Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 137 V 114



Urteilskopf

137 V 114

16. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit social dans la cause X. SA
contre Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (recours en
matière de droit public)
8C_817/2010 du 12 avril 2011

Regeste

Art. 66 Abs. 1 lit. o UVG; Art. 85 UVV; Art. 27 AVV; Tätigkeitsbereich der
SUVA; Betriebe für Leiharbeit.
Es rechtfertigt sich nicht, im Rahmen von Art. 66 Abs. 1 lit. o UVG zwischen
Betrieben für Temporärarbeit und solchen für Leiharbeit (oder atypische
Temporärarbeit) im Sinne von Art. 27 AVV zu unterscheiden. Deshalb sind
Arbeitnehmer eines ungegliederten (in casu im Informatikbereich tätigen)
Betriebes für Leiharbeit obligatorisch gegen das Unfallrisiko und gegen
Berufskrankheit bei der SUVA versichert (E. 4).

Sachverhalt ab Seite 114

BGE 137 V 114 S. 114

A. La société X. SA, dont le siège est à Y., avec des succursales à Z. et à W.,
a été constituée le 15 janvier 1996. Elle a pour but l'exercice d'une activité
dans le domaine informatique, la mise en oeuvre
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de solutions informatiques (matériel, logiciel et services), l'importation et
l'exportation de produits informatiques et la mise à disposition de personnel
au sein de sociétés clientes. Une autorisation de pratiquer la location de
services de travailleurs domiciliés en Suisse à des entreprises de mission
sises dans toute la Suisse lui a été délivrée par le Service cantonal de
l'emploi du canton de Vaud le 18 janvier 2000. Les salariés ont été assurés
contre le risque d'accident et de maladie professionnels au sens de la LAA
auprès de la Zurich Assurances. Le 10 juin 2008, la Caisse nationale suisse
d'assurance en cas d'accidents (CNA/SUVA) a déclaré soumettre à l'assurance
obligatoire auprès d'elle l'ensemble de l'entreprise X. SA à compter du 1^er
juillet 2008. Saisie d'une opposition de l'entreprise, elle l'a rejetée par une
nouvelle décision du 26 juin 2009.

B. X. SA a recouru devant le Tribunal administratif fédéral en concluant à
l'annulation de la décision sur opposition précitée et en demandant au tribunal
de constater qu'elle n'est pas assujettie à l'assurance obligatoire auprès de
la SUVA.
Statuant le 17 août 2010, le Tribunal administratif fédéral a rejeté le
recours.

C. X. SA exerce un recours en matière de droit public dans lequel elle conclut
à la réforme du jugement attaqué en ce sens que la décision du 26 juin 2009 est
annulée et à la constatation qu'elle n'est pas assujettie à la SUVA.
La SUVA et l'Office fédéral de la santé publique concluent au rejet du recours.

D. Par ordonnance du 21 janvier 2011, le juge instructeur a attribué l'effet
suspensif au recours.
Le recours a été rejeté.

Erwägungen

Extrait des considérants:

3.

3.1 L'art. 66 al. 1 LAA (RS 832.20) énumère les entreprises et administrations
dont les travailleurs sont assurés obligatoirement auprès de la SUVA. Chargé de
désigner de manière détaillée les entreprises soumises à l'obligation de
s'assurer auprès de la SUVA (cf. art. 66 al. 2 LAA), le Conseil fédéral a fait
usage de cette compétence en édictant les art. 73 ss OLAA (RS 832.202). Comme
l'ont relevé avec raison les premiers juges, pour déterminer si une entreprise
doit ou non
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être assurée de manière obligatoire auprès de la SUVA, la loi impose de
procéder préalablement à certaines distinctions, dont la première consiste à se
demander si l'on est en présence d'une entreprise unitaire, par opposition à
une entreprise composite. Est une entreprise unitaire, celle qui se consacre
essentiellement à des activités appartenant à un seul domaine. Elle présente
donc un caractère homogène ou prédominant, par exemple en tant qu'entreprise de
construction, entreprise commerciale, société fiduciaire, etc., et n'exécute
essentiellement que des travaux qui relèvent du domaine d'activité habituel
d'une entreprise de ce genre. A cet égard, la division de l'entreprise, sur le
plan de l'organisation, en parties à direction centralisée ou décentralisée,
n'est pas déterminante si l'activité de chacune de ces différentes parties est
consacrée au même but et si elle appartient au domaine d'activité habituel de
l'entreprise. De même, la diversification des produits ou des services n'est
pas décisive, à condition que cette diversification n'excède pas les limites du
domaine d'activité originaire (ATF 113 V 327 consid. 5b p. 333 s., ATF 113 V
346 consid. 3b p. 348). En présence d'une entreprise unitaire, celle-ci est
soumise, avec tout son personnel, à l'assurance obligatoire auprès de la SUVA,
pour autant qu'elle entre dans le champ d'application des entreprises énumérées
à l'art. 66 al. 1 LAA.

