Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 137 III 503



Urteilskopf

137 III 503

74. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit civil dans la cause X. SA contre
Y. AG (recours en matière civile)
4A_350/2011 du 13 octobre 2011

Regeste

Übertragung der Geschäftsführung durch den Verwaltungsrat; Kompetenz der
Generalversammlung betreffend Übertragung der Geschäftsführung (Art. 627 Ziff.
12, Art. 716 Abs. 2 und Art. 716b Abs. 1 und 2 OR).
Der Begriff der Geschäftsführung im Sinne von Art. 716 Abs. 2 OR betrifft das
interne Verhältnis des Geschäftsführers zur Gesellschaft (E. 3.1).
Übertragung der Geschäftsführung durch einen Managementvertrag (E. 3.2 und
3.3).
Die Delegation der Geschäftsführung setzt ausser einer Grundlage in den
Statuten einen Beschluss des Verwaltungsrats in Form des Erlasses eines
Organisationsreglements voraus, wobei die Urkunde darüber nicht
notwendigerweise förmlich als solches bezeichnet werden muss (E. 3.4).
Der Verwaltungsrat kann die Aufnahme eines Geschäfts in die Traktandenliste der
Generalversammlung verweigern, das von seinem Inhalt her zweifellos nicht in
die Kompetenz der Generalversammlung fällt. Sobald allerdings darüber
irgendwelche Zweifel bestehen, hat er das Geschäft zu traktandieren (E. 4.1).
Die dem Verwaltungsrat gewährte Befugnis zur Übertragung der Geschäftsführung
kann Einschränkungen unterworfen werden, um insbesondere die
Minderheitsaktionäre zu schützen (E. 4.2).
Der Verwaltungsrat kann darauf verzichten, die Geschäftsführung zu übertragen,
wenn er der Meinung ist, die dafür von der Generalversammlung auferlegten
Bedingungen seien nicht akzeptabel (E. 4.3).

Sachverhalt ab Seite 504

BGE 137 III 503 S. 504

A.

A.a La société X. SA (ci-après: X.), dont le siège est à E., a été inscrite au
registre du commerce le 25 mai 2007; elle a pour but d'acquérir, vendre et
gérer tous types d'investissements sous forme de participation au capital de
sociétés (capital-investissement ou "private equity") dans les pays de la
Communauté des Etats indépendants (CEI) et les Etats baltes.

Erwägungen

A teneur de l'art. 12 de ses statuts, adoptés le 9 janvier 2008, l'assemblée
générale est le pouvoir suprême de ladite société (al. 1) et
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a le droit inaliénable (al. 2) notamment d'adopter et de modifier les statuts,
sous réserve des art. 652g et 653g CO (ch. 1), de nommer et de révoquer les
membres du conseil d'administration, de l'organe de révision et, lorsque la loi
le prescrit, les réviseurs des comptes de groupes (ch. 2), de donner décharge
aux membres du conseil d'administration (ch. 5) et de prendre toutes les
décisions qui lui sont réservées par la loi ou les statuts (ch. 6). Aux termes
de l'art. 13, l'assemblée générale ordinaire a lieu chaque année dans les six
mois qui suivent la clôture de l'exercice social (al. 1); des assemblées
générales extraordinaires sont convoquées aussi souvent qu'il est nécessaire,
notamment dans les cas prévus par la loi (al. 2). Conformément à l'art. 14, un
ou plusieurs actionnaires représentant ensemble 10 % au moins du
capital-actions peuvent requérir la convocation de l'assemblée générale (al.
2); en outre, les actionnaires dont les actions totalisent une valeur nominale
d'un million de francs peuvent requérir l'inscription d'un objet à l'ordre du
jour (al. 3); la convocation et l'inscription d'un objet à l'ordre du jour
doivent être requises par écrit en indiquant les objets de discussion et les
propositions (al. 4). Selon l'art. 23, le conseil d'administration de la
société se compose d'un ou de plusieurs membres qui doivent être actionnaires
et qui sont nommés par l'assemblée générale. L'art. 27 prévoit que le conseil
d'administration peut prendre des décisions sur toutes les affaires qui ne sont
pas attribuées à un autre organe par la loi ou les statuts (al. 1); il gère les
affaires de la société dans la mesure où il n'en a pas délégué la gestion (al.
2); il a notamment les attributions intransmissibles et inaliénables suivantes
(al. 3): exercer la haute direction de la société et établir les instructions
nécessaires (ch. 1), fixer l'organisation (ch. 2), nommer et révoquer les
personnes chargées de la gestion et de la représentation (ch. 4), exercer la
haute surveillance sur les personnes chargées de la gestion pour s'assurer
notamment qu'elles observent la loi, les statuts, les règlements et les
instructions données (ch. 5). En vertu de l'art. 28, le conseil
d'administration peut confier la gestion et la représentation de la société à
un ou plusieurs de ses membres (délégués) ou à des tiers (directeurs), qui
n'ont pas besoin d'être actionnaires, conformément au règlement d'organisation
(al. 1); le conseil d'administration confère la signature sociale (al. 2) et
peut nommer des fondés de procuration et d'autres mandataires commerciaux (al.
3); un membre au moins du conseil d'administration doit avoir qualité pour
représenter la société (al. 4).
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La société Y. AG (ci-après: Y.), qui a été créée en 1972 et dont le siège est à
F., est également active dans la finance, notamment par sa participation dans
d'autres sociétés.

