Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 138 III 270



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Urteilskopf

138 III 270

42. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit civil dans la cause X. GmbH
contre Y. Sàrl (recours en matière civile)
4A_14/2012 du 2 mai 2012

Regeste

Art. 180 Abs. 3 und Art. 190 Abs. 2 lit. a IPRG; internationale
Schiedsgerichtsbarkeit; Zusammensetzung des Schiedsgerichts; Ablehnung.
Hat der staatliche Richter am Sitz des Schiedsgerichts nach Art. 180 Abs. 3
IPRG über ein Ablehnungsbegehren entschieden, kann sein Entscheid nicht
indirekt im Rahmen einer Beschwerde gegen einen späteren Schiedsspruch gestützt
auf Art. 190 Abs. 2 lit. a IPRG angefochten werden (Bestätigung der
Rechtsprechung; E. 2).

Erwägungen ab Seite 270

BGE 138 III 270 S. 270
Extrait des considérants:

2.

2.1 Dans un premier groupe de moyens, la recourante fait grief au Tribunal
arbitral de s'être ressaisi de l'affaire, après l'annulation de la sentence
finale du 3 décembre 2010 par l'arrêt du Tribunal fédéral du 16 mai 2011, alors
que, de son propre aveu, il avait déjà jugé la question de la prescription
absolue, au sens de l'art. 12.2, second alinéa, du Contrat, et qu'il ne
présentait plus, de ce fait, les garanties d'indépendance et d'impartialité
découlant de l'art. 30 Cst. Dès lors, le Tribunal arbitral, à suivre la
recourante, était irrégulièrement
BGE 138 III 270 S. 271
composé (art. 190 al. 2 let. a LDIP; RS 291). Il aurait, de surcroît, violé
l'art. 190 al. 2 let. e LDIP, plus précisément l'ordre public procédural
sanctionné par cette disposition, en ne rendant pas un jugement indépendant sur
les conclusions et l'état de fait qui lui étaient soumis.
L'intimée conteste tant la recevabilité que le bien-fondé de ces moyens. Au
sujet de celle-là, elle se prévaut de la jurisprudence fédérale en la matière,
qui exclut de revoir, même indirectement, la décision prise par le juge d'appui
sur une demande de récusation et qui fait de l'ordre public procédural une
garantie subsidiaire. Il convient d'examiner, en premier lieu, ces deux
arguments. Admis, ils entraîneraient, en effet, l'irrecevabilité des moyens en
question, rendant ainsi superflu l'examen de leur mérite.

2.2 L'art. 180 al. 3 LDIP dispose qu'en cas de litige et si les parties n'ont
pas réglé la procédure de récusation, le juge compétent du siège du tribunal
arbitral statue définitivement.

