Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 137 V 51



Urteilskopf

137 V 51

7. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit social dans la cause F. contre
Caisse cantonale genevoise de compensation (recours en matière de droit public)
9C_398/2010 du 8 février 2011

Regeste

Art. 85 Abs. 1 lit. a BGG; Art. 52 Abs. 1 AHVG; Zulässigkeit einer Beschwerde
in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten betreffend die Haftung des
Arbeitgebers für den durch Missachtung von Vorschriften der Alters- und
Hinterlassenenversicherung entstandenen Schaden.
Die Beschwerde an das Bundesgericht gegen einen Entscheid über die
Arbeitgeberhaftung gemäss Art. 52 Abs. 1 AHVG ist nur zulässig, wenn eine
Streitwertgrenze von Fr. 30'000.- erreicht ist (oder wenn sich eine Rechtsfrage
von grundsätzlicher Bedeutung stellt; E. 4).

Sachverhalt ab Seite 51

BGE 137 V 51 S. 51

A. F., ressortissant étranger, fonctionnaire international auprès de X. à N., a
engagé à partir du 1^er juin 1998 J., ressortissant étranger, en qualité
d'employé de maison. Il l'a annoncé comme étudiant
BGE 137 V 51 S. 52
auprès de la Caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après: la caisse)
et s'est acquitté des cotisations personnelles de celui-ci.
Dans le cadre d'une procédure de renouvellement de la carte de légitimation de
J. (en tant que domestique privé d'un fonctionnaire international), le
Département fédéral des affaires étrangères a, le 2 octobre 2007, interpellé la
caisse afin de connaître le statut de celui-ci au regard des assurances
sociales suisses. Constatant l'absence d'assujettissement de F., la caisse l'a
affilié en qualité d'employeur pour la période du 1^er juin 1998 au 30 juin
2008, date à laquelle les rapports de travail avec J. avaient pris fin
(prononcé du 16 octobre 2008).
Par décisions du 3 avril 2009, la caisse a réclamé à F. le versement d'un
arriéré de cotisations (AVS/AI/APG/AC et allocation de maternité cantonale)
relatif aux années 2004 à 2008 d'un montant total de 25'527 fr. 90. Saisie
d'une opposition, la caisse l'a partiellement admise et a réduit sa prétention
à 23'754 fr. 80 (décision du 1^er septembre 2009). S'agissant des cotisations
sociales dues pour les années 1999 à 2003, la caisse a, le 6 avril 2009,
adressé à F. une décision de réparation du dommage portant sur un montant de
31'075 fr. 45. Saisie d'une opposition, la caisse l'a partiellement admise et a
réduit sa prétention à 25'740 fr. 85 (décision du 1^er septembre 2009).

B. Par jugement du 6 avril 2010, le Tribunal cantonal des assurances sociales
de la République et canton de Genève (aujourd'hui: la Chambre des assurances
sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève) a rejeté
le recours formé par F. contre cette dernière décision, après avoir précisé que
la prétention n'était pas prescrite et qu'il n'existait aucune circonstance
justifiant le comportement fautif de l'intéressé ou excluant une négligence
grave de sa part.

C. F. interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement, dont
il demande l'annulation. Il conclut principalement à l'annulation de la
décision du 1^er septembre 2009, subsidiairement à l'annulation de cette
décision en tant qu'elle porte sur les années 1999 à 2001, et plus
subsidiairement encore, au renvoi de la cause à la juridiction cantonale pour
instruction complémentaire et nouvelle décision au sens des considérants.
La caisse conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des
assurances sociales a renoncé à se déterminer.
Le Tribunal fédéral a déclaré le recours irrecevable.
BGE 137 V 51 S. 53

Erwägungen

Extrait des considérants:

2.

2.1 Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue dans une cause de
droit public (art. 82 let. a LTF) par une autorité cantonale supérieure de
dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF), le recours ne tombe pas sous le
coup d'une des exceptions mentionnées à l'art. 83 LTF. Déposé en temps utile
(art. 100 al. 1 LTF) par le destinataire de la décision attaquée qui a un
intérêt digne de protection à l'annulation ou à la modification de celle-ci
(art. 89 al. 1 LTF), il est en principe recevable comme recours en matière de
droit public.

2.2 Jusqu'à ce jour, le Tribunal fédéral n'a pas encore été amené à se
prononcer sur la recevabilité d'un recours en matière de droit public portant
sur des litiges en réparation du dommage au sens de l'art. 52 al. 1 LAVS dont
la valeur litigieuse est inférieure à 30'000 fr., singulièrement si de tels
litiges constituent des cas de responsabilité étatique au sens de l'art. 85 al.
1 let. a LTF (question laissée ouverte à l'arrêt 9C_1086/2009 du 15 juillet
2010 consid. 1.2). En l'espèce, les conclusions restées litigieuses devant
l'autorité précédente juste avant que celle-ci ne prononce son jugement
s'élevaient à 25'740 fr. 85 (cf. art. 51 al. 1 let. a LTF). Il convient donc de
déterminer si l'on se trouve en présence d'une responsabilité étatique au sens
de l'art. 85 al. 1 let. a LTF, auquel cas le recours en matière de droit public
devrait être déclaré irrecevable, la valeur litigieuse n'étant pas atteinte.