A.b X. est dotée d'un capital-actions de 32'790'584 fr. 80, intégralement
libéré, divisé en 2'644'402 actions au porteur d'une valeur nominale de 12 fr.
40. Le capital-actions de X. est détenu à raison de 33,76 % par Y. et à raison
de 54,40 % par Z. AG et sa filiale à 100 %, soit Z.A. Limited.
Depuis la constitution de X., A. avait représenté Y. au conseil
d'administration de X., organe qu'il a présidé jusqu'au 31 décembre 2008, date
de la prise d'effet de sa démission. Le conseil d'administration de la société
X. est actuellement composé de B., président, et de C. B. est en outre "gérant"
de Z. AG et a des responsabilités dans différentes sociétés du groupe Z.; ainsi
Z. AG est contrôlée par W. SA dont les droits de vote sont détenus à 72,6 % par
B.

A.c Par contrat du 15 novembre 2007, intitulé "Investment Management
Agreement", X. a désigné Z.A. Limited gérant discrétionnaire de ses comptes
("discretionary manager of the Accounts"), l'autorisant à sous-déléguer cette
tâche. Il est stipulé en particulier dans cet acte que le gérant bénéficie des
pleins pouvoirs et de l'autorité, sans autre approbation de X., pour effectuer
notamment toutes les transactions entrant dans le cadre des objectifs et
politiques d'investissement énoncés par X., conclure et signer tous les
documents au nom de celle-ci et prendre toutes les autres mesures jugées
nécessaires ou souhaitables par le gérant afin de réaliser ses tâches; le
gérant s'engage à nommer un comité d'investissement, composé d'au moins trois
de ses dirigeants ou de ses sous-conseillers désignés en accord avec X.; le
gérant doit rendre des rapports et fournir des informations sur ses activités à
un ou plusieurs administrateurs de X., de même que, dans une certaine mesure, à
une société fiduciaire tierce.

A.d En vue de l'organisation de l'assemblée générale ordinaire de l'exercice
2009 de X., Y. s'est adressée au conseil d'administration de X., par lettres
des 28 avril et 21 mai 2010, afin de faire figurer à l'ordre du jour les sept
objets suivants: réduction du capital pour le remboursement du capital-actions
nominal (1); annulation du capital conditionnel stipulé à l'art. 8 des statuts
(2); versement d'un dividende (3); indépendance des administrateurs du gérant
des investissements (4); suppression de la voix prépondérante du président
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d'une assemblée des actionnaires ou d'une séance du conseil d'administration
(5); indépendance du gérant des investissements de la société, avec proposition
d'ajouter le paragraphe suivant à l'art. 41 des statuts: "Le gérant des
investissements (ou, respectivement, la société gérante des investissements) de
la Société doit remplir les mêmes critères d'indépendance par rapport à la
Société que ceux que les auditeurs doivent remplir en vertu de l'article 728
CO" (6); nomination d'un expert indépendant dans le sens de l'art. 731a al. 3
CO (7).
Le 27 mai 2010, le président du conseil d'administration de X. a répondu à Y.
que tous les objets énumérés dans ses lettres seraient portés à l'ordre du jour
de l'assemblée générale ordinaire prévue le 24 juin 2010, hormis le point 6, au
motif qu'il n'était pas possible de mettre dans les statuts des critères de
sélection du gérant des investissements de X., car le choix d'un tel gérant
ressortissait à la compétence exclusive du conseil d'administration, laquelle
ne pouvait être limitée statutairement en droit suisse.
Le 31 mai 2010, Y. a contesté la position juridique de X. et a maintenu sa
demande de voir figurer à l'ordre du jour de l'assemblée générale ordinaire le
point 6 sus-décrit.
L'assemblée générale ordinaire de X. s'est tenue le 24 juin 2010. Elle a
approuvé les comptes 2009, donné décharge aux membres du conseil
d'administration, réélu les administrateurs B. et C. et élu à cette charge D.;
ladite assemblée générale a également refusé toutes les propositions de Y.
conformément aux recommandations du conseil d'administration et rejeté une
proposition de contrôle spécial faite par cette société au cours de
l'assemblée.

