Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 138 II 162



Urteilskopf

138 II 162

13. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public dans la cause X. contre
A. et B. et Commission du Barreau du canton de Genève (recours en matière de
droit public)
2C_642/2011 du 20 février 2012

Regeste

Art. 89 Abs. 1 lit. c und Art. 111 BGG; Art. 12 lit. c BGFA; Berechtigung zur
Beschwerde gegen einen Entscheid betreffend ein Vertretungsverbot des Anwalts.
Unabhängig davon, ob es durch eine disziplinarische oder eine gerichtliche
Behörde ausgesprochen wurde, stellt das einem Anwalt auferlegte
Vertretungsverbot keine disziplinarische Sanktion dar, sondern es ist vielmehr
die Konsequenz eines festgestellten Interessenkonflikts. Der Entscheid, der ein
solches Verbot ausspricht, verwehrt dem Rechtsuchenden den Anwalt seiner Wahl
und berührt ihn so in direkter und konkreter Weise. Gleich verhält es sich bei
einem Entscheid, der das Nichtvorhandensein eines Interessenkonflikts
feststellt und dazu führt, dass ein früherer Rechtsvertreter des
Anzeigeerstatters nun die Gegenpartei vertritt. Infolgedessen hat der
Rechtsuchende ein schutzwürdiges Interesse im Sinne von Art. 89 Abs. 1 lit. c
BGG (Änderung der Rechtsprechung). Im vorliegenden Fall hat die Vorinstanz Art.
111 BGG verletzt, indem sie die Beschwerdeberechtigung des Anzeigeerstatters
verneinte (E. 2).

Sachverhalt ab Seite 163

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X. est accusé dans le cadre d'une procédure pénale qui l'oppose à la Banque Z.
(ci-après: la Banque). Le 7 septembre 2010, il a saisi la Commission du barreau
du canton de Genève (ci-après: la Commission du barreau). Il invoquait un
conflit d'intérêts des avocats de la Banque, A. et B., dans la mesure où
ceux-ci exerçaient leur profession au sein d'une étude regroupant des avocats
l'ayant précédemment conseillé. Par décision du 6 décembre 2010, la Commission
du barreau a conclu à l'absence de conflit d'intérêts de la part de A. et B.
Par arrêt du 21 juin 2011, la Cour de justice du canton de Genève (ci-après: la
Cour de justice) a déclaré irrecevable le recours de X. qui concluait à ce
qu'il soit ordonné à A. et B. de cesser de représenter la Banque dans la
procédure pénale en cause. En substance, la Cour de justice a retenu que
l'auteur d'une dénonciation devant la Commission du barreau n'avait pas la
qualité de partie à la procédure. Si une telle procédure était classée, le
dénonciateur n'était pas atteint dans ses intérêts personnels. En outre, le
fait que la décision de la Commission du Barreau puisse avoir une incidence sur
une procédure à laquelle le dénonciateur était partie ne permettait pas non
plus de considérer que celui-ci était directement touché dans ses droits et
obligations.
Le Tribunal fédéral a admis le recours de X. et a renvoyé la cause à la Cour de
justice, afin qu'elle tranche le litige sur le fond.
(résumé)

Erwägungen

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Extrait des considérants:

2. Le recourant invoque la violation de l'art. 111 LTF.

2.1

2.1.1 Aux termes de l'art. 111 LTF, la qualité de partie à la procédure devant
toute autorité cantonale précédente doit être reconnue à quiconque a qualité
pour recourir devant le Tribunal fédéral (al. 1); l'autorité qui précède
immédiatement le Tribunal fédéral doit pouvoir examiner au moins les griefs
visés aux art. 95-98 LTF (al. 3).
Il résulte de cette disposition que la qualité pour recourir devant les
autorités cantonales ne peut pas s'apprécier de manière plus restrictive que la
qualité pour recourir devant le Tribunal fédéral, les cantons demeurant libres
de concevoir cette qualité de manière plus large (ATF 135 II 145 consid. 5 p.
149 et les arrêts cités). En l'occurrence, il convient donc d'examiner la
qualité pour recourir sous l'angle de l'art. 89 al. 1 LTF. S'agissant de droit
fédéral (art. 111 al. 1 LTF), le Tribunal fédéral examine cette question
librement.

