à la charge de l'Etat et des régimes sociaux, compte
tenu du nombre de journées effectuées, de l'évaluation des soins requis et des
normes en matière de dotation.
^3 Les EMS non reconnus d'intérêt public peuvent également prétendre au
financement résiduel mentionné à l'alinéa 2, lettre b), ci-dessus à condition
qu'ils:
a. répondent à la couverture des besoins et figurent sur la liste LAMal;
b. respectent les conditions énumérées à l'article 4, à l'exception de celles
posées par l'alinéa 1, lettres b) et g), par l'alinéa 1^bis lettres c) et d),
ainsi que, pour ce qui concerne leurs résidents ne relevant pas des régimes
sociaux, par l'alinéa 1^bis, lettre a);
c. se soumettent à la surveillance financière du département conformément à
l'article 32a et lui fournissent à cet effet les informations requises des EMS
reconnus d'intérêt public en application de l'article 32b.
^4 Les 'soins aigus et de transition' fournis par un EMS dans le cadre de son
mandat sont financés par l'Etat et les assureurs-maladie conformément à la
législation fédérale sur l'assurance-maladie et aux dispositions de la présente
loi relatives au financement hospitalier, qui s'appliquent par analogie."
Les art. 4, 32a et 32b LPFES/VD, auxquels se réfère l'art. 26g al. 3 LPFES/VD,
disposent dans leur teneur au moment de l'adoption de la loi cantonale
litigieuse:
"Art. 4 Reconnaissance du caractère d'intérêt public
^1 Pour être reconnu d'intérêt public, un établissement sanitaire privé doit
remplir cumulativement les conditions suivantes:
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a. être reconnu indispensable à la couverture des besoins de santé pour
l'hébergement ou pour l'hospitalisation en division commune au sens de la loi
fédérale sur l'assurance-maladie; (...)
c. se soumettre à la présente loi et aux règlements relevant de la
planification cantonale et du financement, notamment à leurs exigences en
matière de restructuration de l'offre hospitalière et d'hébergement, et de
qualité;
d. recourir à un prestataire de services informatiques agréé par le Département
de la santé et de l'action sociale (ci-après: le département) pour la gestion
de son système d'information;
e. appliquer les dispositions d'une convention collective de travail de force
obligatoire existante ou à défaut les exigences posées par le Conseil d'Etat en
matière de conditions d'engagement et de travail selon l'article 4b;
f. appliquer les règles relatives à l'achat de biens et de services
conformément à l'article 4c; (...)
h. adhérer au réseau de soins régional conformément à la législation y
relative.
^1bis S'il s'agit d'un EMS [établissement médico-social], il doit en outre rem
plir les conditions suivantes:
a. se soumettre aux conventions tarifaires applicables aux prestations de soins
et socio-hôtelières ou, à défaut, aux tarifs arrêtés par le Conseil d'Etat; les
prestations socio-hôtelières sont fixées dans le standard officiel établi par
le Conseil d'Etat, après consultation des associations faîtières, et qui
constitue la base du tarif journalier;
b. appliquer un contrat d'hébergement établi conformément à l'article 4e; (...)
^2 La reconnaissance d'intérêt public fonde le droit de l'établissement à la
contribution financière de l'Etat.
^3 Le département décide du caractère d'intérêt public d'un établissement
sanitaire.
^4 La reconnaissance peut être accordée pour une durée limitée et assortie de
conditions ou de charges. La liste des établissements sanitaires reconnus
d'intérêt public est à disposition des tiers intéressés (...).
Art. 32a Surveillance financière
^1 Le département contrôle que les établissements sanitaires d'intérêt public
et les réseaux de soins utilisent les ressources allouées conformément à
l'affectation prévue.
^2 Le Conseil d'Etat, après évaluations faites lors des contrôles antérieurs,
détermine la portée et les modalités de ce contrôle, y compris en ce qui
concerne les sous-traitants qui délivrent régulièrement des prestations
couvertes par la présente loi. Le règlement définit les modalités, en
particulier les principes comptables à respecter et les règles relatives à la
mission, à la qualification et à l'indépendance des organes de révision.
BGE 138 I 410 S. 414
Art. 32b Informations requises et qualité
^1 Les établissements sanitaires et les réseaux de soins fournissent au
département toutes les informations statistiques ainsi que, s'ils sont reconnus
d'intérêt public, comptables et financières, nécessaires à la définition de la
politique sanitaire du canton, à la mise en oeuvre de la présente loi et de ses
dispositions d'application, ainsi qu'au contrôle de leur respect.
^2 Le Conseil d'Etat définit, après consultation des associations faîtières, la
forme, le contenu et la périodicité des informations à fournir.
^3 Le département s'assure de la qualité de la prise en charge dans les
établissements sanitaires reconnus d'intérêt public".

