Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 138 II 191



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Urteilskopf

138 II 191

16. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public dans la cause Résidence
Bellerive Sàrl et consorts contre Grand Conseil de la République et canton de
Neuchâtel (recours en matière de droit public)
2C_727/2011 du 19 avril 2012

Regeste

Art. 27 BV, Art. 25a Abs. 5 und Art. 39 KVG, Art. 58e KVV, Art. 10 Abs. 2 ELG,
Art. 25a ELV; Gesetz des Kantons Neuenburg vom 28. September 2010 über die
Finanzierung der Pflegeheime; kantonale Gesundheitsplanung;
Ergänzungsleistungen für Aufenthalt im Pflegeheim; Subventionen.
Kategorien von Pflegeheimen im Kanton Neuenburg (E. 4.1). Die Zulassung eines
Pflegeheims, Leistungen zu Lasten der obligatorischen Krankenversicherung zu
erbringen (Art. 39 KVG), verpflichtet den Kanton nicht, unter Vorbehalt der
kantonalen Deckung der nach Art. 25a Abs. 5 KVG vorgesehenen Pflegeleistungen,
es zu finanzieren (E. 4.2). Begriff des Leistungsauftrags (E. 4.3).
Voraussetzungen für Subventionen an als gemeinnützig anerkannte Pflegeheime (E.
4.4).
Deckung durch die Kantone des das soziale Existenzminimum nach ELG einer zu
Hause lebenden Person übersteigenden Restbetrags der Kosten für einen
Pflegeheimaufenthalt; Möglichkeit, die für den Aufenthalt anerkannten Ausgaben
nach oben zu begrenzen (E. 5.3 und 5.4). Kantonaler Beurteilungsspielraum und
einzuhaltende Bedingungen (E. 5.5). Unter der Voraussetzung, dass es flexibel
angewandt wird und genügend Aufnahmekapazitäten vorgesehen werden, verstösst
das kantonale System, das darin besteht, die Mehrheit der auf
Ergänzungsleistungen angewiesenen Heimbewohner zu veranlassen, in ein
gemeinnütziges, einer strikten staatlichen Kontrolle unterliegendes Pflegeheim
zu ziehen, an sich nicht gegen Art. 10 Abs. 2 lit. a ELG (E. 5.6-5.10).

Sachverhalt ab Seite 193

BGE 138 II 191 S. 193

A. Saisi d'un projet de loi du Conseil d'Etat daté du 21 mai 2010, le Grand
Conseil de la République et canton de Neuchâtel (ci-après: le Grand Conseil) a
adopté la loi sur le financement des établissements médico-sociaux (LFinEMS/NE)
lors de sa séance du 28 septembre 2010. Celle-ci a été publiée dans la Feuille
officielle de la République et canton de Neuchâtel n° 41 du 15 octobre 2010. A
l'issue du délai référendaire, le Conseil d'Etat a promulgué la LFinEMS/NE par
arrêté du 21 février 2011, publié dans la Feuille officielle n° 8 du 25 février
2011, en fixant son entrée en vigueur avec effet rétroactif au 1^er janvier
2011. La LFinEMS/NE dispose notamment:
"CHAPITRE PREMIER - Dispositions générales
Art. 1: ^1 La présente loi a pour but de régler le financement des
établissements médico-sociaux (EMS) du canton.
^2 Elle vise également à assurer l'accès à des soins de qualité au meilleur
coût et à encourager la formation professionnelle et continue dans les EMS.
(...)
CHAPITRE 3 - Autorisation d'exploiter et reconnaissance LAMal
Art. 7: ^1 Les conditions d'octroi de l'autorisation d'exploiter sont régies
par la loi de santé.
^2 L'autorisation d'exploiter permet de tenir compte, dans le cadre des
dépenses reconnues pour les résidents au bénéfice des prestations
complémentaires au sens de la loi fédérale sur les prestations complémentaires
à l'AVS et à l'AI (loi sur les prestations complémentaires; LPC [RS 831.30]),
du 6 octobre 2006, de la taxe pour l'hébergement fixée par le Conseil d'Etat.
^3 Elle n'ouvre pas le droit pour un EMS de conclure un contrat de prestations.
Art. 8: ^1 L'admission d'un EMS à pratiquer à charge de l'assurance obligatoire
des soins, au sens de l'art. 39 (de la loi fédérale du 18 mars 1994 sur
l'assurance-maladie LAMal [RS 832.10]) (reconnaissance LAMal), est régie par la
loi de santé.
^2 Le financement des soins dispensés en EMS est réglé par l'art. 25a LAMal.
^3 La part du coût des soins de longue durée incombant au résident correspond
au maximum à 20 % de la contribution maximale fixée par le Conseil fédéral
(part du résident). Le résident en est le débiteur.
^4 La part des coûts de soins qui ne sont pas pris en charge par les assurances
sociales ou par le résident incombe à l'Etat (part cantonale) selon les art. 9
et 10.
BGE 138 II 191 S. 194
^5 La reconnaissance LAMal n'ouvre pas le droit pour un EMS à conclure un
contrat de prestations. (...)
Art. 9: Pour la personne domiciliée dans et résidant en EMS dans le canton, le
Conseil d'Etat fixe les montants des prestations journalières LAMal ainsi que
les modalités de versement de la part cantonale.
CHAPITRE 4 - Contrats de prestations - Section 1: Généralités
Art. 11: ^1 Le contrat de prestations règle les relations entre l'Etat et l'EMS
dans le respect de la politique définie par le Conseil d'Etat en matière de
prise en charge des personnes nécessitant un hébergement en EMS.
^2 Il définit notamment les missions de l'EMS, les prestations à fournir et
leur mode de financement.
Art. 12: ^1 L'Etat peut conclure un contrat de prestations avec l'EMS qui est
au bénéfice: a) d'une autorisation d'exploitation, et; b) de la reconnaissance
LAMal.
^2 L'Etat planifie les besoins et conclut des contrats de prestations en
conséquence.
Art. 13: ^1 La conclusion d'un contrat de prestations implique notamment pour
l'EMS l'acceptation des obligations générales suivantes: a) l'application à
l'ensemble des résidents des tarifs fixés par le Conseil d'Etat; b) le respect
des tarifs fixés par le Conseil d'Etat et la renonciation à toute autre
rémunération pour les prestations fournies en application de la présente loi
(protection tarifaire); c) la renonciation à toute capacité d'hébergement
différente de celle fixée dans le contrat de prestations; d) l'engagement de
réserver l'hébergement aux personnes dont l'état de santé ou la situation
nécessite une prise en charge entrant dans la mission de l'établissement, sous
réserve de dérogations autorisées par le département, notamment pour des
souhaits particuliers de regroupement de famille ou de couples; e) le respect
des critères d'attribution des chambres individuelles définis par les
associations professionnelles d'EMS; f) la renonciation à exiger une garantie
des résidents, hormis la facturation d'un acompte en début de mois; g)
l'engagement de maintenir l'infrastructure mobilière et immobilière dans un
état d'entretien approprié; h) l'engagement de soumettre au département pour
approbation la planification quinquennale des travaux de transformation et
d'entretien de son infrastructure immobilière entraînant une plus-value au sens
de l'art. 27; i) la remise des données financières et statistiques définies par
le Conseil d'Etat.
^2 Pour le reste, le contrat de prestations énonce les obligations
particulières assumées par l'EMS.
Art. 14: ^1 La conclusion d'un contrat de prestations entraîne la
reconnaissance d'utilité publique.
^2 Elle permet l'obtention de subventions au sens des art. 16 et suivants.
(...)
BGE 138 II 191 S. 195
Section 2: Financement
Art. 16: L'EMS fournit des prestations individuelles et des prestations
d'intérêt public, conformément au contrat de prestations.
Art. 17: ^1 Les prestations individuelles sont celles dont bénéficie
personnellement chaque résident.
^2 Elles se composent des prestations socio-hôtelières, des prestations
journalières LAMal et des prestations spécifiques.
Art. 18: ^1 Les prestations socio-hôtelières comprennent toutes les prestations
découlant de l'hébergement dans l'EMS, selon la liste dressée par le Conseil
d'Etat.
^2 Elles sont rémunérées sur la base d'un tarif cantonal unique établi sur la
base de la dotation requise en personnel socio-hôtelier, mais au minimum entre
0,33 et 0,36 EPT par résident, sous réserve de la prestation journalière loyer.
^3 Le résident est débiteur du montant des prestations socio-hôtelières. (...)
Art. 20: ^1 Les prestations journalières LAMal représentent les soins dispensés
au sens de l'art. 25a LAMal.
^2 Leur rémunération est effectuée conformément à l'art. 8, al. 3 et 4.
^3 La part cantonale est versée à l'EMS sous forme d'indemnités établies sur la
base de la dotation requise DELICES/PLAISIR, mais au minimum entre 90 et 95% du
requis DELICES/PLAISIR en personnel soignant. (...)
Art. 23: ^1 Pour le résident qui n'a pas les ressources financières nécessaires
pour assumer les frais des prestations qui lui incombent selon les art. 18 à
20, l'EMS facture au moins la taxe pour l'hébergement (art. 7) et au plus un
montant journalier équivalent à la taxe pour l'hébergement majorée du revenu
excédentaire du résident déterminé par le calcul de prestations complémentaires
selon la loi sur les prestations complémentaires.
^2 L'EMS reçoit de l'Etat, à titre d'indemnité, la différence entre les frais
des prestations qui incombent au résident et le montant qui lui est facturé
selon l'al. 1.
^3 >Le Conseil d'Etat règle les modalités.
Art. 24: ^1 L'application par les EMS des CCT Santé 21 donne droit à une
majoration des tarifs.
^2 Le département peut reconnaître des conditions générales de travail émises
par des associations professionnelles d'EMS qui, lorsqu'elles sont appliquées
par leurs membres, donnent également droit à une majoration de tarifs; cette
majoration est inférieure à celle mentionnée à l'al. 1. (...)
Art. 33: ^1 Pendant une période de trois ans dès l'entrée en vigueur de la
présente loi, le Conseil d'Etat peut tenir compte de la situation financière
particulière d'un EMS dans la fixation des tarifs pour la rémunération des
prestations.
^2 Lorsque des circonstances exceptionnelles le justifient, il peut prolonger
cette période de deux années supplémentaires (...)."
BGE 138 II 191 S. 196

