Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 137 II 152



Urteilskopf

137 II 152

12. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public dans la cause Association
Charcuterie Vaudoise IGP contre Office fédéral de l'agriculture (recours en
matière de droit public)
2C_53/2010 du 10 décembre 2010

Regeste

Art. 3 Abs. 1 lit. b und Art. 14 Abs. 1 der GUB/GGA-Verordnung; geschützte
geographische Angabe (GGA), Gesuch um Änderung des Pflichtenheftes für den
"Waadtländer Saucisson".
Übersicht über die rechtlichen Grundlagen der GUB und der GGA (E. 4).
Die Auslegung von Art. 14 Abs. 1 der GUB/GGA-Verordnung über die Änderung des
Pflichtenhefts ergibt, dass die Änderung verschiedene Herstellungsphasen eines
Erzeugnisses betreffen kann. Sie unterliegt jedoch in zweierlei Hinsicht einer
Einschränkung: Einerseits müssen die materiellen Voraussetzungen der
Verordnung, namentlich in Bezug auf die Herkunft aus einem bestimmten Gebiet,
die typischen Eigenschaften und die Herstellung des Erzeugnisses, immer erfüllt
sein; andererseits ist den Interessen der Konsumenten genügend Rechnung zu
tragen (E. 5.1-5.3).
Im vorliegenden Fall wurde das Gesuch um Zulassung von Schweineschnauze in der
Herstellung des Waadtländer Saucisson zu Recht abgelehnt (E. 5.4).

Sachverhalt ab Seite 153

BGE 137 II 152 S. 153
Le 24 septembre 2004, l'Office fédéral de l'agriculture (ci-après: l'Office
fédéral) a enregistré l'appellation "Saucisson vaudois" comme indication
géographique protégée (ci-après: IGP) et l'a inscrite, avec le cahier des
charges, dans le registre des appellations d'origine et des indications
géographiques.
Le 23 décembre 2004, l'Association Charcuterie Vaudoise IGP (ci-après:
l'Association) a déposé une demande portant sur différentes modifications du
cahier des charges du saucisson vaudois. L'une d'elles tendait à autoriser le
museau de porc dans la fabrication de ce saucisson. Après avoir consulté la
Commission des appellations d'origine et des indications géographiques
(ci-après: la Commission), l'Office fédéral, par décision du 21 juin 2007, a
rejeté la requête sur deux points, dont celui concernant l'autorisation du
museau de porc, et l'a admise pour le surplus.
Par arrêt du 1^er décembre 2009, le Tribunal administratif fédéral a rejeté le
recours de l'Association en tant qu'il avait trait à la
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modification du cahier des charges visant à autoriser le museau de porc. Il a
rappelé que l'art. 7 ch. 1 du cahier des charges, intitulé "Tri de la viande",
excluait l'utilisation de couennes dans la fabrication du saucisson. Or, le
museau de porc en contenait. Les premiers juges ont encore estimé que
l'Association ne pouvait rien tirer du fait que le principal spécialiste,
appelé à rédiger le cahier des charges dans le cadre de la demande d'IGP,
ignorait que certains charcutiers mettaient du museau de porc dans leur
saucisson.
Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.
(résumé)

Erwägungen

Extrait des considérants:

4.

