Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 138 III 182



Urteilskopf

138 III 182

28. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit civil dans la cause B. SA contre
A. (recours en matière civile)
5A_32/2011 du 16 février 2012

Regeste

Rechtsöffnung in einer Mehrheit von Betreibungen auf Verwertung von
Grundpfändern, welche für die gleiche Forderung haften; Aufteilung der
Belastung (Art. 82 SchKG; Art. 798 und 816 Abs. 3 ZGB).
Abgesehen vom hier nicht gegebenen Fall des Gesamtpfandes, wo jedes Grundstück
für die gesamte Forderung haftet, beinhaltet die Verpfändung mehrerer
Grundstücke für eine einzige Forderung, wenn nichts anderes vereinbart ist,
eine verhältnismässige Aufteilung der Belastung auf die verschiedenen
Grundstücke. Wird der Entscheid über die Aufteilung bereits im Stadium der
Rechtsöffnung getroffen, so ist nur die Art der Aufteilung endgültig
festgesetzt, jedoch nicht der betragsmässige Umfang der Sicherung. Verletzung
von Art. 798 Abs. 3 ZGB durch einen kantonalen Entscheid, der sich nicht auf
die verhältnismässige Aufteilung, sondern auf die Reihenfolge in einer
Rahmenkreditvereinbarung stützt (E. 4).