B. Le 28 mars 2011, Résidence A. Sàrl, Résidence E. SA, Résidence G. SA, Home
médicalisé K. - L., N. - Home M., Home médicalisé C. SA, Résidence P. SA et
Home R. - Mme S., étant tous des entreprises individuelles ou sociétés
exploitant des établissements médico-sociaux dans le canton de Neuchâtel, ont
déposé un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral à l'encontre
de la LFinEMS/NE du 28 septembre 2010. Ils concluent, avec suite de frais et
dépens, à son annulation, subsidiairement à l'annulation de ses art. 7, 8, 11,
12, 13 al. 1 let. a à f, 14, 18 al. 2, 20, 23 et 24. (...)
Le Tribunal fédéral a rejeté le recours en matière de droit public dans la
mesure de sa recevabilité.
(extrait)

Erwägungen

Extrait des considérants:

4. Les recourants demandent l'annulation des art. 7, 8, 11 et 12 LFinEMS/NE au
motif qu'ils seraient contraires aux art. 8, 9, 27 et 94 Cst., au principe de
la séparation des pouvoirs ainsi qu'aux art. 39 de la loi fédérale du 18 mars
1994 sur l'assurance-maladie (LAMal; RS 832.10) et 58a de l'ordonnance fédérale
sur l'assurance-maladie du 27 juin 1995 (OAMal; RS 832.102) relatifs à la
planification cantonale des EMS. En particulier, ils se plaignent de ce que le
versement des subventions figurant aux art. 16 ss LFinEMS/NE soit subordonné à
la conclusion d'un contrat de prestations avec le canton visant à définir les
missions de l'EMS, les prestations à fournir et leur mode de financement (art.
11 al. 2 LFinEMS/NE). Or, dès l'instant où un EMS est, à l'instar des
recourants, inscrit sur la liste des prestataires autorisés à pratiquer à
charge de la LAMal, et de ce fait inclus dans la planification cantonale, il
devrait bénéficier des subventions réservées aux établissements reconnus
d'utilité publique.
Contestant ces griefs, le Grand Conseil rétorque que la reconnaissance
d'utilité publique rattachée à la signature d'un contrat de prestations "n'est
pas un droit, mais la manière pour les autorités de concrétiser la
planification des besoins". Par ailleurs, le Conseil d'Etat se serait, dans son
rapport à l'attention du parlement cantonal, "engagé à ne pas exclure un
établissement de la conclusion d'un contrat de prestations sans raison
valable".

4.1 La LFinEMS/NE soumet les EMS implantés sur le territoire neuchâtelois à
trois régimes juridiques distincts:
Premièrement, l'exploitation d'un EMS est soumise à autorisation, selon les
art. 78 let. c et 79 de la loi de santé cantonale du 6 février
BGE 138 II 191 S. 197
1995 (LS/NE; RSN 800.1; cf. aussi art. 7 LFinEMS/NE). Tel que le Conseil d'Etat
l'a exposé dans son rapport au Grand Conseil du 21 mai 2010 à l'appui d'un
projet de loi sur le financement des établissements médico-sociaux (ci-après:
le Rapport), il s'agit là d'une autorisation de police permettant à l'Etat "de
s'assurer que l'institution est en mesure de fournir des soins de qualité
(dotation, formation, etc.)". Cette autorisation permet d'exploiter librement
l'EMS en question, selon les lois du marché, sans répondre à un besoin cantonal
en matière de santé publique. L'EMS agréé et ses résidents ne pourront en
revanche obtenir des prestations de la LAMal tant que les conditions liées au
deuxième régime instauré par la loi cantonale (cf. supra) ne sont pas remplies.
De plus, l'EMS de cette catégorie ne peut prétendre à des indemnités de l'Etat
(cf. art. 23 LFinEMS/NE) pour couvrir la différence entre, d'une part, les
prestations complémentaires minimales auxquelles le résident dans le besoin a
en principe droit en vertu de la loi fédérale du 6 octobre 2006 sur les
prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI (LPC; RS 831.30) et, d'autre
part, les éventuels frais supérieurs pour prestations socio-hôtelières et
autres prestations qui sont prodiguées en son sein (cf. art. 7 LFinEMS/NE;
Rapport, p. 46).
Deuxièmement, le canton de Neuchâtel peut, dans le respect des conditions
fixées à l'art. 39 al. 1 et 3 LAMal, inclure un EMS dans sa planification
sanitaire cantonale et l'admettre à pratiquer à charge de l'assurance
obligatoire des soins, selon la clef de répartition des coûts des soins définie
à l'art. 25a LAMal (cf. art. 8 LFinEMS/NE et 83 LS/NE). Pour le surplus,
l'établissement en question reste libre de fixer ses prix de pension (cf.
Rapport, p. 46), étant précisé qu'en matière de soins, les fournisseurs de
prestations doivent respecter les tarifs et les prix fixés par convention ou
par l'autorité compétente en vertu de l'art. 44 al. 1 LAMal. Tel que le précise
l'art. 8 al. 5 LFinEMS/NE, cette "reconnaissance LAMal n'ouvre pas le droit
pour un EMS à conclure un contrat de prestations" avec l'Etat. De même, comme
pour les EMS de la première catégorie, les EMS bénéficiant de la reconnaissance
LAMal ne reçoivent aucune indemnité de l'Etat au sens de l'art. 23 LFinEMS/NE.
Troisièmement, l'art. 14 LFinEMS/NE consacre, parmi les EMS autorisés à
pratiquer à charge de la LAMal (cf. art. 12 al. 1 let. b LFinEMS/NE), une
catégorie d'EMS reconnus d'utilité publique, leur donnant le droit d'obtenir
les subventions cantonales prévues aux art. 16 ss LFinEMS/NE. Pour accéder au
financement public, l'EMS concerné
BGE 138 II 191 S. 198
doit au préalable conclure un contrat de prestations avec le canton de
Neuchâtel, aux termes duquel il s'engage à se conformer à des obligations
générales - notamment, l'application à l'ensemble des résidents des tarifs
fixés par le Conseil d'Etat, la protection tarifaire, la fixation de la
capacité d'hébergement et l'engagement d'héberger les personnes dont l'état de
santé ou la situation nécessite une prise en charge -, de même qu'à des
obligations particulières négociées avec l'Etat (cf. art. 11, 13 LFinEMS/NE et
84 ss LS/NE). Quand bien même un EMS disposerait de l'autorisation d'exploiter
et de la reconnaissance LAMal, l'Etat se réserve le droit de ne pas conclure de
contrat de prestations avec lui, compte tenu de la planification des besoins
(art. 12 LFinEMS/NE).