4.1 Le recours porte sur la modification de l'art. 7 ch. 1 du cahier des
charges du saucisson vaudois en tant que cette disposition a trait à la
composition de ce saucisson. L'art. 7 dudit cahier, intitulé "Fabrication du
Saucisson vaudois", prévoit:
"La fabrication comporte les étapes suivantes:
1. Tri de la viande: le tri doit exclure les tendons, les couennes, les parties
sanglantes et les ganglions ainsi que les autres parties étrangères. Le rapport
entre la quantité de viande maigre et celle de lard est de 3 pour 2. (...)"
La recourante demande la suppression du mot "couennes" et l'adjonction d'une
phrase autorisant l'utilisation de museau de porc dans la fabrication du
saucisson, laquelle aurait la teneur suivante:
"L'incorporation dans la pâte d'un maximum de 6 % de museau de porc cuit et
haché à 2 mm est admise à condition que les proportions de gras, de maigre et
de collagène soient respectées. Toute adjonction de couenne hormis celle
recouvrant les tissus du museau est exclue."
La recourante explique qu'il aurait fallu plusieurs années, après l'élaboration
du cahier des charges, au chef expert de la charcuterie vaudoise pour découvrir
que certains fabricants mettaient du museau de porc dans leur saucisson
vaudois. En outre, ces fabricants ne se cantonneraient pas à la région de
Payerne mais seraient disséminés dans tout le canton de Vaud. Ces personnes
n'auraient pas fait savoir, lors de l'élaboration du cahier des charges, que
leur recette du saucisson comprenait du museau de porc car ils ne se sentaient
pas concernés par la démarche visant à obtenir une IGP et n'avaient pas
conscience des conséquences que l'obtention d'une IGP n'autorisant pas le
museau de porc aurait pour eux. En outre, contrairement à ce qu'aurait
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retenu le Tribunal administratif fédéral, ce serait involontairement que
l'utilisation du museau de porc aurait été exclue lors de la rédaction du
cahier des charges.

4.2 Bien qu'elle ne le mentionne pas expressément et que son grief se contente
d'exprimer des considérations générales, la recourante s'en prend, tout
d'abord, à la détermination des faits par le Tribunal administratif fédéral. En
effet, savoir si les personnes en charge de l'élaboration du cahier des charges
ont volontairement ou non exclu le museau de porc de la fabrication du
saucisson vaudois est une question de fait.
Selon la recourante, pour les bouchers "il est évident que museau de porc et
couenne sont deux notions - et deux matières premières de fabrication -
clairement différentes, même si les tissus du museau sont recouverts de
couenne". Partant, en excluant la couenne de la fabrication, il n'entendait pas
en faire de même pour le museau. L'argumentation de l'intéressée sur ce point
ne répond pas aux exigences de motivation (cf. art. 105 LTF et ATF 136 II 101
consid. 3 p. 104). En demandant de "mettre le groupement demandeur et son
expert au bénéfice de la bonne foi" qui veut qu'ils n'entendaient pas exclure
le museau de la fabrication du saucisson, elle se contente, en effet, d'opposer
sa version des faits à celle retenue par les premiers juges. En outre, ses
arguments sont en partie contradictoires, puisque, d'une part, comme
susmentionné, elle prétend qu'en excluant la couenne les fabricants ne
voulaient pas en faire de même avec le museau et, que, d'autre part, elle
avance que ces fabricants ne savaient pas que certains d'entre eux utilisaient
du museau. Partant, le Tribunal de céans devra se fonder sur les faits
constatés par le Tribunal administratif fédéral, soit que les personnes
appelées à élaborer le cahier des charges ont volontairement exclu le museau
comme matière première pouvant être utilisée pour la fabrication.

4.3 Afin de trancher le grief relatif à la modification du cahier des charges,
il convient d'examiner le système légal régissant les AOP et IGP.

