Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 137 IV 153



Urteilskopf

137 IV 153

21. Extrait de l'arrêt de la Cour de droit pénal dans la cause Ministère public
du canton de Vaud contre X. (recours en matière pénale)
6B_850/2010 du 26 avril 2011

Regeste

Förderung einer rechtswidrigen Erwerbstätigkeit eines Ausländers in der
Schweiz; Art. 116 Abs. 1 lit. b AuG.
Wer die Erwerbstätigkeit eines Ausländers in der Schweiz ohne die dazu
erforderliche Bewilligung begünstigt oder erleichtert und wer Gehilfenschaft zu
einer Straftat gemäss Art. 115 Abs. 1 lit. c AuG leistet, "verschafft" einem
Ausländer eine Erwerbstätigkeit im Sinne von Art. 116 Abs. 1 lit. b AuG (E. 1).

Erwägungen ab Seite 153

BGE 137 IV 153 S. 153
Extrait des considérants:

1. Le recourant invoque une violation de l'art. 116 al. 1 let. b LEtr (RS
142.20). En substance, il reproche à la cour cantonale une
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interprétation trop stricte de cette disposition, l'ayant conduite à exclure
son application.

1.1 La LEtr a remplacé, depuis le 1^er janvier 2008, la loi fédérale sur le
séjour et l'établissement des étrangers (LSEE; RS 1 113). Son art. 116 al. 1
punit d'une peine privative de liberté d'un an au plus ou d'une peine
pécuniaire quiconque aura adopté l'un des comportements mentionnés sous lettres
a à c de cette disposition. Est notamment punissable d'une telle peine, en
vertu de la lettre b, quiconque "procure à un étranger une activité lucrative
en Suisse alors qu'il n'est pas titulaire de l'autorisation requise".

1.2 La cour cantonale a considéré que le texte de cette disposition, qui
concordait dans ses trois versions linguistiques ("procure", "verschafft",
"procura"), était clair. Il en découlait que seul est punissable celui qui,
comme employeur ou en faveur d'un employeur, recourt aux services d'un étranger
non titulaire de l'autorisation requise ou celui qui fournit directement, à un
autre titre, une activité lucrative à une telle personne. En revanche, l'acte
tendant seulement, d'une manière générale, à faciliter l'exercice d'une
activité lucrative en faveur d'un étranger non titulaire de l'autorisation
requise ne tombait pas sous le coup de cette disposition.
Analysant le cas concret, la cour cantonale a observé que l'intimé n'avait pas
acheminé en Suisse les prostituées en situation illégale. Il n'avait pas eu de
contact avec leurs clients, qu'il n'avait pas sollicités, ne faisant même pas
de réclame. Il n'avait exercé aucun contrôle, ni émis d'instructions quant à la
manière dont les prostituées négociaient leurs charmes. Celles-ci fixaient
elles-mêmes leurs tarifs avec leurs clients et n'étaient pas intéressées au
chiffre d'affaires de l'établissement. Une fois le client conquis, elles
étaient du reste libres de l'emmener ailleurs. En définitive, l'intimé s'était
limité à mettre à disposition et à nettoyer les locaux dans lesquels était
pratiquée la prostitution, ne fournissant que des prestations de nature
hôtelière. Le seul fait qu'il ait facilité la pratique d'une prostitution
illégale ne permettait pas de dire qu'il avait procuré du travail à des
étrangères dépourvues de l'autorisation requise. A moins d'étendre de manière
inadmissible le champ d'application de l'art. 116 al. 1 let. b LEtr, le
comportement de l'intimé ne tombait donc pas sous le coup de cette disposition.

1.3 Sauf à l'examiner isolément, le texte de l'art. 116 al. 1 let. b LEtr n'est
pas aussi clair que l'estime la cour cantonale. En particulier, il
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ne s'impose pas indiscutablement que procurer une activité lucrative, au sens
de cette disposition, signifie fournir directement du travail. Ainsi compris,
le comportement défini par la lettre b de l'art. 116 al. 1 LEtr apparaît sans
lien avec ceux décrits par les autres lettres de cette disposition, qui,
toutes, répriment un comportement de facilitation. En outre, contrairement à
ces dernières, il apparaît sans relation avec l'art. 115 LEtr. Enfin, sa
délimitation par rapport au comportement puni par l'art. 117 LEtr, qui
sanctionne l'emploi d'étrangers sans autorisation, serait, dans maints cas,
problématique. Il existe ainsi des motifs sérieux de penser que le texte légal
litigieux ne correspond pas en tous points au sens véritable de la disposition
visée et pourrait conduire à des résultats que le législateur n'a pas voulus et
qui heurtent le sentiment de la justice ou le principe de l'égalité de
traitement. Il convient donc, conformément à la jurisprudence, de rechercher la
véritable portée de la norme litigieuse, en la dégageant de sa relation avec
d'autres dispositions légales, de son contexte, du but poursuivi, de son esprit
ainsi que de la volonté du législateur, telle qu'elle résulte notamment des
travaux préparatoires (ATF 135 IV 113 consid. 2.4.2 p. 116 et les arrêts
cités).

