Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 137 II 409



Urteilskopf

137 II 409

36. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public dans la cause Fondation
ALPDS de Technique Dentaire contre Y. S.à.r.l. et Z. (recours en matière de
droit public)
2C_45/2011 du 3 octobre 2011

Regeste

Art. 29a und 178 Abs. 3 BV; Art. 60 BBG; Art. 68a BBV; vom Bundesrat
verbindlich erklärte Berufsbildungsbeiträge; Entscheidungskompetenz der
Organisationen der Arbeitswelt; Verwaltungsklage; Übergangsrecht.
In Art. 178 Abs. 3 BV enthaltene Kriterien für die Übertragung von
Verwaltungsaufgaben an Organisationen, die ausserhalb der Bundesverwaltung
stehen (E. 7.1-7.3) sowie Voraussetzungen, nach denen Letztere
Verwaltungsverfügungen erlassen können (E. 6 und 7.4). Bestätigung der
öffentlich-rechtlichen Natur der durch den Bundesrat verbindlich erklärten
Berufsbildungsbeiträge (BGE 137 II 399; E. 7.3.2).
Vor Inkrafttreten von Art. 68a BBV, der sich auf eine genügende
Gesetzesdelegationsnorm stützt, durften die Organisationen der Arbeitswelt
keine Verfügungen betreffend die Erhebung von obligatorisch erklärten
Berufsbildungsbeiträgen erlassen; sie mussten vor den zuständigen kantonalen
Behörden Verwaltungsklage einreichen (E. 7 et 8).

Sachverhalt ab Seite 410

BGE 137 II 409 S. 410

A. Sur mandat de l'Association des laboratoires de prothèses dentaires de
Suisse, a été constituée en 2005 la Fondation de l'Association de technique
dentaire (ci-après: la Fondation). Cette dernière a créé un Fonds national en
faveur de la formation professionnelle en technique dentaire (ci-après: le
Fonds national), que le Conseil fédéral a déclaré de force obligatoire générale
par arrêté du 28 novembre 2006 (ci-après: l'Arrêté).

B. Le 14 novembre 2010, la Fondation a déposé une action de droit administratif
auprès du Tribunal administratif de la République et canton de Genève
(ci-après: le Tribunal administratif). Son action étant dirigée contre Y.
S.à.r.l. et Z., tous deux établis à Genève, la Fondation conclut à ce que ces
derniers soient condamnés à lui verser divers arriérés de cotisations
d'entreprise afférents à la période allant de 2007 à 2010, intérêts moratoires,
frais de rappel et de commandement de payer y compris.
Par arrêt du 14 décembre 2010, le Tribunal administratif, dont les compétences
ont été dévolues à la Chambre administrative de la Cour de Justice (ci-après:
la Cour de Justice) à partir du 1^er janvier 2011, a déclaré irrecevable
l'action de droit administratif formée le 14 novembre 2010, au motif qu'il
aurait incombé à la Fondation de rendre des décisions administratives
condamnant ses débiteurs à s'acquitter des cotisations dues.

C. Devant le Tribunal fédéral, la Fondation a conclu à l'annulation de l'arrêt
du Tribunal administratif du 14 décembre 2010 et au renvoi de la cause à
l'instance précédente afin qu'elle rende une décision au fond. Le Tribunal
fédéral a admis le recours.
(résumé)

Erwägungen

Extrait des considérants:

4.

4.1 La recourante reproche avant tout aux juges cantonaux d'avoir considéré
qu'il lui aurait appartenu de rendre des décisions. Elle se prévaut d'une
violation des art. 29a et 178 al. 3 Cst., de l'art. 1 al. 2 let. e de la loi
fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA; RS 172.021)
et de l'art. 60 de la loi fédérale du 13
BGE 137 II 409 S. 411
décembre 2002 sur la formation professionnelle (LFPr; RS 412.10). Elle conteste
être la délégataire d'une tâche de l'administration et avoir été de ce fait
investie d'une compétence décisionnelle en matière de cotisations en faveur de
la formation professionnelle. Avant la modification, avec effet au 1^er janvier
2011, de l'ordonnance fédérale du 19 novembre 2003 sur la formation
professionnelle (OFPr; RS 412.101; RO 2003 5047, 5070 s.), la loi ne lui
conférait pas de tels pouvoirs. Partant, il aurait incombé au Tribunal
administratif d'entrer en matière sur son action de droit administratif du 10
novembre 2010 ou de transmettre la cause à l'autorité compétente.