B. Par requête du 20 août 2010 déposée devant le Tribunal de première instance
de Genève, Y. a conclu, principalement, que soit ordonnée la convocation d'une
assemblée générale extraordinaire de X. afin que celle-ci adopte, en tant
qu'art. 41 sous le titre VII des statuts de ladite société, la disposition
suivante: "Le gérant des investissements (ou, respectivement, la société
gérante des investissements) de la Société doit remplir les mêmes critères
d'indépendance par rapport à la Société que les auditeurs doivent remplir en
vertu de l'article 728 CO".
La défenderesse X. a conclu au déboutement de Y. de toutes ses conclusions.
BGE 137 III 503 S. 508
Par jugement du 13 décembre 2010, le Tribunal de première instance a
entièrement débouté Y.
Saisie d'un appel de la demanderesse, la Chambre civile de la Cour de justice
du canton de Genève, par arrêt du 2 mai 2011, a annulé le jugement du 13
décembre 2010 et, statuant à nouveau, ordonné au conseil d'administration de la
défenderesse de soumettre à l'assemblée générale des actionnaires l'adoption,
en tant qu'art. 41 sous le titre VII des statuts, de la disposition statutaire
suivante sur laquelle il devra être voté dans les 60 jours qui suivront la
notification de l'arrêt cantonal: "Le gérant des investissements (ou,
respectivement, la société gérante des investissements) de la société doit
remplir les mêmes critères d'indépendance par rapport à la société que ceux que
les auditeurs doivent remplir en vertu de l'article 728 CO".

C. X. exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre l'arrêt
précité. Dans ses conclusions principales, la recourante requiert l'annulation
de cet arrêt, qu'il soit dit et constaté que le conseil d'administration de X.
n'a pas à soumettre au vote de l'assemblée générale des actionnaires l'adoption
de la disposition statutaire, en tant qu'article 41 sous le titre VII des
statuts, ayant le contenu qui suit: "Le gérant des investissements (ou,
respectivement, la société gérante des investissements) de la société doit
remplir les mêmes critères d'indépendance par rapport à la société que ceux que
les auditeurs doivent remplir en vertu de l'article 728 CO ", et que Y. soit
déboutée de toutes autres, contraires ou plus amples conclusions. Dans ses
conclusions subsidiaires, la recourante sollicite l'annulation de l'arrêt
entrepris, le renvoi de la cause à la Cour de justice pour nouvelle décision
dans le sens des considérants et le déboutement complet de l'intimée.
L'intimée propose principalement l'irrecevabilité du recours, subsidiairement
son rejet.
Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.
(résumé)
Extrait des considérants:

3. A suivre la recourante, le contrat dit d'"Investment Management Agreement"
du 15 novembre 2007 qui confie à Z.A. Limited la gestion des avoirs de la
défenderesse ne constituerait qu'un contrat de mandat "standard" conclu par
celle-ci avec une société tierce. Il n'aurait jamais été question de délégation
de la gestion,
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puisqu'aucun règlement d'organisation n'aurait été établi par son conseil
d'administration. La modification statutaire proposée par l'intimée ne
s'inscrirait pas dans le cadre de la délégation de gestion de l'art. 716b CO,
de sorte que la cour cantonale aurait enfreint le droit fédéral en jugeant de
son admissibilité à la lumière de cette norme.