C. Le 4 juillet 2011, A. SA, B. SA, C. SA, D. SA, E. Sàrl, et quinze députés du
Grand Conseil ont adressé une requête à la Cour constitutionnelle du Tribunal
cantonal vaudois (ci-après: le Tribunal cantonal) contre la modification
législative du 17 mai 2011, en concluant à l'annulation pour non-conformité au
droit supérieur de l'art. 26g al. 3 LPFES/VD. Le Tribunal cantonal a rejeté
leur requête par arrêt du 6 février 2012.

D. Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A. SA, B. SA, C.
SA, D. SA, E. Sàrl concluent, avec suite de frais et dépens, à l'annulation des
art. 26g al. 3 let. b et let. c LPFES/VD, adoptés par le Grand Conseil le 17
mai 2011, "en tant qu'ils conditionnent le financement résiduel des soins
prodigués par les EMS non reconnus d'intérêt public aux art. 4 al. 1 let. d, e,
et f LPFES/VD, 4 al. 1^bis let. b LPFES/VD, 32a LPFES/VD et 32b LPFES/VD".
(...)
Le Tribunal fédéral a admis le recours en matière de droit public dans la
mesure de sa recevabilité.
(extrait)

Erwägungen

Extrait des considérants:

3. Les recourantes se prévalent du principe de la primauté du droit fédéral en
relation avec la législation fédérale sur l'assurance-maladie obligatoire, en
particulier les art. 25a et 39 LAMal.

3.1 Le principe de la primauté du droit fédéral, consacré par l'art. 49 al. 1
Cst., fait obstacle à l'adoption ou à l'application de règles cantonales qui
éludent des prescriptions de droit fédéral ou qui en contredisent le sens ou
l'esprit, notamment par leur but ou par les moyens qu'elles mettent en oeuvre,
ou qui empiètent sur des matières que le législateur fédéral a réglementées de
façon exhaustive. Cependant, même si la législation fédérale est considérée
comme exhaustive dans un domaine donné, une loi cantonale peut subsister dans
le même
BGE 138 I 410 S. 415
domaine si elle poursuit un autre but que celui recherché par le droit fédéral.
Par ailleurs, dans la mesure où une loi cantonale renforce l'efficacité de la
réglementation fédérale, le principe de la force dérogatoire n'est pas violé.
En outre, même si, en raison du caractère exhaustif de la législation fédérale,
le canton ne peut plus légiférer dans une matière, il n'est pas toujours privé
de toute possibilité d'action. Ce n'est que lorsque la législation fédérale
exclut toute réglementation dans un domaine particulier que le canton perd
toute compétence pour adopter des dispositions complétives, quand bien même
celles-ci ne contrediraient pas le droit fédéral ou seraient même en accord
avec celui-ci (ATF 137 I 167 consid. 3.4 p. 174 s.; arrêt 2C_727/2011 du 19
avril 2012 consid. 3.3, non publié in ATF 138 II 191).