4.2 Aux termes de l'art. 29a Cst., toute personne a droit à ce que sa cause
soit jugée par une autorité judiciaire. La Confédération et les cantons
peuvent, par la loi, exclure l'accès au juge dans des cas exceptionnels. Cette
disposition étend donc le contrôle judiciaire en principe à toutes les
contestations juridiques. Il s'agit en particulier de contestations portant sur
les droits et les obligations de personnes (physiques ou morales). La garantie
ne s'oppose cependant pas aux conditions de recevabilité habituelles du recours
ou de l'action (ATF 136 I 323 consid. 4.3 p. 328 s.).

4.3 L'art. 178 al. 3 Cst. prévoit que la loi peut confier des tâches de
l'administration à des organismes et à des personnes de droit public ou de
droit privé qui sont extérieurs à l'administration fédérale. Cette disposition
est entre autres concrétisée sur le plan fédéral par l'art. 2 al. 4 de la loi
fédérale du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de
l'administration (LOGA; RS 172.0109) (cf. ATF 136 II 399 consid. 2.2 p. 401)
et, s'agissant de la notion d'autorité administrative fédérale, par l'art. 1
al. 2 let. e PA.

5. Il convient de déterminer si la Fondation disposait d'une compétence
décisionnelle, telle que le retient l'arrêt querellé, pour condamner ses
prétendus débiteurs Y. S.à.r.l. et Z. à verser les arriérés de cotisations pour
la période allant de 2007 à 2010. A cet égard, l'art. 60 LFPr, qui traite
spécifiquement des fonds en faveur de la formation professionnelle, dispose:
" ^1 Les organisations du monde du travail actives dans le domaine de la
formation, de la formation continue à des fins professionnelles et de la tenue
d'examens peuvent créer et alimenter leurs propres fonds pour encourager la
formation professionnelle.
^2 Elles définissent les buts de leur fonds en faveur de la formation
professionnelle. Elles doivent notamment soutenir les entreprises de leur
branche pour développer la formation continue spécifique à leur domaine.
BGE 137 II 409 S. 412
^3 Sur demande de l'organisation compétente, le Conseil fédéral peut déclarer
la participation à un fonds en faveur de la formation professionnelle
obligatoire pour toutes les entreprises de la branche et contraindre ces
dernières à verser des contributions de formation (...).
^5 Le genre et le montant des contributions de formation sont fonction du
montant des contributions versées par les membres de l'organisation et
destinées à la formation professionnelle. Le Conseil fédéral en fixe le montant
maximal; celui-ci peut varier en fonction des branches (...)".

6.

6.1 Sont des décisions les actes de l'autorité qui règlent de manière
unilatérale et contraignante un rapport juridique dans un cas particulier (cf.
ATF 135 II 30 consid. 1.1 p. 32; arrêt 2C_777/2009 du 21 avril 2010 consid.
2.2, in SJ 2010 I p. 516). Dès lors que les décisions administratives sont
rendues dans l'exercice de la puissance publique et ont un caractère
exécutoire, l'existence d'une compétence décisionnelle ne peut être admise sans
autre, mais doit reposer sur une base légale suffisante (arrêt 2C_715/2008 du
15 avril 2009 consid. 3.2, in RDAF 2010 I p. 425).

