Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 138 III 750



Zurück zur Einstiegsseite Drucken

Urteilskopf

138 III 750

114. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit civil dans la cause République
du Chili contre Z. (recours en matière civile)
4A_292/2012 du 16 octobre 2012

Regeste

Von einem ausländischen Staat im Dienst des Chefs einer ständigen Mission
beschäftigte ausländische Hausangestellte; Garantieerklärung des Arbeitgebers
gegenüber der Schweiz; Rechtswahl zugunsten des ausländischen Rechts (Art. 342
Abs. 2 OR; Art. 18 IPRG).
Durch die Unterzeichnung der Garantieerklärung hat sich der ausländische Staat
gegenüber der Schweiz verpflichtet, die Lohn- und Arbeitsbedingungen
einzuhalten, die auf eine in Genf arbeitende Hausangestellte anwendbar sind.
Diese öffentlichrechtliche Verpflichtung hat gemäss Art. 342 Abs. 2 OR
zivilrechtliche Wirkungen, indem sich die Hausangestellte vor dem Zivilgericht
auf sie berufen kann (E. 2.3 und 2.4). Da Art. 342 Abs. 2 OR eine unmittelbar
anwendbare Bestimmung im Sinne von Art. 18 IPRG ist, tritt das von den Parteien
gewählte ausländische Recht gegenüber dem anwendbaren schweizerischen Recht
zurück (E. 2.5).

Erwägungen ab Seite 751

BGE 138 III 750 S. 751
Extrait des considérants:

2.

2.3 L'art. 342 al. 2 CO autorise une partie à un contrat de travail à agir
civilement afin d'obtenir l'exécution d'une obligation de droit public imposée
à son cocontractant par des dispositions fédérales ou cantonales sur le travail
et susceptible d'être l'objet d'un contrat individuel de travail. L'obligation
de droit public peut résulter directement d'une norme générale et abstraite,
mais elle peut également être fondée sur une décision (ATF 135 III 162 consid.
3.2.1 p. 166).
Dans le domaine du droit des étrangers ordinaire, le Tribunal fédéral a
appliqué l'art. 342 al. 2 CO en rapport avec l'art. 9 al. 1 de l'ordonnance du
6 octobre 1986 limitant le nombre des étrangers (OLE, en vigueur jusqu'au 31
décembre 2007; cf. actuellement art. 22 LEtr [RS 142.20] et art. 22 de
l'ordonnance du 24 octobre 2007 relative à l'admission, au séjour et à
l'exercice d'une activité lucrative [OASA; RS 142.201]), disposition qui
soumettait l'autorisation nécessaire pour exercer une activité lucrative,
notamment, à la garantie que le travailleur bénéficie des conditions de
rémunération usuelles dans la localité et la profession en question. Il a ainsi
admis qu'une fois l'autorisation délivrée, l'employeur est tenu, en vertu d'une
obligation de droit public, de respecter les conditions qui l'assortissent, en
particulier le salaire approuvé par l'autorité administrative; le travailleur
dispose alors d'une prétention qu'il peut exercer devant les juridictions
civiles, le juge civil étant lié par les conditions de rémunération fixées dans
l'autorisation délivrée pour un emploi donné (ATF 122 III 110 consid. 4d p. 114
/115; ATF 129 III 618 consid. 5.1 p. 621/622 et consid. 6.1 p. 623).

2.4 Plus récemment, le Tribunal fédéral a eu à trancher le cas d'une domestique
privée étrangère travaillant à Genève au service d'une diplomate auprès d'une
mission permanente (ATF 135 III 162). La procédure permettant à l'employée de
maison de travailler en Suisse n'était pas régie par le droit des étrangers
ordinaire, mais impliquait l'octroi par le DFAE d'une carte de légitimation,
valant à la fois titre de séjour et autorisation de travail dans un domaine
délimité. Pour obtenir la carte de légitimation "F" en faveur de son employée
de maison, l'employeuse avait remis aux autorités suisses notamment une
déclaration de garantie, dans laquelle elle confirmait avoir pris connaissance
des dispositions de la directive du 1^er mai 1998 du DFAE sur l'engagement des
domestiques privés par les
BGE 138 III 750 S. 752
fonctionnaires internationaux, alors applicable; l'une des conditions posées
par la dite directive était de travailler à plein temps pour un seul et même
employeur. Le Tribunal fédéral en a déduit que l'employeuse, en signant la
déclaration de garantie, s'était obligée envers les autorités suisses à engager
à plein temps la domestique et que celle-cipouvait se prévaloir de cette
obligation de droit publicdevant le jugecivil en vertu de l'art. 342 al. 2 CO
(consid. 3.2.2 p. 168).