1.4 L'un des motifs de la révision totale de la LSEE a été de fournir une base
légale formelle à maintes dispositions sur les étrangers, notamment dans le
domaine du marché du travail et de l'activité lucrative, qui étaient alors
contenues dans des ordonnances du Conseil fédéral, tout en les adaptant et les
complétant (cf. Message du 8 mars 2002 concernant la loi sur les étrangers; FF
2002 3469 ss, 3479 ch. 1.1.3). A cet égard, une importance particulière a été
accordée à la lutte contre le travail au noir, que la révision devait permettre
de punir systématiquement et plus sévèrement (cf. FF 2002 3519 ch. 1.3.11).
La LSEE ne contenait guère qu'une disposition pénale sanctionnant le travail au
noir, soit l'art. 23 al. 4 LSEE, qui réprimait le comportement de celui qui
"aura occupé des étrangers non autorisés à travailler en Suisse". A cette
disposition correspond désormais l'art. 117 LEtr, en tant qu'il sanctionne
quiconque "emploie un étranger qui n'est pas autorisé à exercer une activité
lucrative en Suisse". Dorénavant, d'autres comportements en relation avec
l'activité lucrative des étrangers sont en outre sanctionnés par la loi. En
particulier, l'art. 115 al. 1 let. c LEtr réprime quiconque "exerce une
activité lucrative sans autorisation" et l'art. 116 al. 1 let. b LEtr quiconque
"procure à un étranger une activité lucrative en Suisse alors qu'il n'est pas
titulaire de l'autorisation requise".
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1.5 Nonobstant une formulation différente, l'art. 117 LEtr, autant qu'il
réprime le fait d'employer un étranger qui n'est pas autorisé à exercer une
activité lucrative en Suisse, n'a pas de portée distincte de l'art. 23 al. 4
LSEE. Dans cette mesure, la jurisprudence relative à cette dernière disposition
conserve donc sa valeur. Subséquemment, le terme "employer" doit être compris
de manière large, comme consistant non seulement à conclure et exécuter un
contrat de travail au sens des art. 319 ss CO, mais à faire exécuter une
activité lucrative à quelqu'un, quelle que soit la nature du rapport juridique
entre l'auteur et la personne employée. Il doit s'agir d'un comportement actif;
une simple permission ou tolérance ne suffit pas. Il n'est en revanche pas
nécessaire que l'auteur ait la compétence de donner des instructions à la
personne employée. Il suffit qu'il entre dans ses attributions de décider qui
peut, ou ne peut pas, participer à l'exécution de la tâche et qu'ainsi sa
décision conditionne l'activité lucrative de l'intéressé (cf. ATF 128 IV 170
consid. 4 p. 174 ss; arrêt 6B_176/2007 consid. 3.2).
L'art. 116 al. 1 let. b LEtr ne saurait avoir la même portée que l'art. 117
LEtr. Il n'est en effet guère concevable que le législateur ait adopté une
nouvelle disposition pénale pour sanctionner un comportement déjà réprimé par
une autre, qu'il a reformulée en la complétant.

1.6 Le Message accompagnant le projet de loi sur les étrangers ne précise pas
ce qu'il faut entendre par "procurer à un étranger une activité lucrative" au
sens de l'art. 111 al. 1 let. b de ce projet, devenu l'art. 116 al. 1 let. b
LEtr (cf. FF 2002 3469 ss, notamment 3519 ch. 1.3.11 et 3586 s. ch. 2.15; FF
2002 3604 ss, 3639 ad art. 110). Lors des débats parlementaires, les
dispositions pénales du projet de loi sur les étrangers ont surtout fait
l'objet d'interventions en ce qui concerne les peines devant sanctionner les
comportements réprimés, qui n'ont en eux-mêmes guère été discutés. Les débats
parlementaires n'apportent du moins pas d'éclairage quant au sens exact à
donner au comportement consistant à "procurer à un étranger une activité
lucrative" au sens de l'art. 111 al. 1 let. b du projet de LEtr, respectivement
de l'art. 116 al. 1 let. b LEtr.