4.2 D'après les recourants, la subdivision des EMS en trois catégories, et la
nécessité de conclure un contrat de prestations pour accéder au statut d'EMS
d'utilité publique contrediraient la LAMal, de même que les principes généraux
du droit des subventions. Ce grief revient en particulier à s'interroger sur la
portée juridique de la liste des établissements autorisés à pratiquer à charge
de la LAMal (ci-après: la liste LAMal), ainsi que sur les compétences
cantonales en matière de planification sanitaire, en vue de déterminer si
l'inscription d'un EMS dans cette liste oblige le canton concerné à le
subventionner.

4.2.1 En vertu de l'art. 39 al. 1 LAMal, qui s'applique par analogie aux
établissements médico-sociaux (al. 3), ces derniers sont admis à pratiquer à
charge de l'assurance obligatoire des soins entre autres s'ils "correspondent à
la planification établie par un canton (...) afin de couvrir les besoins en
soins hospitaliers (...)" (al. 1 let. d) et "figurent sur la liste cantonale
fixant les catégories d'hôpitaux en fonction de leurs mandats" (let. e). L'art.
58a al. 1 OAMal précise que "la planification en vue de couvrir les besoins en
soins (...) garantit aux habitants des cantons qui l'établissent (...) le
traitement dans un établissement médico-social". L'obligation de planification
selon l'art. 39 LAMal se limite au domaine de l'assurance-maladie obligatoire
(cf. ATF 132 V 6 consid. 2.4.2 p. 13; GEBHARD EUGSTER, Bundesgesetz über die
Krankenversicherung [KVG], 2010, n° 6 ad art. 39 LAMal p. 243).

4.2.2 Dans un arrêt de principe, l'ancien Tribunal fédéral des assurances a
jugé que la question de l'inscription d'un établissement sur la liste cantonale
et celle de son subventionnement par le canton étaient indépendantes l'une de
l'autre; ainsi, il était envisageable qu'un
BGE 138 II 191 S. 199
hôpital ne figurant pas sur la liste LAMal continue à exister et touche même
des subventions, tout comme il n'était pas contraire au droit qu'un
établissement puisse ne pas en percevoir en dépit de sa mention sur la liste
LAMal. En outre, ni le droit fédéral, ni le droit cantonal ne contenaient, dans
le cas sous examen, de lignes directrices pour la planification hospitalière et
pour la décision quant à savoir à quel établissement il y avait lieu de donner
la préférence en cas d'offre supérieure à la demande (cf. ATF 126 V 172 consid.
4b p. 177; cf. aussi arrêt 2P.244/2006 du 26 février 2007 consid. 3.2).

4.2.3 Cette jurisprudence est devenue obsolète en ce qu'elle se réfère au
versement de subventions cantonales pour la part du coût des soins non prise en
charge par l'assurance-maladie et les résidents, dès lors que le droit social
fédéral impose désormais aux cantons de couvrir ces frais auprès de tous les
EMS autorisés à facturer leurs prestations à l'assurance-maladie obligatoire,
sans autres conditions (cf. art. 25a al. 5 LAMal; cf. arrêt 2C_728/2011 du 23
décembre 2011 consid. 3.5; en ce sens: EUGSTER, op. cit., n°13 ad art. 39 LAMal
p. 245 s.; MÉLANIE MADER, Financement des hôpitaux et des soins: éléments
importants des révisions LAMal, marge de manoeuvre des cantons et rôle de la
liberté économique, Jusletter du 16 août 2010, par. 135). En revanche, cette
jurisprudence, qui subordonne le versement de subventions à la reconnaissance
d'utilité publique, demeure valable pour les autres subventions que celles
portant sur les coûts des soins, en particulier pour les coûts socio-hôteliers.
En ce domaine, les cantons gardent en effet leur compétence de décider quelles
conditions doivent être remplies afin de bénéficier de subventions (MADER, op.
cit., par. 137). Lorsqu'un canton alloue de telles subventions, la LAMal ne lui
interdit donc pas de définir les EMS pouvant en bénéficier d'après ses propres
critères, à la lumière des principes de qualité et d'économicité dictés par la
LAMal et l'OAMal. Il peut ainsi, comme le canton de Neuchâtel y a procédé,
faire dépendre l'octroi de subventions de la conclusion préalable d'un contrat
de prestations. Etant donné que, tout en ouvrant le droit à d'autres formes de
subventions cantonales, la conclusion d'un tel contrat soumet les EMS reconnus
d'utilité publique à un régime tarifaire et de contrôle strict (cf. art. 13
LFinEMS/NE), auquel les EMS au bénéfice d'une simple autorisation de police et
d'une reconnaissance LAMal ne sont pas assujettis, on ne discerne aucune
inégalité de traitement, disproportion, violation du principe de la bonne foi
ou traitement arbitraire vis-à-vis de ces autres catégories d'établissements.
BGE 138 II 191 S. 200

4.2.4 En dehors de la couverture cantonale des soins en vertu de l'art. 25a al.
5 LAMal, aucune obligation de subventionner ne peut donc être déduite de l'art.
39 LAMal. Par ailleurs, la législation fédérale ne prévoit pas un droit général
ou absolu à l'obtention des subventions de la part de l'Etat, ce que, au
demeurant, les recourants n'allèguent pas; pour prétendre à une subvention
particulière, il faut ainsi que la loi en détermine le principe et les
conditions d'octroi spécifiques (cf. ATF 118 V 16 consid. 3a p. 19; ATF 116 V
318 consid. 1c p. 319 s.; arrêt 2C_762/2008 du 8 mai 2009 consid. 1.1). En
n'incluant pas tous les EMS admis à pratiquer à charge de la LAMal dans la
liste des EMS d'utilité publique autorisés à percevoir directement des subsides
pour les résidents se trouvant dans l'impossibilité d'assumer eux-mêmes
l'ensemble des coûts de leur séjour, le système neuchâtelois ne viole par
conséquent pas l'art. 39 LAMal.

4.2.5 Cela étant, le canton est tenu, lorsqu'il octroie des subventions, de se
conformer aux principes généraux régissant toute activité administrative, soit
notamment le respect de la légalité, de l'égalité de traitement, de la
proportionnalité et de la bonne foi, ainsi que l'interdiction de l'arbitraire (
ATF 136 II 43 consid. 3.2 p. 46; ATF 131 II 306 consid. 3.1.2 p. 315; cf. aussi
JAAG/LIENHARD/TSCHANNEN, Ausgewählte Gebiete des Bundesverwaltungsrechts, 7^e
éd. 2009, p. 59). Dans son Rapport à l'attention du Grand Conseil, le Conseil
d'Etat a d'ailleurs exposé que, s'il entendait "pouvoir se laisser la
possibilité de ne pas signer de contrat de prestations avec un partenaire", il
s'engageait à y procéder "dans le respect des principes du droit public comme
l'interdiction d'arbitraire ou l'égalité de traitement" (p. 19). Le cas
échéant, il reste loisible à un EMS estimant que l'Etat aurait refusé de
contracter avec lui en violation des principes généraux de l'activité
administrative ou en contradiction avec les besoins de planification cantonale,
de s'en prévaloir dans le cadre d'un litige concret, preuves à l'appui.

4.2.6 Au surplus, le droit cantonal ne contredit pas la LAMal. En effet, l'art.
8 LFinEMS/NE se contente de renvoyer aux conditions de planification et de
financement des soins fixées aux art. 25a et 39 LAMal. Comme indiqué (consid.
4.2.4), outre le subventionnement de la part des coûts de soins qui ne sont pas
pris en charge par les assurances sociales ou par le résident, que l'art. 25a
al. 5 LAMal met à la charge du canton et qui est rappelé à l'art. 8 al. 4
LFinEMS/NE, aucun devoir additionnel du canton de subventionner les EMS ou
leurs résidents ne peut être déduit de la LAMal.
BGE 138 II 191 S. 201

4.2.7 Il découle de ce qui précède que le fait pour un EMS d'être admis à
pratiquer à la charge de la LAMal et d'être ainsi inclus dans la planification
cantonale au sens de l'art. 39 LAMal, n'oblige pas, sous réserve du financement
de la part résiduelle (art. 25a al. 5 LAMal), le canton à le subventionner.

