Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 138 IV 57



Urteilskopf

138 IV 57

7. Extrait de l'arrêt de la Cour de droit pénal dans la cause X. contre
Ministère public du canton de Neuchâtel et Swissmedic (recours en matière
pénale)
6B_280/2011 du 7 novembre 2011

Regeste

Art. 4, 86 und 87 HMG; Arzneimittel; Gesundheitsgefährdung; Anwendungsbereich
des Art. 86 Abs. 1 lit. b HMG.
Nahrungsergänzungsmittel, die zur medizinischen Einwirkung auf den Organismus
angepriesen werden, fallen unabhängig von ihrer Zusammensetzung unter den
Begriff der Arzneimittel gemäss Art. 4 Abs. 1 lit. a HMG (E. 3). Der Tatbestand
des Art. 86 Abs. 1 lit. b HMG ist erfüllt, wenn die Gesundheit von Menschen
namentlich durch Inverkehrbringen und Verschreiben von Arzneimitteln konkret
gefährdet wird. Dies ist nicht der Fall, wenn Produkte ohne Wirkstoff
vermarktet werden, selbst wenn der Vertreiber empfiehlt, sie anstelle von
anerkannten Therapien anzuwenden. Derartige Ratschläge stellen weder ein
Verschreiben im Sinne von Art. 86 Abs. 1 lit. b HMG noch Inverkehrbringen
gemäss Art. 4 Abs. 1 lit. d HMG dar (E. 4).

Sachverhalt ab Seite 58

BGE 138 IV 57 S. 58

A. En septembre 2004, Swissmedic, Institut suisse des produits thérapeutiques
(ci-après: Swissmedic), a ouvert une enquête à l'encontre de X., soupçonné
d'infractions aux art. 86 et 87 de la loi fédérale du 15 décembre 2000 sur les
médicaments et les dispositifs médicaux (loi sur les produits thérapeutiques,
LPTh; RS 812.21).

B. Après transmission de l'affaire au Ministère public neuchâtelois, X. a été
renvoyé pour jugement devant le Tribunal correctionnel du district du Locle. Le
18 septembre 2009, cette autorité l'a reconnu coupable de violation des art. 87
al. 2 LPTh et 6 al. 1 de la loi fédérale du 22 mars 1974 sur le droit pénal
administratif (DPA; RS 313.0) pour avoir notamment importé et commercialisé en
Suisse, sans autorisation, des compléments alimentaires présentés comme des
produits thérapeutiques. Il l'a condamné à 180 jours-amende, à 100 fr. le jour
avec sursis pendant trois ans, ainsi qu'à une créance compensatrice de 300'000
fr.
Par arrêt du 26 mai 2010, la Cour de cassation pénale neuchâteloise a admis
partiellement le pourvoi formé contre ce jugement par Swissmedic. Elle l'a
annulé en tant qu'il condamnait X. pour violation de l'art. 87 al. 2 LPTh et
non de l'art. 86 al. 2 LPTh et a renvoyé la cause au Tribunal correctionnel
pour nouveau jugement.

C. Statuant à nouveau le 11 novembre 2010, le Tribunal correctionnel a condamné
X. pour violation des art. 86 al. 1 let. b et 2 LPTh et 87 LPTh à une peine
privative de liberté de 15 mois avec sursis pendant quatre ans.

D. Le condamné a formé contre cet arrêt un pourvoi en cassation qui a été
rejeté par la Cour de cassation neuchâteloise le 15 mars 2011.

E. X. dépose un recours en matière pénale contre les arrêts de la Cour de
cassation des 26 mai 2010 et 15 mars 2011. Il conclut à leur annulation et au
renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour qu'elle statue à nouveau.
BGE 138 IV 57 S. 59
La Cour de cassation pénale a renoncé à formuler des observations. Le Ministère
public et Swissmedic ont conclu au rejet du recours.
(résumé)

Erwägungen

Extrait des considérants:

3. Dès lors que le recourant dénonce une violation de l'art. 86 LPTh, il faut
déterminer en premier lieu si les compléments alimentaires litigieux sont
soumis à la LPTh ou relèvent du droit sur les denrées alimentaires.