3.1 La notion juridique de "gestion" de la société anonyme au sens de l'art.
716 al. 2 CO n'est pas définie par la loi. Au sens étroit, la gestion concerne
les rapports sur le plan interne entre la société et son gérant
(Geschäftsführer). Au sens large, elle comprend, outre l'aspect interne en
question, l'exercice des fonctions du gérant dans les rapports qu'il noue avec
les tiers (aspect dit externe) (cf. sur cette distinction sémantique:
FORSTMOSER ET AL., Schweizerisches Aktienrecht, 1996, § 30 n° 77; PETER/
CAVADINI, in Commentaire romand, Code des obligations, vol. II, 2008, n° 1 ad
art. 716b CO; MEIER-HAYOZ/FORSTMOSER, Schweizerisches Gesellschaftsrecht, 10^e
éd. 2007, § 2 n° 113).
Il est reconnu en doctrine que la notion de gestion telle que l'entend l'art.
716 al. 2 CO n'est pas comprise dans son acception large, mais bien au sens
étroit (aspect dit interne), lequel concerne les activités du gérant au sein de
la société (PETER/CAVADINI, op. cit., n° 1 ad art. 716b CO; FORSTMOSER ET AL.,
op. cit., § 30 n° 78; ROLAND VON BÜREN ET AL., Grundriss des Aktienrechts, 2^e
éd. 2007, n° 629 p. 132; MICHAEL WEGMÜLLER, Die Ausgestaltung der Führungs- und
Aufsichtsaufgaben des schweizerischen Verwaltungsrates, 2008, p. 92/93).

3.2 Il a été retenu que le capital-actions de la recourante est principalement
réparti entre trois sociétés, à savoir l'intimée, Z. AG et Z.A. Limited. Dans
un tel groupe de sociétés (Konzern), la gestion des affaires sociales peut être
déléguée, par contrat de management, à une société interne à ce groupe, placée
sous le contrôle de la société gérée, ou au contraire qui domine celle-ci;
cette société délégataire de la gestion est alors définie comme une société de
gestion (Management company; Managementgesellschaft) (cf. PETER BÖCKLI,
Schweizer Aktienrecht, 4^e éd. 2009, § 13 n° 558; WATTER/ROTH PELLANDA, in
Basler Kommentar, Obligationenrecht, vol. II, 3^e éd. 2008, n° 12 ad art. 716b
CO; VENTURI/BAUEN, Le conseil d'administration, 2007, ch. 429 p. 127/128).
Il est également loisible à une société de passer un contrat de mandat avec une
autre personne morale, en particulier si la première
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société cherche à confier à la seconde des tâches limitées dans le temps ou
restreintes du point de vue de leur contenu (ERIC HOMBURGER, Zürcher Kommentar,
1997, n° 758 ad art. 716b CO).
Cela posé, il faut examiner si, en concluant le contrat d'"Investment
Management Agreement" du 15 novembre 2007, la recourante, par son conseil
d'administration, a voulu déléguer à une société tierce la gestion des affaires
sociales par le mécanisme de l'art. 716b CO, comme l'a retenu l'autorité
cantonale, ou a simplement chargé, par contrat de mandat (art. 394 al. 1 CO),
un tiers de gérer certaines des affaires entrant dans son but social, ainsi que
le prétend la défenderesse.

3.3 Le contrat du 15 novembre 2007 a été noué entre la recourante et Z.A.
Limited; cette dernière société et Z. AG sont les actionnaires majoritaires de
la recourante.
La défenderesse a pour but de vendre et gérer des investissements effectués
sous la forme de prises de participation dans le capital d'autres sociétés. Par
le contrat du 15 novembre 2007 en question, Z.A. Limited est désignée gérante
discrétionnaire de l'ensemble des comptes de la recourante. Il est précisé dans
cette convention que la gérante a tout pouvoir, sans obtenir une nouvelle
approbation de la recourante, pour réaliser la totalité des transactions
susceptibles d'entrer dans le cadre de la politique d'investissement énoncé par
la défenderesse. A cette fin, la gérante peut prendre toutes les mesures
qu'elle estimera utiles pour réaliser les tâches prévues par ledit contrat.
A considérer l'importance de la mission qui est confiée à la gérante, laquelle
recouvre l'intégralité des affaires que la recourante doit effectuer en vertu
de son but social, il n'est pas possible d'admettre que celle-ci a conféré à
celle-là, par un contrat de mandat, l'accomplissement d'investissements bien
délimités, matériellement ou temporellement. La recourante a au contraire
conclu un contrat de management avec Z.A. Limited, société dominée par
l'actionnaire majoritaire de la première. Autrement dit, le conseil
d'administration de la recourante a délégué la gestion des affaires sociales à
la société susnommée, dans le sens de l'art. 716b CO.

