Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 138 I 196



Zurück zur Einstiegsseite Drucken

Urteilskopf

138 I 196

17. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public dans la cause Conseil
d'Etat de la République et canton de Genève contre X. (recours en matière de
droit public)
2C_1016/2011 du 3 mai 2012

Regeste

Art. 5 Abs. 1 und Art. 178 Abs. 3 BV; Art. 101, 119, 125 und 130 KV/GE; Genfer
Reglement vom 6. Dezember 2004 über die vereidigten Übersetzer (RTJ/GE);
Übertragung von Verwaltungsaufgaben an Dritte; Gewaltenteilung;
Legalitätsprinzip; verfassungsrechtliches Gewohnheitsrecht.
Stellung der vereidigten Übersetzer im Kanton Genf (E. 4.3). Da die vereidigten
Übersetzer nicht Teil der Genfer Staatsverwaltung bilden, bedarf die
Auslagerung staatlicher Aufgaben an sie der Grundlage in einem formellen Gesetz
(E. 4.4). Das RTJ/GE kann sich weder auf ein kantonales Gesetz noch direkt auf
die Art. 101, 119 (Organisation der Verwaltung) oder Art. 125 KV/GE
("Polizeibefugnis") bzw. auf entsprechendes verfassungsrechtliches
Gewohnheitsrecht stützen und entbehrt deshalb in Verletzung des
Gewaltenteilungsprinzips der erforderlichen gesetzlichen bzw.
verfassungsrechtlichen Grundlage (E. 4.5).

Sachverhalt ab Seite 197

BGE 138 I 196 S. 197

A. Le 28 juillet 2010, X., domiciliée à Meyrin (GE), a demandé au Conseil
d'Etat de la République et canton de Genève (ci-après: le Conseil d'Etat), via
la Chancellerie d'Etat, à pouvoir se présenter aux examens de traducteur-juré
pour le canton. Bien que n'étant pas titulaire d'un diplôme universitaire, tel
que le prescrit le règlement genevois du 6 décembre 2004 relatif aux
traducteurs-jurés (RTJ/GE; RSG I 2 46.03), elle estimait pouvoir attester d'une
solide expérience professionnelle et remettait au demeurant en cause la
légalité dudit règlement.

B. Par arrêté du 20 avril 2011, le Conseil d'Etat a déclaré irrecevable la
demande de X., au motif qu'elle ne remplissait pas les conditions permettant
son assermentation en qualité de traductrice-jurée.
Par arrêt du 1^er novembre 2011, la Chambre administrative de la Cour de
Justice de la République et canton de Genève (ci-après: la Cour de Justice) a
partiellement admis, dans la mesure de sa recevabilité, le recours interjeté
par X. contre l'arrêté du 20 avril 2011 et a annulé ce dernier, au motif qu'il
avait été pris en vertu d'un règlement dépourvu de base légale.

C. Le Conseil d'Etat a conclu devant le Tribunal fédéral à ce que ce dernier,
principalement, annule l'arrêt de la Cour de Justice et, statuant à nouveau,
déclare irrecevable le recours formé par X. contre l'arrêté du Conseil d'Etat
du 20 avril 2011, subsidiairement, à ce qu'il rejette ledit recours et, plus
subsidiairement, à ce qu'il renvoie le dossier à la Cour de Justice. Le
Tribunal fédéral a rejeté le recours en matière de droit public dans la mesure
de sa recevabilité.
(résumé)
BGE 138 I 196 S. 198

Erwägungen

Extrait des considérants:

4. Le recourant soutient en substance que la Cour de Justice a porté atteinte
au principe de la séparation des pouvoirs en retenant à tort l'absence de base
légale voire constitutionnelle du RTJ/GE et, partant, en déniant au Conseil
d'Etat la compétence de prévoir une réglementation concernant les
traducteurs-jurés.