3.1 Les conséquences juridiques sont différentes selon qu'un produit est mis
sur le marché en tant que produit thérapeutique ou en tant que denrée
alimentaire. La délimitation entre les médicaments et les denrées alimentaires
n'est pas toujours aisée. Il n'y a pas de lacune entre la législation sur les
denrées alimentaires et celle sur les médicaments; chaque produit est inclus
dans le champ d'application soit de l'une législation soit de l'autre (cf. ATF
127 II 91 consid. 3a/aa; Message relatif à la loi fédérale sur les denrées
alimentaires et les objets usuels, FF 2011 5181 ss, 5206 ch. 2.2).
Les médicaments comprennent les produits d'origine chimique ou biologique
destinés à agir médicalement sur l'organisme humain ou animal, ou présentés
comme tels, et servant notamment à diagnostiquer, à prévenir ou à traiter des
maladies, des blessures et des handicaps; le sang et les produits sanguins sont
considérés comme des médicaments (art. 4 al. 1 let. a LPTh). Selon cette
définition, un produit est un médicament soit s'il possède objectivement des
propriétés énoncées dans cette disposition soit si, sans avoir ces propriétés,
il est présenté comme tel. Doivent en revanche être considérés comme des
compléments alimentaires soumis à l'ordonnance du 23 novembre 2005 du DFI sur
les aliments spéciaux (RS 817.022.104; ci-après: ordonnance du DFI), les
produits qui contiennent des vitamines, des sels minéraux ou d'autres
substances sous forme concentrée et ayant un effet nutritionnel ou
physiologique, et qui sont destinés à compléter l'alimentation (art. 22 al. 1
de l'ordonnance du DFI).
Savoir à quel groupe appartient un produit qui ne présente pas objectivement
les propriétés définies à l'art. 4 al. 1 let. a LPTh dépend donc de la manière
dont il est présenté. Tout produit présenté à la vente comme médicament, mais
qui, objectivement, n'en est pas un, relève de la loi sur les produits
thérapeutiques. La notion de "présentation à la vente" permet notamment
d'empêcher une personne de mettre sur le marché des produits en affirmant
qu'ils ne sont pas des
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médicaments, tout en leur attribuant des vertus thérapeutiques qui n'ont pas
été vérifiées lors d'une procédure d'autorisation (ATF 127 II 91 consid. 3a/aa;
Message concernant une loi fédérale sur les médicaments et les dispositifs
médicaux, FF 1999 3151 ss, 3185 ad art. 4). Il y a lieu de considérer qu'un
produit est présenté comme un médicament lorsque, eu égard à son étiquetage, à
son conditionnement ou à sa publicité, il apparaît comme étant destiné à agir
médicalement sur l'organisme (arrêt 6B_979/2009 du 21 octobre 2010 consid. 4.1;
URSULA EGGENBERGER STÖCKLI, in Commentaire bâlois, loi sur les produits
thérapeutiques, 2006, n° 11 ad art. 4 LPTh).

3.2 En l'espèce, il ressort des faits constatés par l'autorité de première
instance, repris par la cour cantonale, que les produits litigieux ne
contiennent pas de principe actif destiné à agir médicalement sur l'être
humain. C'est dire qu'ils ne possèdent pas objectivement les propriétés
énoncées à l'art. 4 al. 1 a let. LPTh.
Reste à déterminer s'ils ont été présentés à la vente comme des médicaments.
Selon les faits retenus, le recourant avait élaboré une stratégie de vente qui
consistait à ne faire apparaître sur les sites internet commercialisant les
produits aucune allégation sur leurs vertus thérapeutiques. De cette manière,
les produits échappaient à la surveillance des autorités compétentes pour
réguler le marché des médicaments. En réalité, le consommateur se rendait sur
un de ces sites internet après avoir découvert les produits litigieux et reçu
une information sur leurs vertus curatives soit dans une conférence, soit dans
la revue "Pratique de santé" destinée au public ou sur le site internet d'un
médecin belge, le Dr Y. Sur ce site, ce médecin, qui collaborait activement
avec le recourant, décrivait diverses pathologies qui étaient associées à des
traitements à base des produits litigieux. Une fois commandés, ceux-ci étaient
livrés par poste aux clients. Si leur étiquette indiquait uniquement la
composition et les conseils d'utilisation (par ex: 206 Osteonat: "3 gélules par
jour 15 minutes avant les repas"), ils étaient accompagnés d'une brochure
intitulée "La trousse santé du Dr Y.", du nom de son auteur, qui était destinée
à servir de notice explicative et qui vantait leurs vertus thérapeutiques. Dans
ces conditions, il apparaît que les produits étaient présentés comme destinés à
agir médicalement sur l'organisme. Ils tombent ainsi, indépendamment de leur
composition, dans le champ d'application de la LPTh.

