Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 137 V 175



Urteilskopf

137 V 175

24. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit social dans la cause A. contre
Office de l'assurance-invalidité du canton du Jura (recours en matière de droit
public)
9C_545/2010 du 29 avril 2011

Regeste

Art. 20 Abs. 2 AHVG in Verbindung mit Art. 50 Abs. 2 IVG (in der ab 1. Januar
2003 gültigen Fassung); Verrechnung einer Rückforderung gegenüber einem
Ehegatten mit dem anderen Ehegatten geschuldeten Nachzahlungen.
Die Rückforderung einer Invalidenrente gegenüber einem Ehegatten kann mit
Nachzahlungen einer Invalidenrente an den anderen Ehegatten verrechnet werden,
selbst wenn Schuldner und Gläubiger der Verwaltung nicht identisch sind;
Bestätigung der Rechtsprechung (BGE 130 V 505). Das gleiche gilt, wenn die
Ehegatten getrennt leben auf Grund eines gerichtlichen Entscheides während des
Zeitraums, für den Leistungen der Invalidenversicherung erbracht wurden (E. 2).

Sachverhalt ab Seite 176

BGE 137 V 175 S. 176

A.

A.a Vivant séparée judiciairement de son époux B. depuis le 1^er janvier 2001,
A. a déposé une demande en divorce le 2 mars 2004. Le divorce a été prononcé le
13 août 2008.

A.b B. a été mis au bénéfice d'une demi-rente d'invalidité dès le 1^er mai
2002, puis d'une rente entière d'invalidité à partir du 1^er mai 2003,
assorties des rentes complémentaires pour conjoint correspondantes qui ont été
versées à A. Le 6 avril 2005, la prénommée a, de son côté, requis des
prestations de l'assurance-invalidité. Par décision du 19 août 2009 (qui
remplaçait une décision du 26 juin précédent), l'Office de
l'assurance-invalidité du canton du Jura (ci-après: l'office AI) lui a alloué
une rente entière d'invalidité du 1^er avril 2004 au 31 mars 2008, date à
laquelle elle avait atteint l'âge de la retraite. Dans le décompte de
prestations assorti de remarques, l'administration a indiqué compenser
notamment les rentes versées à son ex-époux avec une partie des rentes qui lui
étaient allouées rétroactivement, pour un montant de 17'415 fr.

B. L'opposition que l'assurée a formée contre cette décision a été transmise
par l'office AI à la Chambre des assurances du Tribunal cantonal de la
République et canton du Jura comme objet de sa compétence. Statuant le 19 mai
2010, le Tribunal a rejeté le recours.

C. A. interjette un recours en matière de droit public contre le jugement
cantonal, dont elle demande l'annulation. Elle conclut à ce que l'office AI
soit condamné à lui verser la somme de 17'415 fr. avec intérêt à 5 % dès
l'exigibilité.
L'office AI conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des
assurances sociales a renoncé à se déterminer.
Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.
Extrait des considérants:

Erwägungen

1.

1.2 Le jugement entrepris expose correctement les règles légales sur le calcul
des rentes de l'assurance-invalidité et sur la compensation. Il suffit d'y
renvoyer.
Il rappelle également la jurisprudence relative à l'art. 20 al. 2 let. a LAVS,
en relation avec l'art. 50 al. 2 LAI (dans sa teneur en vigueur à partir du 1^
er janvier 2003), selon laquelle la règle de l'art. 120 al. 1 CO en vertu de
laquelle la compensation est subordonnée à la condition que deux personnes
soient réciproquement créancières et
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débitrices l'une de l'autre n'est pas absolue, afin de prendre en compte les
particularités relatives aux assurances sociales en ce qui concerne précisément
cette condition de la réciprocité des sujets de droit posée par l'art. 120 al.
1 CO. La possibilité de compenser s'écarte de cette disposition quand les
créances opposées en compensation se trouvent en relation étroite, du point de
vue de la technique d'assurance ou du point de vue juridique: dans ces
situations, il n'est pas nécessaire que l'administré ou l'assuré soit en même
temps créancier et débiteur de l'administration (ATF 130 V 505).

2.