4.1 Le principe de la séparation des pouvoirs est garanti au moins
implicitement par toutes les constitutions cantonales. Il sauvegarde le respect
des compétences établies par la Constitution. Il appartient en premier lieu au
droit public cantonal de fixer les compétences des autorités (ATF 134 I 269
consid. 3.3.2 p. 274; ATF 130 I 1 consid. 3.1 p. 5; ATF 128 I 113 consid. 2c p.
116). Dans le canton de Genève, le principe de la séparation des pouvoirs est
en particulier consacré à l'art. 130 de la Constitution de la République et
canton de Genève du 24 mai 1847 (Cst./GE; RSG A 2 00; cf. ATF 134 I 322 consid.
2.2 et 2.3 p. 326 s.; arrêt 2C_649/2010 du 5 avril 2011 consid. 2.2). Il
interdit, en règle générale, au pouvoir exécutif d'édicter des dispositions qui
devraient figurer dans une loi, car cette attribution revient au pouvoir
législatif; l'exécutif cantonal peut en revanche adopter des dispositions
d'exécution (art. 116 Cst./GE). Cette règle connaît des exceptions s'agissant
en particulier de compétences législatives déléguées à l'exécutif ou découlant
directement de la Constitution (cf. ATF 134 I 269 consid. 4.2 p. 279; arrêt
2C_763/2009 du 28 avril 2010 consid. 5.1).

4.2 En l'occurrence, le RTJ/GE émane du Conseil d'Etat, soit du pouvoir
exécutif cantonal. Il sied par conséquent de déterminer si, en posant la
condition de la titularité d'un diplôme universitaire à l'art. 2 RTJ/GE, le
Conseil d'Etat a agi dans le cadre de ses compétences.

4.3 L'activité de traducteur-juré consiste à traduire par écrit, principalement
à partir d'une langue étrangère vers le français, ou subsidiairement, du
français vers une langue étrangère, tout document nécessitant une certification
officielle (art. 1 al. 1 RTJ/GE). Si le Conseil d'Etat, qui se réserve du reste
la possibilité de statuer souverainement, notamment en fonction des besoins
(art. 7 al. 2 RTJ/GE), accepte la requête d'assermentation du candidat (cf.
art. 3 à 8 RTJ/GE), le traducteur-juré entre de son plein gré dans une relation
BGE 138 I 196 S. 199
de droit public avec l'Etat. Cette relation comporte des privilèges, en
particulier le droit de traduire, dans les langues autorisées, les documents
nécessitant une certification officielle, la prérogative de figurer sur le
tableau des traducteurs-jurés publié dans la Feuille d'avis officielle et de
pouvoir conférer une valeur probante aux textes traduits en y apposant le sceau
officiel du canton (cf. art. 9 et 10 RTJ/GE); simultanément, ladite relation
impose des obligations strictes aux traducteurs-jurés, notamment la
tarification de leurs prestations (art. 12 RTJ/GE), le devoir de procéder en
priorité aux traductions qui leur sont demandées par les services de l'Etat et
par les particuliers nécessitant une certification officielle (art. 11 al. 2 et
3 RTJ/GE), ou encore des contrôles de qualité et du respect des conditions de
la part de l'Etat, tels qu'accompagnés d'un régime de sanctions (art. 15 RTJ/
GE).
Il découle du statut réglementaire de traducteur-juré que ce dernier se voit
conférer une parcelle limitée de la puissance publique qui le place dans un
rapport de droit public spécial vis-à-vis du canton de Genève (cf. ATF 124 I
297 consid. 4a p. 300). Le traducteur-juré est en effet appelé à traduire des
documents requérant une certification officielle non seulement pour
l'administration, mais aussi pour des particuliers (art. 11 al. 2 et 3 RTJ/GE);
ces derniers doivent pouvoir placer une confiance accrue en ses traductions,
dont il pourra être fait usage dans le cadre de procédures ou transactions.
Muni du sigle de l'Etat, le traducteur-juré atteste ainsi d'une traduction
fidèle et de qualité de documents officiels et/ou probants. Si le
traducteur-juré ne détient pas le monopole des traductions officielles, le
sceau officiel de la République et canton de Genève apposé sur les
certifications n'en signale pas moins aux particuliers qu'une présomption de
conformité est attachée à ses travaux, dans le sens où l'Etat leur reconnaît
une force probante accrue. En cela, la fonction du traducteur-juré, qui ne se
limite pas à traduire des documents soumis par les services de l'Etat, dépasse
le cadre d'une fonction administrative interne (s'agissant d'un
traducteur-interprète auprès d'une mission diplomatique: ATF 120 II 408 consid.
5c p. 410 s.; arrêt 4A_386/2011 du 4 août 2011 consid. 3) et présente, dans le
canton de Genève, certaines analogies avec le ministère d'un notaire
indépendant (pour cette notion: FRANÇOIS BOHNET, Droit des professions
judiciaires, 2008, p. 74; cf., s'agissant de la rédaction des actes notariés et
de leur traduction, l'art. 13 de la loi genevoise du 25 novembre 1988 sur le
notariat [LNot/GE; RSG E 6 05]).
BGE 138 I 196 S. 200