4.3 L'art. 39 al. 1 LAMal subordonne l'admission d'un établissement à pratiquer
à charge de l'assurance-maladie obligatoire entre autres à la condition que ce
dernier figure sur la liste cantonale fixant les catégories d'hôpitaux en
fonction de leurs mandats (let. e). En tant que la LFinEMS/NE n'attribue un tel
mandat qu'aux EMS reconnus d'utilité publique (cf. art. 11 al. 2, 13 al. 1 let.
d et al. 2 LFinEMS/NE) et non déjà à ceux inscrits sur la liste LAMal (art. 8
LFinEMS/NE), les recourants y perçoivent la violation de cet impératif de droit
fédéral.

4.3.1 Il convient en premier lieu de cerner la notion de "mandat", au sens de
l'art. 39 al. 1 let. e LAMal. Aux termes de l'art. 58e OAMal, les listes
cantonales mentionnent pour chaque hôpital l'éventail de prestations
correspondant au mandat de prestations (al. 2), et les cantons attribuent à
chaque établissement sur leur liste un tel mandat, qui peut contenir notamment
l'obligation de disposer d'un service d'urgence (al. 3). Il définit la palette
de prestations qu'un hôpital doit (être en mesure de) proposer à ses patients
afin de couvrir les besoins en soins de la population et, par voie de
conséquence, d'être inscrit sur la liste LAMal. Ces tâches peuvent notamment
consister en la mise à disposition de services d'urgences dans des régions
isolées ou la prise en charge de tous les patients couverts par l'assurance
obligatoire (Message du 15 septembre 2004 concernant la révision partielle de
la loi fédérale sur l'assurance-maladie [financement hospitalier], FF 2004
5207, 5231 s.). L'absence de plus amples précisions dans la loi et l'ordonnance
permet aux hôpitaux de modifier leur offre à brève échéance, en fonction de
l'évolution des besoins cantonaux (EUGSTER, op. cit., n^os 19 et 24 ad art. 39
LAMal p. 247 ss).

4.3.2 Le caractère indéterminé de la notion de "mandat" concède en outre une
grande flexibilité aux cantons s'agissant des prestations à la disponibilité
desquelles ils entendent conditionner la reconnaissance LAMal. Ainsi, ils
restent libres, en confiant un mandat à un hôpital désireux d'accéder à la
liste cantonale, de renoncer à requérir des services spécifiques et de définir,
en les limitant, les secteurs médicaux dans lesquels l'hôpital concerné serait
jugé utile à la planification et, de ce fait, autorisé à facturer ses
prestations à l'assurance obligatoire des soins (UELI KIESER, Spitalliste und
BGE 138 II 191 S. 202
Spitalfinanzierung, PJA 2010 p. 68); une telle variante peut en effet également
satisfaire aux besoins de planification rationnelle et économe prescrits par la
LAMal (cf. son art. 32 qui traduit un principe général du droit de
l'assurance-maladie). De surcroît, la latitude dont disposent les cantons par
rapport à la définition du contenu d'un tel mandat est renforcée compte tenu du
fait que les mandats de prestations évoqués aux art. 39 al. 1 let. e LAMal et
58e OAMal n'affectent les EMS que par analogie (art. 39 al. 3 LAMal) et qu'il
convient partant d'appliquer ce concept mutatis mutandis.

4.3.3 Parmi les trois catégories d'EMS qu'elle établit (cf. consid. 4.1), la
LFinEMS/NE en inclut deux dans sa planification sanitaire: les EMS figurant
uniquement sur la liste LAMal et ceux, également admis à pratiquer à charge de
la LAMal, qui sont de surcroît reconnus d'utilité publique et bénéficient de
subventions plus étendues. Les premiers restent notamment libres de pratiquer
leurs propres tarifs de pension et n'accomplissent pas de missions
particulières outre la tâche consistant à exploiter un EMS et à y fournir des
soins selon les règles générales prévues dans la LS/NE et la LAMal; les
seconds, sélectionnés à partir du précédent cercle (cf. art. 12 al. 1 LFinEMS/
NE), sont liés à l'Etat par le biais d'un contrat signé en échange de
subventions directes, sont soumis à une réglementation et à un contrôle
financiers et tarifaires rapprochés, ainsi que contraints à accueillir les
résidents nécessiteux. Le canton peut les obliger contractuellement à fournir
d'autres services publics.

4.3.4 Une telle solution n'apparaît pas contraire à l'art. 39 LAMal ni aux
principes gouvernant l'assurance obligatoire des soins. En effet, ces deux
types d'EMS contribuent chacun à sa façon à la couverture des besoins
sanitaires du canton, à la différence près que les EMS reconnus d'utilité
publique sont tenus de satisfaire à certains besoins cantonaux spécialisés et
de garantir un accès facilité aux personnes démunies.
Par ailleurs, ce système permet au canton de réagir de manière flexible à la
modification des besoins de couverture sanitaire. Il pourrait, voire il devrait
notamment passer des contrats de prestations avec un nombre plus élevé d'EMS en
attente d'une reconnaissance d'utilité publique en cas de pénurie soudaine de
services spécialisés, par exemple une station réservée aux patients souffrant
de la maladie d'Alzheimer, ou si le nombre de personnes âgées indigentes ne
pouvant résider dans un EMS pratiquant des tarifs libres venait à augmenter.
BGE 138 II 191 S. 203

4.3.5 Enfin, les recourants ne démontrent pas que les autorités neuchâteloises
entendent appliquer ledit système de manière contraire à la planification en
fonction des besoins et capacités. Au vu de ce qui précède, les griefs des
recourants relatifs à l'incompatibilité des art. 7, 8, 11 et 12 LFinEMS avec la
LAMal et l'OAMal sont rejetés.

4.4 En tant que les recourants invoquent une violation de leur liberté
économique et de l'égalité de traitement entre concurrents directs (art. 27 et
94 Cst.), leurs griefs tombent à faux.

4.4.1 Comme il a été vu au consid. 4.1, les EMS au bénéfice d'une autorisation
d'exploiter, et ceux qui sont en sus admis à pratiquer à charge de la LAMal
sans être reconnus d'utilité publique, jouissent pleinement de leur liberté
économique. Sous réserve du respect des règles de santé publique que la LS/NE
et, le cas échéant, de celles que la LAMal leur imposent, il leur est ainsi
loisible de définir leurs propres tarifs, gestion et organisation, de même que
d'accueillir librement des résidents solvables. S'agissant de la possibilité
d'héberger des personnes tributaires de l'aide de l'Etat, et de réclamer des
subventions pour eux-mêmes, les recourants perdent de vue que la liberté
économique ne confère en principe aucun droit à une prestation de la part de
l'Etat (ATF 132 V 6 consid. 2.5.2 s. p. 14 s.; ATF 130 I 26 consid. 4.5 p. 42
s.; ATF 124 I 107 consid. 3c p. 113; arrêts 2P.294/2004 du 20 septembre 2005
consid. 1.5; 2P.134/2003 du 6 septembre 2004 consid. 3.2, RDAF 2005 I p. 182);
ils ne démontrent du reste pas en quoi les circonstances du cas d'espèce
permettraient de déroger à ce principe.