2.1.2 Constitue un intérêt digne de protection au sens de l'art. 89 al. 1 let.
c LTF, tout intérêt pratique ou juridique à demander la modification ou
l'annulation de la décision attaquée. Il consiste donc dans l'utilité pratique
que l'admission du recours apporterait au recourant, en lui évitant de subir un
préjudice de nature économique, idéale, matérielle ou autre que la décision
attaquée lui occasionnerait. Cet intérêt doit être direct et concret; en
particulier, le recourant doit se trouver, avec la décision entreprise, dans un
rapport suffisamment étroit, spécial et digne d'être pris en considération. Il
doit être touché dans une mesure et avec une intensité plus grande que
l'ensemble des administrés (ATF 137 II 40 consid. 2.3 p. 43; ATF 135 II 145
consid. 6.1 p. 150; ATF 131 II 649 consid. 3.1 p. 651 et les arrêts cités).
Dans une procédure non contentieuse, la seule qualité de plaignant ou de
dénonciateur ne donne pas le droit de recourir contre la décision prise; le
plaignant ou le dénonciateur doit encore pouvoir invoquer un intérêt digne de
protection à ce que l'autorité de surveillance intervienne. La jurisprudence a
ainsi dénié la qualité pour recourir au plaignant dans le cadre d'une procédure
disciplinaire dirigée contre un avocat, considérant que celui-là n'avait pas un
intérêt propre et digne de protection à demander une sanction disciplinaire à
l'encontre de l'avocat pour une éventuelle violation de ses obligations
professionnelles. En effet, la procédure de surveillance disciplinaire des
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avocats a pour but d'assurer l'exercice correct de la profession par les
avocats et de préserver la confiance du public à leur égard, et non de défendre
les intérêts privés des particuliers (ATF 135 II 145 consid. 6.1 p. 150 ss; ATF
132 II 250 consid. 4.4 p. 255; ATF 108 Ia 230 consid. 2b p. 232). Cette
jurisprudence a été reprise, sous l'angle de l'art. 89 al. 1 LTF, dans le cadre
d'une procédure disciplinaire dirigée contre un notaire (ATF 133 II 468 consid.
2 p. 471 ss).

2.2 En la cause, la discussion juridique porte essentiellement sur
l'application au cas d'espèce des principes énoncés dans l' ATF 135 II 145.
Dans cette affaire, il s'agissait de déterminer la qualité de partie du client
d'un avocat, lequel s'était vu interdire de représenter son mandant. A cette
occasion, le Tribunal fédéral a pu relever que le client en question n'avait ni
la qualité de plaignant ni celle de dénonciateur et qu'il se trouvait dans une
situation inverse de ceux-ci, dans la mesure où, d'une part, il n'était pas
l'initiateur de la procédure mais en subissait les conséquences, se voyant
privé de son avocat contre sa volonté et où, d'autre part, il ne demandait pas
qu'une sanction soit prise mais au contraire qu'elle soit annulée. La défense
des intérêts du recourant était ainsi liée au sort de la procédure entreprise à
l'encontre de son avocat, qui avait du reste lui-même recouru contre
l'interdiction qui lui était faite de représenter son client. Le Tribunal
fédéral a certes reconnu, à cette occasion, que l'interdiction d'être
représenté aurait des répercussions sur la défense du client puisque le nouvel
avocat devrait prendre connaissance du dossier de la volumineuse procédure en
cours depuis plus de cinq ans, de sorte que l'intérêt financier de l'intéressé
à pouvoir conserver son mandataire actuel était évident. Un intérêt de fait, en
soi suffisant au regard de l'art. 89 al. 1 let. c LTF a ainsi été reconnu par
le Tribunal fédéral. Toutefois, le lien avec la norme invoquée ne disparaissait
pas totalement: le recourant ne pouvait, en effet, se prévaloir d'un intérêt
digne de protection à invoquer des dispositions édictées dans l'intérêt général
ou dans l'intérêt de tiers que si celles-ci étaient susceptibles d'avoir une
influence directe sur sa situation de fait ou de droit. Dans cette affaire, le
Tribunal fédéral a retenu que les dispositions en cause visaient à assurer
l'exercice correct de la profession d'avocat et que, à ce titre, seul l'avocat
était directement concerné par l'objet de la contestation; en outre, une
sanction ne touchait directement que la personne qui en était l'objet, soit, en
l'espèce, l'avocat. L'intérêt digne de protection faisait, ainsi, défaut au
client qui n'avait pas, par conséquent, la qualité pour recourir. Sur ce point,
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l'ATF 135 II 145 a été critiqué en doctrine (FRANÇOIS BOHNET, in RSPC 2009 p.
177; cf. aussi TOMAS POLEDNA, in Kommentar zum Anwaltsgesetz, Fellmann/Zindel
[éd.], 2^e éd. 2011, n° 11a ad art. 17 LLCA).