1.7 Sous le titre marginal "incitation à l'entrée, à la sortie ou au séjour
illégaux", l'art. 116 LEtr réprime, à son alinéa 1, trois autres comportements,
en sus de celui ici litigieux: l'un consistant, en Suisse ou à l'étranger, à
faciliter l'entrée, la sortie ou le séjour illégal d'un étranger ou à
participer à des préparatifs dans ce but (art. 116
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al. 1 let. a LEtr), l'autre, à faciliter l'entrée d'un étranger sur le
territoire national d'un autre Etat ou à participer à des préparatifs dans ce
but après son départ de Suisse ou de la zone de transit d'un aéroport suisse,
en violation des dispositions sur l'entrée dans le pays applicables dans cet
Etat (art. 116 al. 1 let. c LEtr), et, depuis le 1^er janvier 2011, celui
consistant à faciliter, depuis la Suisse, l'entrée, le transit, la sortie ou le
séjour illégal d'un étranger dans un Etat Schengen ou à participer à des
préparatifs dans ce but (art. 116 al. 1 let. a^bis LEtr et note de bas de page
relative à cette disposition).
L'art. 116 LEtr s'inscrit à la suite de l'art. 115 LEtr. Les comportements
qu'il réprime-comme cela résulte, pour la plupart d'entre-eux, du texte
légal-se caractérisent comme des actes de complicité à ceux réprimés par l'art.
115 LEtr. La lettre b de l'art. 116 al. 1 LEtr, contrairement aux autres
lettres de cette disposition, n'englobe pas les actes préparatifs. L'une et les
autres ont en revanche en commun de punir des comportements de facilitation des
actes principaux sanctionnés par l'art. 115 LEtr, pour autant que ces
comportements poursuivent effectivement ce but (cf. ANDREAS ZÜND,
Migrationsrecht, 2^e éd. 2009, n^os 1 et 2 ad art. 116 LEtr; cf. également
NÄGELI/SCHOCH, in Ausländerrecht, 2^e éd. 2009, ch. 22.44 p. 1118-1119). En
particulier, le comportement réprimé par l'art. 116 al. 1 let. b LEtr consiste
à apporter une aide à celui sanctionné par l'art. 115 al. 1 let. c LEtr, soit à
l'exercice d'une activité lucrative par un étranger qui ne dispose pas de
l'autorisation requise à cet effet (cf. ANDREAS ZÜND, op. cit., n° 5 ad art.
116 LEtr).
Certes, contrairement aux autres lettres de l'art. 116 al. 1 LEtr, la lettre b
de cette disposition n'utilise pas le terme "facilite". Cette différence ne
peut toutefois être considérée comme déterminante. Si l'on devait s'en tenir à
une interprétation stricte du texte de l'art. 116 al. 1 let. b LEtr, en ce sens
que seul "procure" une activité lucrative à un étranger celui qui la lui
fournit directement, le comportement ainsi réprimé se confondrait pratiquement
avec celui, sanctionné par l'art. 117 LEtr, consistant à "employer" un
étranger, tel que défini par la jurisprudence (cf. supra, consid. 1.5). Or,
comme déjà relevé, il n'est guère concevable que le législateur ait adopté une
nouvelle disposition, soit l'art. 116 al. 1 let. b LEtr, pour punir un
comportement déjà réprimé par une autre, qu'il a simultanément reformulée en la
complétant (cf. supra, consid. 1.5 in fine). Il serait en outre peu
compréhensible qu'il ait sanctionné, dans le cadre d'une disposition qui, pour
le surplus, punit clairement des actes de complicité à ceux
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réprimés par l'art. 115 LEtr, un comportement ne revêtant pas ce caractère. Au
demeurant, il apparaît conforme à la volonté qu'il a exprimée lors de la
révision de la loi, de réprimer de manière accrue et systématique le travail au
noir, d'admettre que le législateur a entendu sanctionner non seulement
l'étranger qui exerce une activité lucrative sans autorisation et celui qui
l'emploie, mais aussi quiconque contribue à l'exercice d'une activité lucrative
par un étranger dépourvu de l'autorisation requise, lui fournit une aide à
cette fin et facilite ainsi l'exercice illégal d'une activité lucrative par un
étranger.

1.8 Ainsi, au regard de sa relation avec d'autres dispositions légales, de son
contexte et du but poursuivi par le législateur, l'art. 116 al. 1 let. b LEtr
doit être interprété en ce sens qu'il réprime un comportement consistant à
contribuer à la réalisation de l'infraction sanctionnée par l'art. 115 al. 1
let. c LEtr. Autrement dit, "procure à un étranger une activité lucrative", au
sens de l'art. 116 al. 1 let. b LEtr, celui qui favorise ou facilite l'exercice
illégal d'une activité lucrative par un étranger, celui qui accomplit des actes
de complicité à l'infraction réprimée par l'art. 115 al. 1 let. c LEtr, le
terme de complicité devant s'entendre au sens de l'art. 25 CP et de la
jurisprudence y relative (cf. ATF 121 IV 109 consid. 3a p. 119 s.).

1.9 En l'espèce, il résulte des faits retenus que l'intimé a non seulement
toléré le racolage dans son établissement, mais qu'il a mis, à titre onéreux, à
la disposition des prostituées qui le souhaitaient, les infrastructures
nécessaires à l'exercice de leur activité, alors qu'il savait ou devait savoir
qu'elles étaient dépourvues de permis de travail. Outre l'usage d'installations
telles que le sauna ou le hammam, il mettait à leur disposition des chambres,
afin qu'elles puissent s'y adonner à la prostitution, se faisant défrayer en
contrepartie. De la sorte, l'intimé a manifestement facilité l'exercice d'une
prostitution illégale, comme l'arrêt attaqué l'admet d'ailleurs expressément.
Il l'a au demeurant fait en toute connaissance de cause et, si ce n'est en
voulant, en acceptant à tout le moins de contribuer à la réalisation de
l'infraction sanctionnée par l'art. 115 al. 1 let. c LEtr. Les conditions de
l'infraction réprimée par l'art. 116 al. 1 let. b LEtr sont donc réunies.