Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 138 II 105



Urteilskopf

138 II 105

10. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public dans la cause X. contre
Service des contributions du canton de Neuchâtel (recours en matière de droit
public)
2C_497/2011 du 15 mars 2012

Regeste

Art. 12 Abs. 3 lit. e StHG; Grundstückgewinn; Steueraufschub bei
Ersatzbeschaffung; Begriff der dauernd und ausschliesslich selbstgenutzten
Wohnliegenschaft; angemessene Frist für die Ersatzbeschaffung.
Die historische Auslegung von Art. 12 Abs. 3 lit. e StHG ergibt, dass unter dem
Begriff der dauernd und ausschliesslich selbstgenutzten Wohnliegenschaft der
Hauptwohnsitz unter Ausschluss eines sekundären Domizils zu verstehen ist. Dass
im vorliegenden Fall der Steueraufschub nicht gewährt wurde, entspricht dem
harmonisierten Recht: Zum Zeitpunkt der Veräusserung war das Haus nicht mehr
der Hauptwohnsitz des Beschwerdeführers, nachdem er es vor über sieben Jahren
verlassen hatte; das Erfordernis der Ersatzbeschaffung innert angemessener
Frist würde zudem seiner Substanz entleert, wenn in einem solchen Fall
Steueraufschub gewährt wird (E. 5 und 6).

Sachverhalt ab Seite 106

BGE 138 II 105 S. 106
X., domicilié à Y. dans le canton de Nidwald, a habité de nombreuses années une
maison familiale sise à Neuchâtel. Il a déménagé à Y. en 2001, où il a loué
successivement deux appartements avant d'y acquérir, le 2 octobre 2007, une
villa. Le bien immobilier de Neuchâtel a été vendu le 25 mars 2008.
Le Service des contributions du canton de Neuchâtel (ci-après: le Service des
contributions), par décision de taxation du 29 août 2008, puis par décision sur
réclamation du 10 novembre 2008, a estimé que le gain immobilier réalisé lors
de la vente de la maison de Neuchâtel ne pouvait faire l'objet d'une imposition
différée. Il a jugé que toutes les conditions permettant une imposition
différée du gain immobilier n'étaient pas réalisées puisque la maison de
Neuchâtel ne constituait plus le domicile principal du recourant au moment de
la vente.
Le Tribunal fiscal de la République et Canton de Neuchâtel, par jugement du 16
février 2010, puis la Cour de droit public du Tribunal
BGE 138 II 105 S. 107
cantonal de la République et Canton de Neuchâtel (ci-après: le Tribunal
cantonal), par arrêt du 11 mai 2011, ont rejeté le recours de X. pour le même
motif.
Le Tribunal fédéral a rejeté le recours en matière de droit public.
(résumé)

Erwägungen

Extrait des considérants :

5.

5.1 Selon l'art. 12 al. 1 de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur
l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID; RS
642.14), l'impôt sur les gains immobiliers a pour objet les gains réalisés
notamment lors de l'aliénation de tout ou partie d'un immeuble faisant partie
de la fortune privée du contribuable à condition que le produit de l'aliénation
soit supérieur aux dépenses d'investissement (prix d'acquisition ou autre
valeur s'y substituant, impenses). L'art. 12 al. 3 let. e LHID prévoit que
l'imposition est différée en cas d'aliénation de l'habitation (maison ou
appartement) ayant durablement et exclusivement servi au propre usage de
l'aliénateur, dans la mesure où le produit ainsi obtenu est affecté, dans un
délai approprié, à l'acquisition ou à la construction en Suisse d'une
habitation servant au même usage.
L'art. 58 al. 1 let. e de la loi neuchâteloise du 21 mars 2000 sur les
contributions directes (LCdir; RSN 631.0) reprend l'art. 12 al. 3 let. e LHID
mot pour mot.
La LHID laissant aux cantons la possibilité de concrétiser la notion de "délai
approprié" (RDAF 2005 II p. 554 = StE 2005 A 23.1 n° 11, 2A.445/2004 consid.
5.2; arrêt 2C_108/2011 du 29 août 2011 consid. 3.1), l'art. 33 al. 1 du
règlement général neuchâtelois du 1^er novembre 2000 d'application de la loi
sur les contributions directes (RELCdir; RSN 631.01) dispose que le
remplacement en franchise d'impôt de, notamment, l'habitation principale du
contribuable doit intervenir au plus tard dans un délai de deux ans à compter
de la réalisation de l'ancien actif.