6.2 La délégation de tâches publiques à un organisme extérieur à
l'administration peut comprendre implicitement le pouvoir décisionnel
nécessaire à l'accomplissement desdites tâches (cf. arrêt 2C_715/2008 du 15
avril 2009 consid. 3.2, in RDAF 2010 I p. 425), pour autant qu'une loi spéciale
ne l'exclue pas (cf. ATF 129 II 331 consid. 2.3.1 p. 338 s.; arrêt 2C_715/2008
précité, consid. 3.2).
Il y a toutefois lieu de préciser que la délégation de tâches publiques à un
organisme extérieur à l'administration n'inclut pas automatiquement le
transfert implicite d'une compétence décisionnelle. Encore faut-il que
l'exercice d'un pouvoir décisionnel s'avère indispensable pour permettre à
l'organisme délégataire de tâches publiques d'accomplir celles-ci. Le plus
souvent, la question de savoir si la délégation d'une tâche d'intérêt public
englobe celle d'une compétence décisionnelle ne pourra pas trouver de réponse
évidente dans le texte légal, de sorte qu'il conviendra de déterminer, par la
voie de l'interprétation, l'éventuelle existence et, le cas échéant, l'étendue
et le champ d'application précis d'un tel pouvoir (cf. arrêt 2C_715/2008
précité, consid. 3.2). Si, à l'issue d'une telle analyse, l'existence d'un
pouvoir décisionnel dérivant de la délégation de tâches publiques demeurait
ambiguë, seule une délégation distincte et explicite dudit pouvoir décisionnel
pourra être admise. Cela se justifie au regard des enjeux en présence, soit la
délégation d'une parcelle de puissance publique en faveur d'un organisme,
souvent de droit privé, extérieur à l'administration ainsi que la sécurité du
droit pour les administrés.
BGE 137 II 409 S. 413

6.3 En tout état, qu'une compétence décisionnelle soit expressément déléguée à
un organisme extérieur à l'administration ou qu'elle lui soit implicitement
conférée à la faveur de la délégation d'une tâche publique dont l'exécution
requerra nécessairement le transfert d'un pouvoir décisionnel audit organisme,
cette clause de délégation devra s'appuyer sur une base légale suffisante
émanant du législateur au sens formel (cf. art. 178 al. 3 Cst. et art. 2 al. 4
LOGA; voir aussi l'art. 1 al. 2 let. e PA; ATF 135 II 38 consid. 4.4 p. 45;
arrêts 2C_715/2008 précité, consid. 3.2 in fine; 2A.167/2005 du 8 mai 2006
consid. 7 et 10.2, in RDAF 2007 II p. 332; AUBERT/MAHON, in Petit commentaire
de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, 2003,
n° 11 ad art. 178 Cst. p. 1358; GIOVANNI BIAGGINI, in Die schweizerische
Bundesverfassung - Kommentar, Bernhard Ehrenzeller et al. [éd.], 2^e éd. 2008,
n^os 32 s. ad art. 178 Cst. p. 2642 s.; HÄFELIN/MÜLLER/UHLMANN, Allgemeines
Verwaltungsrecht, 6^e éd. 2010, n. 1515 p. 340 s.). A ce titre, il sied de
rappeler que, dans le cadre de la révision de la Constitution fédérale,
l'Assemblée fédérale avait, en suivant l'avis du Conseil fédéral, expressément
rejeté la proposition visant à assouplir l'exigence de la réserve de la loi qui
gouverne chaque cas concret d'externalisation de tâches de l'administration (BO
1998 CN 147 ss; BO 1998 CE 868; THOMAS SÄGESSER, Regierungs- und
Verwaltungsorganisationsgesetz RVOG, 2007, n. 94 p. 33 s.).