2.2.1 Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, lorsque le juge cantonal -
appelé aussi juge d'appui - a statué sur une requête de récusation, en
application de la disposition citée, sa décision est définitive et ne peut être
attaquée ni directement ni indirectement dans le cadre d'un recours fondé sur
l'art. 190 al. 2 let. a LDIP et dirigé contre la sentence finale du tribunal
arbitral (ATF 128 III 330 consid. 2.2). A l'inverse, la décision prise par un
organisme privé, comme la Cour d'arbitrage de la Chambre de Commerce
Internationale (CCI) ou le Conseil International de l'Arbitrage en matière de
Sport (CIAS), au sujet d'une demande de récusation d'un arbitre, si elle n'est
pas non plus susceptible d'un recours direct au Tribunal fédéral, pourra
néanmoins être revue dans le cadre d'un recours dirigé contre la sentence,
motif pris de la composition irrégulière du tribunal arbitral (arrêt 4A_644/
2009 du 13 avril 2010 consid. 1 et les références).
Pour justifier cette différence de traitement, suivant que la décision sur la
demande de récusation émane d'un organisme privé ou du juge d'appui, le
Tribunal fédéral explique, s'agissant de la première hypothèse, qu'un ordre
juridique doit se réserver la faculté de revoir les sentences ou les procédures
arbitrales sous l'angle de leur conformité à ses principes juridiques
fondamentaux, au nombre desquels figure le droit à un arbitre indépendant et
impartial. Cependant, lorsqu'un juge étatique, tel le juge d'appui, a déjà
examiné si l'arbitre incriminé satisfaisait à ces exigences, la nécessité d'un
nouveau contrôle étatique n'existe pas. Conformément au but poursuivi par la
législation suisse en matière d'arbitrage international, qui est de limiter
autant
BGE 138 III 270 S. 272
que faire se peut les possibilités de contestation dans cette procédure, il
faut donc admettre, avec la doctrine dominante, que le caractère définitif de
la décision rendue au sujet de la récusation par le juge d'un canton en
application de l'art. 180 al. 3 LDIP signifie qu'un contrôle ultérieur de cette
décision, dans le cadre d'un recours au Tribunal fédéral contre la sentence
finale du Tribunal arbitral, est exclu (ATF 128 III 330 consid. 2.2 et les
auteurs cités).
Cette jurisprudence est approuvée par une bonne partie de la doctrine (en plus
des auteurs mentionnés dans l'arrêt déjà cité, qualifiés de doctrine dominante,
voir aussi les auteurs suivants qui, pour certains, ont émis leur opinion en
rapport avec la disposition traitant la question litigieuse dans le Code de
procédure civile [CPC; RS 272;cf. l'art. 369 al. 5 ainsi libellé: "La décision
sur la récusation ne peut être revue qu'à la faveur de la première sentence
attaquable."]: PIERRE- YVES TSCHANZ, in Commentaire romand, Loi sur le droit
international privé - Convention de Lugano, 2011, n° 62 ad art. 180 LDIP;
PHILIPPE SCHWEIZER, in Arbitrage international, Knoepfler/Schweizer[éd.], 2003,
p. 680; MATTHIAS LEEMANN, Challenging international arbitration awards in
Switzerland on the ground of lack of independence and impartiality of an
arbitrator, Bulletin de l'Association Suisse de l'Arbitrage [ci-après: Bulletin
ASA] 2011 p. 10 ss, 16 1^er §; BERGER/KELLERHALS, International and Domestic
Arbitration in Switzerland, 2^e éd. 2011, n° 839a in fine; IVO SCHWANDER, in
Schweizerische Zivilprozessordnung ZPO, Kommentar, Brunner/Gasser/Schwander
[éd.], 2011, n° 10 ad art. 369 CPC; GASSER/RICKLI, in Schweizerische
Zivilprozessordnung, Kurzkommentar, 2010, n° 3 ad art. 369 CPC; STAEHELIN/
STAEHELIN/GROLIMUND, Zivilprozessrecht, 2008, n. 11 ad § 29; PLANINIC/KUBAT
ERK, in ZPO Kommentar, Gehri/Kramer [éd.], 2010, n° 11 ad art. 369 CPC). Il
sied de relever que certains deces auteurs admettent, malgré tout, la
possibilité de former un recours en matière civile, au sens de l'art. 77 LTF,
contre la décision du juge d'appui pour y faire valoir d'autres motifs que
celui tiré du défaut d'indépendance ou d'impartialité de l'arbitre visé par la
demande de récusation, telle la violation de l'égalité des parties ou de leur
droit d'être entendues durant la procédure de récusation (LEEMANN, ibid.;
BERGER/KELLERHALS, op. cit., n° 840; voir aussi: GIRSBERGER/VOSER,
International Arbitration in Switzerland, 2^e éd. 2012, n° 564).
D'autres auteurs critiquent la jurisprudence fédérale. Ainsi, pour
KAUFMANN-KOHLER/RIGOZZI (Arbitrage international, 2^e éd. 2010, n^os 402/808a
et note de pied 633 p. 504), l'adverbe "définitivement", figurant
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à l'art. 180 al. 3 LDIP, ne vise à exclure que le recours direct contre la
décision prise par le juge d'appui et ne saurait, dès lors, entraîner la perte
d'un motif de recours prévu par la loi, à savoir l'art. 190 al. 2 let. a LDIP
(dans le même sens, POUDRET/BESSON, Comparative law of international
arbitration, 2^e éd. 2007, n° 791 p. 729), pareille délégation de fait du
pouvoir du Tribunal fédéral au juge d'appui étant contraire au caractère
exclusif de la compétence du Tribunal fédéral en matière de recours et
incompatible avec les conditions très strictes de l'exclusion du recours au
sens de l'art. 192 LDIP. Aussi ces auteurs préconisent-ils, par analogie avec
l'art. 369 al. 5 CPC, de permettre au Tribunal fédéral de revoir la décision
sur la récusation prise par le juge d'appui à la faveur d'un recours contre la
première sentence attaquable devant lui (dans le même sens, cf. JEAN-FRANÇOIS
POUDRET, Présentation critique du projet de réglementation de l'arbitrage
interne [art. 351-359 P-CPC], in Le Projet de Code de procédure civile
fédérale, Lukic [éd.], Cedidac 2008, p. 253 ss, 244 s. let. L). SÉBASTIEN
BESSON (Réflexions sur la jurisprudence suisse la plus récente rendue en
matière d'arbitrage international, Bulletin ASA 2003 p. 463 ss) reproche, en
outre, à cette jurisprudence de créer une différence de traitement
difficilement compréhensible entre l'arbitrage institutionnel et l'arbitrage ad
hoc, puisqu'un recours fondé sur l'art. 190 al. 2 let. a LDIP serait toujours
possible, dans le premier type d'arbitrage, même en cas de décision négative
sur la récusation rendue par l'organisme privé (p. 471 s. n° 14). Par
conséquent, pour cet auteur, un tel recours devrait toujours être possible en
cas de décision de rejet de la demande de récusation prise en cours
d'arbitrage, que cette décision émane d'un organisme privé ou du juge d'appui
(p. 472 n° 14; dans le même sens, cf. PETER/BESSON, in Basler Kommentar,
Internationales Privatrecht, 2^e éd. 2007, n° 36 ad art. 180 LDIP).