3.2 Les recourantes soutiennent en substance que l'art. 26g al. 3 let. b et c
LPFES/VD - par le renvoi que cette disposition opère vers les dispositions des
art. 4 al. 1 let. d, e et f; 4 al. 1^bis let. b; 32a et 32b LPFES/VD -
obligerait les EMS qui ne sont pas reconnus d'intérêt public à satisfaire à des
exigences plus strictes qui sont propres aux EMS reconnus d'intérêt public,
alors que seuls ces derniers bénéficieraient en contrepartie d'avantages
financiers. De plus, ces critères iraient au-delà des exigences uniformes de
qualité et d'économicité édictées par le système de la LAMal et violeraient
partant l'art. 49 al. 1 Cst. Les conditions imposées par la loi attaquée aux
EMS non reconnus d'intérêt public pour prétendre au financement de la part
résiduelle conduiraient en d'autres termes, et en violation de l'art. 25a al. 5
LAMal qui impose aux cantons de couvrir la part résiduelle sans autres
conditions, à "supprimer complètement toute part résiduelle du canton, sur la
base de critères qui n'ont aucun lien avec la qualité ou le caractère
économique des prestations". Les recourantes reprochent en outre à la loi en
cause et au renvoi opéré à l'art. 26g al. 3 let. b et c LPFES/VD de ne pas
distinguer entre les prestations de soins et les prestations socio-hôtelières
fournies par les deux catégories d'EMS à leurs résidents; or, contrairement aux
EMS vaudois reconnus d'intérêt public, les EMS non reconnus d'intérêt public
reçoivent uniquement une participation obligatoire de l'Etat pour le
financement résiduel des soins, à l'exclusion de toute subvention étatique
relative aux dépenses d'investissement et d'exploitation, en particulier
socio-hôtelières (y compris l'hébergement).
Le Grand Conseil conteste ces griefs. Tout en admettant que "tous les EMS
nécessaires à la couverture des besoins et inscrits sur la liste LAMal vaudoise
peuvent désormais prétendre à un financement
BGE 138 I 410 S. 416
par l'Etat du solde du coût des soins, qu'ils soient d'intérêt public ou non",
l'intimé estime que la marge d'appréciation, reconnue aux cantons par rapport
aux modalités de prise en charge de la part résiduelle, leur permet d'obliger
les EMS concernés à respecter les exigences prévues par l'art. 26g al. 3 LPFES/
VD, ces dernières ne correspondant du reste que pour partie aux conditions
imposées aux EMS vaudois reconnus d'intérêt public.
L'arrêt querellé du 6 février 2012 retient notamment que, le droit fédéral
obligeant les cantons à prendre en charge une partie des prestations de soins,
"ils ne sont plus tout à fait libres d'imposer des conditions au versement de
leur contribution financière couvrant la part du coût des soins non reconnue à
charge de l'assurance obligatoire des soins". Selon le Tribunal cantonal, les
cantons ne peuvent imposer des conditions aux EMS admis sur la liste LAMal "que
si elles correspondent au sens et au but des prescriptions fédérales (qualité,
économicité, service d'intérêt public, comme l'admission de tous les patients,
service d'urgence, etc.)". A la faveur d'une interprétation qu'ils ont jugée
conforme au droit fédéral, les juges constitutionnels vaudois ont retenu que
les différentes obligations contestées de la LPFES/VD présenteraient un lien
suffisant, en particulier, avec le principe de la qualité des soins et avec
celui de l'économicité des prestations fournies, de sorte à ne pas violer le
droit supérieur.

4. Au vu des arguments qui précèdent, il sied d'analyser la portée et les
implications de l'insertion d'un EMS dans le système de planification sanitaire
cantonale, de son inscription sur la liste LAMal et de l'adoption de l'art. 25a
al. 5 LAMal.