6.4 L'exigence d'une base légale formelle n'exclut pas que le législateur
puisse autoriser le pouvoir exécutif, par le biais d'une clause de délégation
législative, à édicter des règles de droit (art. 164 al. 2 Cst.; cf. ATF 130 I
26 consid. 5.1 p. 43) destinées à préciser les tâches publiques et les pouvoirs
y afférents que la loi a confiés à une organisation extérieure à
l'administration, ceci valant en particulier pour la délégation de tâches
publiques mineures ou purement techniques (cf. BO 1998 CN 148 s.; BIAGGINI, op.
cit., n° 33 ad art. 178 Cst. p. 2642 s.). La clause de délégation législative
en faveur du Conseil fédéral est cependant soumise à des exigences strictes
lorsqu'elle porte sur des tâches de puissance publique (BIAGGINI, ibidem) ou
lorsque les droits et obligations des personnes sont en jeu (art. 164 al. 1
let. c Cst.). Il lui faut dans un tel cas être suffisamment précise de manière
à circonscrire les lignes fondamentales de la réglementation déléguée, soit le
but, l'objet et l'étendue des pouvoirs délégués au Conseil fédéral (ATF 131 II
13 consid. 6.4.4 p. 29; ATF 130 I 26 consid. 5.1 p. 43; ATF 128 I 113 consid.
3c p. 122).
BGE 137 II 409 S. 414

7.

7.1 En tant que fondation de droit privé régie par les art. 80 ss CC, la
recourante est une organisation extérieure à l'administration au sens des art.
178 al. 3 Cst. et 2 al. 4 LOGA.

7.2 Pour savoir si la Fondation aurait dû réclamer les cotisations litigieuses
par voie de décision, comme le soutient la Cour de Justice, encore faut-il
déterminer si la recourante s'est vu confier une tâche de l'administration au
sens de l'art. 178 al. 3 Cst. (cf. consid. 7.3) et, le cas échéant, si la
délégation de cette tâche comprenait au moment déterminant, le pouvoir
implicite de rendre des décisions administratives (cf. consid. 7.4).

7.3

7.3.1 La création d'un fonds en faveur de la formation professionnelle, au sens
de l'art. 60 al. 1 LFPr, dont peuvent bénéficier les membres de toute une
branche professionnelle, poursuit assurément un but d'intérêt public. Il ne
s'ensuit toutefois pas nécessairement que l'organisation de droit privé aurait
été chargée par l'Etat d'exécuter une "tâche de l'administration" au sens de
l'art. 178 al. 3 Cst.
Contrairement à ce que retient l'arrêt 2C_58/2009 du 4 février 2010 consid.
1.3, dont il faut s'écarter sur ce point, le fonds en faveur de la formation
professionnelle mentionné à l'art. 60 al. 1 LFPr n'a pas été créé en
application d'une obligation légale; il fait partie des fonds dont la création
et l'alimentation sont laissées à la discrétion des organisations du monde du
travail ("peuvent"), sans qu'une obligation - même supplétive en cas d'absence
d'initiative privée des organisations - ne soit imposée à l'Etat. On se trouve
ainsi en présence d'une renonciation de l'Etat à accomplir lui-même une tâche
d'intérêt public, son exécution étant laissée à la libre initiative des
organismes de droit privé (cf. SÄGESSER, op. cit., n. 85 p. 31). La LFPr traite
d'ailleurs ces organisations en tant que véritables partenaires qui se
partagent non seulement la tâche de promouvoir la formation professionnelle
(art. 3 LFPr), mais également son financement (cf. ATF 137 II 399 consid. 1.2;
arrêt 2C_58/2009 du 4 février 2010 consid. 1.3).
La Cour de céans a récemment retenu que lorsque la contribution destinée à
alimenter un fonds en faveur de la formation professionnelle est réclamée par
une association (professionnelle) au sens de l'art. 60 CC à l'un de ses membres
en vertu des statuts et d'un règlement adopté en exécution de ces derniers sans
que le Conseil fédéral n'ait déclaré la participation à ce fonds obligatoire
pour toutes les entreprises de la branche (cf. art. 60 al. 3 LFPr), le rapport
BGE 137 II 409 S. 415
d'obligation et les règles qui le régissent relèvent du droit privé (ATF 137 II
399 consid. 1.5). Dans de telles circonstances, la question de savoir si
l'organisation du monde du travail qui a créé et gère ce fonds dispose d'un
pouvoir décisionnel lui permettant de contraindre des entreprises non-membres à
y cotiser, reçoit une réponse négative (ATF 137 II 399 consid. 1.5).