4.4 Selon que l'Etat exerce lui-même une tâche étatique ou en délègue
l'exécution à des tiers externes à l'administration, les exigences quant à la
légalité (cf. art. 5 al. 1 Cst.) de la réglementation applicable à cette
activité ne sont pas les mêmes.

4.4.1 Lorsque l'Etat exécute ses tâches par le biais de ses propres services
administratifs, il est en principe en droit de réglementer le domaine concerné
au travers d'une ordonnance législative, voire le cas échéant, par le biais
d'une ordonnance administrative (pour cette notion: ATF 136 V 295 consid. 5.7
p. 308; ATF 128 I 167 consid. 4.3 p. 171; arrêt 8C_860/2009 du 22 septembre
2010 consid. 4.2). Dans le canton de Genève, l'exécutif peut du reste adopter
des ordonnances législatives indépendantes sur la base des art. 101, 119 et 122
Cst./GE et dans les domaines régis par ces dispositions; celles-ci confient
l'administration générale du canton, l'organisation et la surveillance de
l'administration au Conseil d'Etat (FABIEN WAELTI, La "directive" dans le
paysage législatif genevois, in Actualités juridiques de droit public 2011,
Hofmann/Waelti [éd.], 2011, p. 137 s.). Par conséquent, tant que l'Etat gère le
service de traducteurs-jurés de manière interne à son administration, il lui
compète de fixer les exigences que les employés de l'Etat doivent remplir pour
exécuter cette tâche par le biais d'ordonnances.

4.4.2 Le cas de figure décrit ci-dessus (consid. 4.4.1) est également réalisé
lorsque, au lieu ou en plus d'effectuer lui-même les traductions officielles en
faveur de l'administration et de particuliers, le service de traducteurs-jurés
mandate des traducteurs privés à cette fin, mais qu'il maintient simultanément
un contrôle sur les traductions externes et endosse ces dernières sous la
responsabilité de l'Etat. Dans une telle hypothèse, les traducteurs externes à
l'administration n'agissent en effet qu'en qualité d'auxiliaires et sous la
supervision du service étatique concerné, lequel atteste et continue à répondre
de la qualité et de la valeur probante des traductions transitant via son
ministère.
Il en découle que le recourant ne peut rien tirer des Instructions de la
Chancellerie fédérale du 12 décembre 2000 sur le recours à des traducteurs ou
réviseurs privés, car cette ordonnance administrative interne rédigée à
l'attention des unités administratives de la Confédération (art. 1.2) instaure
un contrôle des traductions externes par l'Etat (art. 5.3) et précise que la
publication des textes traités par des traducteurs externes intervient sous la
responsabilité de l'Etat (cf.
BGE 138 I 196 S. 201
art. 5.4). De même, il ressort du dossier que, jusqu'en 1993 au plus tard, le
canton de Genève confiait ses traductions à un traducteur officiel, employé par
l'Etat, qui avait recours aux services de traducteurs-jurés sélectionnés par
ses soins et assermentés par le Conseil d'Etat, mais qui demeurait
l'interlocuteur principal de l'Etat.