2.3 Une modification de jurisprudence ne contrevient pas à la sécurité du
droit, au droit à la protection de la bonne foi ni à l'interdiction de
l'arbitraire lorsqu'elle s'appuie sur des raisons objectives, telles qu'une
connaissance plus exacte ou complète de l'intention du législateur, la
modification des circonstances extérieures, un changement de conception
juridique ou l'évolution des moeurs (ATF 137 V 133 consid. 6.1 p. 137; ATF 136
III 6 consid. 3 p. 8; ATF 135 II 78 consid. 3.2 p. 85 et les arrêts cités).

2.4 L'art. 12 de la loi fédérale du 23 juin 2000 sur la libre circulation des
avocats (loi sur les avocats, LLCA; RS 935.61) fait partie de la Section 3
intitulée "Règles professionnelles et surveillance disciplinaire". Parmi les
"Règles professionnelles" que doit respecter l'avocat, figure celle qui veut
que celui-ci doit éviter tout conflit entre les intérêts de son client et ceux
des personnes avec lesquelles il est en relation sur le plan professionnel ou
privé (art. 12 let. c LLCA). L'obligation de renoncer à représenter un mandant
en cas de conflit d'intérêts est une règle cardinale de la profession d'avocat
(arrêt 2C_889/2008 du 21 juillet 2009 consid. 3.1.3).
Les sanctions disciplinaires sont, pour leur part, détaillées à l'art. 17 LLCA
qui a la teneur suivante:
"Art. 17 Mesures disciplinaires
^1 En cas de violation de la présente loi, l'autorité de surveillance peut
prononcer les mesures disciplinaires suivantes:
a. l'avertissement;
b. le blâme;
c. une amende de 20 000 francs au plus;
d. l'interdiction temporaire de pratiquer pour une durée maximale de deux ans;
e. l'interdiction définitive de pratiquer.
^2 L'amende peut être cumulée avec une interdiction de pratiquer.
^3 Si nécessaire, l'autorité de surveillance peut retirer provisoirement
l'autorisation de pratiquer."