4.4.2 En outre, on ne discerne pas en quoi l'application d'un régime juridique
distinct aux EMS reconnus d'utilité publique par rapport aux autres EMS
violerait l'égalité de traitement entre concurrents directs. Si ces premiers
ainsi que leurs pensionnaires ont, à l'inverse des seconds, la possibilité de
bénéficier de subventions cantonales, il convient de garder à l'esprit qu'ils
renoncent en échange, contrairement aux autres établissements, au plein
exercice de leur liberté économique (cf. arrêts 2C_656/2009 du 24 juillet 2010
consid. 4.3; 2P.294/2004 précité, consid. 1.4; 2P.99/1999 du 19 décembre 2002
consid. 6.1) et acceptent de se soumettre à des contrôles et modalités de
gestion. C'est ainsi que la reconnaissance d'utilité publique, et le
subventionnement qui l'accompagne, présupposent notamment la fixation des
tarifs pour résidents par le Conseil d'Etat, la renonciation par l'EMS à toute
autre rémunération pour les prestations fournies en application de la LFinEMS/
NE, la possibilité pour le Conseil
BGE 138 II 191 S. 204
d'Etat de limiter les revenus du travail et du capital des propriétaires et
exploitants d'EMS, l'obligation d'héberger les personnes nécessiteuses,
l'engagement de maintenir en état l'infrastructure mobilière et immobilière, de
faire approuver la planification des travaux et d'entretien par l'Etat, de
remettre au Conseil d'Etat les données financières et statistiques définies, et
d'assumer, au moment de conclure un contrat de prestations, les obligations
particulières que lui confiera l'Etat (cf. art. 13 et 15 LFinEMS/NE; cf. aussi
l'arrêt 2C_656/2009 précité, consid. 4 et 5).

4.5 En tant que les recourants se plaignent de surcroît d'une violation des
principes de la bonne foi et de l'interdiction de l'arbitraire (art. 9 Cst.),
ainsi que de l'égalité de traitement (art. 8 Cst.), leurs griefs ne satisfont
pas aux exigences de motivation accrue imposées à l'art. 106 al. 2 LTF. Sont
également irrecevables, car confus et insuffisamment motivés, leurs griefs
tendant à démontrer que le critère de la planification cantonale selon un
mandat de prestations "aurait dû figurer expressément dans la loi" - ce qui est
au demeurant le cas aux art. 11 al. 2 LFinEMS/NE et 58a OAMal - et serait
contraire au principe de la séparation des pouvoirs.

4.6 En conclusion, on ne distingue pas en quoi les art. 7, 8, 11 et 12 LFinEMS/
NE violeraient la LAMal ou la Constitution. Les griefs des recourants à ce
sujet doivent être écartés dans la mesure où ils sont recevables.

5. Les recourants demandent l'annulation des art. 7, 14 et 23 LFinEMS/NE,
qu'ils affirment être incompatibles avec l'art. 10 al. 2 let. a LPC, l'art. 7
de la loi fédérale du 6 octobre 2006 sur les institutions destinées à
promouvoir l'intégration des personnes invalides (LIPPI; RS 831.26), applicable
par analogie, de même qu'avec les art. 7, 8, 9, 12, 27 et 94 Cst. Ils dénoncent
en particulier le système de remboursement des seuls frais socio-hôteliers
minimaux instaurés par la LFinEMS/NE. Conjuguée à la pénurie chronique de lits
dans les EMS neuchâtelois (cf. Rapport, p. 28), cette prise en charge minimale
entraverait les patients dans leur libre choix de l'institution (cf. art. 21
al. 2 LS/NE), et les EMS dans leur liberté économique. Dès lors que, hormis
pour l'aide minimale octroyée par la LPC, les résidents et les EMS non reconnus
d'utilité publique n'ont pas droit à des subventions cantonales (Rapport, p. 33
s.), les pensionnaires démunis seraient, d'après les recourants, contraints de
quitter leur EMS non reconnu d'utilité publique sans pouvoir se reloger, faute
de
BGE 138 II 191 S. 205
places vacantes, dans un EMS subventionné. Dans sa réponse du 29 juin 2011, le
Grand Conseil conteste l'intérêt personnel des recourants à se plaindre de la
fixation des montants résultant des art. 10 LPC et 7 LIPPI.

5.1 Multipliant les dispositions invoquées, les recourants ne consacrent aucun
développement motivé à l'application et à la prétendue violation de la dignité
humaine (art. 7 Cst.), du principe d'égalité (art. 8 Cst.), de l'interdiction
de l'arbitraire (art. 9 Cst.), considéré seul ou en relation avec l'art. 21 al.
2 LS/NE, du droit d'obtenir de l'aide dans des situations de détresse (art. 12
Cst.), de la liberté économique et du principe de l'ordre économique (art. 27
et 94 Cst.). Ne satisfaisant pas aux exigences de motivation de l'art. 106 al.
2 LTF, ces griefs sont partant irrecevables. Par conséquent, la Cour de céans
limitera son examen aux arguments tirés de la LPC.

5.2 Contrairement à l'avis du Grand Conseil, les griefs portant sur la fixation
du montant des prestations complémentaires doivent être examinés au fond. Pour
admettre un intérêt digne de protection du recourant à l'annulation ou à la
modification de l'acte attaqué (cf. art. 89 al. 1 LTF), il suffit en effet que
la situation de fait ou de droit du recourant puisse être affectée par l'issue
de la procédure. En d'autres termes, le recourant peut demander que l'objet du
litige soit examiné à l'aune de l'ensemble des règles de droit ayant une
incidence sur sa situation juridique ou de fait, dans la mesure où le recourant
pourrait en retirer un avantage pratique s'il obtenait gain de cause (cf. ATF
137 II 30 consid. 2.2.2 et 2.2.3). Or, tel est bien le cas s'agissant des
griefs que les recourants font valoir au sujet du régime de financement des
EMS, en particulier de la fixation du montant des prestations socio-hôtelières
selon la LPC.

5.3 La LPC soutient le régime de l'assurance-vieillesse et invalidité (AVS/AI)
dans sa fonction de garantie des besoins vitaux, à savoir du minimum
d'existence du droit des assurances sociales (cf. art. 112a Cst.; HARDY
LANDOLT, Die EL als Pflegeversicherung, RSAS 2011 p. 184 ss, 190). Ce dernier
est supérieur au minimum vital découlant de l'aide d'urgence, lequel concrétise
l'art. 12 Cst. (cf. ATF 136 I 254 consid. 4.2 p. 258 s.; arrêt 8C_927/2008 du
11 février 2009 consid. 4.2), ainsi que du minimum du droit des poursuites (ATF
137 II 328 consid. 5.2 p. 335; cf. JOSEF HOPPLER-WYSS, Recht im Alter, 2011, p.
185). La LPC instaure une protection sous condition de ressources ou sélective
dans le but d'éviter la pauvreté liée à l'âge ou
BGE 138 II 191 S. 206
au décès du soutien de famille. Les prestations complémentaires à l'AVS, qui
appartiennent à la sécurité sociale et ne font pas partie de l'assistance,
reposent à la fois sur la LPC et sur les lois adoptées par les cantons, qui en
fixent certains éléments particuliers, désignent les organes d'application et
peuvent aller au-delà du standard fédéral (cf. art. 2 al. 2 LPC; PIERRE-YVES
GREBER, Droit suisse de la sécurité sociale, vol. I, Pierre-Yves Greber et al.
[éd.], 2010, n^os 237 s. p. 222).

5.4 Le 6 octobre 2006, les Chambres fédérales ont adopté une version refondue
de la LPC, qui s'inscrit dans la nouvelle peréquation financière et le
désenchevêtrement des tâches entre la Confédération et les cantons (RPT) (cf.
RO 2007 5779; FF 2002 2155, 2297 s. ch. 6.1.5.33; FF 2005 5641, 5829 ss ch.
2.9.8.1.3).

