Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 138 IV 65



Zurück zur Einstiegsseite Drucken

Urteilskopf

138 IV 65

8. Extrait de l'arrêt de la Cour de droit pénal dans la cause X. contre
Ministère public du canton de Genève (recours en matière pénale)
6B_588/2011 du 16 mars 2012

Regeste

Art. 89 Abs. 3 und Art. 95 Abs. 3-5 StGB; Nichtbewährung, Rückversetzung des
bedingt Entlassenen.
Die Durchführbarkeit von Bewährungshilfe und Weisungen darf nicht einzig unter
dem Gesichtspunkt der Einhaltung der Anordnungen durch den Verurteilten geprüft
worden, sondern muss auch dem Schutz der öffentlichen Sicherheit Rechnung
tragen. Kann die Anordnung diesen objektiven Zweck nicht erreichen, ist sie als
nicht durchführbar im Sinne von Art. 95 Abs. 3 StGB zu betrachten. In diesem
Fall sind die in Art. 95 Abs. 4 und 5 StGB vorgesehenen Anordnungen zu treffen
(E. 4).

Sachverhalt ab Seite 66

BGE 138 IV 65 S. 66

A. Par arrêt du 2 mars 2009, la Cour d'assises du canton de Genève a condamné
X. pour viol à une peine privative de liberté de 6 ans.
Le 15 octobre 2010, le Tribunal d'application des peines et mesures du canton
de Genève (TAPEM) a prononcé la libération conditionnelle de X. pour le 29
octobre 2010, le solde de la peine à exécuter étant de 2 ans. Il a ordonné à
titre de règle de conduite durant le délai d'épreuve, fixé à 2 ans, le suivi
d'un traitement ambulatoire psychothérapeutique et addictologique (alcool et
stupéfiants) avec obligation de remettre une attestation au Service
d'application des peines et mesures (SAPEM) tous les trois mois. Il a également
ordonné une assistance de probation durant le délai d'épreuve, X. devant se
présenter au Service de probation et d'insertion (SPI) au moins une fois par
mois.
Par jugement du 7 avril 2011, le TAPEM a ordonné la réintégration de X. pour le
solde de la peine prononcée le 2 mars 2009.

B. Par arrêt du 5 juillet 2011, la Chambre pénale d'appel et de révision de la
Cour de justice genevoise a rejeté le recours de X. contre ce jugement.

C. X. forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre cet arrêt.
Il conclut, sous suite de dépens, à son annulation. Il sollicite par ailleurs
l'assistance judiciaire.
La cour cantonale se réfère à son arrêt. Le Ministère public conclut au rejet
du recours.

Erwägungen

Extrait des considérants:

4. Le recourant invoque une violation des art. 89 al. 3 et 95 al. 3-5 CP. Il
relève qu'il n'a pas violé la règle de conduite fixée ni ne s'est soustrait à
l'assistance de probation. Selon lui, une révocation de sa libération était
ainsi exclue.

4.1 Aux termes de l'art. 89 al. 3 CP, l'art. 95 al. 3-5 CP est applicable si la
personne libérée conditionnellement se soustrait à l'assistance de probation ou
si elle viole les règles de conduite. Selon l'art. 95 al. 3 CP, si le condamné
se soustrait à l'assistance de probation, s'il viole les règles de conduite ou
si l'assistance de probation ou les règles de conduite ne peuvent plus être
exécutées ou ne sont plus nécessaires, l'autorité compétente présente un
rapport au juge ou à l'autorité d'exécution. Dans les cas prévus à l'al. 3, le
juge ou l'autorité d'exécution peut prolonger le délai d'épreuve jusqu'à
concurrence de la moitié
BGE 138 IV 65 S. 67
de sa durée, lever l'assistance de probation ou en ordonner une nouvelle, ou
encore modifier les règles de conduite, les révoquer ou en imposer de nouvelles
(art. 95 al. 4 let. a-c CP). Dans les cas prévus à l'art. 95 al. 3, le juge
peut aussi révoquer le sursis ou ordonner la réintégration dans l'exécution de
la peine ou de la mesure s'il est sérieusement à craindre que le condamné ne
commette de nouvelles infractions (art. 95 al. 5 CP).