3.2 En l'espèce, il est incontestable que la recourante est une entreprise
unitaire, dès lors qu'elle n'effectue que des tâches relevant de son domaine
d'activité, à savoir l'informatique. Comme l'ont constaté les premiers juges,
les activités de location de services sont effectuées dans le domaine de
l'activité caractéristique de l'entreprise et avec le même personnel.

4. L'énumération contenue à l'art. 66 al. 1 LAA comprend, sous lettre o, les
"entreprises de travail temporaire". La question est de savoir si la recourante
répond ou non à cette définition.

4.1 La recourante soutient que les entreprises de travail temporaire au sens de
l'art. 66 al. 1 let. o LAA sont des entreprises classiques de placement ou de
location de personnel intérimaire. Selon elle, il s'agit d'entreprises qui
engagent des employés dans le seul but de les mettre à la disposition de
clients, notamment pour pallier à une surcharge de travail ou à un
sous-effectif provisoire dans l'entreprise cliente. Selon elle, il conviendrait
de distinguer, conformément à l'art. 27 de l'ordonnance du 16 janvier 1991 sur
le service de l'emploi et la location de services (ordonnance sur le service de
l'emploi,
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OSE; RS 823.111), le travail temporaire, visé par l'art. 66 al. 1 let. o LAA,
de la mise à disposition de travailleurs à titre principal (travail en régie),
qui ne tomberait pas sous le coup de cette disposition. Or, la recourante fait
valoir qu'elle pratique uniquement le travail en régie, de sorte qu'elle ne
devrait pas être soumise à la SUVA.

4.2

4.2.1 La location de services est le contrat par lequel une personne (le
bailleur de services) met des travailleurs à la disposition d'une autre (le
locataire de services), moyennant rémunération. On considère en général qu'il
s'agit d'un contrat innommé sui generis, comportant des aspects du mandat
(TERCIER/FAVRE/EIGENMANN, Les contrats spéciaux, 4^e éd. 2009, p. 479 n^o 3272;
MATILE/ZILLA/STREIT, Travail temporaire, Commentaire pratique des dispositions
fédérales sur la location de services [art. 12-39 LSE], 2010, p. 5 s.; LUC
THÉVENOZ, Le travail intérimaire, 1987, p. 121 ss; cf. aussi ATF 119 V 357
consid. 2a p. 359).

4.2.2 L'art. 27 OSE distingue trois formes de location de services: le travail
temporaire, le travail en régie et la mise à disposition occasionnelle de
travailleurs. En cas de travail temporaire (ou travail intérimaire),
l'employeur (l'agence de placement) ne conclut pas, dans un premier temps, de
véritable contrat de travail avec son employé, mais un contrat-cadre, soit une
convention générale de services permettant d'obtenir l'adhésion du travailleur
à ses conditions de travail. Il lui propose ensuite un contrat de mission dans
une entreprise tierce. Si le travailleur accepte la mission offerte, alors il
conclut un contrat de travail effectif avec l'agence de placement. Le salaire
n'est pas dû entre deux missions (voir l'arrêt 4C.356/2004 du 7 décembre 2004
consid. 2.3). Quant au travail en régie, il se caractérise par le fait que le
travailleur est engagé en vue de la location de ses services à diverses
entreprises clientes. Cependant, contrairement au travail temporaire, la durée
du travail est en principe indépendante des missions effectuées dans les
entreprises clientes. Le travailleur demeure lié par un contrat de travail
durable avec son employeur. Celui-ci supporte donc le risque éventuel
d'inactivité du travailleur entre deux placements. On parle dans ce cas de
travail intérimaire improprement dit (sur ces divers points, voir TERCIER/FAVRE
/EIGENMANN, op. cit., p. 479 n° 3274; THÉVENOZ, op. cit., p. 28 ss; MATILE/
ZILLA/STREIT, op. cit., p. 10 ss).