2.1 La juridiction cantonale a retenu que sur le plan juridique et de la
technique d'assurance, les créances en restitution de l'intimé, y compris le
montant des rentes allouées à l'ex-mari de la recourante, étaient
indissociablement liées aux prestations allouées à celle-ci. En effet, les
prestations octroyées à B. (rente entière d'invalidité et rente complémentaire
[versée à la recourante]) n'étaient pas indues tant et aussi longtemps qu'un
deuxième cas d'assurance n'était pas survenu en la personne de l'épouse. Elles
l'étaient devenues ipso iure lors de l'octroi de la rente d'invalidité avec
effet rétroactif à A. Un nouveau calcul avait dû être effectué à ce moment-là,
parce que l'allocation d'une rente à l'épouse avait provoqué le partage des
revenus que les conjoints avaient réalisés pendant les années civiles du
mariage et leur attribution par moitié à chacun, en vertu de l'art. 29^
quinquies al. 3 let. a LAVS (auquel renvoie l'art. 37 al. 1 LAI). Le partage
des revenus du couple consécutif à l'octroi d'une rente d'invalidité à l'épouse
impliquait nécessairement une modification de la rente de même nature allouée
au mari. Ces prestations n'étaient toutefois pas soumises au plafonnement des
rentes d'un couple prévu à l'art. 35 al. 1 LAVS, dès lors que les conjoints ne
vivaient plus en ménage commun à la suite d'une décision judiciaire (art. 35
al. 2 LAVS).
Par ailleurs, les premiers juges ont considéré que sous l'angle économique les
rentes allouées au mari avaient le même but que celles accordées ensuite à
l'épouse avec effet rétroactif. Il s'agissait dans les deux cas de procurer au
couple un revenu de remplacement destiné à couvrir les besoins vitaux en tant
qu'entité économique. La rente versée ultérieurement à la recourante avait pris
pour une part la place des prestations précédemment versées en trop à l'autre
conjoint. La séparation judiciaire des époux n'y changeait rien, puisqu'une
convention d'entretien (du 23 décembre 2003) prenait en compte pour la
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répartition des revenus du couple le montant des rentes perçues par les époux.
Sur le plan économique, leurs situations n'étaient donc pas totalement
indépendantes l'une de l'autre, tant que le lien matrimonial n'était pas
dissous ou, en d'autres termes, qu'un jugement de divorce n'était pas entré en
force. La dissolution de leur union au 13 août 2008 n'avait en outre pas
d'incidence en l'occurrence, puisque la compensation portait sur une période
antérieure à cette date. En définitive, compte tenu de l'interdépendance et du
lien étroit entre les décisions relatives aux rentes allouées à chacun des
ex-conjoints, l'intimé était en droit de compenser les rentes perçues en trop
par B. avec des arriérés de rentes à verser à A.

2.2 Les considérations de l'autorité judiciaire de première instance sont en
tous points conformes au droit, de sorte qu'il n'y a pas lieu de s'en écarter.

2.2.1 On ne saurait en effet reprocher aux premiers juges, comme le fait la
recourante, une violation de l'art. 120 al. 1 CO motif pris de l'absence d'un
rapport de réciprocité entre le débiteur et le créancier des obligations en
jeu. Comme on l'a vu (consid. 1.2 supra), la jurisprudence relative à la
compensation dans le domaine de l'assurance-vieillesse et survivants et de
l'assurance-invalidité a toujours admis que l'art. 20 LAVS déroge à la
condition de la réciprocité posée par l'art. 120 al. 1 CO, afin de tenir compte
des particularités relatives aux assurances sociales. Il est ainsi possible de
compenser des créances lorsqu'elles se trouvent en relation étroite, du point
de vue de la technique d'assurance ou du point de vue juridique, même lorsque
l'administré ou l'assuré n'est pas en même temps créancier et débiteur de
l'administration (ATF 130 V 505 consid. 2.4 p. 510; ATF 115 V 341 consid. 2b p.
343; ATF 111 V 1 consid. 3a p. 2).
Une relation étroite de cette nature existe en l'espèce, puisque, comme l'a
retenu la juridiction cantonale, le droit de la recourante à une rente
d'invalidité impliquait nécessairement une modification des prestations
accordées précédemment à son époux (rente d'invalidité et rente complémentaire
pour conjoint). Une telle interdépendance entre la part de rente d'invalidité
versée en trop à l'un des conjoints et la rente d'invalidité allouée
rétroactivement à l'autre conjoint est inhérente au système de calcul des
rentes de l'assurance-vieillesse et survivants/assurance-invalidité en cas de
réalisation d'un deuxième cas d'assurance chez un couple marié. La survenance
du second cas d'assurance en la personne du conjoint qui ne bénéficiait
jusqu'alors
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pas d'une rente déclenche la mise en oeuvre du "splitting" (cf. MARIO
CHRISTOFFEL, Conditions du splitting des revenus, en particulier en cas de
divorce, Sécurité sociale [CHSS] 1996 p. 238). Le partage des revenus
("splitting") des époux et leur attribution pour moitié à chacun d'entre eux
est prévu dans les trois éventualités énuméréesaux let. a à c de l'art. 29^
quinquies al. 3 LAVS (les deux conjoints ont droit à une rente; une personne
veuve a droit à une rente de vieillesse; le divorce). En l'occurrence, le
partage des revenus, qui a entraîné un nouveau calcul de la prestation déjà
allouée au premier conjoint, est intervenu parce que les époux ont été tous
deux mis au bénéfice d'une rente (let. a de l'art. 29^quinquies al. 3 LAVS)
pour une même période (du 1^er avril 2004 au 31 mars 2008), pendant laquelle
ils étaient encore mariés.