3.4 Selon l'art. 716b al. 1 CO, les statuts doivent autoriser le conseil
d'administration à déléguer la gestion. En l'occurrence, on trouve la base
statutaire exigée par la loi à l'art. 28 des statuts de la recourante, clause
qui prévoit clairement que le conseil d'administration peut confier notamment
la gestion de la société à un ou plusieurs de ses
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membres (délégués) ou à des tiers (directeurs), qui n'ont pas besoin d'être
actionnaires.
La recourante allègue que son conseil d'administration n'a pas rédigé de
règlement d'organisation.
En plus d'une clause statutaire, la délégation de gestion n'est possible que si
la majorité du conseil d'administration (cf. art. 713 al. 1 CO), à moins que
les statuts n'exigent une majorité qualifiée, a formellement décidé de procéder
à ladite délégation (FORSTMOSER ET AL., op. cit., § 29 n° 27; PETER/CAVADINI,
op. cit., n^os 14 et 21 ad art. 716b CO). Cette décision est prise sous la
forme d'un règlement d'organisation revêtant la forme écrite (PETER/CAVADINI,
op. cit., n° 24 ad art. 716b CO), lequel doit contenir au minimum les éléments
décrits à l'art. 716b al. 2 CO; le règlement doit ainsi au moins fixer les
modalités de la gestion, déterminer les postes nécessaires, en définir les
attributions et régler l'obligation de faire rapport. Il n'est pas nécessaire
que ce document soit formellement désigné comme étant un règlement
d'organisation (BÖCKLI, op. cit., § 13 n° 522; PETER/CAVADINI, op. cit., n° 24
ad art. 716b CO). Il est suffisant qu'il résulte d'une décision du conseil
d'administration valablement prise et constatée par procès-verbal (arrêt 4A_501
/2007 du 22 février 2008 consid. 3.2.2; OLIVIER BASTIAN, Délégation de
compétences et répartition des tâches au sein du conseil d'administration,
2010, p. 45/46; PETER/CAVADINI, op. cit., n° 24 ad art. 716b CO).
Dans le cas présent, il ne résulte pas des constatations cantonales que le
conseil d'administration de la recourante ait établi un document séparé
intitulé "règlement d'organisation". Il faut néanmoins admettre que le contrat
d'"Investment Management Agreement" du 15 novembre 2007, dont aucune des
parties ne prétend qu'il n'a pas été dûment approuvé par la majorité du conseil
d'administration de la recourante, renferme les dispositions minimales exigées
par l'art. 716b al. 2 CO. Il résulte en effet du contenu de cet acte, constaté
en fait (art. 105 al. 1 LTF), que le gérant (i.e. Z.A. Limited) bénéficie des
pleins pouvoirs, "sans autre approbation" de la recourante, pour procéder à
tous types d'investissements dans le capital de sociétés tierces, que le gérant
doit désigner un comité d'investissement, que ce comité doit être composé d'au
moins trois personnes, que ces personnes doivent avoir la qualité de dirigeants
du gérant ou, si ce n'est pas le cas, être désignées avec l'accord de la
recourante et, enfin, que le gérant est tenu de rendre des rapports et fournir
des
BGE 137 III 503 S. 512
renseignements sur ses activités à un ou plusieurs administrateurs de la
recourante.
Il appert donc que le conseil d'administration de la recourante a délégué la
gestion des affaires sociales à Z.A. Limited en respectant les exigences
légales d'une telle délégation.