4.1 Selon l'art. 35 LAMal, sont admis à pratiquer à la charge de l'assurance
obligatoire des soins les fournisseurs de prestations, dont font partie les
EMS, qui remplissent les conditions des art. 36 à 40 de la loi (cf. al. 1 et 2
let. k). En vertu de l'art. 39 al. 1 LAMal, qui s'applique par analogie aux EMS
(al. 3, et art. 50 LAMal), ces derniers sont admis à pratiquer à charge de
l'assurance obligatoire des soins entre autres s'ils "correspondent à la
planification établie par un canton (...) afin de couvrir les besoins en soins
hospitaliers (...)" (al. 1 let. d). L'art. 58a al. 1 de l'ordonnance fédérale
du 27 juin 1995 sur l'assurance-maladie (OAMal; RS 832.102) précise que "la
planification en vue de couvrir les besoins en soins (...) garantit aux
habitants des cantons qui l'établissent (...) le traitement dans un
établissement médico-social" (cf. ATF 138 II 191 consid. 4.2.1 p. 198 et les
BGE 138 I 410 S. 417
références citées). Pour être admis à pratiquer à la charge de l'assurance
obligatoire des soins, il est de plus indispensable que les fournisseurs de
prestations "figurent sur la liste cantonale fixant les catégories d'hôpitaux
en fonction de leurs mandats" (art. 39 al. 1 let. e LAMal; cf. ATF 132 V 6
consid. 2.4.1 p. 11). Cette liste, qui fait office de registre officiel, doit
être revue périodiquement en fonction des modifications inhérentes à la
planification sanitaire cantonale (cf. GEBHARD EUGSTER, Bundesgesetz über die
Krankenversicherung [KVG], 2010, n^os 13, 16 et 24 ad art. 39 LAMal p. 245 s.
et 249).
A condition de respecter les critères de planification (cf. art. 58a ss OAMal),
les cantons disposent d'une large marge de manoeuvre pour mettre en oeuvre la
planification sanitaire et dresser la liste LAMal applicable à leur territoire.
Il leur est par exemple loisible de poser des conditions strictes et
limitatives à l'admission des EMS sur la liste LAMal et de soumettre l'ensemble
de ces derniers à un contrôle renforcé des prestations; ils peuvent aussi
adopter une politique plus permissive s'agissant de l'inscription des EMS sur
la liste LAMal lorsque les établissements en remplissent les conditions de
base, tout en concluant, avec un certain nombre de ces EMS, des contrats de
prestations par lesquels ceux-ci acceptent de se soumettre à un contrôle
renforcé de leurs prestations et de leurs coûts en échange de certains
privilèges (cf. ATF 138 II 191 consid. 5.5.4 p. 210; voir aussi, en matière de
limitation quantitative des capacités hospitalières, ATF 138 II 398 consid.
3.3.3.5 p. 415 et 3.5.2 p. 418 notamment).