4.2.3 Classiquement et d'un point de vue économique, le travail intérimaire
vise à créer un lien entre la demande de travailleurs pour
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de brèves pointes d'activité dans le domaine du personnel, d'une part, et
l'offre de main-d'oeuvre qui ne désire souvent travailler que durant une
période relativement courte, d'autre part. Les entreprises de travail en régie,
quant à elles, n'exercent pratiquement leur activité que dans des branches
spécifiques qui souffrent d'une pénurie chronique de main-d'oeuvre; cette
spécificité leur permet de limiter au maximum les périodes d'inactivité des
travailleurs et, par conséquent, le risque de payer le salaire pendant ces
périodes (voir le Message du 27 novembre 1985 concernant la révision de la loi
fédérale sur le service de l'emploi et la location de services, FF 1985 III 534
ch. 122.1).

4.3

4.3.1 Conformément à une jurisprudence constante, la loi s'interprète en
premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n'est pas
absolument clair, si plusieurs interprétations sont possibles, il convient de
rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous
les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires
(interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des
valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l'intérêt protégé
(interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d'autres
dispositions légales (interprétation systématique; ATF 136 III 283 consid 2.3.1
p. 284; ATF 135 II 416 consid. 2.2 p. 418; ATF 134 I 184 consid. 5.1 p. 193 et
les arrêts cités).

4.3.2 La LAA ne définit pas la notion d'"entreprises de travail temporaire"
("Betriebe, die temporäre Arbeitskräfte zur Verfügung stellen", "aziende di
lavoro temporaneo"). Quant à son ordonnance d'exécution (OLAA), elle ne fait
que préciser, à son art. 85, que les entreprises de travail temporaire au sens
de l'art. 66 al. 1 let. o LAA comprennent leur propre personnel ainsi que celui
dont elles louent les services à autrui. Dans le langage courant, on appelle
habituellement entreprises ou agences de travail temporaire celles dont
l'activité est d'engager les travailleurs pour les mettre à la disposition
momentanée d'entreprises clientes dans le cadre d'une relation triangulaire
(THÉVENOZ, op. cit., p. 25). Cette définition n'exclut pas d'emblée les
entreprises de travail en régie. Par ailleurs, on ne saurait sans plus
interpréter la notion d'entreprise de travail temporaire au sens de l'art. 66
al. 1 let. o LAA à la lumière d'une définition plus précise de l'OSE, qui est
entrée en vigueur postérieurement à la LAA et cela même si la location de
services, dans ses trois formes visées par l'ordonnance, était déjà clairement
distinguée en pratique avant le 1^er juillet 1991, date de l'entrée en vigueur
de l'OSE (voir THÉVENOZ, op. cit., p. 28 ss).
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Il y a lieu de considérer que le texte légal ne fournit pas une réponse claire
à la question posée.

4.3.3 Il est incontestable qu'en matière de location de personnel, c'est le
bailleur de services qui paie les primes de l'assurance-accidents obligatoire
des travailleurs dont les services sont loués à autrui (cf. ATF 123 III 280
consid. 2b/bb p. 286).
Tel n'était toutefois pas le cas sous l'empire de l'assurance-accidents
obligatoire selon la LAMA. La SUVA avait alors le monopole de
l'assurance-accidents obligatoire et son domaine d'activité était en principe
limité aux entreprises présentant des risques accrus d'accidents ou de maladies
professionnels. On admettait alors que l'entreprise cliente était le seul
employeur astreint à l'assurance obligatoire et au paiement des cotisations
(THÉVENOZ, op. cit., p. 305, note de bas de page 90). Cela avait conduit la
SUVA, pour des raisons pratiques, à passer des conventions avec des entreprises
de travail temporaire, par lesquelles ces dernières s'engageaient, en lieu et
place de l'entreprise cliente, à établir la liste des salaires, à payer les
primes et à annoncer les accidents. Cette solution ne supprimait toutefois pas
les inconvénients et complications administratives qui résultaient du fait que
les travailleurs pouvaient être successivement occupés dans des entreprises
locataires qui étaient soumises à l'assurance obligatoire et dans d'autres qui
ne l'étaient pas. Pour remédier à cette situation, la SUVA, dans un deuxième
temps, avait convenu avec les entreprises de travail temporaire de soumettre à
l'assurance obligatoire tous les travailleurs de ces entreprises, sans égard à
la situation de l'entreprise locataire par rapport à son obligation
d'assurance. Dans les faits, les entreprises de travail temporaire étaient
assimilées à des entreprises assujetties pour les travailleurs qu'elles
mettaient à disposition de tiers. Pratiquement, cela conduisait à étendre le
domaine de l'assurance-accidents obligatoire, ce qui était pour le moins
discutable sous l'angle de la légalité et de l'égalité de traitement (voir à ce
sujet URS CH. NEF, Temporäre Arbeit, 1971, p. 95 ss).