4.2 Dès lors que l'art. 89 al. 3 CP renvoie à l'art. 95 al. 3 CP, il convient
tout d'abord de déterminer si une révocation est envisageable uniquement en cas
de soustraction à l'assistance de probation ou de violation des règles de
conduite comme le prévoit l'art. 89 al. 3 CP ou si elle entre également en
ligne de compte lorsque l'assistance de probation ou les règles de conduite ne
peuvent plus être exécutées comme le mentionne expressément l'art. 95 al. 3 CP.
L'articulation des art. 89 al. 3 et 95 al. 3 CP n'est pas claire. Selon un
courant de doctrine, si l'assistance de probation ou les règles de conduite ne
peuvent plus être exécutées , la responsabilité en incombe au premier chef à
l'autorité d'exécution qui les a ordonnées et non au condamné. Cela ne peut
aboutir à une révocation. De même, si l'assistance de probation ou les règles
de conduite ne sont plus nécessaires, cela ne peut que signifier que le danger
de récidive qu'elles devaient prévenir n'existe plus, ce qui exclut ainsi un
motif de révocation (cf. GÜNTER STRATENWERTH, Schweizerisches Strafrecht,
Allgemeiner Teil, vol. II, 2^e éd. 2006, n. 85 § 4 p. 116-117; STRATENWERTH/
WOHLERS, Schweizerisches Strafgesetzbuch, Handkommentar, 2^e éd. 2009, n° 3 ad
art. 95 CP). Un autre courant de doctrine considère que si l'assistance de
probation ou les règles de conduites ne peuvent plus être exécutées, quel qu'en
soit le motif, cela est de nature à modifier le pronostic posé au moment de la
libération de sorte qu'une révocation est alors envisageable (cf. ANDREA
BAECHTOLD, in Basler Kommentar, Strafrecht, vol. I, 2^e éd. 2007, n° 9 ad art.
95 CP). Cette dernière approche doit être privilégiée. Il est en effet légitime
de pouvoir tenir compte de l'influence de l'assistance de probation ou des
règles de conduite, qui sont destinées à prévenir de nouvelles infractions et à
l'effet desquelles est liée la décision d'accorder la libération conditionnelle
(cf. infra consid. 4.3.2; également arrêt 6B_75/2010 du 6 mai 2010 consid.
2.2). Si les mesures précitées ne peuvent plus être exécutées, cette
modification des circonstances doit pouvoir être prise en considération, comme
le prévoit expressément l'art. 95 al. 3 CP. Il résulte de ce qui précède que le
renvoi de l'art. 89
BGE 138 IV 65 S. 68
al. 3 CP à l'art. 95 al. 3 CP inclut aussi l'hypothèse visée par cette dernière
disposition que les mesures ne peuvent plus être exécutées.

4.3 Reste à déterminer ce qu'il faut entendre par assistance de probation ou
règles de conduite "qui ne peuvent plus être exécutées" selon l'art. 95 al. 3
CP.

4.3.1 La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation
littérale). Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs
interprétations sont possibles, il convient de rechercher quelle est la
véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à
considérer, soit notamment des travaux préparatoires (interprétation
historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur
lesquelles elle repose, singulièrement de l'intérêt protégé (interprétation
téléologique) ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales
(interprétation systématique). Le Tribunal fédéral ne privilégie aucune méthode
d'interprétation, mais s'inspire d'un pluralisme pragmatique pour rechercher le
sens véritable de la norme. Il ne se fonde sur la compréhension littérale du
texte que s'il en découle sans ambiguïté une solution matériellement juste (ATF
137 IV 249 consid. 3.2 p. 251; 180 consid. 3.4 p. 184 et arrêts cités).