4.3.1 L'art. 3 de l'ordonnance du 28 mai 1997 concernant la protection des
appellations d'origine et des indications géographiques des produits agricoles
et des produits agricoles transformés (ordonnance sur les AOP et les IGP ou
ci-après: l'ordonnance; RS 910.12) prévoit:
"
^1Peut être enregistré comme indication géographique le nom d'une région, d'un
lieu ou, dans des cas exceptionnels, d'un pays, qui sert à désigner un produit
agricole ou un produit agricole transformé:
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a. originaire de cette région, de ce lieu ou de ce pays;
b. dont une qualité déterminée, la réputation ou une autre caractéristique peut
être attribuée à cette origine géographique; et
c. qui est produit, transformé ou élaboré dans une aire géographique délimitée.
^2Les dénominations traditionnelles des produits agricoles ou des produits
agricoles transformés qui remplissent les conditions fixées à l'al. 1 peuvent
être enregistrées comme indications géographiques."
La procédure d'enregistrement est fixée aux art. 5 à 14 de l'ordonnance. Selon
l'art. 5 al. 1 de l'ordonnance, tout groupement de producteurs représentatif
d'un produit peut déposer une demande d'enregistrement auprès de l'Office
fédéral. L'art. 6 de l'ordonnance prescrit que la demande doit prouver que les
conditions fixées par l'ordonnance pour l'obtention de l'appellation d'origine
ou de l'indication géographique sont remplies (al. 1) et qu'elle doit être
assortie d'un cahier des charges (al. 3).
Le cahier des charges est l'élément central de l'IGP puisqu'il sert de base au
contrôle de production, transformation ou élaboration du produit par les
bénéficiaires de l'IGP (art. 18 al. 1 de l'ordonnance). A ce sujet, l'art. 7
al. 1 de l'ordonnance dispose:
"
^1Le cahier des charges comprend:
a. le nom du produit comprenant l'appellation d'origine ou l'indication
géographique;
b. la délimitation de l'aire géographique;
c. la description du produit, notamment ses matières premières et ses
principales caractéristiques physiques, chimiques, microbiologiques et
organoleptiques;
d. la description de la méthode de l'obtention du produit;
e. la désignation d'un ou plusieurs organismes de certification ainsi que les
exigences minimales relatives au contrôle;"
S'il admet une demande, après consultation de la Commission (art. 8 de
l'ordonnance), l'Office fédéral la publie dans la Feuille officielle suisse du
commerce (art. 9 de l'ordonnance). Ce n'est qu'après avoir statué sur
d'éventuelles oppositions (art. 10 et 11 de l'ordonnance) que la dénomination
est inscrite dans le registre des appellations d'origine et des indications
géographiques (art. 12 de l'ordonnance).
Selon l'art. 14 al. 1 de l'ordonnance, les modifications du cahier des charges
font l'objet de la même procédure que celle prévue pour les enregistrements,
soit les art. 5 à 14 de l'ordonnance.
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4.3.2 L'Office fédéral de l'agriculture a édité un guide, daté d'août 2009,
pour le dépôt d'une demande d'enregistrement ou d'une demande de modification
de cahier des charges (ci-après: le guide). Ce guide, qui n'a pas force de loi
et ne lie pas le Tribunal fédéral, souligne que les critères fixés dans les
cahiers des charges lors de l'enregistrement ne sont pas forcément définitifs
et qu'ils peuvent être modifiés à la demande des filières lorsqu'elles le
jugent nécessaire. Il précise, toutefois, qu'une demande de modification de ce
cahier ne constitue pas une simple formalité puisqu'elle fait l'objet de la
même procédure que celle prévue pour les enregistrements. Toujours selon le
guide, les "exigences requises doivent correspondre aux conditions fixées par
la base légale et être suivies par l'ensemble des acteurs d'une même filière
concernés par les modifications demandées". Il s'agit donc d'une démarche
collective et il est important, dès lors, que la procédure soit bien comprise
de l'intérieur de la filière. En outre, l'Office fédéral relève que si la
nature de la demande de modification vise à affaiblir le cahier des charges au
point que les critères destinés à forger la typicité du produit ne seraient
plus remplis, le groupement demandeur doit s'attendre à un rejet de la demande.
En effet, l'Office fédéral examine si de manière générale la demande ne remet
pas en question la dénomination protégée (guide p. 16).
A titre indicatif, on peut aussi se référer aux rapports d'activité édités
chaque année par la Commission. Cette Commission est instituée par le
Département fédéral de l'économie et elle conseille l'Office fédéral dans
l'exécution de l'ordonnance sur les AOP et les IGP (art. 22 de l'ordonnance).
Dans son rapport 2006, la Commission mentionne que les cas qui lui sont soumis
ont évolué au fil des ans. En effet, les demandes portaient, au début de son
activité, sur la reconnaissance de nouveaux cahiers des charges; par la suite,
les requêtes ont touché de plus en plus à la modification de ces cahiers. A cet
égard, le rapport 2006 souligne qu'il s'agit de garder le "haut niveau exigé au
moment de l'enregistrement et non de le baisser après coup. En même temps, il
ne faut pas mettre en danger la fabrication de produits enregistrés en posant
des exigences surfaites". Le rapport 2007 souligne qu'il faut "concilier les
souhaits de modification présentés par les groupements avec les dispositions de
l'ordonnance sur les AOP et IGP. La question se pose souvent de savoir s'il
s'agit de pur opportunisme ou de revendications justifiées qui, si elles
n'étaient pas prises en compte, mettraient en cause l'existence du
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produit proposé. Cette pondération exige des connaissances techniques
approfondies du procédé de fabrication et du produit final, car il convient de
tenir compte à la fois des besoins du groupement et de ceux du marché, pour
autant qu'ils ne sortent pas du cadre de l'ordonnance sur les AOP et IGP". Le
rapport 2008 précise que dans la mesure où les changements demandés sont des
changements formels qui conduisent à une épuration du cahier des charges, la
Commission n'a rien à objecter. Par contre, lorsque le changement requis
"pourrait conduire à un amoindrissement de la qualité ou de la typicité du
produit, la Commission est beaucoup moins disposée à accepter de tels
changements. Partant du principe que les cahiers des charges ont été
soigneusement examinés par le groupement concerné avant d'être présentés, elle
estime qu'ils ne nécessitent pas de changements notables peu de temps après
leur enregistrement". A titre d'exemples, la Commission a refusé la
modification proposant que les boîtes contenant le Vacherin Mont-d'Or soient
fabriquées à l'extérieur de l'aire géographique. Elle s'est également prononcée
contre celle qui voulait, d'une part, réduire la durée d'affinage du Berner
Alpkäse et, d'autre part, ajouter de la crème dans sa composition. La
Commission a, par contre, accepté d'ajouter à la protection du fromage Tête de
Moine, la rosette obtenue en tournant la girolle.