Sachverhalt ab Seite 183

BGE 138 III 182 S. 183

A. Le 19 mai 2009, l'Office des poursuites de l'arrondissement de D. a notifié
à A., à la réquisition de B. SA, un commandement de payer dans la poursuite en
réalisation de gage immobilier n° x portant sur la somme de 400'000 fr. plus
intérêt à 10 % l'an dès le 18 avril 2009. Le commandement de payer contenait
les indications suivantes:
"Titre de la créance ou cause de l'obligation:
Montant dû au 17.04.2009, en capital, sur la cédule hypothécaire au porteur RF
n° y remise en pleine propriété selon acte de transfert du 11.09.2006 et
grevant en 1^er rang la parcelle désignée sous objet du gage. Ce titre garantit
les engagements souscrits par les codébiteurs sous la relation n° z et
totalisant 17'158'741.86 CHF conformément à notre correspondance du 12 février
2009. Ces engagements sont également garantis par d'autres immeubles faisant
l'objet de poursuites distinctes. Créances exigibles au remboursement.
Désignation de l'immeuble:
Parcelle RF 200, fo 9 sise Av. ... à D., consistant en place-jardin et bâtiment
commercial d'une surface totale de 1'263 m^2. Propriété en mains communes de
Monsieur A. et Madame C.".
Le poursuivi a fait opposition totale.
Le 30 juin 2009, la poursuivante a requis la mainlevée provisoire de
l'opposition. A l'appui de sa requête, elle a notamment produit une convention
de crédit-cadre conclue les 6/11 septembre 2006, un acte de transfert de
propriété à fin de garantie de diverses cédules hypothécaires au porteur, acte
signé les mêmes jours, une copie de ces dernières, ainsi qu'une lettre de
dénonciation de la relation n° z du 12 février 2009.
Par la convention de crédit-cadre, B. SA accordait à A. et C., solidairement
entre eux, une limite de crédit d'un montant maximum de 17'443'177 fr.,
utilisable sous forme d'hypothèque fixe d'un montant minimum de 1'000'000 fr.
d'une durée de un à sept ans, moyennant paiement trimestriel des intérêts et de
l'amortissement (46'000 fr.), toutes les prétentions de B. SA, y compris les
intérêts échus et courants ainsi que les commissions, devant être couvertes par
des
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sûretés, notamment le transfert de propriété à fin de garantie, des cédules
hypothécaires au porteur suivantes:
- trois cédules de 3'500'000 fr., 2'500'000fr. et 2'100'000 fr. grevant en 1^er
et parité de rang la parcelle n° 261 de la commune de D. (taux d'intérêt
maximal 10 %),
- une cédule de 2'500'000 fr. grevant en 1^er rang la parcelle n° 940 de la
commune de D. (taux d'intérêt maximal 8 %),
- deux cédules de 2'700'000 fr. et 500'000 fr. grevant respectivement en 1^er
et 2^e rangs la parcelle n° 198 de la commune de D. (taux d'intérêt maximal
respectivement 8 % et 10 %),
- une cédule de 400'000 fr. grevant en 1^er rang la parcelle n° 200 de la
commune de D. (taux d'intérêt maximal 8 %),
- une cédule de 205'000 fr. grevant en 1^er rang les parts de propriété par
étages n^os 834 et 839 de la commune de E. (taux d'intérêt maximal 8 %),
- une cédule de 219'300 fr. grevant en 1^er rang les parts de propriété par
étages n^os 835 et 841 de la commune de E. (taux d'intérêt maximal 8 %),
- une cédule de 3'800'000 fr. grevant en 1^er rang la parcelle n° 1205 de la
commune de F. (taux d'intérêt maximal 10 %).
Aux termes de ladite convention de crédit-cadre, B. SA était en droit de la
résilier à tout moment avec effet immédiat ainsi que de refuser de mettre la
limite de crédit à disposition, selon sa propre appréciation du cas d'espèce et
sans indication de motifs, cette résiliation - ordinaire (ch. 10.1) -
entraînant l'annulation immédiate de la part de limite de crédit non utilisée,
le remboursement des montants déjà utilisés étant exigible à l'échéance de la
durée convenue pour l'hypothèque fixe. Elle était aussi en droit de résilier et
de provoquer ainsi l'exigibilité immédiate de toutes les parts utilisées du
crédit et d'exiger leur remboursement sans délai lorsque, notamment, le preneur
était en demeure, en cessation de paiement ou violait d'autres engagements
stipulés dans la convention (résiliation extraordinaire, ch. 10.2). Par
ailleurs, selon le chiffre 17.2, en cas de pluralité de sûretés garantissant
les prétentions de la banque et devant être mises à contribution, la banque
décidait, selon sa propre appréciation, de l'étendue, de l'ordre de réalisation
et de la répartition du produit de celle-ci en vue de couvrir les différentes
utilisations qui avaient été faites du crédit.
L'acte de transfert de propriété à fin de garantie prévoyait notamment que les
cédules hypothécaires étaient remises à la banque "en
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propriété fiduciaire" aux fins de garantir l'exécution de toutes créances
issues des contrats conclus ou à conclure entre les parties (ch. 1), le(s)
preneur(s) de crédit déclarant, pour le cas où les titres transférés à titre de
sûreté ne le désignaient pas comme débiteur, reprendre les dettes que
constataient ces mêmes titres hypothécaires et reconnaissant ainsi devoir à la
banque le montant nominal de chaque titre hypothécaire ainsi que - sans égard à
d'éventuelles clauses contraires figurant dans les titres - les intérêts
courants et les intérêts échus de trois années au taux de 10 % l'an, aux
échéances des 30 juin et 31 décembre (ch. 2); l'acte permettait à la banque,
"plutôt que d'exiger l'exécution des créances de crédits devenues exigibles, de
faire directement valoir les créances qu'incorpor[ai]ent les titres
hypothécaires remis à titre de garantie", dispense lui étant faite, "dans un
tel cas, de dénoncer, par avis supplémentaire, les créances dérivant des
titres" (ch. 3); en outre, "dès l'exigibilité, fût-elle seulement partielle, de
l'une des créances résultant des crédits, [la banque était] en droit d'exiger
l'exécution des créances hypothécaires constituées en garantie [...]; en cas de
pluralité de créances de crédits et de titres hypothécaires, [la banque] décide
[rait] seule de l'ordre prioritaire dans lequel créances et titres ser[aie]nt
amortis, ou réalisés" (ch. 4).
La lettre de dénonciation du 12 février 2009 faisait état de prêts déjà échus
pour le 31 mars 2009, totalisant 14'087'480 fr., et d'un prêt à échoir le 17
avril 2009, dont le montant total s'élevait à 3'040'910 fr. 11.
B. Par prononcé du 2 septembre 2009, le Juge de paix du district de la Riviera
- Pays-d'Enhaut a prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition à
concurrence de 400'000 fr. plus intérêts au taux de 8 % l'an dès le 18 avril
2009 et constaté l'existence du droit de gage.
Sur recours du poursuivi, la Cour des poursuites et faillites du Tribunal
cantonal vaudois a, par arrêt du 17 juin 2010, réformé le prononcé du juge de
paix en ce sens que l'opposition était provisoirement levée à concurrence de
287'480 fr. plus intérêts à 5 % l'an dès le 18 avril 2009, l'opposition étant
maintenue pour le surplus. Elle a considéré en substance que la poursuivante
n'ayant pas établi que le dernier prêt accordé était exigible, seule une somme
en capital de 14'087'480 fr. était exigible le 21 avril 2009, lors de l'envoi
des réquisitions de poursuite. Déterminant pour quelles cédules la mainlevée
pouvait être octroyée, la cour cantonale s'est fondée sur l'ordre figurant dans
la convention de crédit-cadre et a considéré que la mainlevée pouvait être
accordée pour les poursuites en réalisation de gage
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concernant les parcelles n° 261 (3'500'000 fr., 2'500'000 fr. et 2'100'000
fr.), n° 940 (2'500'000 fr.), n° 198 (2'700'000 fr. et 500'000 fr.) et
partiellement pour la poursuite concernant la parcelle n° 200, à concurrence de
287'480 fr. (soit 14'087'480 fr. moins 13'800'000 fr.), la mainlevée devant en
revanche être refusée pour les autres poursuites concernant les parcelles n^os
834 et 839 (205'000 fr.), n^os 835 et 841 (219'300 fr.) et n° 1205 (3'800'000
fr.).