4.3.2 Le texte de l'art. 95 al. 3 CP ne fournit pas d'éclairage sur la notion
d'assistance de probation ou de règles de conduite "qui ne peuvent plus être
exécutées". Selon une interprétation téléologique et systématique, ces mesures
sont des mesures d'accompagnement qui tendent non seulement à permettre la
réinsertion du condamné mais qui visent aussi à réduire le danger de récidive
pendant la période d'épreuve. Ce dernier objectif ressort expressément de
l'art. 93 al. 1 CP. L'assistance de probation et les règles de conduite
impliquent donc de tenir compte de la sécurité publique, qui a déjà été lésée
par l'infraction ayant donné lieu à la privation de liberté, objet de la
libération conditionnelle (cf. Message du 21 septembre 1998 concernant la
modification du code pénal suisse, FF 1999 1932 ch. 215).
Il résulte de ce qui précède que l'exécutabilité de l'assistance de probation
ou de règles de conduite, en tant que mesure d'accompagnement de la décision de
libération conditionnelle, ne doit pas être examinée uniquement sous l'angle du
respect par le condamné des modalités de la mesure en question, mais aussi en
tenant compte du but de sécurité publique poursuivi. Si la mesure ne peut plus
atteindre cet objectif, elle doit être considérée comme n'étant plus exécutable
au sens de l'art. 95 al. 3 CP. En pareil cas, l'autorité a alors la
BGE 138 IV 65 S. 69
possibilité de réaménager la mesure selon l'art. 95 al. 4 CP ou de prononcer la
réintégration au sens de l'art. 95 al. 5 CP (dans ce sens, MICHEL PERRIN, in
Commentaire romand, Code pénal, vol. I, 2009, n° 17 in fine ad art. 95 CP, qui
ne préconise toutefois dans ces circonstances qu'un réaménagement au sens de
l'art. 95 al. 4 CP, sans envisager une révocation selon l'art. 95 al. 5 CP; cf.
aussi STRATENWERTH/WOHLERS, op. cit., n° 3 ad art. 95 CP qui stigmatisent la
formulation de la loi qui ne prévoit pas la possibilité, pourtant souhaitable,
d'adapter la situation, lorsque la mesure ordonnée ne peut atteindre son but;
STEFAN TRECHSEL ET AL., Schweizerisches Strafgesetzbuch, Praxiskommentar, 2008,
n° 6 ad art. 95 CP, qui relève uniquement que la possibilité qu'une mesure ne
soit plus appropriée n'est pas prévue par la loi). Cette interprétation est
conforme à la volonté exprimée par le message du Conseil fédéral - certes non
expressément concrétisée dans le projet ou la loi finalement adoptée - selon
laquelle la révocation de la libération conditionnelle doit être ordonnée si la
perspective de probation pour le condamné s'est détériorée "pour une raison
quelconque" pendant le temps d'épreuve, au point que seule l'exécution de la
peine semble selon toute probabilité la sanction la plus efficace (FF 1999 1938
ch. 215.3 [à noter que ce passage comporte en français une erreur de plume en
se référant à une "lettre b", lettre que ne prévoyait pas le projet, cf. FF
1999 2134 ad art. 95 et BBl 1999 2131 ch. 215.3]).

4.3.3 Le recourant a bénéficié d'une libération conditionnelle assortie d'une
assistance de probation et de règles de conduite. L'absence de pronostic
défavorable quant au risque de récidive dépendait de l'effet attendu des
mesures ordonnées. La cour cantonale a retenu que le recourant ne s'était pas
soustrait à l'assistance de probation et, sous réserve de quelques entorses peu
caractérisées, n'avait pas violé les règles de conduite imposées. Toutefois,
nonobstant le respect de ces mesures par le recourant, il est apparu que
celles-ci n'ont pas eu l'effet escompté. Compte tenu de la situation du
recourant qui s'est dégradée, elles ne permettaient plus d'atteindre le but
pour lesquelles elles avaient été instaurées, soit éviter, à tout le moins
limiter le risque de récidive. Dans ces conditions, il faut considérer que les
mesures ne pouvaient plus être exécutées au sens de l'art. 95 al. 3 CP. La cour
cantonale pouvait ainsi sans violer le droit fédéral envisager une
réintégration selon l'art. 95 al. 5 CP.