5.2 La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre. Si le texte n'est pas
absolument clair et si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, il
convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la
dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux
préparatoires, du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur
lesquelles elle repose ou encore de sa
BGE 138 II 105 S. 108
relation avec d'autres dispositions légales (ATF 137 II 164 consid. 4.1 p. 170;
ATF 137 III 217 consid. 2.4.1 p. 221 ss).

6. En l'espèce, il s'agit de déterminer si, lors de la vente de la villa de
Neuchâtel en 2008, celle-ci avait "durablement et exclusivement servi au propre
usage de l'aliénateur", tel que requis par l'art. 12 al. 3 let. e LHID.

6.1 Le texte de loi parle de l'aliénation de l'habitation (maison ou
appartement) ayant durablement servi au propre usage de l'aliénateur. Cela
signifie que, lors de l'aliénation, le bien ne doit plus forcément encore
servir à l'usage propre de l'aliénateur. Celui-ci peut l'avoir quitté
préalablement à la vente. Ceci s'explique notamment par le fait que le remploi
anticipé, soit la situation dans laquelle l'acquisition du nouveau bien
immobilier précède la vente de l'ancien, peut être exceptionnellement admis au
regard de l'art. 12 al. 3 let. e LHID (RDAF 2005 II p. 554 = StE 2005 A 23.1 n°
11, 2A.445/2004 consid. 6). L'art. 33 al. 2 RLCdir le prévoit d'ailleurs. Dès
lors, le fait que le recourant n'habitait plus sa villa au moment de la vente
n'est pas un obstacle à l'admission d'une imposition différée.

6.2 Se pose ensuite la question du laps de temps admissible entre le moment où
l'aliénateur quitte son habitation et celui où il la vend. Ce point doit être
examiné au regard de deux des conditions posées pour un report d'imposition,
soit, premièrement, le fait que l'habitation doit avoir "durablement et
exclusivement servi au propre usage de l'aliénateur" et, deuxièmement, le
"délai approprié" dans lequel le réinvestissement doit avoir lieu.

6.3 L'art. 12 al. 3 let. e LHID pose comme condition à une imposition différée
que "l'habitation (maison ou appartement) ait durablement et exclusivement
servi au propre usage de l'aliénateur".

6.3.1 Une interprétation littérale de ces termes conduit, a priori, à
considérer qu'ils font référence au domicile principal de l'aliénateur.
Cependant, compte tenu de l'usage de notions vagues - telles que habitation,
usage propre, etc. -, cette interprétation ne saurait suffire à elle seule.
Dans son Message du 25 mai 1983 sur l'harmonisation fiscale, le Conseil fédéral
n'avait prévu le remploi que pour les immeubles agricoles et sylvicoles
exploités en mains propres (FF 1983 III 108, 306; ad art. 15 al. 3 let. d
projet/LHID), c'est-à-dire pour des immeubles du patrimoine commercial, et
l'avait expressément exclu pour
BGE 138 II 105 S. 109
les maisons et les appartements privés (FF 1983 III 109); ce dernier type de
remploi n'a été repris dans la loi qu'au stade des débats parlementaires (BO
1986 CE 141; BO 1989 CN 49 ss; BO 1989 CE 575; BO 1990 CN 442 ss; BO 1990 CE
726; cf. BASTIEN VERREY, L'imposition différée du gain immobilier:
harmonisation fédérale et droit cantonal comparé, 2011, n° 27 p. 22; BERNHARD
ZWAHLEN, in Kommentar zum Schweizerischen Steuerrecht, vol. I/1: Bundesgesetz
über die Harmonisierung der direkten Steuern der Kantone und Gemeinden
[StHG],Zweifel/Athanas [éd.], 2^e éd. 2002, n° 74 ad art. 12 LHID p. 239). Les
travaux de la Commission du Conseil national (procès-verbal de la séance des 11
et 12 avril 1988 de la Commission du Conseil national p. 107 ss; procès-verbal
de la séance du 29 août 1988 de la Commission du Conseil national p. 8 ss) et
les débats susmentionnés devant les Chambres fédérales, principalement les
exemples donnés, démontrent que le report d'imposition n'est applicable qu'au
gain obtenu lors de l'aliénation d'habitation constituant le domicile principal
du contribuable. La minorité de la Commission voulait même limiter le
réinvestissement de l'habitation privée à des raisons impératives; la
Commission n'a toutefois, au cours des travaux, pas trouvé d'accord à ce sujet,
ces raisons étant difficiles à délimiter (qu'en est-il, par exemple, d'une
aliénation due à un licenciement, un changement de profession, un divorce, une
expropriation?; BO 1989 CN 49 ss). Il ressort ainsi de ces éléments historiques
que la notion d'habitation ayant durablement et exclusivement servi au propre
usage de l'aliénateur de l'art. 12 al. 3 let. e LHID doit être interprétée de
façon restrictive et doit être comprise comme faisant référence au domicile
principal du contribuable, à l'exclusion des résidences secondaires. La
doctrine relative à la LHID et aux lois cantonales va dans le même sens
(VERREY, op. cit., n° 224 p. 192; KLÖTI-WEBER/BAUR, in Kommentar zum Aargauer
Steuergesetz, Klöti-Weber/Siegrist/Weber [éd.], 3^e éd. 2009, n° 6 ad § 98, p.
1245; MARKUS LANGENEGGER, in Praxis-Kommentar zum Berner Steuergesetz, Leuch/
Kästli/Langenegger [éd.], vol. II, 2011, n° 27 ad art. 134, p. 122;RICHNER/FREI
/KAUFMANN/MEUTER, Kommentar zum harmonisierten Zürcher Steuergesetz, 2^e éd.
2006, n° 324 ad § 216, p. 1591; FELIX RICHNER, Ersatzbeschaffung von
selbstgenutztem Wohneigentum, Zürcher Steuerpraxis 2010 p. 204). Il s'agit donc
de reporter l'obstacle fiscal que représente le prélèvement de l'impôt sur les
gains immobiliers, qui prive le contribuable d'une partie du gain immobilier
réalisé, en cas de changement du domicile principal.
BGE 138 II 105 S. 110