5.

5.1 L'art. 14 al. 1 de l'ordonnance relatif à la modification du cahier des
charges se contente de renvoyer à la procédure prévue pour les enregistrements.

5.2 Le Message du 27 juin 1995 concernant le paquet agricole 95 (FF 1995 IV
621; ci-après: le Message) ne donne pas beaucoup plus d'indications sur les
conditions auxquelles sont soumises les modifications du cahier des charges. Il
précise que ce cahier, que s'imposent volontairement les partenaires de la
filière, "décrit le produit, c'est-à-dire les matières premières et les
principales caractéristiques dudit produit. Ce cahier indique également la
méthode d'élaboration et précise s'il existe des méthodes locales et
constantes. Ces critères servent à éviter une banalisation du produit doté
d'une appellation d'origine ou d'une indication géographique. Par contre, ils
ne fixent pas définitivement un mode de production, le cahier des charges
pouvant toujours être adapté en fonction de l'évolution technique" (FF 1995 IV
651 ch. 212).
Ainsi, le Message ne parle que de la modification du mode de production arrêté
dans le cahier des charges. On pourrait en conclure
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qu'en ne citant que cet exemple le Conseil fédéral a voulu limiter les
modifications aux cas où une IGP doit pouvoir s'adapter à l'évolution
technique, faute de quoi elle deviendrait désuète et risquerait de ne plus être
utilisée. Aucun autre élément ne vient pourtant corroborer une telle
interprétation restrictive. L'interprétation historique ne permet donc pas de
cerner plus précisément l'art. 14 al. 1 de l'ordonnance.