4. La recourante soutient que la cour cantonale a violé le droit fédéral,
singulièrement les art. 627 ch. 12, 716a al. 1 ch. 2 et 716b CO, en accordant à
l'assemblée générale, outre la compétence d'autoriser le principe de la
délégation de la gestion, celle de décider, par le moyen d'une modification
statutaire, des modalités de cette délégation à des tiers. Relevant la
controverse doctrinale existant à ce propos, la recourante fait valoir qu'une
partie importante de l'opinion dénie à l'assemblée générale le droit de mettre
dans les statuts des restrictions à la délégation de gestion. A en croire la
recourante, l'assemblée générale peut soit permettre la délégation, soit la
refuser, toute solution intermédiaire empiétant sur les attributions
inaliénables du conseil d'administration de fixer l'organisation de la société
et de désigner les personnes en charge de la gestion.
Le conseil d'administration de la recourante aurait donc été en droit de
refuser d'inscrire à l'ordre du jour de l'assemblée générale ordinaire tenue le
24 juin 2010 la proposition d'ajout aux statuts voulant que le gérant des
investissements, auquel le conseil d'administration a délégué la gestion,
présente les mêmes critères d'indépendance par rapport à la société que les
réviseurs doivent remplir en vertu de l'art. 728 CO. A l'appui de sa thèse, la
recourante fait valoir que si un objet de cette nature avait été porté à
l'ordre du jour, cela aurait conduit, en cas d'acceptation, à une décision
nulle de l'assemblée générale, car cet objet n'entrait pas dans le champ de
compétence de cet organe de la société. Or les points inscrits à l'ordre du
jour doivent pouvoir être concrétisés par une décision valable de l'assemblée
générale.
Enfin, la recourante prétend que l'adjonction proposée à ses statuts aurait
pour effet de donner à l'assemblée générale la compétence d'imposer au conseil
d'administration une délégation partielle de la gestion, alors qu'il est
reconnu que le conseil d'administration est totalement libre de déléguer la
gestion ou de ne pas le faire.

4.1 Afin de protéger les actionnaires minoritaires et les créanciers de la
société anonyme, l'art. 706b al. 3 CO frappe de nullité, c'est-à-dire
d'inexistence juridique, les décisions de l'assemblée générale
BGE 137 III 503 S. 513
qui notamment négligent les structures de base de cette société ou portent
atteinte aux dispositions de protection du capital (BRIGITTE TANNER, Zürcher
Kommentar, 2003, n^os 3 à 7 ad art. 706b CO; PETER/CAVADINI, op. cit., n° 1 ad
art. 706b CO). Il appartient au juge de relever d'office la nullité de telles
décisions (ATF 100 II 384 consid. 1 p. 387; DUBS/TRUFFER, in Basler Kommentar,
Obligationenrecht, vol. II, 3^e éd. 2008, n° 5 ad art. 706b CO). Sont ainsi
nulles les décisions qui sont manifestement prises par un organe de la société
incompétent en la matière. Il en va ainsi, par exemple, si l'assemblée générale
décide d'un objet qui ressortit sans conteste aux attributions intransmissibles
et inaliénables du conseil d'administration telles que l'entend l'art. 716a al.
1 CO (DUBS/TRUFFER, op. cit., n° 8a ad art. 706b CO; PETER/CAVADINI, op. cit.,
n° 12 ad art. 706b CO; BÖCKLI, op. cit., § 16 n° 174; FORSTMOSER ET AL., op.
cit., § 25 n° 127 partagent cette vision doctrinale convaincante, même si, à la
ligne qui figure à la n° 22 du § 25, ils semblent parler dans ce cas d'une
décision annulable).
L'art. 699 al. 3 CO règle le droit de requérir l'inscription d'un objet à
l'ordre du jour de l'assemblée générale. Cette norme prévoit qu'un ou plusieurs
actionnaires représentant des actions dont la valeur nominale atteint au moins
un million de francs peuvent requérir par écrit l'inscription d'un tel objet à
l'ordre du jour en indiquant celui mis en discussion et les propositions.
L'art. 14 al. 3 et 4 des statuts de la recourante est calqué sur cette
disposition légale.
La doctrine est d'avis que le droit de requérir l'inscription d'un objet à
l'ordre du jour n'existe que si cet objet entre dans les attributions qui
reviennent à l'assemblée générale et s'il peut être concrétisé par une décision
juridiquement valable prise par l'assemblée générale (PETER/CAVADINI, op. cit.,
n° 24 ad art. 699 CO; DIETER DUBS, Das Traktandierungsbegehren im Aktienrecht,
2008, n^os 86/87 p. 53; DUBS/TRUFFER, op. cit., n° 27 ad art. 699 CO; BÖCKLI,
op. cit, § 12 n° 65). A supposer que l'objet dont l'actionnaire sollicite
l'inscription à l'ordre du jour n'appartienne manifestement pas au domaine de
compétence de l'assemblée générale, le conseil d'administration ne doit pas le
porter à l'ordre du jour. Toutefois, s'il y a doute sur le point de savoir si
la question à débattre est du domaine de compétence exclusif de l'assemblée
générale ou du conseil d'administration, ledit conseil doit alors inscrire
l'objet à l'ordre du jour (DUBS/TRUFFER, op. cit., n° 29 ad art. 699 CO; DUBS,
op. cit, n° 185 p. 94/95 et n° 195 p. 98/99; HOMBURGER, op. cit., n° 615 ad
art. 716a CO).
BGE 137 III 503 S. 514
Le Tribunal fédéral, qui ne s'est encore jamais prononcé sur ce point, décide
de suivre l'avis des auteurs précités, selon lequel le conseil d'administration
peut refuser de porter à l'ordre du jour de l'assemblée générale un objet qui,
en raison de son contenu, est indubitablement étranger au domaine de compétence
de celle-ci. Par contre, le Tribunal fédéral précise que s'il existe une
quelconque incertitude à ce propos, le conseil d'administration doit déférer à
la requête de l'actionnaire et inscrire l'objet à l'ordre du jour.
En l'occurrence, la valeur nominale des actions de l'intimée, qui détient 33,76
% du capital social de la recourante, lequel se monte à 32'790'584 fr. 80,
dépasse largement un million de francs. Partant, cet actionnaire minoritaire
était en droit, au regard des exigences posées par l'art. 699 al. 3 CO reprises
dans les statuts, de requérir que la modification statutaire qu'il a sollicitée
par écrit le 20 août 2010 soit inscrite à l'ordre du jour.
Au vu de ce qui vient d'être dit, il reste maintenant à vérifier si, comme le
prétend la recourante, l'objet que l'intimée veut porter à l'ordre du jour ne
ressortissait pas, à l'évidence, aux attributions de l'assemblée générale, en
sorte que le conseil d'administration n'avait pas à donner suite à la requête
dudit actionnaire minoritaire.