2.5

2.5.1 Celui qui, en violation des obligations énoncées à l'art. 12 LLCA,
accepte ou poursuit la défense d'intérêts contradictoires doit
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se voir dénier par l'autorité la capacité de postuler. L'interdiction de
plaider est, en effet, la conséquence logique du constat de l'existence d'un
tel conflit (arrêt 1A.223/2002 du 18 mars 2003 consid. 5.5). La loi sur les
avocats ne désignant pas l'autorité compétente habilitée à empêcher de plaider
l'avocat confronté à un conflit d'intérêt, les cantons sont compétents pour la
désigner. Ainsi, l'injonction consistant en l'interdiction de représenter une
personne dans une procédure peut être prononcée, selon les cantons, par
l'autorité de surveillance des avocats ou par l'autorité judiciaire saisie de
la cause (BOHNET/MARTENET, Droit de la profession d'avocat, 2009, ch. 2201 p.
897; cf. aussi arrêts 2C_885/2010 du 22 février 2011 consid. 1.1; 2D_148/2008
du 17 avril 2009 consid. 1.2). Le législateur genevois a confié les compétences
dévolues à l'autorité de surveillance par la loi sur les avocats à la
Commission du barreau (art. 14 de la loi genevoise du 26 avril 2002 sur la
profession d'avocat [RSG E 6 10]). En l'absenced'une telle disposition
expresse, il appartient au juge qui conduit le dossier, au civil, au pénal ou
en droit administratif, et qui constate un conflit d'intérêts ou un défaut
d'indépendance, d'en tirer d'office les conséquences et de dénier à l'avocat la
capacité de postuler en l'obligeant à renoncer à la défense en cause (BOHNET/
MARTENET, op. cit., ch. 1144 p. 493 et les références citées) - à noter que
l'art. 62 du nouveau CPP (RS 312.0) confie les mesures nécessaires au bon
déroulement et à la légalité de la procédure à l'autorité investie de la
direction de la procédure (cf. art. 61 CPP) et que, par conséquent, en
procédure pénale, l'ordre consistant en l'interdiction de plaider pourrait ne
plus pouvoir revenir à l'autorité de surveillance (en ce sens, arrêt de la
Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 10 mai
2011 consid. 2d, in JdT 2011 III p. 76). L'exclusion de l'avocat des débats
pour ce motif n'est que la résultante du défaut de capacité de postuler de
l'avocat et ne constitue pas une mesure disciplinaire au sens de l'art. 17 LLCA
(FRANÇOIS BOHNET, Les conflits d'intérêts en matière de défense au pénal - TF
1B_7/2009 du 16 mars 2009, in Revue de l'avocat 5/2009 p. 267; BOHNET/MARTENET,
op. cit., ch. 1145 p. 494; cf. aussi arrêt 2A.560/2004 du 1^er février 2005
consid. 8). Cela ressort d'ailleurs de la simple lecture de l'art. 17 LLCA qui
ne mentionne pas cette sanction au titre des mesures disciplinaires. La nature
de celle-ci ne saurait au demeurant être différente d'un canton à l'autre,
selon qu'une autorité judiciaire ou une autorité disciplinaire constate le
défaut de la qualité de postulation. Le Tribunal fédéral a d'ailleurs pu juger
que l'interdiction de
BGE 138 II 162 S. 168
représentation ordonnée dans un cas particulier ne relevant pas du droit
disciplinaire, elle n'empêche en principe nullement le prononcé d'une sanction
disciplinaire ultérieure (arrêt 2A.560/2004 du 1^er février 2005 consid. 8).
En résumé, contrairement à l'approche qu'a eue le Tribunal fédéral dans l' ATF
135 II 145, il faut admettre que l'interdiction de postuler dans un cas concret
- à distinguer d'une suspension provisoire ou définitive - ne relève en
principe pas du droit disciplinaire, mais du contrôle du pouvoir de postuler de
l'avocat.

2.5.2 Ainsi, l'interdiction faite à un avocat de représenter une partie vise à
garantir la bonne marche du procès, notamment en s'assurant qu'aucun avocat ne
soit restreint dans sa capacité de défendre l'une d'elles - en cas de défense
multiple - respectivement en évitant qu'un mandataire puisse utiliser les
connaissances d'une partie adverse, acquises lors d'un mandat antérieur, au
détriment de celle-ci, étant à cet égard rappelé que l'impossibilité de
représentation affectant un avocat rejaillit sur ses associés (arrêt 2C_26/2009
consid. 3.2, in RNRF 92/2011 p. 127). Dans un tel cas, celui qu'une décision
prive de la possibilité de poursuivre la défense de ses intérêts par l'avocat
de son choix, ou alors contraint de voir un ancien mandataire - ou l'associé de
l'un de ses anciens mandataires - défendre les intérêts d'une partie adverse,
est touché de manière directe et dispose d'un intérêt digne de protection au
sens de l'art. 89 al. 1 let. c LTF à l'annulation ou la modification de cette
décision. En ceci, la situation est donc différente de ce qui prévaut en
matière disciplinaire.

2.5.3 Par conséquent, en niant à X. la qualité pour recourir à l'encontre de la
décision du 6 décembre 2010 de la Commission du barreau, la Cour de justice a
violé l'art. 111 LTF.