C. Le recours en matière civile interjeté au Tribunal fédéral par la
poursuivante, qui se plaignait notamment de la manière dont l'ordre de
réduction de ses prétentions avait été déterminé, a été partiellement admis,
l'opposition devant être provisoirement levée, dans la poursuite en cause, à
concurrence de 305'845 fr. 60 plus intérêts de trois années à 8 %. Le recours
en matière civile interjeté par le poursuivi dans la même poursuite a, quant à
lui, été rejeté dans la mesure de sa recevabilité. Dans les autres poursuites
simultanées, les recours en matière civile émanant tant de la poursuivante que
du poursuivi ont été partiellement admis et les décisions attaquées réformées
pour tenir compte d'une répartition de la garantie qui soit, conformément à
l'art. 798 al. 3 CC, proportionnelle à la valeur des divers immeubles.
(résumé)

Erwägungen

Extrait des considérants:

4.

4.1 En se faisant remettre les cédules en cause pour garantir sa créance de
base, d'un montant maximum de 17'443'177 fr., la recourante a obtenu le droit,
incorporé dans les cédules (art. 842 al. 1 CC), de faire réaliser les immeubles
mis en gage, à concurrence du montant total garanti par les cédules, soit le
montant nominal de 18'424'300 fr. (cf. faits ci-dessus, let. A).
Lorsqu'une créance est ainsi garantie par plusieurs immeubles, la poursuite en
réalisation de gage doit porter sur tous les immeubles et le créancier doit
poursuivre la réalisation de ceux-ci simultanément (art. 816 al. 3, 1^re
phrase, CC; PAUL-HENRI STEINAUER, Les droits réels, tome III, 3^e éd. 2003, n.
2787). Cette règle est impérative et doit au besoin être appliquée d'office (
ATF 100 III 48). En l'espèce, elle a été respectée.

4.2 En principe, la mise en gage de plusieurs immeubles pour garantir une seule
créance implique une répartition de la garantie sur les divers immeubles (art.
798 al. 2 et 3 CC), chacun de ceux-ci ne
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répondant alors que pour la somme fixée lors de la répartition. A certaines
conditions cependant (appartenance des immeubles grevés au même propriétaire ou
à des codébiteurs solidaires), la mise en gage peut être réalisée au moyen d'un
droit de gage collectif (art. 798 al. 1 CC). Dans ce cas, chaque immeuble
garantit la totalité de la créance et le créancier peut se faire désintéresser
sur le produit de la réalisation de chacun des immeubles grevés, mais il n'a
qu'un seul et même droit de gage, l'engagement collectif devant en outre
ressortir de l'inscription au registre foncier (art. 42 al. 1 de l'ordonnance
du 22 février 1910 sur le registre foncier [ORF; RS 2, 514]) et, pour les
cédules hypothécaires, figurer sur le titre (art. 53 al. 3 ORF; cf. STEINAUER,
op. cit., n^os 2661 s. et les références de doctrine citées à la note 52, n^os
2665 et 2667).
En l'espèce, l'on ne se trouve pas en présence d'un gage collectif au sens de
l'art. 798 al. 1 CC, dès lors, notamment, qu'il n'existe pas qu'un seul et même
droit de gage (cf. ATF 126 III 33 consid. 2), mais plusieurs, et qu'un
engagement collectif n'est pas spécifié sur les titres comme le requiert l'art.
53 al. 3 ORF. L'on a donc affaire ici à un engagement de plusieurs immeubles
avec répartition de la garantie au sens de l'art. 798 al. 2 CC. Dans ce cas, la
répartition de la garantie se fait, sauf convention contraire,
proportionnellement à la valeur des divers immeubles (art. 798 al. 3 CC).
Cette répartition intervient en principe lors de la réalisation (art. 133 ss/
156 al. 1 LP). En l'espèce, toutefois, elle a fait l'objet d'une décision
cantonale qui est contestée devant le Tribunal fédéral au stade déjà de la
mainlevée d'opposition. L'arrêt que celui-ci est appelé à rendre à ce stade ne
peut avoir de portée définitive qu'en ce qui concerne le mode de répartition;
il ne saurait en avoir quant aux montants puisque, selon la jurisprudence, le
créancier gagiste poursuivant peut, au stade de l'épuration de l'état des
charges (art. 140 LP), produire d'autres ou de plus amples droits que ceux
réclamés dans la réquisition de poursuite, par exemple des intérêts
supplémentaires ou la partie de la créance pour laquelle la mainlevée de
l'opposition lui a été refusée, étant en outre observé qu'au stade de la
mainlevée, le juge qui la prononce ne connaît pas encore le jour de la
réquisition de vente et n'est donc pas en mesure d'allouer les intérêts
courants prévus par l'art. 818 al. 1 ch. 3 in fine CC (ATF 136 III 288 consid.
3.4 et la jurisprudence citée).