4.2 Dans sa requête du 20 août 2010, l'intimée a demandé qu'il soit ordonné la
convocation d'une assemblée générale de la recourante afin que celle-ci adopte,
en tant qu'art. 41 sous le titre VII de ses statuts, une disposition imposant
au gérant des investissements - auquel le conseil d'administration de la
recourante a délégué la gestion - de remplir les mêmes garanties d'indépendance
par rapport à la société que celles auxquelles doivent satisfaire les réviseurs
en application de l'art. 728 CO.
Comme on l'a vu ci-dessus, le conseil d'administration de la recourante, sur la
base de l'art. 28 des statuts de celle-ci, a valablement délégué la gestion des
affaires sociales à Z.A. Limited, conformément à l'art. 716b al. 1 CO.
La solution du litige repose en conséquence sur le point de savoir si
l'assemblée générale de la recourante, en adoptant une nouvelle clause
statutaire, peut limiter la liberté qui a été octroyée au conseil
d'administration par l'autorisation de déléguer la gestion en assortissant
ladite autorisation de certaines restrictions.
Cette question, derechef, n'a jamais été tranchée par le Tribunal fédéral. Par
contre, de nombreux auteurs se sont exprimés à son
BGE 137 III 503 S. 515
propos. Ils se répartissent en deux camps, qui sont de presque égale
importance.
Un premier courant de la doctrine professe, en vertu du principe d'après lequel
qui peut le plus peut le moins (a maiore minus), que l'assemblée générale a la
faculté, entre autres exemples, de prescrire au conseil d'administration de
déléguer la gestion à des membres déterminés du conseil ou, au contraire, à des
personnes qui n'en sont pas membres, voire d'exiger du conseil in corpore qu'il
conserve des compétences de gestion précises (WATTER/ROTH PELLANDA, op. cit.,
n° 4 ad art. 716b CO; FORSTMOSER ET AL., op. cit., § 29 n° 28 et la note 5 en
bas de page; BÖCKLI, op. cit., § 13 n^os 525 et 536; PETER/CAVADINI, op. cit.,
n° 19 ad art. 716b CO; VENTURI/BAUEN, op. cit., n° 769 p. 241; FRANÇOIS CHAUDET
ET AL., Droit suisse des affaires, 3^e éd. 2010, n° 913 p. 187; VÉRONIQUE
PITTET, Les compétences et la responsabilité de l'administrateur-directeur dans
le droit de la société anonyme, 1999, p. 62/63; ADRIAN KAMMERER, Die
unübertragbaren und unentziehbaren Kompetenzen des Verwaltungsrates, 1997, p.
86 et 150; CHRISTIAN MEIER-SCHATZ, Über die Zusammenarbeit des Verwaltungsrats
mit der Generalversammlung, Der Schweizer Treuhänder/L'expert-comptable suisse,
1995, p. 825).
Un second courant doctrinal soutient que l'assemblée générale n'a qu'un choix
de principe: accorder ou refuser au conseil d'administration la faculté de
déléguer la gestion. Si l'assemblée générale autorise la délégation, elle n'a
pas le droit d'imposer des limites au conseil d'administration, car il
appartient exclusivement au seul conseil, conformément à l'art. 716a al. 1 ch.
2 CO, de fixer l'organisation de la société (HOMBURGER, op. cit., n° 734 ad
art. 716b CO; PASCAL MONTAVON, Droit suisse de la SA, 2004, p. 611; OLIVIER
BASTIAN, op. cit., p. 36 ss; KATJA ROTH PELLANDA, Organisation des
Verwaltungsrates, 2007, n° 499 p. 242; GEORG KRNETA, Praxiskommentar,