6.3.2 Il est certain qu'en 2001, lorsque le recourant a quitté sa maison,
celle-ci avait durablement et exclusivement servi à son usage propre.
Toutefois, le moment déterminant pour juger de la réalisation de cette
condition est le moment de la vente du bien puisque l'objet de l'impôt est le
gain réalisé. En l'espèce, la vente a eu lieu le 25 mars 2008. Or, de 2001 à
2008, le recourant n'a plus résidé dans sa villa. Durant cette période, il a
loué successivement deux appartements à Y. avant d'y acquérir, le 2 octobre
2007, une maison. Le recourant a même précisé, dans son recours, que lui-même
et son épouse ont retiré leurs papiers de Neuchâtel le 3 décembre 2001. Le bien
immobilier de Neuchâtel est alors devenu la maison de vacances de la fille du
recourant qui s'en occupait.
Il ne fait ainsi aucun doute que la villa de Neuchâtel, au moment de sa vente,
ne constituait plus le domicile principal du recourant. Certes, comme le relève
l'intéressé, de 2001 à 2008, ce bien est resté sa propriété, il était à sa
disposition, il ne l'a jamais loué et y a séjourné de temps en temps. Si ces
éléments montrent qu'effectivement le recourant a fait un certain usage de sa
maison, ils ne suffisent cependant pas à remplir la condition de l'usage propre
durable et exclusif. Ils font, en revanche, de la maison en cause une résidence
secondaire. Or, contrairement à ce que l'intéressé prétend, une telle
qualification est pertinente puisque, comme on l'a vu ci-dessus, l'imposition
différée n'est pas acceptée pour ce type d'habitation.

6.4 Comme susmentionné (consid. 6.2), les sept ans écoulés entre le moment où
le recourant a quitté son habitation et celui où il l'a vendue pose un autre
problème. La LHID impose, en effet, que le remploi ait lieu dans un "délai
approprié". Le canton de Neuchâtel a fixé ce délai à deux ans. En l'espèce, si
le recourant avait vendu son bien lorsque celui-ci a cessé de constituer son
domicile, soit en 2001, le délai légal de deux ans pour obtenir une imposition
différée, aurait couru jusqu'en 2003. Or, l'intéressé n'a acheté son nouveau
bien qu'en 2007. Accorder le remploi dans le cas du recourant qui a attendu
sept ans pour aliéner sa maison, sans même avoir essayé de la vendre durant ce
laps de temps, reviendrait à vider de sa substance l'exigence du délai
approprié pour procéder au réinvestissement. Cette exigence ne peut être
contournée en gardant quelques années une maison que le contribuable n'habite
plus et en ne la vendant qu'au moment où le nouveau bien est acquis. Si le
changement de domicile et la vente du bien ne doivent pas forcément être
concomitants, on ne saurait admettre qu'un délai de sept ans s'écoule entre les
deux.
BGE 138 II 105 S. 111

6.5 Compte tenu de ce qui précède, en retenant que le recourant ne pouvait
bénéficier d'une imposition différée sur le gain réalisé lors de l'aliénation
de sa maison, le Tribunal cantonal n'a pas violé le droit cantonal harmonisé.