4.3.4 Avec l'entrée en vigueur de la LAA le 1^er janvier 1984, le cercle des
assurés - jusqu'alors limité à certaines catégories de travailleurs - a été
étendu à tous les travailleurs. La SUVA a perdu le monopole de
l'assurance-accidents sociale en ce sens que les personnes que la SUVA n'avait
pas la compétence d'assurer, pouvaient être assurées auprès des autres
assureurs au sens de l'art. 68 al. 1 LAA. Le législateur a étendu le champ
d'activité de la SUVA à certaines
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entreprises, en particulier aux entreprises de travail temporaire (pour un
aperçu de l'évolution historique, voir JACQUES CLERC, La pratique de la LAA du
point de vue des compagnies d'assurances privées, in Mélanges pour le 75^e
anniversaire du TFA, 1992, p. 569 ss). Selon le Message du Conseil fédéral, le
but de l'art. 66 al. 1 let. o LAA était d'offrir la garantie aux travailleurs
d'être toujours couverts par le même assureur (Message du 18 août 1976 à
l'appui d'un projet de loi fédérale sur l'assurance-accidents, FF 1976 III 211
ch. 405.12). On peut penser que le législateur, en assujettissant les
"entreprises de travail temporaire" à l'obligation de s'assurer à la SUVA,
entendait formaliser la pratique antérieure en posant dans la loi la règle
selon laquelle il incombe au bailleur de services - et non à l'entreprise
cliente - de payer les primes du travailleur dont les services sont loués à
autrui. Corollairement, il a voulu éviter que les travailleurs concernés soient
successivement assurés par les entreprises clientes auprès d'assureurs
différents. Au regard de cette ratio legis - le bailleur de services est
désormais le débiteur légal des primes - il importe donc peu, sous l'angle de
l'art. 66 al. 1 let. o LAA, que l'entreprise concernée pratique le travail
temporaire ou le travail en régie. On ajoutera que cette disposition légale
repose aussi sur l'idée que des travailleurs visés peuvent être placés dans des
entreprises locataires présentant des risques élevés et qui relèvent
elles-mêmes du domaine de compétence de la SUVA selon l'énumération de l'art.
66 al. 1 LAA.

4.3.5 On voit d'autant moins de raisons d'opérer la distinction préconisée par
la recourante que les notions de travail temporaire et de travail en régie
n'est pas aussi importante qu'il ne paraît dès l'abord. Le contrat de mise à
disposition est le même dans les deux cas; pour l'utilisateur, ses rapports
avec les salariés concernés sont de même nature. Les situations sont parfois
floues et le critère peut tenir à la seule durée du délai de résiliation
stipulé par le contrat de travail (THÉVENOZ, op. cit., p. 31). C'est pourquoi
d'ailleurs la loi du 6 octobre 1989 sur le service de l'emploi et la location
de services (LSE; RS 823.11) soumet aux mêmes règles de protection les
travailleurs pour les deux types d'activités. Au reste, les délimitations
peuvent être délicates. Avec le temps, le statut des travailleurs peut varier.
Ainsi il peut arriver que des travailleurs passent insensiblement d'un emploi
temporaire à un travail en régie, ce qui peut entraîner une requalification de
la relation de travail (voir THÉVENOZ, La nouvelle réglementation du travail
intérimaire, in Le droit du travail en pratique,
BGE 137 V 114 S. 121
Journée 1992 du droit du travail et de la sécurité sociale, 1994, p. 12). On
notera enfin que les directives et commentaires du Secrétariat d'Etat à
l'économie (SECO), relatifs à la loi fédérale sur le service de l'emploi et la
location de services et à ses ordonnances d'application, prescrivent sans
distinction un assujettissement à la SUVA des entreprises de travail temporaire
et des entreprises de travail en régie (p. 102; directives consultables à
l'adresse http://www.espace-emploi.ch, sous Downloads et formulaires/Placement
privé, location de services; dans le même sens également, MATILE/ZILLA/STREIT,
op. cit., p. 194, qui n'opèrent sur ce point pas de distinction propre au
travail intérimaire au sens étroit).

4.4 Au regard de ce qui précède, il ne se justifie pas de différencier, dans
l'application de l'art. 66 al. 1 let. o LAA, les entreprises de travail
temporaire et les entreprises de travail en régie au sens de l'art. 27 OSE.