5.4.1 La novelle prévoit que les ayants droit vivant à domicile reçoivent des
prestations complémentaires lorsque les montants destinés à couvrir leurs
besoins vitaux au sens de l'art. 10 al. 1 let. a LPC, le loyer annuel jusqu'au
maximum prévu par l'art. 10 al. 1 let. b LPC, et les dépenses reconnues au sens
de l'art. 10 al. 3 LPC, excèdent leurs revenus déterminants LPC. Ce minimum
vital, dont la réglementation relève de la compétence de la Confédération
(RUDOLF TUOR, Vermeidung von Altersarmut mit Ergänzungsleistungen, RSAS 2012 p.
3 ss, 12), est couvert à raison de 5/8 par cette dernière et de 3/8 par les
cantons (art. 13 al. 1 LPC).
En revanche, pour les personnes vivant dans un home, la Confédération limite sa
prise en charge aux 5/8 des prestations complémentaires annuelles, telles que
calculées en fonction du minimum vital retenu pour les personnes vivant à
domicile; dès lors que les dépenses en rapport direct avec le séjour en home ne
sont, conformément à l'art. 13 al. 2 LPC, pas prises en compte, le solde doit
ainsi être assumé par les cantons (cf. FF 2005 5641, 5833 ch. 2.9.8.3; ANDREAS
DUMMERMUTH, Ergänzungsleistungen zu AHV/IV: Entwicklungen und Tendenzen, RSAS
2011 p. 114 ss, 128; KURT MÜLLER, RPT: quels changements le nouveau régime
entraîne-t-il pour les prestations complémentaires?, Sécurité sociale CHSS 5/
2007 p. 258 ss, 259). Tandis que, sous l'ancien système, le montant à verser à
titre de prestations complémentaires annuelles était limité, ce plafonnement
est supprimé par la LPC refondue, de sorte que la totalité de l'excédent de
dépenses est désormais pris en charge par les cantons (MÜLLER, op. cit., p.
260; URS PORTMANN, Prestations complémentaires: effets de la
BGE 138 II 191 S. 207
révision totale de 2008, Sécurité sociale CHSS 4/2009 p. 239 ss, 239; CLAUDIO
ZOGG, Wer zahlt die Pflege? Die neue Pflegefinanzierung, Sozialalmanach: Das
vierte Lebensalter, 2011, p. 87 ss, 93). Les cantons doivent donc couvrir le
solde des dépenses en lien direct avec le séjour en EMS qui excède le minimum
vital des personnes vivant à domicile.

5.4.2 Il découle de cette nouvelle répartition du financement des prestations
complémentaires que tout résident d'un EMS peut, s'il n'a pas les ressources
suffisantes et remplit les autres conditions, toucher à titre de prestations
complémentaires, l'équivalent du minimum vital calculé pour une personne
résidant à domicile (cf. CARIGIET/KOCH, Ergänzungsleistungen zur AHV/IV, 2^e
éd. 2009, p. 188). Ces coûts sont mis pour 3/8 à charge des cantons, et pour 5/
8 à charge de la Confédération. Par ailleurs, les cantons doivent assumer
entièrement les frais socio-hôteliers en EMS qui dépassent le minimum vital
calculé pour une personne résidant à domicile (cf. consid. 5.4.1). Dans ce
cadre, les cantons sont néanmoins autorisés à fixer des limites, en plafonnant
les frais de séjour à prendre en considération pour le séjour dans un home
(art. 10 al. 2 let. a LPC; cf. DUMMERMUTH, op. cit., p. 130; HOPPLER-WYSS, op.
cit., p. 175; MAURER/SCARTAZZINI/HÜRZELER, Bundessozialversicherungsrecht, 3^e
éd. 2009, n° p. 202; OLIVIER RAU, Les prestations complémentaires à l'AVS et à
l'AI, Questions de droit n° 43/2007, p. 3 ss, 3). Cette possibilité qui est
donnée aux cantons de limiter leur prise en charge des frais de séjour en EMS,
en plafonnant les dépenses de séjour reconnues, découle de ce que les cantons
sont compétents tant pour l'organisation matérielle et juridique que pour le
financement des frais de séjour en EMS qui dépassent la prise en charge
minimale (TUOR, op. cit., p. 12). Tandis que la prestation complémentaire
assumée à raison de 5/8 par la Confédération et de 3/8 par les cantons se
calcule de façon uniforme pour les personnes vivant chez elles, les cantons
continuent ainsi "d'exercer une influence sur le montant des prestations
complémentaires allouées aux pensionnaires des homes, en fixant (...) les taxes
des homes et le montant reconnu des dépenses personnelles, éléments
déterminants pour le calcul des PC" (FF 2005 5641, 5836 ad art. 10; cf. aussi
FF 2002 2155, 2298 s. ch. 6.1.5.3.3.2).

5.5 Il résulte de ce qui précède qu'en fonction du montant forfaitaire qui sera
fixé par les cantons (cf. consid. 5.4.2), le risque qu'un (futur) résident
reçoive des prestations complémentaires insuffisantes pour couvrir son séjour
en home ne peut être a priori exclu (ZOGG, op. cit.,
BGE 138 II 191 S. 208
p. 97). Il convient dès lors de déterminer l'ampleur de la liberté dont
jouissent les cantons en la matière, à l'aune du minimum d'existence social que
doit garantir la LPC.

5.5.1 Afin de diminuer le risque que les prestations complémentaires reconnues
par le canton à un résident indigent s'avèrent insuffisantes pour financer les
frais effectifs de son séjour en EMS (cf. l'intervention de la députée Meyer
[BO 2007 CN 1116]), le législateur fédéral a prévu que les cantons doivent, en
fixant une taxe de séjour maximale imputable, veiller, en règle générale, à ce
que le séjour dans un EMS reconnu ne mène pas à une dépendance à l'aide sociale
(art. 10 al. 2 let. a in fine LPC, dans sa version modifiée du 1^er janvier
2011 [RO 2009 3517 et 6847]; cf. notamment les interventions des députés
Hassler [BO 2007 CN 1115] et Forster-Vannini [BO 2007 CE 768]; voir aussi
LANDOLT, op. cit., p. 198; TUOR, op. cit., p. 21). La LPC ne prescrit toutefois
pas de quelle manière les cantons doivent empêcher la survenance d'une
situation de dépendance. Il faut donc admettre que ceux-ci disposent d'une
marge d'appréciation en la matière. Par ailleurs, quoique la LPC ne puisse
servir de base pour limiter les tarifs praticables dans les EMS privés, il
n'est pas interdit par principe aux cantons d'imposer des contraintes
tarifaires ou autres en se fondant sur leur propre législation, l'octroi de
subventions et/ou la conclusion de contrats de prestations avec les
établissements (cf. ATF 135 V 309 consid. 7.4 et 7.5. p. 317 et consid. 10 p.
318, a contrario).

5.5.2 A l'intérêt des pensionnaires de ne pas tomber à la charge de
l'assistance publique s'ajoute celui des cantons à pouvoir "verser des
prestations pour des besoins reconnus", sans devoir "prendre en compte des
frais surfaits d'établissements non reconnus" (intervention de la députée Meyer
[BO 2007 CN 1116]). La LPC ne poursuit ainsi pas l'objectif, s'agissant du
financement du séjour en établissement médico-social, de garantir au résident
un séjour dans un EMS de standing élevé, voire luxueux (intervention de la
députée Humbel Näf [BO 2007 CN 1118]; CARIGIET/KOCH, op. cit., p. 192; ZOGG,
op. cit., p. 97). Compte tenu de l'évolution des coûts dans les EMS, une partie
de la doctrine a d'ailleurs rappelé que la fonction originelle de la LPC
consiste à garantir le minimum d'existence pour les personnes démunies, et non
de financer des frais de pension plus étendus (DUMMERMUTH, op. cit., p. 134).

5.5.3 En vue d'éviter qu'un résident ne doive, hormis dans des cas
particuliers, recourir à l'aide sociale pour couvrir son séjour en EMS,
BGE 138 II 191 S. 209
tout en permettant aux cantons de refuser de subventionner des frais de séjour
à des tarifs disproportionnés, l'Assemblée fédérale a introduit la notion
d'"établissement médico-social reconnu" à l'art. 10 al. 2 let. a in fine LPC.
L'obligation des cantons de veiller à ce que le séjour dans un EMS ne mène pas
à une dépendance de l'aide sociale ne vaut ainsi qu'en présence d'un home
"reconnu". Cela signifie que tant les tarifs de l'établissement que sa qualité
sont contrôlés et que les EMS sont tenus de rendre des comptes à ce sujet
(interventions des députées Meyer, Maury Pasquier et Humbel Näf [BO 2007 CN
1116 ss]).
En vertu de l'art. 25a al. 1 de l'ordonnance fédérale du 15 janvier 1971 sur
les prestations complémentaires à l'assurance-vieillesse, survivants et
invalidité (OPC-AVS/AI; RS 831.301), un "home reconnu" désigne toute
institution qui est reconnue comme telle par un canton ou qui dispose d'une
autorisation cantonale d'exploiter. Tout en fournissant une définition du terme
de "home" selon la LPC, le législateur renvoie partant à la reconnaissance
dudit établissement par les cantons (cf. DUMMERMUTH, op. cit., p. 128). A leur
chiffre n° 3151.03, les directives de l'Office fédéral des assurances sociales
du 28 novembre 2011 (état au 1^er janvier 2012) concernant les prestations
complémentaires à l'AVS et à l'AI rattachent la notion de reconnaissance à
l'inscription d'un établissement sur la liste cantonale établie selon l'art. 39
LAMal. Les députées Humbel Näf et Forster-Vannini se sont également prononcées
en faveur d'un lien entre les art. 10 al. 1 let. a LPC et 39 al. 1 let. e cum
al. 3 LAMal, au motif que les EMS figurant sur la liste d'un canton devaient
lui rendre des comptes au sujet des frais et de la qualité des prestations et
que les cantons pouvaient prendre influence directement sur le montant de leurs
coûts (BO 2007 CN 1118; BO 2007 CE 768). Le renvoi à la reconnaissance LAMal
qu'opère l'art. 10 al. 2 let. a in fine LPC dérive partant de la volonté du
législateur de permettre aux cantons de maîtriser et d'influencer les coûts
socio-hôteliers en EMS dont la couverture leur incombe entièrement au-delà du
montant minimal fixé pour une personne résidant à domicile.