4.4.3 En revanche, si le canton choisit de déléguer une tâche de l'Etat à des
services extérieurs à l'administration, cette délégation et ses modalités
doivent être prévues dans une loi formelle. Au niveau de la Confédération, une
telle obligation découle de l'art. 178 al. 3 Cst. (cf. ATF 137 II 409 consid.
4.3 p. 411); cette disposition constitutionnelle reflète toutefois un principe
général du droit public qui exige qu'un acte de décentralisation
administrative, de même que toute délégation de l'exercice de pouvoirs de
puissance publique à des tiers reposent sur une base légale formelle
suffisamment précise, dès lors qu'ils portent atteinte à l'unité organique de
l'administration et constituent une entorse au monopole de l'Etat (cf. ATF 138
II 134 consid. 4.3.1 p. 140; arrêts 2A.166/2005 du 8 mai 2006 consid. 10.2;
2P.96/2000 du 8 juin 2001 consid. 4c/aa, in ZBl 102/2001 p. 656; SJ 2001 I p.
557; HÄFELIN/MÜLLER/UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 6^e éd. 2010, p. 339
n. 1509; PIERRE MOOR, Droit administratif, vol. III, 1992, p. 116).
Etant investi d'une parcelle de puissance publique et accomplissant dans cette
fonction une tâche étatique, le traducteur-juré n'en demeure pas moins, depuis
l'abolition de la fonction de traducteur officiel à Genève, indépendant de
l'administration (cf., mutatis mutandis, ATF 129 I 330 consid. 2.1 p. 333; ATF
124 I 297 consid. 4a p. 300). Il doit d'ailleurs établir, en vue de son
assermentation, qu'il n'est pas soumis à un lien de subordination contractuel,
pour une part importante de son activité professionnelle, avec une collectivité
ou administration publique, ou avec une représentation diplomatique étrangère
(cf. art. 2 al. 1 let. f RTJ/GE). S'il doit effectuer ses traductions en
priorité pour l'Etat, il reste libre de déployer en sus des activités privées,
pour lesquelles il ne bénéficie d'aucun privilège, voire de fonctionner
également en tant qu'interprète (art. 11 al. 2, 3 et 10 RTJ/GE). Il est
personnellement et exclusivement responsable des travaux qu'il réalise et sur
lesquels il appose son sceau (art. 11 al. 6 RTJ/GE). De plus, les litiges entre
les traducteurs-jurés et leurs clients relèvent de la compétence des tribunaux
civils ordinaires (art. 15 al. 5 RTJ/GE).
BGE 138 I 196 S. 202
Il s'ensuit que le traducteur privé exerçant la fonction de traducteur- juré se
voit, en sa qualité de particulier extérieur à l'administration, confier une
tâche de cette dernière (cf. ATF 137 II 409 consid. 7.3.2 p. 415), de sorte que
la réglementation relative à l'exercice de la fonction de traducteur-juré par
des traducteurs privés doit reposer sur une base légale émanant du législateur
cantonal. Dans de telles circonstances, le point de savoir si l'exigence d'une
base légale formelle pourrait aussi, comme retenu par la cour cantonale,
découler de la liberté économique des traducteurs, à supposer que le
traducteur-juré puisse se prévaloir d'une telle liberté, n'a pas à être
tranché.

4.5 A l'aune de ce qui précède, il convient de vérifier si le règlement du
Conseil d'Etat repose sur des compétences législatives qui lui ont été
déléguées (cf. consid. 4.1 in fine supra).