2.4 Le cas présent présente de larges similitudes avec l'affaire ayant fait
l'objet de l' ATF 135 III 162. A l'instar de la domestique partie à cette
dernière procédure, l'intimée ne travaillait pas à la Mission permanente, mais
comme employée de maison à la résidence privée de l'Ambassadeur. Certes, comme
elle avait conclu le contrat de travail avec l'Etat recourant, elle n'était pas
une "domestique privée", engagée par un membre du personnel de la mission
permanente et bénéficiant à ce titre d'une carte de légitimation de type "F"
(cf. ch. 1.2 de la directive du DFAE sur l'engagement des domestiques privés
par les membres du personnel des missions diplomatiques, des missions
permanentes, des postes consulaires et des organisations internationales en
Suisse, en vigueur jusqu'au 30 juin 2011 [ci-après: directive sur les
domestiques privés]; actuellement, art. 2 al. 1 et 2 de l'ordonnance du 6 juin
2011 sur les conditions d'entrée, de séjour et de travail des domestiques
privés des personnes bénéficiaires de privilèges, d'immunités et de facilités
[ordonnance sur les domestiques privés, ODPr; RS 192.126]). Titulaire d'une
carte de légitimation de type "E" et engagée sur la base d'un contrat de droit
privé, l'intimée n'était pas non plus un membre du "personnel de service",
employé de carrière de l'Etat recourant sur la base du droit public de cet
Etat, mais un membre du "personnel local", soumis à la directive CD 3 du 1^er
avril 1987 de la Mission permanente de la Suisse relative au recrutement du
personnel administratif et technique ainsi que du personnel de service par les
Missions permanentes (cf. ch. 1.3 et 1.4 de la directive sur les domestiques
privés; actuellement, art. 3 al. 2 ODPr et art. 5 de l'ordonnance du 7 décembre
2007 relative à la loi fédérale sur les privilèges, les immunités et les
facilités, ainsi que sur les aides financières accordés par la Suisse en tant
qu'Etat hôte [ordonnance sur l'Etat hôte, OLEH; RS 192.121]).
Cependant, plus que le statut accordé à l'intimée, c'est la procédure suivie
pour que la gouvernante puisse venir travailler légalement en Suisse qui est
déterminante. A cet égard, il ressort de l'état de fait cantonal que l'Etat
recourant, par sa Mission permanente, a fourni à la Mission suisse à Genève
trois formules, dont la
BGE 138 III 750 S. 753
déclaration de garantie de l'employeur. Le dépôt de ces documents a permis la
délivrance à l'intimée du visa pour prise d'activité lucrative en Suisse, puis
de la carte de légitimation de type "E", celle-ci valant à la fois titre de
séjour et autorisation de travail (cf. ATF 135 III 162 consid. 3.2.2 p. 167).
Il s'avère ainsi que la déclaration de garantieétait nécessaire pour que
l'intimée obtienne l'autorisation de travailleren Suisse. Or, cette déclaration
de l'employeur comprend en particulier l'engagement de traiterl'employé aux
conditions de rémunération et de travail en usage dans la localité et la
profession concernées. Force est dès lors de conclure que, comme dans le cas
envisagé dans l' ATF 135 III 162, l'employeur a, en signant la déclaration de
garantie, souscrit à une obligation de droit public envers les autorités
suisses.
Les conditions de rémunération et de travail que l'Etat recourant s'est engagé
à respecter comprennent en tout cas celles résultant de dispositions
impératives de la loi suisse applicable. En l'espèce, fondé sur l'art. 360a al.
1 CO entré en vigueur le 1^er juin 2004, le canton de Genève a déclaré
impératifs, à partir du 3 mai 2005, les salaires minimaux figurant dans le
contrat-type de travail genevois du 30 mars 2004 pour les travailleurs de
l'économie domestique à temps complet et à temps partiel, en vigueur jusqu'au
31 décembre 2011 (ci-après: CTT; cf. modifications du CTT du 1^er mars 2005 et
du 13 mars 2007). Par ailleurs, l'art. 329a al. 1 CO, auquel il ne peut être
dérogé en défaveur du travailleur (cf. art. 362 al. 1 CO), prévoit une durée
minimale de vacances de quatre semaines par année de service pour les
travailleurs âgés de plus de 20 ans. Enfin, un délai de congé inférieur à un
mois ne pouvait être convenu entre les parties (cf. art. 335c al. 2 2^e phrase
CO).