4. Le recourant se plaint d'une violation de l'art. 86 al. 1 let. b LPTh. Selon
lui, cette disposition n'est pas applicable aux médicaments qui
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ne contiennent pas de principe actif mais sont présentés comme tels, car ils ne
mettent pas concrètement en danger la santé de personnes.

4.1 Sur le plan objectif, la réalisation de l'infraction prévue à l'art. 86 al.
1 let. b LPTh suppose la réunion de quatre éléments constitutifs: l'un des
comportements énoncés par la disposition soit la fabrication, mise sur le
marché, prescription, importation, exportation ou commerce à l'étranger,
l'absence d'autorisation ou la violation d'une autre disposition de la LPTh,
une mise en danger de la santé d'êtres humains et un lien de causalité entre le
comportement et la mise en danger. Du point de vue subjectif, l'auteur doit
avoir agi intentionnellement.

4.1.1 La mise sur le marché consiste en la distribution et la remise de
produits thérapeutiques (art. 4 al. 1 let. d LPTh). Par distribution, il faut
comprendre le transfert ou la mise à disposition, rémunéré ou non, d'un produit
thérapeutique. La remise consiste en des actes de distribution mais qui portent
sur des produits thérapeutiques prêts à l'emploi, destinés à être utilisés par
l'acquéreur (cf. art. 4 al. 1 let. e et f LPTh).

4.1.2 La mise en danger visée par l'art. 86 al. 1 LPTh est une mise en danger
concrète (ATF 135 IV 37 consid. 2.4.1). Dès lors, une lésion du bien juridique
protégé n'est pas nécessaire. Un danger abstrait, même très élevé, ne suffit
toutefois pas. Par danger concret, il faut entendre un état de fait dans lequel
existe, d'après le cours ordinaire des choses, la probabilité ou un certain
degré de possibilité que le bien juridique protégé soit lésé, sans toutefois
qu'un degré de probabilité supérieur à 50 % soit exigé (ATF 121 IV 67 consid.
2b/aa p. 70; ATF 106 IV 12 consid. 2a p. 14).

4.1.3 Il faut un lien de causalité entre le comportement prévu à l'art. 86 al.
1 LPTh et la mise en danger de personnes. Un comportement est la cause
naturelle d'un résultat s'il en constitue l'une des conditions sine qua non,
c'est-à-dire si, sans lui, le résultat ne se serait pas produit; il s'agit là
d'une question de fait (ATF 133 IV 158 consid. 6.1 p. 167; ATF 125 IV 195
consid. 2b). Lorsque la causalité naturelle est établie, il faut encore
rechercher si le comportement incriminé est la cause adéquate du résultat. Tel
est le cas lorsque, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la
vie, le comportement était propre à entraîner un résultat du genre de celui qui
s'est produit (ATF 131 IV 145 consid. 5.1). Il s'agit d'une question de droit
que le Tribunal fédéral revoit librement (ATF 133 IV 158 consid. 6.1 p. 168).
La causalité adéquate suppose une prévisibilité objective. Il
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faut se demander si un tiers observateur neutre, voyant l'auteur agir dans les
circonstances où il agit, pourrait prédire que le comportement considéré aura
très vraisemblablement les conséquences qu'il a effectivement eues, quand bien
même il ne pourrait prévoir le déroulement de la chaîne causale dans ses
moindres détails. L'acte doit être propre, selon une appréciation objective, à
entraîner un tel résultat ou à en favoriser l'avènement, de telle sorte que la
raison conduit naturellement à imputer le résultat à la commission de l'acte (
ATF 131 IV 145 consid. 5.1).
Pour que le délit soit réalisé, il doit y avoir une relation de causalité entre
l'un des comportements visés à l'art. 86 al. 1 let. b LPTh - et non un autre
comportement de l'auteur -, et la mise en danger concrète de la santé de
personnes. L'élément constitutif de l'art. 86 al. 1 LPTh n'existe que si par un
comportement au sens de l'al. 1 let. a-g, la santé d'une personne est
concrètement mise en danger. Une telle mise en danger ne découle pas
automatiquement de la mise en oeuvre d'un des éléments mentionnés à l'art. 86
al. 1 let. a-g LPTh. Si l'un des actes prévus dans cette disposition est
accompli sans que la santé d'êtres humains ne soit mise en danger, seule une
contravention au sens de l'art. 87 al. 1 let. f LPTh doit être retenue. Ne se
rend dès lors pas coupable d'un délit au sens de l'art. 86 al. 1 LPTh, celui
qui, sans tenir compte des prescriptions, remet des médicaments qui sont
seulement propres à mettre en danger la santé des êtres humains. Il faut encore
que, en raison de cette remise, la santé de personnes soit concrètement mise en
danger (ATF 135 IV 37 consid. 2.4.1). Dans un cas où des pilules de "Viagra"
avaient été livrées à un certain nombre de clients, le Tribunal fédéral a jugé
que la création d'un danger concret de la santé impliquait que les pilules
aient été remises à des personnes pour lesquelles la prise de ce produit pour
un motif ou un autre était risquée (ATF 135 IV 37 consid. 2.4.2).