5.3

5.3.1 L'art. 14 al. 1 de l'ordonnance renvoie à la procédure prévue pour les
enregistrements. La section 2 de l'ordonnance, intitulée "Procédure
d'enregistrement", contient les art. 5 à 14 qui ne traitent pas uniquement de
la procédure au sens formel du terme mais qui font également référence aux
conditions de fond que doit remplir une demande d'enregistrement. En effet,
l'art. 6 al. 1 de l'ordonnance décrète que la demande d'enregistrement doit
prouver que les conditions fixées par l'ordonnance pour l'obtention de
l'appellation d'origine ou de l'indication géographique sont remplies. Ces
conditions de fond concernent plusieurs éléments de la requête d'enregistrement
(cf., à cet égard, MEISSER/ASCHMANN, Herkunftsangaben und andere geographische
Bezeichnungen, in SIWR vol. III/2, von Büren/David [éd.], 2^e éd. 2005, p. 298
ss; LORENZ HIRT, Der Schutz schweizerischer Herkunftsangaben, 2003, p. 126 ss;
SIMON HOLZER, Geschützte Ursprungsbezeichnungen (GUB) und geschützte
geographische Angaben (GGA) landwirtschaftlicher Erzeugnisse, 2005, n° 4.2 p.
249 ss) comme, par exemple, la représentativité du groupement qui dépose la
demande (cf. art. 5 de l'ordonnance). Les conditions matérielles ayant trait au
produit lui-même, qui est seul ici en cause, sont les suivantes:
- le produit doit venir d'une certaine région, lieu ou pays (art. 3 al. 1 let.
a de l'ordonnance et art. 6 al. 2 let. d de l'ordonnance),
- le produit doit avoir une qualité déterminée, une réputation ou une autre
caractéristique, soit un élément qui définit la typicité dont il doit faire
preuve, qui peut être attribuée à cette origine (art. 3 al. 1 let. b et art. 6
al. 2 let. e et g de l'ordonnance),
- le produit doit être fabriqué dans une aire géographique délimitée (art. 3
al. 1 let. c de l'ordonnance).
En outre, l'art. 17a al. 2 de l'ordonnance, traitant des produits non conformes
au cahier des charges, prévoit que lorsque ce cahier est modifié selon l'art.
14 al. 1, les produits agricoles et les produits
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agricoles transformés peuvent encore être fabriqués, conditionnés, étiquetés et
commercialisés selon l'ancien droit pendant deux ans à compter de la date de
publication des modifications. Il ressort donc de cette disposition que la
modification peut toucher les différentes étapes de production d'un produit,
soit la fabrication, le conditionnement, l'étiquetage et la commercialisation.

5.3.2 Il s'agit encore de relever que les prescriptions en matière d'IGP ont,
entre autres buts, celui de garantir une certaine authenticité des produits,
notamment leur qualité et leur provenance. Ainsi, les intérêts en cause ne sont
pas uniquement ceux des producteurs qui utilisent l'IGP mais également ceux des
consommateurs qui s'attendent à avoir un produit d'une certaine qualité (YVES
DONZALLAZ, Traité de droit agraire suisse: droit public et droit privé, tome 1,
2004, p. 194 ss).

5.3.3 Ainsi, il ressort d'une interprétation systématique et téléologique que,
si la modification peut toucher les différentes étapes de production d'un
produit (cf. art. 17a al. 2 de l'ordonnance), elle est limitée à deux égards.
D'une part, les intérêts des consommateurs doivent être pris en compte. D'autre
part, les conditions de fond fixées dans l'ordonnance doivent toujours être
remplies (art. 6 al. 1 de l'ordonnance) et ces conditions englobent celles
relatives au produit lui-même décrites à l'art. 3 de l'ordonnance. Il ne faut,
à cet égard, pas oublier que, lors d'une demande de modification, la situation
est différente de celle existant au moment d'une demande d'enregistrement,
puisqu'une IGP existe déjà, qu'un cahier des charges a préalablement été
élaboré et enregistré et que ce cahier définit, notamment, la qualité et la
typicité du produit.

