Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 138 III 636



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Urteilskopf

138 III 636

95. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit civil dans la cause A. et B.
contre Y. (recours en matière civile)
5A_365/2012 et autres du 17 août 2012

Regeste

Art. 278 SchKG, Art. 254 ZPO; Verfahren der Einsprache gegen den Arrestbefehl;
Beweis.
Zulässiges Beweismittel (E. 4).

Sachverhalt ab Seite 637

BGE 138 III 636 S. 637

A. Y. a formé deux requêtes de séquestre contre A., les 17 mars 2011 et 21
avril 2011, et une contre B., le 13 avril 2011. Il a indiqué comme cause de sa
créance "Billet à ordre du 16.11.08 et accord de garantie du billet à ordre du
16.11.08".
Par ce billet à ordre et cet accord de garantie, la société C. (Arabie
Saoudite), a accepté de verser, sans condition, et sur sa demande, un montant
de 1'423'400'000 USD à Y. Ces documents portent, au nom de la société, la
signature de D., ainsi qu'un tampon "E.". L'authenticité de la signature et du
tampon est litigieuse.
A. et B. sont associées de la société C. Les deux instances cantonales ont
considéré comme vraisemblable, sans que la question ne soit encore discutée
dans la procédure fédérale, que, selon le droit saoudien, ces associées sont
solidairement responsables des dettes de la société.

B.

B.a Par ordonnances des 18 mars 2011, 15 avril 2011 et 21 avril 2011, la juge
suppléante III du district de Sierre a prononcé, à concurrence du montant de
1'309'528'000 fr., avec intérêts à 5 % dès le 15 juillet 2009, le séquestre,
dans la première, de quatre parts de copropriété par étages, sises à F., et des
biens s'y trouvant, contre A. (séquestre n° a), dans la deuxième, de trois
parts de copropriété par étages, sises à F., des biens s'y trouvant et des
avoirs auprès de la banque G. SA, de siège social à H. et succursale à I.,
contre B. (séquestre n° b) et, dans la troisième, des avoirs auprès de la
banque J. SA, succursale de K. et son agence à L., contre A. (séquestre n° c).

B.b Par trois décisions séparées, du 14 juillet 2011, cette magistrate a rejeté
les requêtes des deux séquestrées tendant à l'administration d'une expertise
privée visant à établir la falsification du billet à ordre et de l'accord de
garantie, ainsi que les oppositions aux séquestres.

B.c Statuant sur recours des séquestrées dans trois arrêts séparés, du 16 avril
2012 et dont la motivation juridique est identique, l'Autorité de recours en
matière de séquestre du Tribunal cantonal valaisan a rejeté les requêtes
tendant à l'administration de l'expertise privée précitée, ainsi que les
recours.
(...)
Par arrêt du 17 août 2012, joignant les causes, le Tribunal fédéral a rejeté
les recours que les séquestrées ont interjetés contre ces trois arrêts.
(extrait)
BGE 138 III 636 S. 638

Erwägungen

Extrait des considérants:

4. (...)

4.3 Saisi d'un recours pour violation des droits constitutionnels, le Tribunal
fédéral peut procéder à une substitution de motifs pour autant que la nouvelle
motivation, conforme à la Constitution, n'ait pas expressément été écartée par
l'autorité cantonale (ATF 128 III 4 consid. 4c/aa; arrêt 5A_652/2009 du 18
janvier 2010 consid. 1.4).
Dès lors que l'opposition au séquestre est soumise à la procédure sommaire en
vertu de l'art. 251 let. a CPC (RS 272), il convient d'examiner quels sont les
moyens de preuve que les parties peuvent faire administrer dans cette
procédure.

4.3.1 Aux termes de l'art. 254 CPC, la preuve est rapportée par titres (al. 1).
D'autres moyens de preuve sont admissibles dans les cas suivants (al. 2): leur
administration ne retarde pas sensiblement la procédure (let. a), le but de la
procédure l'exige (let. b), le tribunal établit les faits d'office (let. c).
Le moyen de preuve prévu par l'art. 254 al. 1 CPC est la production d'un titre,
par quoi il faut entendre, selon l'art. 177 CPC, tout document propre à prouver
des faits pertinents. En procédure sommaire, on exige en principe cette
production de la part des parties, car celle-ci a, par nature, un caractère
immédiatement disponible.
En ce qui concerne les moyens de preuve autres que la production de titres, il
y a lieu d'examiner si, en vertu de l'art. 254 al. 2 CPC, ceux-ci peuvent être
exceptionnellement admis dans la procédure d'opposition au séquestre. En effet,
l'art. 254 CPC est une disposition générale sur les moyens de preuve, qui
s'applique à des procédures sommaires de types différents - les cas prévus par
la loi, les cas clairs, la mise à ban, les mesures provisionnelles et la
juridiction gracieuse (art. 248 CPC). La nature de chacune de celles-ci doit
être prise en considération lorsqu'il s'agit de déterminer quels autres moyens
de preuve sont admissibles.