2.5 A ce stade du raisonnement, il apparaît, a priori, que l'employée de maison
dispose d'une prétention de droit privé, déduite de l'art. 342 al. 2 CO, lui
permettant d'obtenir l'exécution de l'obligation de droit public à la charge de
l'employeur (cf. ATF 135 III 162 consid. 3.2.2 in fine p. 169). Il faut relever
toutefois que les parties ont convenu d'une élection de droit en faveur du
droit chilien. Il se pose dès lors la question de savoir si, sur les trois
points en jeu (montant du salaire, durée des vacances et délai de congé), le
droit suisse trouve tout de même à s'appliquer.
Le droit étranger choisi par les parties peut être mis à l'écart lorsque des
lois suisses dites d'application immédiate doivent être prises en compte (art.
18 LDIP [RS 291]; aspect dit positif de l'ordre public
BGE 138 III 750 S. 754
suisse). Ces normes sont, en règle générale, des dispositions impératives qui
répondent le plus souvent à des intérêts essentiels d'ordre social, politique
ou économique (ATF 136 III 23 consid. 6.6.1 p. 35; ATF 135 III 614 consid. 4.2.
p. 617); elles ont été édictées dans l'intérêt public de telle sorte que leur
application de préférence au droit étranger désigné par la règle de conflit
s'impose dans l'intérêt public pour autant qu'il existe un rapport suffisamment
étroit avec la Suisse. Les lois d'application immédiate excluent l'application
du droit étranger indépendamment du résultat auquel ledit droit aurait abouti (
ATF 136 III 23 consid. 6.6.1 p. 35 et les arrêts cités).
En soumettant la délivrance de l'autorisation de travail à l'exigence que
l'employeur s'engage à respecter les conditions de rémunération et de travail
valables dans le lieu et la profession en cause, la Suisse poursuit un intérêt
public lié au maintien de la paix sociale, en préservant les travailleurs
suisses d'une sous-enchère salariale induite par la main-d'oeuvre étrangère,
d'une part et en protégeant les travailleurs étrangers eux-mêmes, d'autre part
(cf. ATF 122 III 110 consid. 4d p. 114/115; ATF 129 III 618 consid. 5.1 p. 621/
622 et consid. 6.1 p. 623; ATF 135 III 162 consid. 3.2.2 p. 167). La règle
appliquée dans le cas présent répond à un intérêt essentiel d'ordre social et
apparaît ainsi comme d'application immédiate.
Comme on l'a vu, l'art. 342 al. 2 CO attribue des effets de droit civil à
l'obligation de droit public mise à la charge de l'employeur de respecter les
conditions de salaire et de travail applicables à un domestique travaillant à
Genève. Dans la mesure où cette obligation de droitpublic relève de l'ordre
public suisse, il se justifie, en parallèle, de ranger l'art. 342 al. 2 CO
parmi les dispositions d'application immédiate au sens de l'art. 18 LDIP
(BERNARD DUTOIT, Droit international privé suisse, 4^e éd. 2005, n° 8 ad art.
18 LDIP; FRANK VISCHER, Zürcher Kommentar zum IPRG, 2^e éd. 2004, n° 15 ad art.
18 LDIP; VISCHER/HUBER/OSER, Internationales Vertragsrecht, 2^e éd. 2000, n°
798 p. 367).
Il s'ensuit que le droit chilien choisi par les parties doit céder le pas au
droit suisse sur les questions du salaire, y compris pendant le délai de congé,
et de l'indemnisation des vacances non prises, domaines dans lesquels l'intimée
peut faire valoir directement des prétentions fondées sur le droit suisse.
En conclusion, le grief tiré d'une violation de la LDIP se révèle mal fondé.