5.4

5.4.1 En l'espèce, la modification requise consiste à autoriser le museau de
porc comme ingrédient entrant dans la composition du saucisson vaudois. Pour ce
saucisson, la matière première est un mélange de viande de porc dont les
caractéristiques chimiques sont décrites à l'art. 4 du cahier des charges: il
doit comprendre au minimum 60 % de viande maigre, dont la quantité de protéines
totales est de 14 % au minimum et celle du collagène représente au maximum 20 %
des protéines totales. La fabrication (art. 7 du cahier des charges) du
saucisson comprend, notamment, les étapes du tri de la viande (ch. 1) et de la
préparation (ch. 2). L'art. 7 ch. 1 précise que les tendons, les couennes, les
parties sanglantes, les ganglions, ainsi que les autres parties étrangères du
porc doivent être exclus de la
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préparation. Cet article définit ainsi la qualité du saucisson vaudois au sens
de l'art. 3 al. 1 let. b de l'ordonnance pour laquelle l'IGP a été octroyée. Il
a été rédigé par l'Association et a, en quelque sorte, été entériné par
l'Office fédéral lorsque l'IGP a été enregistrée.
En élaborant le cahier des charges, qui est l'élément central d'une demande
d'IGP (HIRT, op. cit., p. 137; HOLZER, op. cit., p. 315), la recourante a
expressément exclu la couenne de la composition du saucisson vaudois. Ce point
est important car il ressort du procès-verbal de la séance du 15 janvier 2007
de l'Office fédéral de l'agriculture, durant laquelle ledit Office a décidé de
suivre la recommandation de la Commission de rejeter la demande relative au
museau, qu'il "n'est techniquement pas possible de déterminer si les couennes
qui se trouveraient dans le saucisson proviendraient de museaux de porc ou
seraient d'autres couennes". La qualité du saucisson pourrait ainsi être mise
en danger par l'autorisation du museau puisque le saucisson pourrait contenir
de la couenne autre que celle du museau sans que cela soit détectable et alors
qu'il est admis par tous qu'il ne doit pas en comporter.
De plus, la station de recherche Agroscope Liebefeld-Posieux ALP a procédé à
une étude quant à l'impact de l'ajout de museau dans le saucisson vaudois. Son
rapport du 26 juin 2009 arrive à la conclusion qu'un tel ajout de 8 % modifie
légèrement ("nur vereinzelt signifikant") les propriétés sensorielles du
saucisson. En outre, il mentionne une différence de la composition chimique du
saucisson puisque l'adjonction de museau entraîne une augmentation
significative des protéines du collagène. Ainsi, le museau de porc a des
conséquences sur la qualité du saucisson. Or, la Commission ainsi que l'Office
fédéral, qui sont les plus à même d'évaluer l'impact du museau sur la qualité
du saucisson, ont jugé qu'une telle altération de la qualité ne pouvait être
entérinée par une modification du cahier des charges. Ce cahier est, en effet,
la garantie d'un certain standard, lequel pourrait ne plus être atteint si le
cahier était changé. Tel serait le cas en l'espèce puisque le museau altère la
qualité du saucisson. La recourante reconnaît d'ailleurs elle-même qu'il
résulte d'une dégustation comparative effectuée que, si le "saucisson avec
museau se pèle mieux et tient mieux à la coupe ... son goût est légèrement
moins bien évalué". A cet égard, il est révélateur, comme le relève le rapport
d'activité 2006 de la Commission, que, selon la recourante, la pratique
consistant à utiliser le museau dans le saucisson aurait toujours existé mais
qu'elle n'avait pas été communiquée aux
BGE 137 II 152 S. 162
consommateurs "afin d'éviter tout risque en matière d'image". Compte tenu de
ces éléments, on ne peut considérer que l'utilisation de museau serait dans
l'intérêt des consommateurs.
A titre de comparaison, on peut signaler que la demande de modification de la
recourante portait également sur l'art. 7 ch. 2 du cahier des charges relatif à
la préparation du saucisson vaudois. Cet article mentionne que "les épices de
base sont le sel de cuisine et le poivre. Les épices pouvant être prises en
considération sont l'ail, la coriandre, la lie de vin et le vin blanc. Les
additifs pouvant être pris en considération sont le sel nitrité (E 250), les
acidifiants (E 331 ou E 575), les antioxydants (E 300 ou E 301), le lactose, le
glucose, le saccharose et l'exhausteur de goût (E 621)...". L'Association
souhaitait également autoriser l'utilisation, dans la préparation, de sel de
cuisine additionné de salpêtre et de deux antioxydants (E 304 et E 307). La
modification de l'art. 7 ch. 2 du cahier des charges a été admise dans ce sens.
A la différence du museau de porc, il a été jugé que le sel additionné de