4.3.2 Selon la jurisprudence, dans les causes soumises à la procédure sommaire
au sens propre, à savoir lorsque les faits doivent être rendus simplement
vraisemblables, que le juge examine sommairement le bien-fondé juridique de la
prétention et qu'il rend une décision provisoire, ne réglant donc pas
définitivement la situation juridique des parties et ne revêtant l'autorité de
la chose jugée, les moyens de preuve peuvent être limités à ceux qui sont
immédiatement disponibles
BGE 138 III 636 S. 639
(ATF 127 III 474 consid. 2b/bb; ATF 117 II 554 consid. 2d). Cette limitation
est admissible puisque les moyens de preuve qui ne le sont pas pourront tous
être administrés ultérieurement dans le procès ordinaire, qui tranchera
définitivement la cause après un examen complet en fait et en droit (FABIENNE
HOHL, Procédure civile, tome II, 2^e éd. 2010, n^os 1566 et 1568).
La procédure d'opposition au séquestre (art. 278 LP) est une procédure sommaire
au sens propre; elle présente les trois caractéristiques précitées (simple
vraisemblance des faits, examen sommaire du droit et décision provisoire; ATF
138 III 232 consid. 4.1.1; arrêts 5A_317/2009 du 20 août 2009 consid. 3.2;
5A_364/2008 du 12 août 2008 consid. 5.2). Elle a en outre un objet et un but
particulier: le séquestre, auquel le débiteur s'oppose, est une mesure
conservatoire, soit la mise sous main de justice de biens du débiteur, qui
permet de garantir une créance pendant la durée de la procédure de validation
du séquestre (art. 279 LP; ATF 116 III 111 consid. 3a; ATF 107 III 33 consid.
2). En tant que procédure spécifique de la LP, la procédure d'opposition au
séquestre est aussi une procédure sur pièces (Aktenprozess; procedura in base
agli atti; art. 256 al. 1 CPC; dans ce sens, cf. arrêt 5A_836/2010 du 2 février
2011 consid. 4.1.1; en matière de mainlevée provisoire de l'opposition, cf.
arrêts 5D_147/2011 du 10 novembre 2011 consid. 3; 5A_83/2011 du 2 septembre
2011 consid. 6.1). C'est au cours de l'action civile en reconnaissance de dette
(en validation du séquestre) qui suivra, soumise à une procédure avec un examen
complet en fait et en droit, que les parties pourront faire valoir tous leurs
moyens de preuve.
En conséquence, seule la production de titres, au sens de l'art. 254 al. 1 CPC,
doit être admise dans la procédure d'opposition au séquestre.

4.4 En l'espèce, les séquestrées étaient dans l'incapacité de produire
immédiatement un titre, au sens de l'art. 254 al. 1 CPC; elles se sont
contentées, lors de l'audience du 4 juillet 2011, de formuler une requête
tendant à pouvoir produire une expertise privée à réaliser dans les cinq jours.
Le grief des recourantes, qui reprochent à la cour cantonale d'avoir refusé
d'administrer ce moyen de preuve, doit donc être rejeté, par substitution des
motifs qui précèdent.
Dans la mesure où la requête tendant à l'administration d'une expertise encore
à réaliser n'est pas admissible en vertu de l'art. 254 al. 1 CPC, il ne saurait
y avoir violation du principe de l'égalité de
BGE 138 III 636 S. 640
traitement garantie par l'art. 8 Cst. Par ailleurs, faute de grief, le Tribunal
fédéral n'a pas à examiner si les recourantes ont été privées de la possibilité
de produire en temps utile une expertise privée en raison du fait que les
documents litigieux n'ont été présentés en originaux que 30 minutes avant le
début de l'audience (cf. consid. 2 non publié; art. 106 al. 2 LTF).