7.3.2 En revanche, la tâche dont l'accomplissement était initialement laissé à
l'initiative privée et au bon vouloir des organisations du monde du travail, et
par voie de conséquence assujettie au droit privé, se transforme en une tâche
de l'administration soumise au droit public fédéral lorsque le Conseil fédéral
déclare obligatoire l'alimentation dudit fonds. Dans une telle hypothèse, en
effet, l'organisation du monde du travail ne traite pas sur pied d'égalité avec
les entreprises de la branche qui n'appartiennent pas au cercle de ses membres,
mais reçoit de l'Etat, en sa qualité de partenaire de la Confédération et des
cantons dans le domaine de l'encouragement de la formation professionnelle, le
droit de percevoir une contribution auprès des entreprises concernées (cf. ATF
137 II 399 consid. 1.6 in fine). Elle exerce alors une tâche de
l'administration au sens de l'art. 178 al. 3 Cst.
L'existence d'une délégation de tâches de l'administration à une organisation
du monde du travail se laisse de plus déduire des conditions auxquelles le
Conseil fédéral est en droit d'accéder à une demande d'extension de
l'obligation de cotiser au fonds de promotion. Il faut notamment que
l'organisation dispose de sa propre institution de formation et que les
contributions soient investies dans des mesures de formation professionnelle
qui bénéficient à toutes les entreprises (art. 60 al. 4 LFPr; cf. aussi l'arrêt
2C_58/2009 du 4 février 2010 consid. 1.3 et 2). Il sied d'ajouter que
l'extension de l'obligation de cotiser au fonds de promotion vise à éviter que
les initiatives en matière de formation professionnelle qui sont lancées par
une organisation du monde du travail pour le bénéfice de toute une branche
d'activité ne soient indûment affaiblies si d'autres entreprises n'ayant pas
adhéré au fonds pouvaient librement profiter des activités de formation sans
fournir de contrepartie équitable (cf. FF 2000 5256, 5318 ss ch. 3.2).

7.3.3 En l'espèce, le Conseil fédéral a, par arrêté du 28 novembre 2008, pris
en conformité avec l'art. 60 al. 3 LFPr, procédé à une telle extension de
l'obligation de participer au Fonds national instauré par la Fondation. La
recourante doit, partant, être considérée comme la délégataire de tâches
publiques dans le domaine de la création et de la gestion d'un fonds en faveur
de la formation professionnelle.
BGE 137 II 409 S. 416

7.4 Cela étant, il faut encore que l'exercice des tâches publiques qui sont
déléguées à la recourante soit accompagné du pouvoir de rendre des décisions
administratives relatives à la perception des cotisations au Fonds national.

7.4.1 La délégation de tâches publiques et le pouvoir décisionnel accompagnant
cette dernière sont abordés de façon générale à l'art. 67 LFPr, à teneur
duquel:
"La Confédération et les cantons peuvent confier des tâches d'exécution de la
présente loi aux organisations du monde du travail. Celles-ci peuvent prélever
des émoluments pour les décisions et services rendus."
L'art. 61 al. 1 LFPr, dans sa version amendée effective à partir du 1^er
janvier 2007 (RO 2006 2246), traite également des pouvoirs décisionnels des
organisations du monde du travail, en désignant les autorités de recours contre
les décisions prises en application de la LFPr, à savoir: une autorité
cantonale désignée par le canton, pour les décisions prises par les autorités
cantonales ou par les prestataires de la formation professionnelle ayant un
mandat du canton (let. a), ou l'Office fédéral de la formation professionnelle
et de la technologie (ci-après: l'Office fédéral), pour les autres décisions
prises par des organisations extérieures à l'administration fédérale (let. b).
Les domaines dans lesquels les organisations du monde du travail peuvent
effectivement rendre des décisions ne se laissent toutefois pas expressément
déduire des art. 61 et 67 LFPr.