3.

3.1 Selon l'art. 52 al. 1 LAVS, l'employeur qui, intentionnellement ou par
négligence grave, n'observe pas des prescriptions et cause ainsi un dommage à
l'assurance est tenu à réparation. Il s'agit des situations dans lesquelles
l'employeur (et, à titre subsidiaire, les organes qui ont agi en son nom) crée
un dommage à la caisse de compensation en ne s'acquittant pas des cotisations
sociales fédérales (dues en vertu de la LAVS et, par renvoi, de la loi fédérale
du 20 juin 1952 sur les allocations familiales dans l'agriculture [LFA; RS
836.1], de la loi fédérale du 25 septembre 1952 sur les allocations pour perte
de gain en cas de service et de maternité [loi sur les allocations pour perte
de gain, LAPG; RS 834.1], de la loi fédérale du 19 juin 1959 sur
l'assurance-invalidité [LAI; RS 831.20], de la loi fédérale du 25 juin 1982 sur
l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité [loi sur
l'assurance-chômage, LACI; RS 837.0] et de la loi fédérale du 24 mars 2006 sur
les allocations familiales [LAFam; RS 836.2]).
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3.2 L'art. 14 al. 1 LAVS, en corrélation avec les art. 34 ss RAVS (RS 831.101),
prescrit que l'employeur doit déduire, lors de chaque paie, la cotisation du
salarié et verser celle-ci à la caisse de compensation en même temps que sa
propre cotisation (voir également l'art. 51 al. 1 LAVS). L'employeur doit
remettre périodiquement à la caisse les pièces comptables concernant les
salaires versés à ses employés, de manière à ce que les cotisations paritaires
puissent être calculées et faire l'objet de décisions. Par sa nature,
l'obligation de l'employeur de percevoir les cotisations et de remettre les
décomptes est une tâche de droit public prescrite par la loi. Organe
d'exécution de la loi à raison de cette tâche, l'employeur supporte une
responsabilité de droit public. Celui qui néglige d'accomplir cette tâche
enfreint les prescriptions au sens de l'art. 52 LAVS et doit, par conséquent,
réparer la totalité du dommage ainsi occasionné (ATF 132 III 523 consid. 4.4 p.
528; ATF 129 V 11 consid. 3.1 p. 11; ATF 118 V 193 consid. 2a p. 195; ATF 114 V
219 consid. 3b p. 220 et les références; arrêt du Tribunal fédéral des
assurances H 128/01 du 19 avril 2005 consid. 6.4, in SVR 2005 AHV n° 22 p. 77;
voir également MARCO REICHMUTH, Die Haftung des Arbeitgebers und seiner Organe
nach Art. 52 AHVG, 2008, p. 3 n. 12 s.; THOMAS NUSSBAUMER, Die Haftung des
Verwaltungsrates nach Art. 52 AHVG, PJA 1996 p. 1072; JEAN- MAURICE FRÉSARD, La
responsabilité de l'employeur pour le non-paiement de cotisations d'assurances
sociales selon l'art. 52 LAVS, RSA 55/1987 p. 1).

4.

4.1 Dans sa majorité, la doctrine interprète largement la notion de
"responsabilité étatique" de l'art. 85 al. 1 let. a LTF et parle à ce propos de
"responsabilité de droit public" (cf. ALAIN WURZBURGER, in Commentaire de la
LTF, 2009, n° 12 ad art. 85 LTF; BEAT RUDIN, in Basler Kommentar,
Bundesgerichtsgesetz, 2008, n° 12 ad art. 85 LTF; HANSJÖRG SEILER, in
Bundesgerichtsgesetz [BGG], 2007, n° 5 ad art. 85 LTF; PIERRE MOOR, De l'accès
au juge et de l'unification des recours, in Les nouveaux recours fédéraux en
droit public, 2006, p. 171 n. 61; contra: UELI KIESER, Auswirkungen des
Bundesgesetzes über das Bundesgericht auf die Sozialversicherungsrechtspflege,
in Reorganisation der Bundesrechtspflege - Neuerungen und Auswirkungen in der
Praxis, 2006, p. 453 n. 60). Selon ces auteurs, est visée non seulement la
responsabilité des collectivités publiques (Confédération, cantons, communes)
et leurs agents, mais encore celle des autres personnes morales de droit public
et de personnes privées qui,
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dans l'exercice des tâches de droit public qui leur sont confiées, causent sans
droit un dommage à des tiers. Il peut, par ailleurs, s'agir d'une
responsabilité fondée sur une loi générale (loi fédérale du 14 mars 1958 sur la
responsabilité de la Confédération, des membres de ses autorités et de ses
fonctionnaires [loi sur la responsabilité, LRCF; RS 170.32] et les lois
cantonales analogues) ou sur des lois spéciales. Elle peut être causale ou non.
Sont notamment cités comme cas de responsabilité entrant dans le champ
d'application de l'art. 85 al. 1 let. a LTF, en matière d'assurance sociale,
les art. 78 LPGA (RS 830.1), 70 et 71a LAVS, 82, 82a, 85g, 85h, 88 al. 2 et 89a
LACI. Ne tombent en revanche pas dans le domaine de la responsabilité étatique,
par exemple, l'indemnisation pour expropriation matérielle ou formelle, ou
encore l'indemnité pour tort moral selon la loi fédérale du 23 mars 2007 sur
l'aide aux victimes d'infractions (loi sur l'aide aux victimes, LAVI; RS
312.5).