4.2

4.2.1 En l'espèce, le recourant a, contre rémunération, importé et mis à
disposition de clients des marchandises présentées comme des produits destinés
à guérir toutes sortes d'affections allant des plus bénignes (coups de soleil)
aux plus graves (cancer, Sida, cirrhose). Il a agi sans autorisation, de sorte
que les deux premiers éléments constitutifs de l'art. 86 al. 1 LPTh sont
réunis.

4.2.2 Reste à savoir si, par la mise sur le marché, le recourant a concrètement
mis en danger le bien juridique protégé, soit s'il existait une probabilité que
la santé des destinataires soit lésée du fait de la remise des produits
concernés.
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Dans l' ATF 135 IV 37 précité, il suffisait que le client absorbât les
médicaments pour se mettre en danger de manière concrète. S'agissant de
produits qu'il avait commandés, la probabilité que ce risque se réalisât était
évidemment élevée. Contrairement à l'affaire publiée aux ATF 135 IV 37, les
produits ici litigieux ne contiennent pas de substance active, de sorte
qu'aucun danger ne peut être déduit d'un risque d'absorption. Le danger
résulte, selon les faits retenus par l'autorité précédente, de la remise d'un
produit inefficace qui pourrait détourner des patients de leur thérapie
habituelle. Pour que les éléments constitutifs de l'art. 86 al. 1 LPTh soient
réalisés, le danger concret doit provenir de la mise sur le marché des
produits. Or, la seule remise des produits ne fait pas naître un danger
significatif pour les clients. Ce danger naît bien plutôt d'éventuels conseils
prodigués par celui qui met les produits sur le marché et qui recommande de les
substituer à des traitements classiques. De tels conseils ne tombent toutefois
pas sous le coup de l'art. 86 LPTh. Cette disposition réprime certes aussi le
comportement de celui qui "prescrit" (al. 1 let. b). Cela implique d'établir et
de remettre une ordonnance (cf. BENEDIKT A. SUTER, in Commentaire bâlois, loi
sur les produits thérapeutiques, 2006, n° 14 ad art. 86 et n° 83 ad art. 4
LPTh), ce qui n'est pas le cas de conseils. Le cas échéant, il pourrait être
adéquat que le législateur fédéral précise la loi (art. 4 al. 1 let. d LPTh) et
inclue dans la notion de mise sur le marché les conseils donnés en parallèle.
Cette extension ne saurait valoir en l'état du droit. Il s'ensuit qu'en
l'espèce, seule la livraison de produits vaut mise sur le marché et est
susceptible d'être à l'origine de l'infraction. Or, en raison d'une livraison,
la probabilité de réalisation du risque que les clients renoncent à leur
médication ordinaire est, selon le cours ordinaire des choses, ténue. Cette
possibilité est trop incertaine pour pouvoir parler de la probabilité d'un
dommage. Force est ainsi d'admettre que la remise des produits litigieux n'a en
soi pas mis en danger concrètement la santé des clients. La cour cantonale a
par conséquent violé le droit fédéral en admettant que les éléments
constitutifs de l'art. 86 al. 1 LPTh étaient réunis. Un acte de cette nature
reste cependant toujours punissable à titre de contravention (art. 87 LPTh). Le
recours doit ainsi être admis, les arrêts attaqués annulés et la cause renvoyée
à l'autorité cantonale pour nouvelle décision.