7.4.2 La doctrine considère en revanche que de telles clauses de délégation
topiques en faveur des organisations du monde du travail se rencontrent, en
particulier, à l'art. 28 al. 2 LFPr, aux termes duquel les organisations du
monde du travail compétentes sont chargées de réglementer les conditions
d'admission, le niveau exigé, les procédures de qualification, les certificats
délivrés et les titres décernés, ainsi qu'à l'art. 40 al. 2 LFPr, en vertu
duquel l'Office fédéral peut charger les organisations qui en font la demande
d'effectuer les procédures de qualification pour certaines régions ou pour
l'ensemble du pays (cf. HÄFELIN/MÜLLER/UHLMANN, op. cit., n. 1516 et 1524 p.
340 s.; PIERRE TSCHANNEN, in Kommentar zum Bundesgesetz über das
Verwaltungsverfahren, Auer/Müller/Schindler [éd.], 2008, ad art. 1 PA p. 39).
Ces dispositions ne sont cependant pas pertinentes au regard du cas d'espèce. A
l'inverse de ces règles, l'art. 60 LFPr ne contient pas de clause confiant
expressément et directement aux organisations du monde du travail le pouvoir de
rendre des décisions s'agissant du prélèvement des cotisations versées par les
entreprises au Fonds national.
BGE 137 II 409 S. 417

7.4.3 De surcroît, une compétence décisionnelle en faveur de la Fondation dans
le domaine des cotisations au Fonds national ne résultait pas non plus
implicitement de la législation sur la formation professionnelle dans sa
version en vigueur avant le 1^er janvier 2011.
Contrairement à ce que retient l'arrêt attaqué, le fait que l'Arrêté du Conseil
fédéral ait rendu contraignante la participation financière des entreprises de
la branche au Fonds national ne permet pas d'en déduire la compétence de la
Fondation de rendre des décisions obligeant ces entreprises à s'acquitter des
cotisations dues, en l'absence d'une disposition légale lui conférant un
pouvoir décisionnel. Une telle compétence ne s'avère en effet pas indispensable
(cf. consid. 6.2) pour recouvrer les montants dus auprès des entreprises de la
branche concernée, dès lors que la voie de l'action de droit administratif est
ouverte (cf. consid. 9.1 non publié).

7.4.4 L'absence de pouvoir décisionnel avant l'année 2011 est corroborée par la
modification de l'OFPr, intervenue le 3 décembre 2010 avec effet au 1^er
janvier 2011 (RO 2003 5047, 5070 s.). Son nouvel art. 68a concernant la
perception des cotisations (RO 2010 6005) habilite désormais expressément
l'organisation du monde du travail à ordonner le versement des cotisations sur
demande de l'entreprise ou lorsque celle-ci ne les verse pas (al. 3), et
assimile une décision de cotisations exécutoires à un jugement exécutoire au
sens de l'art. 80 LP (art. 68a al. 4 OFPr). Comme dans sa version en vigueur
depuis le 1^er janvier 2004, l'OFPr n'instaurait pas une telle compétence
décisionnelle, on peut en conclure a contrario qu'avant 2011, celle-ci
n'existait pas.