4.2 Cette interprétation large de la notion de responsabilité étatique va dans
le sens de la réforme de la justice concrétisée par la LTF. L'un des buts
importants de cette réforme est de décharger le Tribunal fédéral en en limitant
l'accès par l'exigence d'une valeur litigieuse minimale (Message du 28 février
2001 concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale, FF
2001 4028 s. ch. 2.2.2). Cette forme de limitation, qui, jusque-là, concernait
seulement les contestations civiles (art. 46 OJ), a fait l'objet de discussions
au Parlement en ce qui concerne tant les domaines du droit sur lesquels il
était souhaitable ou non de l'étendre - il était initialement prévu d'imposer
une valeur litigieuse pour les trois recours unifiés (cf. les art. 70, 74 et 79
du projet de loi) - que sur le montant minimum à arrêter (voir p. ex. BO 2004
CN 1597 s. et, s'agissant du domaine de la responsabilité étatique, en
particulier p. 1606). La raison principale qui a conduit le Conseil fédéral à
proposer, pour les prétentions pécuniaires en matière de responsabilité
étatique, un seuil - d'abord prévu à 40'000 fr. - à partir duquel il est
possible de recourir au Tribunal fédéral tient aux similitudes que ce domaine
présente avec les causes de responsabilité civile auxquelles la même limite est
applicable (FF 2001 4028 s. ch. 2.2.2 et 4123 s. ch. 4.1.3.3). En effet, en
dehors du fondement juridique sur lequel elles reposent, les prétentions en
responsabilité du droit civil et du droit public font appel à des notions
juridiques communes (tels le dommage, l'acte illicite et le rapport de
causalité). Le législateur a établi ce même parallélisme en matière de rapports
de travail, qu'ils
BGE 137 V 51 S. 56
soient fondés sur le droit privé ou sur le droit public, en imposant dans les
deux cas une valeur litigieuse de 15'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b et art. 85
al. 1 let. b LTF). On peut en déduire une volonté de soumettre l'ensemble du
domaine de la responsabilité à des conditions d'accès au Tribunal fédéral plus
strictes (voir aussi PETER KARLEN, Das neue Bundesgerichtsgesetz, 2006, p. 50).
Il n'y a donc pas lieu de traiter différemment les cas de responsabilité qu'ils
relèvent du droit civil ou du droit public, et de restreindre la portée de
l'art. 85 al. 1 let. a LTF selon qui assume une responsabilité de droit public
en vertu de la loi ou subit le dommage (l'assuré, le tiers ou l'Etat). Le
Tribunal fédéral s'est d'ailleurs exprimé en faveur d'une conception large de
la notion de responsabilité étatique dans plusieurs arrêts récents, où le même
problème de recevabilité se posait, à propos d'une contestation portant sur la
responsabilité d'un office cantonal de l'assurance-invalidité fondée sur l'art.
78 LPGA (ATF 134 V 138) et à propos d'un litige portant sur la responsabilité
d'un fondateur d'une caisse de chômage envers la Confédération fondée sur
l'art. 82 LACI (ATF 135 V 98).

4.3 En l'occurrence, il n'y a pas lieu de s'écarter des principes mentionnés
ci-dessus. La responsabilité de l'employeur instituée par l'art. 52 al. 1 LAVS
constitue également un cas de responsabilité étatique au sens de l'art. 85 al.
1 let. a LTF, comme le préconise d'ailleurs la doctrine (MARGIT MOSER-SZELESS,
Le recours en matière de droit public au Tribunal fédéral dans le domaine des
assurances sociales - aspects choisis, REAS 2010 p. 342; MÉLANIE FRETZ, La
responsabilité selon l'art. 52 LAVS: une comparaison avec les art. 78 LPGA et
52 LPP, REAS 2009 p. 249; JEAN-MAURICE FRÉSARD, in Commentaire de la LTF, 2009,
n° 31 ad art. 113 LTF).