2.2.2 Un changement de jurisprudence peut se justifier notamment lorsqu'il
apparaît que les circonstances ou les conceptions juridiques ont évolué ou
qu'une autre pratique respecterait mieux la volonté du législateur. Les motifs
du changement doivent être objectifs et d'autant plus sérieux que la
jurisprudence est ancienne afin de ne pas porter atteinte sans raison à la
sécurité du droit (ATF 136 III 6 consid. 3; ATF 135 II 78 consid. 3.2).
Au regard de ces principes, il ne se justifie pas de modifier la jurisprudence
relative à l'art. 180 al. 3 LDIP. Les motifs sur lesquels repose cette
jurisprudence, vieille d'une dizaine d'années et approuvée par bon nombre
d'auteurs, restent toujours d'actualité. Il s'agit
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d'assurer, d'une part, que le problème de l'impartialité et de
l'indépendancedes membres d'un tribunal arbitral puisse être soumis à un juge
étatique et non pas être réglé définitivement par un organisme privé, tout en
veillant, d'autre part, à ce que les possibilités d'élever des contestations
dans la procédure de récusation des arbitres soient limitées au strict minimum.
Sous ce dernier aspect, l'expérience enseigne que les parties impliquées dans
une procédure arbitrale internationale ne se privent pas, loin s'en faut, des
moyens dont elles disposent déjà pour retarder, sinon paralyser, la bonne
marche de celle-ci (cf., parmi d'autres: PIERRE LALIVE, Dérives arbitrales,
Bulletin ASA 2005 p. 587 ss). Aussi le principe de la célérité de l'arbitrage
commande-t-il de faire en sorte, dans la mesure du possible,que la question de
la récusation des arbitres soit réglée une fois pourtoutes in limine litis. A
cet égard, il ne faut du reste pas surestimerl'importance pratique de la
jurisprudence actuelle, si l'on se souvientqu'une partie substantielle de
l'arbitrage international, tels les arbitrages conduits sous l'égide de la CCI
(art. 14 du Règlement d'arbitrage de la CCI en vigueur depuis le 1^er janvier
2012) ou les arbitrages sportifs soumis au Tribunal arbitral du sport (TAS)
(cf. art. R34du Code de l'arbitrage en matière de sport), est exclue de son
champ d'application.
Il est vrai que l'adverbe "définitivement", utilisé à l'art. 180 al. 3 LDIP,
n'impose pas la solution retenue par cette jurisprudence. Cependant, il ne
l'exclut pas (LALIVE/POUDRET/REYMOND, Le droit de l'arbitrage interne et
international en Suisse, 1989, n° 12 p. 345).
On ne voit pas non plus en quoi la jurisprudence critiquée impliquerait une
délégation (de fait) du pouvoir du Tribunal fédéral au juge d'appui,
accompagnée de la suppression d'un motif de recours prévu par la loi. Rien ne
s'oppose, en effet, à ce que l'on considère l'art. 180 al. 3 LDIP comme une lex
specialis par rapport à l'art. 190 al. 2 let. a LDIP, en ce sens que la
décision prise - sur requête ad hoc et non sur recours - par le juge d'appui au
sujet de la récusation d'un arbitre clôt la procédure spécifique prévue à cette
fin et, partant, ne peut plus être revue indirectement à l'occasion d'un
recours dirigé contre une sentence ultérieure. Il va sans dire que les motifs
de récusation qui seraient apparus postérieurement à la décision prise par le
juge d'appui pourront être invoqués dans le cadre d'un recours contre une telle
sentence, fondé sur l'art. 190 al. 2 let. a LDIP.
Par ailleurs, la différence de traitement entre l'arbitrage institutionnel et
l'arbitrage ad hoc s'explique facilement par le fait, pertinent, que,
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dans le premier cas, la décision touchant la récusation émane d'un organisme
privé auquel l'ordre juridique suisse ne peut pas abandonner le soin de
vérifier le respect de la garantie primordiale que constituent l'indépendance
et l'impartialité des membres du Tribunal arbitral, tandis que, dans le second,
elle est prise par un juge étatique.
Enfin, le parallèle que d'aucuns voudraient tirer avec l'art. 369 al. 5 CPC,
précité, n'est pas forcément de mise. D'abord, les solutions adoptées pour
l'arbitrage interne ne valent pas nécessairement pour l'arbitrage
international, étant donné que, dans celui-ci, le contrôle du juge étatique sur
la procédure arbitrale n'est, en règle générale, pas aussi étendu que dans
celui-là. Force est, ensuite, de constater que le texte de cette disposition va
sans doute bien davantage dans le sens préconisé par les tenants de cette
opinion que le texte de l'art. 180 al. 3 LDIP. Ce nonobstant, la doctrine n'en
demeure pas moins partagée sur le point de savoir - ce n'est pas le lieu d'en
décider - si la décision sur la récusation prise par le juge d'appui peut être
revue indirectement à la faveur d'un recours dirigé contre la première sentence
attaquable (pour des auteurs admettant cette possibilité, cf. KAUFMANN-KOHLER/
RIGOZZI, op. cit., p. 504, note de pied 633; URS WEBER-STECHER, in Basler
Kommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung, Spühler/Tenchio/Infanger [éd.],
2010, n° 38 ad art. 369 CPC; SCHNYDER/PFISTERER, in Kommentar zur
Schweizerischen Zivilprozessordnung [ZPO], Sutter-Somm/Hasenböhler/Leuenberger
[éd.], 2010, n° 11 ad art. 369 CPC; PLANINIC/KUBAT ERK, ibid.; FÉLIX DASSER, in
ZPO, Kurzkommentar, Oberhammer [éd.], 2010, n° 11 ad art. 369 CPC; pour des
auteurs excluant cette possibilité, cf. BERGER/KELLERHALS, ibid.; SCHWANDER,
ibid.; GASSER/RICKLI, ibid.).