salpêtre et les antioxydants n'altéraient pas la qualité du saucisson. En
outre, ces ingrédients ne sont que secondaires en comparaison de la matière
première qu'est le porc et le tri de la viande. Finalement, la rédaction même
de l'art. 7 ch. 2 du cahier des charges marque une différence avec l'art. 7 ch.
1 de ce cahier puisque le ch. 2 a le caractère d'une norme potestative
("Kann-Vorschrift"), qui laisse le choix au fabricant d'utiliser les
ingrédients mentionnés ou non, alors que le ch. 1, relatif au tri de la viande,
est impératif.
Comme susmentionné, l'Office fédéral, soit une autorité dont le Tribunal
fédéral - qui fait preuve de retenue sur des questions d'ordre technique (ATF
134 III 193 consid. 4.4 p. 199; ATF 125 II 643 consid. 4a p. 651 ss.) - prend
en compte le pouvoir d'appréciation étendu en la matière, sur proposition de la
Commission, n'a pas voulu une modification du cahier des charges sur un point
touchant à la qualité du produit et qui pourrait la modifier. Dès lors que,
d'une part, l'IGP a été enregistrée pour un saucisson ne contenant pas de
couenne et que le museau en contient et que, d'autre part, cet ingrédient
modifie la qualité du saucisson, en admettre l'adjonction dans le saucisson
vaudois reviendrait à violer l'art. 3 al. 1 let. b de l'ordonnance. Partant,
les conditions fixées par l'ordonnance (art. 6 al. 1 de l'ordonnance),
auxquelles l'art. 14 de l'ordonnance soumet les demandes de modification, ne
seraient pas respectées.
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5.4.2 La recourante prétend que l'adjonction du museau est une pratique locale,
loyale et constante (cf. art. 6 al. 2 let. f et g de l'ordonnance) et qu'à ce
titre la modification du cahier des charges devrait être admise.
Le cahier des charges ne mentionne pas que le saucisson vaudois peut
facultativement contenir du museau de porc et cet ingrédient en a été
volontairement exclu (cf. consid. 4.2). Ces faits suffisent à démontrer que
l'utilisation du museau n'est pas une pratique locale, loyale et constante.
Ceci est d'ailleurs corroboré par la demande d'IGP pour la saucisse aux choux
vaudoise que la recourante a déposée parallèlement à celle du saucisson
vaudois. En effet, l'art. 7 du cahier des charges de la saucisse aux choux,
intitulé "Etapes de fabrication", sous sa lettre b "Tri de la viande", prévoit:
"Le tri doit exclure les tendons, les parties sanglantes, les ganglions et les
autres parties étrangères. Le mélange de viande de porc maigre, de lard, de
couennes cuites et de choux blanchis doit permettre de respecter les valeurs
d'analyse. Ce mélange peut contenir facultativement du foie, du museau cuit, du
coeur, de la langue, de la tête désossée ou de la bordure de lard."
Ainsi, non seulement cette disposition ne mentionne pas les couennes comme
matière première à exclure de la fabrication, contrairement à l'art. 7 ch.1 du
cahier des charges du saucisson vaudois, mais elle précise que le mélange de
viande peut contenir facultativement, entre autres parties du porc, du museau
cuit. Ces éléments confirment que la recourante a jugé que le saucisson
vaudois, dans sa typicité (cf. consid. 5.3.1 et art. 3 al. 1 let. b de
l'ordonnance), au contraire de la saucisse au choux, ne contenait ni couenne ni
museau. Au demeurant, selon le recourante elle-même, seuls certains fabricants
mettent du museau dans leur saucisson. Il ne s'agit donc pas d'une pratique
généralisée. Si tel avait été le cas, et compte tenu du fait qu'une demande
d'IGP doit être déposée par un groupement représentatif, le museau aurait été
mentionné comme partie entrant dans la fabrication du saucisson. Par
conséquent, l'utilisation de museau ne peut être considérée comme une pratique
locale, loyale et constante.

5.4.3 Les considérations susmentionnées, ajoutées au fait que la demande de
modification est survenue que très peu de temps après l'enregistrement de l'IGP
- celui-ci date du 29 septembre 2004 et la demande du 23 novembre 2004 -
suffisent à sceller le sort du recours et le Tribunal fédéral ne se prononcera
pas sur l'argument de la recourante tendant à prouver qu'il est possible
d'ajouter du museau
BGE 137 II 152 S. 164
au saucisson tout en restant dans "la plage de conformité, représentée en vert
sur le modèle de rapport de test du produit tiré des paramètres du cahier des
charges".

5.5 En conclusion, c'est à bon droit que le Tribunal administratif fédéral a
rejeté la demande de modification tendant à autoriser le museau de porc dans la
composition du saucisson vaudois. Le grief de la recourante tiré d'une mauvaise
application du droit fédéral doit dès lors être rejeté.