5.5.4 La question se pose de savoir si l'art. 10 al. 2 let. a in fine LPC
oblige les cantons à verser, au sens de l'art. 13 al. 2 LPC, des prestations
complémentaires en faveur des résidents de tous les EMS autorisés à pratiquer à
charge de l'assurance-maladie, ou s'il est possible pour un canton de
sélectionner parmi ces EMS ceux qui sont en
BGE 138 II 191 S. 210
droit de recevoir des prestations LPC pour couvrir les frais de séjour
effectifs de leurs pensionnaires.
Tel qu'il découle de l'exégèse de l'art. 39 LAMal (cf. consid. 4), les cantons
disposent d'une large marge d'appréciation pour mettre en oeuvre la
planification sanitaire et dresser la liste LAMal applicables à leur
territoire. A condition de respecter les critères de planification figurant à
l'art. 39 LAMal et aux art. 58a ss OAMal, les cantons peuvent opter pour
différents systèmes. Il leur est loisible de poser des conditions strictes et
limitatives à l'admission des EMS sur la liste LAMal et de soumettre l'ensemble
de ces EMS à un contrôle renforcé des prestations; ils peuvent aussi adopter
une politique plus permissive s'agissant de l'inscription des EMS sur la liste
LAMal lorsque les établissements en remplissent les conditions de base, tout en
concluant, avec un certain nombre de ces EMS, des contrats de prestations par
lesquels ceux-ci acceptent de se soumettre à un contrôle renforcé de leurs
prestations et de leurs coûts en échange de certains privilèges.
L'art. 10 al. 2 let. a LPC ne remet pas en cause le principe même de cette
liberté organisationnelle des cantons en matière de planification sanitaire
(cf. CARIGIET/KOCH, op. cit., p. 192 s.). En renvoyant aux notions de
reconnaissance et de planification mentionnées à l'art. 39 LAMal, la LPC impose
cependant le respect de certains principes pour ce qui a trait à l'étendue et
au versement des prestations complémentaires en faveur de personnes résidant
dans un EMS. Premièrement, le canton doit veiller à ce que toute personne qui
relève de sa juridiction et qui répond aux conditions légales en vue de résider
dans un home puisse effectivement disposer d'une place en EMS. Deuxièmement, si
les art. 10 al. 2 let. a LPC et 39 LAMal admettent que le canton puisse établir
des sous-catégories d'EMS au sein de la liste des établissements autorisés à
pratiquer à charge de l'assurance obligatoire des soins, ainsi que prévoir des
différences de traitement justifiables entre ces derniers, cette liberté ne
doit en règle générale pas priver les assurés de toute possibilité de choix
parmi les EMS figurant sur la liste cantonale; cela implique que le montant des
prestations complémentaires fixé par le canton soit, en moyenne, suffisament
élevé pour couvrir les frais raisonnables de séjour dans la plupart des
établissements figurant sur la liste LAMal. Troisièmement, le résident démuni
d'un EMS dont les tarifs de séjour et d'encadrement excéderaient le montant des
prestations complémentaires plafonné par le canton, devrait néanmoins pouvoir y
loger, pour autant que l'EMS en question accepte de l'accueillir au tarif fixé
par le canton.
BGE 138 II 191 S. 211
Pour autant que le système mis en place par le canton ne contraigne pas les
patients à solliciter l'aide sociale et observe les cautèles susmentionnées, la
LPC ne s'oppose donc pas par principe à ce qu'un canton limite la prise en
charge des coûts de séjour effectifs, supérieurs aux prestations minimales LPC,
à une catégorie d'EMS qui, tout en figurant dans la liste LAMal, serait de
surcroît soumise à un contrôle (financier) et à une reconnaissance étatiques
particuliers.

5.6 Au vu des principes qui ont été dégagés, il sied d'examiner la conformité
du système instauré par la LFinEMS/NE à la LPC, étant précisé que lorsque le
canton peut opter entre plusieurs systèmes de financement respectueux du droit,
il n'incombe pas au Tribunal fédéral de se prononcer sur l'opportunité du
modèle retenu, ni d'examiner si d'autres systèmes ne seraient pas aussi
concevables voire préférables (cf. ATF 136 I 241 consid. 3.1 p. 250 s.; ATF 135
I 130 consid. 6.2 p. 138). Il sera en outre rappelé que le Tribunal fédéral
fait preuve de retenue lorsqu'il doit se prononcer dans le cadre d'un contrôle
abstrait, et qu'il n'annule les dispositions cantonales attaquées que si elles
ne se prêtent à aucune interprétation conforme à la Constitution (...).

5.6.1 Selon la loi querellée, les résidents d'EMS déclarés d'utilité publique
dont les ressources financières sont insuffisantes, bénéficient d'une
protection tarifaire; à cet égard, l'EMS leur facture au plus un montant
journalier équivalant à la taxe pour l'hébergement majorée de leur revenu
excédentaire, tel que déterminé par le calcul des prestations complémentaires
selon la LPC (cf. art. 23 al. 1 LFinEMS/NE); l'Etat s'engage aussi à verser à
l'EMS déclaré d'utilité publique un montant correspondant à la différence entre
les prix de pension facturés aux résidents selon le calcul précité et les prix
de pension contractuellement reconnus pour ledit EMS (cf. art. 23 al. 2 LFinEMS
/NE; Rapport, p. 35). A l'opposé, les EMS non reconnus d'utilité publique ne
reçoivent pas de telles subventions en faveur de leurs résidents; cette
catégorie d'EMS reste cependant libre d'appliquer ses propres tarifs de séjour.
Dans le système instauré par la LFinEMS/NE, le canton de Neuchâtel ne verse en
effet des subventions (financement objectif) garantissant la couverture des
frais de prestations supérieurs aux frais pris en compte au titre de l'art. 7
al. 2 LFinEMS/NE (cf. art. 23 LFinEMS/NE) qu'aux résidents qui sont hébergés
dans un EMS reconnu d'utilité publique (art. 14 LFinEMS/NE). Les contraintes
qui dérivent pour
BGE 138 II 191 S. 212
ce dernier EMS de la signature d'un contrat de prestations ont pour corollaire
que cette catégorie d'établissements doit pratiquer les tarifs étroitement
contrôlés "permettant aux institutions efficientes (qui optimisent le rapport
qualité/économicité) de couvrir leurs coûts" [Rapport, p. 37]) dictés par
l'Etat. En même temps, les établissements subventionnés seront en principe
tenus de réserver l'hébergement aux personnes dont l'état de santé ou la
situation nécessitent une prise en charge entrant dans leur mission (art. 13
al. 1 let. d LFinEMS/NE), de sorte à devoir accepter d'héberger, sans
discrimination aucune, toute personne répondant à ce critère de nécessité
(Rapport, p. 36).