4.2 D'après l'art. 25a al. 1 LAMal, l'assurance obligatoire des soins fournit
une contribution aux soins qui sont dispensés, notamment, dans les EMS admis à
pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins (cf. consid. 4.1
supra). L'art. 25a al. 5 LAMal répartit la charge des frais des soins en cas de
maladie sur trois débiteurs. Premièrement, une contribution financière aux
soins dispensés est fournie par l'assurance obligatoire des soins. Le
Département fédéral de l'intérieur a fixé des tarifs journaliers échelonnés en
fonction de la durée des soins requis, de 9 à 108 fr. (cf. art. 7a al. 3 de
l'ordonnance du Département fédéral de l'intérieur du 29 septembre 1995 sur les
prestations dans l'assurance obligatoire des soins en cas de maladie
[ordonnance sur les prestations de l'assurance des soins, OPAS; RS 832.112.31],
sur délégation de l'art. 33 let. b et i OAMal) [part de l'assureur].
Deuxièmement, les coûts des soins qui ne sont pas pris en charge par les
assurances sociales peuvent être répercutés sur la personne assurée. Pour
éviter qu'une charge démesurée ne pèse sur
BGE 138 I 410 S. 418
celle-ci, l'art. 25a al. 5 LAMal a limité sa part à 20 % au plus de la
contribution maximale versée par l'assureur social, soit à 20 % de 108 fr. ou
21 fr. 60 par jour [part de l'assuré], les cantons étant libres d'adopter une
solution plus favorable aux assurés. Tel est en l'espèce le cas s'agissant du
canton de Vaud, qui a en principe opté pour une limitation de la part de
l'assuré à 10 % (cf. art. 26g al. 2 let. a LPFES/VD). Troisièmement, le
financement des frais qui ne sont couverts ni par l'assureur ni par l'assuré
est à prendre en charge par le canton, selon l'art. 25a al. 5 in fine LAMal
[part résiduelle] (cf. arrêt 2C_728/2011 du 23 décembre 2011 consid. 3.2).
Le présent litige porte sur la part cantonale et, plus particulièrement, sur
les conditions auxquelles les cantons peuvent subordonner son versement. A cet
égard, la Cour de céans a précisé que l'art. 25a al. 5 LAMal garantit que les
coûts des soins résiduels, à savoir l'intégralité des frais effectifs que ni
l'assurance obligatoire des soins ni l'assuré ne prendraient à leur charge,
soit assumée par les collectivités publiques, soit par le canton ou, si ce
dernier décide de les mettre (également) à contribution, par les communes (cf.
arrêt 2C_728/2011 du 23 décembre 2011 consid. 3.4 s., confirmé in ATF 138 II
191 consid. 4.2.3 p. 199; arrêts 2C_228/2011 du 23 juin 2012 consid. 3.2.1;
2C_864/2010 du 24 mars 2011 consid. 4.2). Ce faisant, les cantons disposent
d'une large marge d'appréciation relative aux modalités de prise en charge de
la part cantonale, en particulier en vue de leur permettre d'intervenir sur les
prestataires de soins de santé, afin que ces derniers maîtrisent au mieux le
coût des soins à l'aune de l'art. 32 LAMal; l'art. 25a LAMal ne s'oppose ainsi
pas par principe à une tarification forfaitaire de la part résiduelle (cf.
arrêts 2C_228/2011 du 23 juin 2012 consid. 3.2.1; 2C_728/2011 du 23 décembre
2011 consid. 3.5.2 ss). Cela étant, la Cour de céans a précisé que le droit
social fédéral imposait désormais aux cantons de couvrir les coûts des soins
résiduels auprès de tous les EMS autorisés à facturer leurs prestations à
l'assurance-maladie obligatoire, sans autres conditions (cf. ATF 138 II 191
consid. 4.2.3 p. 199).

4.3 Il découle notamment des considérations qui précèdent que les cantons
conservent une marge de manoeuvre importante leur permettant de définir la
planification sanitaire applicable à leur territoire, ainsi que d'imposer le
cas échéant des charges et des conditions aux fournisseurs de soins pour les
admettre sur la liste des prestataires autorisés à pratiquer à la charge de
l'assurance-maladie obligatoire. Cependant, une fois la liste LAMal établie,
les cantons sont alors
BGE 138 I 410 S. 419
seulement tenus de veiller, directement ou en déléguant (partiellement) cette
tâche aux communes, à ce que les coûts des soins relatifs aux prestations
fournies par les établissements figurant sur cette liste et qui, d'après l'art.
25a al. 5 LAMal, ne sont pris en charge ni par les assurances sociales ni par
les assurés, soient entièrement couverts par l'Etat. Les cantons ne peuvent
donc plus soumettre le principe de la prise en charge financière de la part
résiduelle des EMS figurant sur la liste LAMal à des conditions et exigences
additionnelles; il leur est en revanche permis, dans les limites fixées par le
droit social fédéral, de réglementer les modalités de prise en charge de la
part cantonale, par exemple en introduisant une tarification forfaitaire
couvrant les coûts globaux, dans le but de favoriser l'économicité des coûts.

5.