4.5.1 Il est établi et non contesté qu'aucune loi formelle ne régit les
traducteurs-jurés dans le canton de Genève. Reste à examiner si le Conseil
d'Etat tient sa compétence réglementaire directement de la Constitution, de
sorte que le RTJ/GE serait assimilable à une ordonnance législative
indépendante de substitution contenant des normes primaires ne figurant pas
dans une loi (cf. ATF 132 I 229 consid. 4.2 p. 234; ATF 123 II 295 consid. 3a
p. 298; arrêt 1C_103/2007 du 7 décembre 2007 consid. 4.3, in ZBl 110/2009 p.
266; RDAF 2010 I p. 490).

4.5.2 Le recourant estime que la réglementation de cette fonction relèverait de
la "matière de police", en vertu de l'art. 125 Cst./GE, et serait justifiée par
le besoin d'assurer le bon fonctionnement de l'administration et la protection
du public.
L'art. 125 Cst./GE institue la compétence du Conseil d'Etat d'édicter les
règlements de police dans les limites fixées par la loi, ainsi que d'en
ordonner et d'en surveiller l'exécution. Cette disposition accorde à l'exécutif
cantonal genevois un large pouvoir normatif indépendant dans les matières de
police (arrêt 1P.598/2004 du 27 avril 2005 consid. 2.4), soit le droit
d'adopter des ordonnances en se fondant directement sur la Cst./GE (ATF 134 I
322 consid. 2.4 p. 327). La notion de "police" au sens de cette norme
constitutionnelle est plus large que celle comprise dans la "clause générale de
police" relative à la prise de mesures urgentes pour rétablir ou préserver
l'ordre public (ATF 114 Ia 286 consid. 5b p. 289).
Les matières pouvant faire l'objet d'un règlement de police étaient
exhaustivement circonscrites par l'art. 37 de l'ancienne loi pénale genevoise
du 20 septembre 1941 (cf. AUER/MALINVERNI/HOTTELIER,
BGE 138 I 196 S. 203
Droit constitutionnel suisse, vol. I, 2006, p. 593 n. 1679), avant son
abrogation par la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG/GE; RSG E 4
05); elles se concentraient essentiellement sur des aspects sécuritaires et de
droit pénal (administratif) cantonal (cf. ATF 114 Ia 286 consid. 5b p. 289 s.;
ATF 100 Ia 189 p. 196; arrêts 1P.598/2004 précité consid. 2.4; 1P.469/1996 du
21 janvier 1997 consid. 2a). Malgré l'abrogation de l'ancienne LPG/GE, on doit
dès lors admettre que la notion indéterminée de "police" prévue à l'art. 125
al. 1 Cst./GE ne saurait s'interpréter de manière trop large (cf. ATF 111 Ia
231 consid. 5a p. 236). Or, le bon fonctionnement de l'administration et la
protection du public invoqués par le recourant sont trop généraux pour que le
RTJ/GE puisse être considéré comme ayant pour objectif principal la sauvegarde
de l'ordre public. Le RTJ/GE ne peut par conséquent se fonder sur l'art. 125
Cst./GE.

4.5.3 A titre subsidiaire, le recourant se prévaut des art. 101 et 119 Cst./GE,
dont le premier lui confie le pouvoir exécutif et l'administration générale du
canton, tandis que le second l'habilite à régler les attributions et
l'organisation des bureaux de chaque département, à déterminer le nombre et les
occupations des employés et à fixer les émoluments sous réserve de
l'approbation du parlement cantonal. La mention de ces dispositions
constitutionnelles figure dans le préambule du RTJ/GE depuis son amendement du
30 mars 2011.
Contrairement à ce qu'affirme le recourant, la réglementation de la fonction de
traducteur-juré n'est pas purement organisationnelle. Elle concerne encore
moins, comme évoqué précédemment (consid. 4.4.3), le personnel ou les services
internes à l'administration, mais vise à conférer une tâche de l'administration
à des particuliers extérieurs à celle-ci. Partant, les bases constitutionnelles
avancées par le recourant sont inadéquates en vue d'autoriser le Conseil d'Etat
à édicter le RTJ/GE.