5.6.2 Comme il a été dit, la présente controverse ne porte pas sur le montant
qui est accordé à titre individuel aux résidents et qui équivaut à celui
calculé pour les personnes résidant à domicile. Elle concerne le versement des
indemnités pour résidents d'EMS qui, demeurant à la charge des cantons en
raison du dépassement du minimum vital applicable aux personnes vivant à
domicile, sont exclusivement allouées en faveur des pensionnaires, sous la
forme de subventions, aux EMS reconnus d'utilité publique, par le canton de
Neuchâtel.

5.7 En l'occurrence et à la faveur d'une interprétation conforme au droit
supérieur, on ne voit pas que les art. 7, 14 et 23 LFinEMS/NE s'avèrent
contraires à la LPC.

5.7.1 Comme il a été retenu, tant l'art. 10 al. 2 LPC que l'art. 39 LAMal
auquel le premier renvoie (consid. 5.5.3), concèdent une grande latitude aux
cantons; ils ne s'opposent pas par principe à ce que le droit cantonal élabore
ses propres solutions pour à la fois maîtriser son budget social et faire
bénéficier l'ensemble des pensionnaires d'EMS démunis de prestations
complémentaires qui leur évitent, sauf dans des cas particuliers, de devoir
recourir à l'aide sociale.

5.7.2 A condition que les EMS déclarés d'utilité publique disposent dans les
faits de suffisamment de places d'hébergement pour résidents démunis, la
législation neuchâteloise garantit les principes de l'accueil des résidents et
de l'accessibilité des prestations fournies en EMS. Bien que le modèle de
financement neuchâtelois incite, de facto, la majorité des résidents
tributaires de prestations complémentaires à intégrer un établissement déclaré
d'utilité publique, cela ne viole pas en soi l'art. 10 al. 2 let. a LPC. Cette
dernière disposition oblige en effet les cantons à prévenir un recours des
résidents à l'aide sociale uniquement pour ce qui a trait au séjour dans un
BGE 138 II 191 S. 213
établissement médico-social reconnu par le canton; or, comme il a été vu et
conformément à l'art. 39 LAMal, la reconnaissance cantonale d'un EMS peut
revêtir plusieurs formes dont l'examen de l'opportunité échappe à la Cour de
céans.

5.7.3 Cela étant, le système devra, pour être conforme au droit supérieur, être
interprété et mis en application de façon souple, afin de respecter les
principes issus du renvoi implicite de l'art. 10 LPC à l'art. 39 LAMal (cf.
consid. 5.5.4). D'une part, le principe du libre choix d'un home parmi les EMS
figurant sur la liste LAMal s'oppose, sauf cas exceptionnels, à ce que des
résidents déjà en place dans un EMS reconnu soient contraints, par manque de
moyens financiers, à déménager dans un EMS déclaré d'utilité publique, le
canton devant veiller à l'instauration d'un régime de transition s'agissant de
ces pensionnaires. D'autre part, s'il est admissible, pour les motifs évoqués
plus haut, notamment un meilleur contrôle des coûts, que les futurs résidents
démunis soient hébergés dans des institutions d'utilité publique, le canton
devra néanmoins permettre aux résidents désireux de vivre dans un établissement
figurant sur la liste LAMal et non déclaré d'utilité publique de s'y installer,
pour autant que ce dernier EMS accepte d'accueillir les résidents concernés aux
tarifs de pension maxima fixés en conformité avec l'art. 10 al. 2 let. a LPC.
Finalement, le canton s'assurera de ce que le réseau d'EMS sis sur son
territoire dispose de suffisamment de chambres pour héberger l'ensemble des
résidents en fonction des besoins sanitaires définis par la planification
cantonale, en particulier en faveur des plus démunis.

5.7.4 Au demeurant, il serait certes envisageable pour le canton de ne
consacrer que deux catégories d'EMS, à savoir ceux figurant sur la liste LAMal
et les EMS agréés, non admis à pratiquer à charge de l'assurance-maladie, en
imposant aux premiers des obligations et contrôles incisifs. Toutefois, il
s'agirait là d'un modèle alternatif, dont le choix procéderait d'une décision
politique du canton qu'il n'appartient pas au Tribunal fédéral de revoir.

5.7.5 En tant que le système cantonal querellé, tel qu'interprété à l'aune du
droit supérieur, ménage un juste équilibre entre la protection des
pensionnaires d'EMS démunis et la maîtrise des coûts socio-hôteliers, les
griefs tendant à sa remise en cause sont rejetés.

5.8 Les recourants affirment en outre que le système de financement cantonal
serait contraire à l'art. 10 al. 2 LPC au motif que la pénurie
BGE 138 II 191 S. 214
chronique de chambres en EMS empêcherait, en pratique, les résidents dépourvus
de moyens financiers d'intégrer un établissement subventionné, de sorte que,
pour pouvoir vivre en EMS, ils seraient tributaires de l'aide sociale.
Cet argument ne convainc pas dans le cadre du présent contrôle normatif
abstrait. Le choix du canton de Neuchâtel de conserver sa liberté quant à la
conclusion ou non de contrats de prestations (cf. Rapport, p. 19), en fonction
de la planification des besoins cantonaux en EMS (cf. art. 12 al. 2 LFinEMS/
NE), lui permet en effet de mener à bien une politique sanitaire flexible (cf.
consid. 4.3.4). Comme indiqué précédemment, le principe de planification
découlant notamment de l'art. 39 LAMal, exige d'ores et déjà que le canton
adopte les mesures nécessaires aux fins de parer à toute éventualité de pénurie
de lits dans les EMS figurant sur la liste LAMal et, au vu du système instauré
par la LFinEMS/NE, particulièrement dans les EMS déclarés d'utilité publique.
En cas de pénurie avérée risquant de se répercuter sur la capacité des EMS
reconnus d'utilité publique à offrir des chambres à tous les résidents
indigents, il appartiendrait en outre au canton de Neuchâtel de conclure, à
brève échéance, des contrats de prestations avec d'autres EMS et de mettre en
place, dans l'intervalle, des solutions immédiates conformes à l'obligation de
planification découlant du droit social fédéral, de manière aussi à éviter que
des résidents indigents ne tombent à la charge de l'assistance publique. De
même, il est envisageable que l'Etat puisse, en cas de surcapacités parmi les
EMS subventionnés, renoncer à renouveler certains contrats à leur échéance,
voire négocier des clauses contractuelles permettant de diminuer le nombre de
chambres à disposition (cf. art. 13 let. c LFinEMS/NE).

5.9 Les recourants se prévalent aussi, à titre subsidiaire, de l'art. 7 al. 2
LIPPI, aux termes duquel si une personne invalide ne trouve pas de place
répondant à ses besoins dans une institution reconnue par son canton de
domicile, elle a droit à ce que ledit canton participe (...) aux frais de
séjour dans une autre institution satisfaisant aux conditions fixées à l'art.
5, al. 1. Selon eux, cette disposition obligerait le canton à "calculer la taxe
de séjour au sens de l'art. 10 LPC de telle sorte qu'elle couvre la totalité
des frais de prestations qui incombent aux résidents à teneur de l'art. 23 al.
2 LFinEMS/NE" relatif aux aides individuelles.
Dès lors que le scénario décrit par les recourants s'avère hypothétique (cf.
consid. 5.8), nul n'est besoin de s'interroger au sujet d'une
BGE 138 II 191 S. 215
éventuelle application analogique des conditions de l'art. 7 LIPPI. Ce d'autant
moins qu'une clause transitoire prévue à l'art. 33 al. 1 et 2 LFinEMS/NE permet
au Conseil d'Etat, pendant une période de trois ans dès l'entrée en vigueur de
la LFinEMS/NE, prolongeable de deux années supplémentaires en cas de
circonstances exceptionnelles, de tenir compte de la situation financière
particulière d'un EMS dans la fixation des tarifs pour la rémunération des
prestations. Comme il ressort du Rapport (p. 2, 15, 39), cette clause vise à
atténuer les effets de l'introduction de la LFinEMS/NE et à donner le temps aux
institutions de s'adapter progressivement au nouveau régime de financement.

5.10 En conclusion, il y a lieu de rejeter intégralement, dans la mesure de
leur recevabilité et à l'aune d'une interprétation conforme de ces
dispositions, les griefs des recourants concernant l'illégalité des art. 7, 14
et 23 LFinEMS/NE et de la prise en compte des taxes d'hébergement dans le cadre
des prestations complémentaires.