5.1 En l'espèce, il ressort de l'exposé des motifs et projets de lois (incluant
la novelle de la LPFES/VD) du Conseil d'Etat vaudois (ci-après: l'Exposé des
motifs), datant du mois de mars 2011, que les cinq EMS recourants, bien que
n'étant pas reconnus d'intérêt public (s'agissant de cette reconnaissance
cantonale, cf. art. 4 LPFES/VD), étaient néanmoins considérés comme
"nécessaires à la couverture des besoins", de sorte que le Conseil d'Etat
entendait "les porter à nouveau sur la liste LAMal" (Exposé des motifs, ch.
2.2.2 et commentaire ad art. 26g LPFES/VD). Or, en tant qu'établissements
médico-sociaux figurant sur la liste cantonale LAMal, l'Exposé des motifs
soulignait à juste titre que ces derniers avaient le droit de pratiquer à la
charge de l'assurance-maladie obligatoire et pouvaient, par voie de
conséquence, prétendre à une prise en charge des coûts des soins résiduels par
les collectivités publiques vaudoises, soit par l'Etat de Vaud et ses communes
(Exposé des motifs, ch. 2.2.2).
Cela étant, il résulte de l'art. 26g al. 3 let. b et c de la novelle attaquée,
que l'Etat de Vaud a choisi de ne pas ouvrir un droit automatique à cette forme
de financement; en effet, la loi adoptée prévoit que seuls peuvent actuellement
- parmi les EMS non reconnus d'utilité publique dans le canton de Vaud, mais
figurant sur la liste LAMal - prétendre au financement de la part résiduelle
par le canton (cf. art. 25a al. 5 LAMal; art. 26g al. 2 let. b LPFES/VD), ceux
qui se conforment à plusieurs des conditions auxquelles étaient déjà soumis les
EMS reconnus d'intérêt public. A cet égard, le nouveau droit prévoit que les
EMS non reconnus d'utilité publique sont, en contrepartie du financement
résiduel par les collectivités publiques du canton, "soumis à une bonne partie
des conditions posées par la LPFES/VD au
BGE 138 I 410 S. 420
titre de la reconnaissance d'intérêt public. La non-prise en compte de toutes
les conditions se justifie par le fait qu'ils ne bénéficient que d'une
participation financière partielle de l'Etat" (Exposé des motifs, ch. 2.2.2).
L'un des effets escomptés par les conditions posées au financement par l'Etat
ressort explicitement de l'Exposé des motifs, dans le sens où, "compte tenu des
exigences posées pour l'octroi de cette subvention, il est vraisemblable que de
nombreux établissements renonceront à cette possibilité" (ch. 8.2, point 4).
Au cours de la séance du Grand Conseil vaudois du 3 mai 2011, les conditions
posées au financement de la part résiduelle des frais de soins prodigués par
des EMS non reconnus d'utilité publique mais inscrits sur la liste LAMal, ont
suscité d'importants débats au sujet de la marge de manoeuvre que le droit
social fédéral laissait aux cantons en la matière; un député contestait
notamment que les cantons puissent subordonner l'octroi de ces prestations
étatiques à des critères qui seraient, d'après lui, étrangers au but poursuivi
par la LAMal, soit des prestations de qualité à un coût raisonnable (cf.
Bulletin du Grand Conseil vaudois du 3 mai 2011, intervention de M. Jacques
Haldy, p. 35 s.).

5.2 Il procède tant de la lettre de l'art. 26g al. 3 let. b et c LPFES/VD ("à
condition qu'ils..."), que de la volonté manifestée par les autorités du canton
de Vaud, que l'introduction de la disposition attaquée a pour but de soumettre
le règlement du financement de la part résiduelle du canton, selon l'art. 25a
al. 5 LAMal, au respect de plusieurs conditions par les EMS non reconnus
d'utilité publique sur le plan cantonal. Contrairement aux conditions fixées à
la let. a de l'art. 26g al. 3 LPFES/VD, qui se contentent de reprendre les
obligations de base déjà prévues par l'art. 39 LAMal en matière de
planification sanitaire (cf. ANNE BENOIT, Le partage vertical des compétences
en tant que garant de l'autonomie des Etats fédérés en droit suisse et en droit
américain, 2009, p. 111), les conditions supplémentaires instaurées par la
disposition cantonale entreprise ont été conçues de manière à imposer des
obligations strictes aux EMS concernés, voire de décourager certains d'entre
eux de recourir au financement cantonal, faute de pouvoir y satisfaire. Il
découle en effet de l'Exposé des motifs que l'art. 26g al. 3 let. b et c LPFES/
VD a pour objectif et potentiellement pour effet de limiter le champ
d'application de l'art. 25a al. 5 LAMal par rapport au versement de la part
cantonale.
Or, il a été vu précédemment (consid. 4.2 supra) que le principe du versement
de la part résiduelle par les collectivités publiques doit être
BGE 138 I 410 S. 421
compris comme étant non seulement impératif, mais également inconditionnel. Un
canton n'est ainsi pas autorisé à subordonner l'obligation de financement de
cette part à des conditions ou exigences additionnelles, dès lors qu'un
fournisseur de prestations de soins a été admis à pratiquer à la charge de
l'assurance obligatoire des soins et figure en conséquence sur la liste LAMal
du canton concerné. En ce que l'art. 26g al. 3 let. b et c LPFES/VD revient
précisément à imposer de telles conditions supplémentaires, il restreint
indûment la portée du droit social fédéral et contrevient partant aux art. 25a
al. 5 et 39 LAMal. Par voie de conséquence, la disposition cantonale en cause
viole la force dérogatoire du droit fédéral consacrée à l'art. 49 al. 1 Cst.