2.2.3 Par jugement du 31 octobre 2011, le Tribunal de première instance du
canton de Genève a rejeté la demande de récusation déposée par la recourante.
Dès lors, en application de sa jurisprudence, le Tribunal fédéral ne peut pas
entrer en matière sur le moyen, tiré de la violation de l'art. 190 al. 2 let. a
LDIP, visant à remettre indirectement en question le bien-fondé de ce jugement.
Peu importe, à cet égard, que, dans les considérants de celui-ci, l'autorité
cantonale ait réservé la possibilité d'un recours indirect fondé sur cette
disposition en se référant au passage susmentionné de l'ouvrage de
KAUFMANN-KOHLER/RIGOZZI. La recourante ne saurait se prévaloir de l'avis de
cette autorité pour former un recours dont la recevabilité est exclue par la
jurisprudence fédérale.
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2.3 La tentative de la recourante de soumettre au Tribunal fédéral le même
moyen par le détour du grief tiré de la violation de l'ordre public procédural
est d'emblée vouée à l'échec.
Selon une jurisprudence constante, l'ordre public procédural, au sens de l'art.
190 al. 2 let. e LDIP, n'est qu'une garantie subsidiaire ne pouvant être
invoquée que si aucun des moyens prévus à l'art. 190 al. 2 let. a-d LDIP
n'entre en ligne de compte (arrêt 4A_530/2011 du 3 octobre 2011 consid. 3.2).
Ainsi conçue, cette garantie constitue une norme de précaution pour les vices
de procédure auxquels le législateur n'aurait pas songé en adoptant les autres
lettres de l'art. 190 al. 2 LDIP. Elle n'a nullement pour but de permettre à
une partie de soulever un moyen entrant dans les prévisions de l'art. 190 al. 2
let. a-d LDIP, mais irrecevable pour une autre raison.
Par conséquent, le grief tiré de la violation de l'ordre public procédural est,
lui aussi, irrecevable. C'est dire que la recourante s'en est prise sans succès
à la composition du Tribunal arbitral.