2.2.2 La recourante soutient que la relation étroite, du point de vue juridique
ou de la technique d'assurance, entre les créances opposées en compensation a
été rompue en raison du divorce prononcé le 13 août 2008, soit antérieurement à
la date à laquelle a été rendue la décision de rente litigieuse. Son
argumentation n'est toutefois pas pertinente, dès lors que la compensation
porte sur des rentes d'invalidité qui ont été allouées rétroactivement pour une
période (courant du 1^er avril 2004 au 31 mars 2008) pendant laquelle les époux
étaient encore mariés. Le fait que la décision par laquelle la recourante a été
mise au bénéfice de la rente d'invalidité a été rendue à une date où elle était
divorcée ne modifie pas le statut de femme mariée qu'elle avait tout au long de
la période pour laquelle les prestations d'assurance ont été versées à titre
rétroactif. Aussi, le calcul des rentes a-t-il bien été effectué conformément à
l'art. 29^quinquies al. 3 let. a LAVS en raison de l'accomplissement par le
deuxième conjoint du cas d'assurance.

2.2.3 C'est en vain également que la recourante invoque l'art. 204 al. 2 CC,
selon lequel la dissolution du régime matrimonial rétroagit au jour de la
demande en divorce, en alléguant qu'à partir du 2 mars 2004 (date du dépôt de
la demande en divorce) elle et son ex-époux n'étaient plus redevables l'un de
l'autre et devaient être traités comme deux entités juridiques distinctes.
Hormis le fait que c'est en principe la séparation de corps des époux qui a
entraîné de plein droit la dissolution de leur régime matrimonial
antérieurement à la demande de divorce (art. 118 al. 1 CC), la règle du droit
matrimonial invoquée n'a pas d'incidence en l'espèce, pas plus du reste que
celles des art. 197
BGE 137 V 175 S. 180
al. 2 ch. 3 et 207 al. 1 CC également cités dans le recours. Ces normes
concernent les rapports juridiques entre époux quant à leur statut patrimonial
et le sort de leur patrimoine au terme de l'union conjugale, mais non pas les
rapports des conjoints, ou de l'un ou l'autre, avec des tiers. En particulier,
les art. 204 et 207 CC règlent des aspects de la dissolution du régime
matrimonial, qui n'a en principe aucun effet sur les rapports juridiques des
époux avec les tiers (DESCHENAUX/STEINAUER/BADDELEY, Les effets du mariage, 2^e
éd. 2009, p. 536 n° 1142). Ces dispositions n'ont dès lors aucun effet sur les
relations juridiques entre la recourante et l'intimé ou entre celui-ci et B.

2.2.4 Il est vrai, comme le fait valoir la recourante, que son cas se distingue
de celui jugé par l' ATF 130 V 505, dans la mesure où elle était séparée
judiciairement de son mari et ne vivait plus avec lui pendant la période pour
laquelle la rente rétroactive lui a été versée. Les rentes versées à B. et
celles perçues (rétroactivement) par la recourante n'avaient ainsi pas pour but
de procurer à leur couple en tant qu'entité économique un revenu de
remplacement destiné à couvrir les besoins vitaux de la famille, mais à assurer
la subsistance de chacun des époux vivant dans son propre ménage. Toutefois,
dans la mesure où - selon les constatations de la juridiction cantonale - les
ex-époux avaient convenu d'une répartition des revenus du couple en tenant
compte des rentes perçues par les époux, la recourante a bénéficié, de manière
directe (versement en mains propres de la recourante des rentes complémentaires
pour conjoint) et de manière indirecte (solde de la contribution d'entretien),
des prestations reconnues initialement à son mari. En tout état de cause,
l'unité économique des conjoints, telle que mise en évidence dans l' ATF 130 V
505 consid. 2.8 p. 513, constituait un argument de plus ("Au demeurant") pour
admettre l'existence du rapport de connexité entre les prestations de
l'assurance-invalidité allouées à chacun des conjoints, mais non pas une
exigence supplémentaire à remplir pour s'écarter de l'art. 120 al. 1 CO. Dès
lors que la relation de connexité étroite est en l'espèce réalisée (consid.
2.2.1 supra), la compensation entre les créances en cause est admissible.