7.4.5 En outre, l'art. 68a OFPr, qui précise la portée de l'art. 60 al. 3 LFPr,
ne peut s'appliquer rétroactivement au cas d'espèce.
D'après les règles générales régissant la détermination du droit applicable,
qui se déploient en l'absence de dispositions transitoires particulières (cf.
ATF 131 V 425 consid. 5.1 p. 429), l'application d'une norme à des faits
entièrement révolus avant son entrée en vigueur est interdite (ATF 137 II 371
consid. 4.2). En dérogation à ce principe général, les nouvelles règles de
procédure s'appliquent pleinement dès leur entrée en vigueur aux causes qui
sont encore pendantes. La procédure administrative connaît néanmoins une
exception à l'application immédiate de la nouvelle procédure; celle-ci n'est
admissible que pour autant que l'ancien et le nouveau droit s'inscrivent dans
la continuité du système de procédure en place et que les modifications
procédurales demeurent ponctuelles. En revanche,
BGE 137 II 409 S. 418
l'ancien droit de procédure continue à gouverner les situations dans lesquelles
le nouveau droit de procédure marque une rupture par rapport au système
procédural antérieur et apporte des modifications fondamentales à l'ordre
procédural (cf. ATF 130 V 1 consid. 3.3.2 p. 5 s.; ATF 112 V 356 consid. 4a et
4b p. 360 s.; ATF 111 V 46 consid. 4 p. 47; PIERRE MOOR, Droit administratif,
vol. I, 1994, p. 170 ss).
En l'espèce, l'action de droit public litigieuse a été introduite par la
Fondation et jugée par le Tribunal administratif avant l'entrée en vigueur de
l'art. 68a OFPr. De plus, cette disposition a pour effet de modifier
substantiellement la procédure administrative en vigueur jusqu'au 1^er janvier
2011, dans le sens où elle abandonne le système de l'action de droit public
(cf. consid. 9.1 non publié) au profit de l'octroi d'une compétence
décisionnelle à l'organisation du monde du travail en vue de prélever des
cotisations en faveur d'un fonds professionnel. En vertu des règles de droit
intertemporel, la procédure administrative en vigueur jusqu'au 31 décembre 2010
demeure dès lors applicable au présent cas. Par ailleurs, ni les dispositions
transitoires figurant aux art. 75 à 78 OFPr ni la modification du 3 décembre
2010 (RO 2010 6005) ne prévoient une solution contraire.

7.4.6 Par conséquent, une application rétroactive de l'art. 68a OFPr au présent
litige ne peut être admise. Il en découle qu'en déclarant irrecevable l'action
de droit administratif que la recourante a formée devant lui, au motif qu'il
aurait incombé à cette dernière d'émettre une décision à l'encontre des deux
débiteurs du Fonds national, le Tribunal administratif a méconnu les règles
gouvernant la délégation de la compétence décisionnelle à un organisme
extérieur à l'administration (art. 178 al. 3 Cst.), ainsi que la garantie de
l'accès au juge de la recourante (art. 29a Cst.). L'arrêt attaqué doit donc
être annulé.

8. Dans un souci de sécurité juridique, il paraît utile de clarifier la
procédure qu'une organisation du monde du travail doit, à partir du 1^er
janvier 2011, y compris par rapport aux cotisations échues antérieurement pour
lesquelles une procédure judiciaire n'aurait pas encore été ouverte, engager à
l'égard des entreprises qui ne s'acquittent pas des cotisations en faveur d'un
fonds pour la formation professionnelle qu'un arrêté d'extension du Conseil
fédéral a rendues obligatoires. A ce titre, l'organisation du monde du travail
pourra obliger les entreprises de sa branche à verser des cotisations par le
biais d'une décision administrative, susceptible de recours auprès de l'Office
fédéral (art. 61 al. 1 let. b LFPr). La cause pourra subséquemment être portée
devant le Tribunal administratif fédéral (art. 33
BGE 137 II 409 S. 419
let. d de la loi fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal administratif fédéral
[LTAF; RS 173.32]) et, en dernier ressort, le Tribunal fédéral (art. 86 al. 1
let. a LTF).
Bien qu'une compétence décisionnelle ne puisse être déduite directement de
l'art. 60 LFPr, dont se réclame l'art. 68a OFPr, la première disposition n'en
fonde pas moins, combinée à l'art. 67 LFPr, une clause de délégation
législative suffisamment claire pour permettre au Conseil fédéral d'attribuer,
par ordonnance, un pouvoir décisionnel auxdites organisations. Partant, on peut
admettre que l'art. 68a OFPr repose sur une clause de délégation législative
suffisante et est conforme à la Constitution.