4.3 La recourante était autorisée par la convention de crédit-cadre (ch. 17.2)
et l'acte de transfert de propriété à fin de garantie (ch. 4)
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à décider seule de l'ordre prioritaire dans lequel créances et titres seraient
amortis ou réalisés, dès lors et au besoin en dérogeant au système légal en cas
de pluralité de gages (droit dispositif; cf. STEINAUER, op. cit., n. 2668 s.;
DAVID DÜRR, in Commentaire zurichois, n^os 145, 148 ss ad art. 798 CC; TRAUFFER
/SCHMID-TSCHIRREN, in Commentaire bâlois, Zivilgesetzbuch, vol. II, 4^e éd.
2011, n° 19 ad art. 798 CC). Or, une manifestation de volonté de sa part fait
défaut à cet égard. Cela étant, l'art. 798 al. 3 CC s'applique.

4.4 La décision attaquée viole l'art. 798 al. 3 CC en ordonnant un autre mode
de répartition que celui de la répartition proportionnelle. Conformément à ce
mode de répartition, la fraction (ci-après: c) de la créance totale (ci-après:
C) que doit garantir chaque immeuble correspond à la valeur estimative de cet
immeuble (ci-après: v) par rapport à la valeur estimative de l'ensemble des
immeubles (ci-après: V). A défaut d'estimation, qui n'est ordonnée qu'au stade
de la réalisation (art. 140 al. 3 LP), il y a lieu de prendre en considération
le montant nominal des cédules hypothécaires. Selon la formule établie par
STEINAUER (op. cit., n^os 2669 s.), la répartition donne les résultats suivants
pour les immeubles objet des poursuites parallèles en cause:

parcelle C            v           V             c
261      14'087'480 x (8'100'000/ 18'424'300) = 6'193'374.40
940      14'087'480 x (2'500'000/ 18'424'300) = 1'911'535.30
198      14'087'480 x (3'200'000/ 18'424'300) = 2'446'765.20
200      14'087'480 x (400'000/   18'424'300) = 305'845.60
834/839  14'087'480 x (205'000/   18'424'300) = 156'745.90
835/841  14'087'480 x (219'300/   18'424'300) = 167'679.90
1205     14'087'480 x (3'800'000/ 18'424'300) = 2'905'533.70
                                                14'087'480.00

Dans la poursuite en réalisation de gage immobilier visée par le présent
recours, la décision attaquée a accordé la mainlevée provisoire à concurrence
de 287'480 fr. plus intérêt à 5 %, taux applicable à la créance causale. La
recourante demande qu'elle le soit à hauteur de 400'000 fr. plus intérêt à 8 %
comme en première instance et l'intimé, qu'elle soit refusée en totalité. Il
résulte de la répartition ci-dessus que la mainlevée provisoire doit être
accordée à concurrence de 305'845 fr. 60. Quant aux intérêts, soit ceux de la
créance cédulaire en poursuite, l'acte de transfert de propriété à fin de
garantie des cédules hypothécaires prévoit, sous chiffre 2, que "le/les preneur
(s) de crédit reconnaît/reconnaissent ainsi devoir à B. le montant nominal
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de chaque titre hypothécaire ainsi que - sans égard à d'éventuelles clauses
contraires figurant dans les titres - les intérêts courants et les intérêts
échus de trois années au taux de 10 % l'an, aux échéances des 30 juin et 31
décembre". Le Tribunal fédéral ne pouvant aller au-delà des conclusions des
parties (art. 107 al. 1 LTF), le taux qu'il y a lieu d'appliquer pour les
intérêts de trois années est donc celui de 8 % (ATF 136 III 288 consid. 3.2;
4A_451/2009 du 25 février 2010 consid. 5).
Il s'ensuit que le recours doit être partiellement admis, la décision attaquée
étant réformée dans le sens précité, et rejeté pour le surplus.