5.3 En d'autres termes, la violation du droit supérieur constatée ne résulte
pas tant du contenu des conditions imposées par l'art. 26g al. 3 let. b et c
LPFES/VD, mais de la soumission de l'obligation de prendre en charge la part
résiduelle cantonale qui découle de l'art. 25a al. 5 LAMal à des conditions
additionnelles. Ainsi, un canton qui, après avoir vérifié qu'un EMS remplit les
exigences dictées par le droit social fédéral et correspond aux besoins de
planification cantonale, décide d'inscrire ce dernier sur la liste prévue par
la LAMal, est aussi tenu de prendre à sa charge la part résiduelle des frais de
soins conformément à l'art. 25a al. 5 LAMal.
Cela étant, cette obligation de financement à charge des cantons n'empêche pas
ces derniers, en conformité avec la LAMal et, notamment, l'ordonnance du 3
juillet 2002 sur le calcul des coûts et le classement des prestations par les
hôpitaux, les maisons de naissance et les établissements médico-sociaux dans
l'assurance-maladie (OCP; RS 832. 104, cf. en particulier son art. 11), de
soumettre les EMS à un certain contrôle financier en rapport avec leur
admission à pratiquer à charge de l'assurance obligatoire des soins, ainsi qu'à
leur prescrire la manière de ventiler les données statistiques ou comptables y
relatives pour être en mesure d'opérer une surveillance uniforme et
transparente (cf. ATF 138 II 398 consid. 6.2 p. 432 ss). La violation du droit
social fédéral réside en l'occurrence dans le fait pour la disposition attaquée
d'avoir conditionné le versement de la part résiduelle (et non pas, par
exemple, l'inscription d'un établissement sur la liste LAMal) au respect d'une
série d'exigences cantonales. Dans la mesure où un EMS inscrit sur la liste
LAMal ne respecterait pas ou plus les exigences légales et conditions régissant
l'inscription, le canton pourra décider de l'en rayer ou d'appliquer d'autres
sanctions ou mesures que le droit fédéral lui permet de prendre. En revanche,
aussi
BGE 138 I 410 S. 422
longtemps que l'établissement en cause figurera sur la liste cantonale des
établissements habilités à pratiquer à charge de l'assurance obligatoire des
soins, le canton ne pourra refuser de couvrir la part résiduelle des soins de
santé y afférente.

5.4 Dès lors que la disposition querellée est contraire au droit supérieur dans
son ensemble, en raison des conditions auxquelles elle subordonne le
remboursement de la part résiduelle selon l'art. 25a al. 5 LAMal, nul n'est en
l'espèce besoin, tel qu'y avait procédé la Cour constitutionnelle du Tribunal
cantonal, d'examiner point par point si les conditions imposées par l'art. 26g
al. 3 let. b et c LPFES/VD, et les renvois à d'autres normes que cette
disposition opère, "correspondent au sens et au but des prescriptions fédérales
(qualité, économicité, service d'intérêt public comme l'admission de tous les
patients, service d'urgence, etc.)". Soit un EMS remplit les conditions pour
figurer sur la liste LAMal et, dans ce cas, le canton doit assu-mer la part
résiduelle; soit il ne remplit pas les conditions, notamment, de qualité et
d'économicité, de sorte que son inscription sur la liste LAMal devra lui être
refusée ou, si l'établissement s'y trouve déjà, il devra être radié. Ainsi, la
question qui se posait aux derniers juges ne se laissait pas résoudre par le
biais de l'interprétation conforme du droit cantonal au droit supérieur, mais à
la lumière de la systématique imposée par le droit social fédéral.