4.5.4 En dernier lieu, le recourant affirme que sa compétence pour réglementer
le domaine des traducteurs-jurés résulterait en tout état d'une coutume
constitutionnelle séculaire.
Le Tribunal fédéral n'exclut pas la naissance et la reconnaissance de droit
coutumier en droit public. Il a ainsi exposé qu'il n'est pas contraire au droit
constitutionnel de reconnaître une norme juridique née d'un usage prolongé,
pour autant qu'elle ne porte pas atteinte aux droits fondamentaux des citoyens.
Le silence de la loi ne peut pas être interprété d'emblée comme un silence
qualifié prohibant tout
BGE 138 I 196 S. 204
droit coutumier; cela dépend de savoir s'il est nécessaire de compléter la loi
ou, alors, s'il faut interpréter le caractère exhaustif de la norme juridique
écrite comme s'opposant à tout complètement. La reconnaissance d'une coutume
est soumise à des conditions strictes (cf. ATF 136 I 376 consid. 5.2 p. 387;
ATF 119 Ia 59 consid. 4b p. 62; ATF 105 Ia 2 consid. 2a p. 5; ATF 96 V 49
consid. 4 p. 51 s.; MICHEL BÉGUELIN, Das Gewohnheitsrecht in der Praxis des
Bundesgerichts, 1968, p. 23 ss et 109). Une lacune véritable a été admise et
une coutume a jadis été reconnue s'agissant de la compétence du Conseil d'Etat
genevois de connaître, sur la base de l'art. 101 Cst./GE, des recours
hiérarchiques contre les décisions prises par l'administration cantonale (cf.
ATF 99 Ia 586 consid. 1c p. 591). Cela étant, il ne peut pas être tenu compte
d'une coutume lorsqu'elle revient à déroger à une loi formelle, voire à la
Constitution (HÄFELIN/HALLER/KELLER, Schweizerisches Bundesstaatsrecht, 7^e éd.
2008, p. 6 n. 12 s. et p. 314 n. 1061; HÄFELIN/MÜLLER/UHLMANN, op. cit., p. 43
n. 206).
La coutume alléguée par le recourant consisterait à lui octroyer la compétence
de réglementer l'activité de traducteur-juré à Genève. Or, il découle de la
Cst./GE que le constituant genevois a entendu limiter les situations dans
lesquelles le Conseil d'Etat est en droit d'édicter des ordonnances
législatives indépendantes. Ainsi, comme on l'a vu, l'art. 125 Cst./GE autorise
l'adoption de règlements de police, les art. 119 et 122 Cst./GE traitent de la
réglementation de l'administration et l'art. 128 Cst./GE confie les relations
extérieures du canton au Conseil d'Etat (cf. VINCENT MARTENET, La conclusion
des conventions internationales et intercantonales au regard de la séparation
des pouvoirs, spécialement dans le canton de Genève, ZBl 4/2011 p. 173 ss, 201
s.; WAELTI, op. cit., p. 137). Au-delà des hypothèses expressément envisagées
par la Cst./GE, les compétences normatives du Conseil d'Etat se limitent à
l'exécution et à la concrétisation des lois adoptées par le Grand Conseil. Il
est partant permis d'exclure toute lacune véritable de la part du constituant
s'agissant des compétences normatives attribuées au Conseil d'Etat. L'existence
d'une coutume constitutionnelle qui, comme en l'espèce, permettrait d'étendre
les compétences législatives du Conseil d'Etat au détriment de la répartition
des compétences régie par la Constitution genevoise -, de surcroît dans un
domaine soumis à la réserve de la loi en raison de la délégation d'une tâche de
l'administration à des particuliers -, doit par conséquent être réfutée.
BGE 138 I 196 S. 205

4.6 Au vu de ce qui précède, c'est à bon droit que la Cour de Justice a retenu
que le RTJ/GE était dénué de toute base constitutionnelle ou légale, en
violation du principe de la séparation des pouvoirs, et qu'elle a annulé
l'arrêté du 20 avril 2011 appliquant ledit règlement. Les griefs du recourant
doivent être écartés sur ce point.