5.5 En résumé, la violation du droit supérieur constatée ne découle pas du
contenu des conditions imposées par les dispositions litigieuses, mais de la
fixation de conditions supplémentaires à la prise en charge de la part
résiduelle cantonale pour des EMS figurant sur la liste LAMal. Le présent arrêt
ne préjuge ainsi nullement de la possibilité pour un canton, qui dispose à ce
titre d'une large marge d'appréciation, de conditionner - non pas le
remboursement de la part cantonale -, mais l'admission d'un établissement sur
la liste LAMal (cf. art. 39 LAMal) au respect de certaines conditions. Il ne
prive pas non plus le canton de la possibilité d'inviter certains
établissements à respecter des conditions particulières plus contraignantes en
contrepartie d'avantages - en particulier des subventions - qui iraient au-delà
du seul financement obligatoire des soins, applicable à tous les EMS inscrits
sur la liste LAMal, de la part résiduelle selon l'art. 25a al. 5 LAMal (cf. ATF
138 II 191 consid. 4.2.3 p. 199). Le présent arrêt ne limite pas non plus la
faculté pour un canton, dans le respect de la LAMal, de ne pas reconduire le
nom d'un EMS sur la liste cantonale (cf. consid. 5.4 supra), au motif que ce
dernier ne se serait
BGE 138 I 410 S. 423
notamment pas tenu aux principes de l'économicité ou de la qualité des soins,
voire le droit du canton d'intervenir de façon ponctuelle, y compris sur le
plan financier, pour faire respecter les principes de base de l'assurance
obligatoire des soins.
En outre, il convient de ne pas confondre, comme le font les autorités
cantonales, la marge de manoeuvre dont disposent les autorités s'agissant des
modalités du versement de la part résiduelle, notamment la possibilité de
prévoir une tarification raisonnable, avec le devoir inconditionnel, résultant
du régime de l'assurance-maladie de base, de couvrir les frais de soins non
pris en charge par l'assureur-maladie et les assurés sociaux.
Enfin, la Cour de céans souligne que la violation constatée se rapporte à la
compatibilité de la réglementation cantonale attaquée concernant la couverture
des soins de santé avec le régime fédéral de l'assurance-maladie de base.
Compte tenu du résultat du recours, le présent arrêt n'a donc pas à se
prononcer au sujet du respect par la disposition querellée des exigences
fédérales relatives à la couverture des frais socio-hôteliers en faveur des
personnes démunies (cf., à ce titre, ATF 138 II 191 consid. 5.3-5.8 p. 205 ss).

5.6 Le caractère inconditionnel de l'obligation de couvrir la part cantonale
fait d'emblée obstacle à une interprétation conforme au droit fédéral des
conditions additionnelles que prétend imposer l'art. 26g al. 3 let. b et c
LPFES/VD. Il y a par conséquent lieu d'admettre le recours sur ce point, ce qui
conduit à l'annulation de l'arrêt du 6 février 2012 rendu par la Cour
constitutionnelle du Tribunal cantonal, qui a à tort déclaré l'art. 26g al. 3
let. b et c LPFES/VD conforme au droit supérieur.

5.7 Le grief tiré de la violation de la primauté du droit fédéral (art. 49 al.
1 Cst.) étant admis, il n'est donc pas nécessaire d'examiner si l'art. 26g al.
3 let. b et c LPFES/VD viole en sus, comme le font valoir les recourantes, leur
liberté économique.