Verwaltungsrat, 2005, n° 1634 ss; RITA TRIGO TRINDADE, Le conseil
d'administration de la société anonyme, 1996, p. 170/171; MICHAEL WEGMÜLLER,
op. cit., p. 109/110).
Le Tribunal fédéral adhère à l'opinion exprimée par les premiers auteurs. Il
admet ainsi que la délégation de gestion accordée au conseil d'administration
peut être assortie de certaines limites ou restrictions. La loi exige que la
délégation de la gestion des affaires sociales repose sur une base statutaire
(cf. art. 716b al. 1 CO). En d'autres termes, la délégation de gestion doit
être approuvée par l'assemblée
BGE 137 III 503 S. 516
générale. Celle-ci peut donc parfaitement décider de renoncer à introduire une
clause de délégation dans ses statuts ou supprimer cette clause après son
adoption, ce qui a pour effet de contraindre le conseil d'administration à
exercer in corpore la gestion (cf. art. 716b al. 3 CO). Puisque les statuts
peuvent interdire la délégation de la gestion, on ne voit pas pourquoi ils ne
pourraient pas la subordonner à certaines restrictions ou limites afin de
protéger en particulier les actionnaires minoritaires, à l'instar de l'intimée.
D'ailleurs, l'art. 709 al. 2 CO confère expressément à la société la
possibilité d'insérer dans les statuts des dispositions particulières pour
protéger les minorités.
Les statuts de la société anonyme revêtent une importance cruciale s'agissant
de la protection des actionnaires (cf. PETER V. KUNZ, Der Minderheitenschutz im
schweizerischen Aktienrecht, 2001, § 15 n° 6). Or il faut reconnaître que
l'adoption d'une disposition statutaire autorisant le conseil d'administration
à déléguer la gestion pour autant que le délégataire (i e. le gérant des
investissements) présente les mêmes garanties d'indépendance par rapport à la
société que celles auxquelles doivent satisfaire les réviseurs en application
de l'art. 728 CO constitue un élément qui est en principe susceptible de se
révéler positif du point de vue des actionnaires minoritaires (cf. KUNZ, op.
cit., § 15 n° 7). Cela est d'autant plus vrai que, dans le cas présent, le
délégataire de la gestion désigné par le conseil d'administration de la
recourante est une société entièrement dominée par l'actionnaire majoritaire de
la défenderesse.
En définitive, l'objet que l'intimée veut voir inscrire à l'ordre du jour de
l'assemblée générale, qui consiste à assortir la délégation de gestion déjà
octroyée au conseil d'administration d'une restriction tendant à éviter la
naissance de possibles conflits d'intérêts, est bien de la compétence de
l'assemblée générale de la recourante, laquelle peut donc prendre une décision
valable concernant cet objet lorsqu'elle sera appelée à le faire.
Le moyen de la recourante doit être rejeté.

4.3 Enfin est vide de substance l'argument subsidiaire de la recourante, selon
lequel l'adoption par l'assemblée générale de la modification statutaire
proposée aurait pour effet d'obliger le conseil d'administration à déléguer
partiellement la gestion des investissements alors que l'assemblée générale n'a
pas la compétence d'imposer la délégation audit conseil.
L'objet que l'intimée veut inscrire à l'ordre du jour de l'assemblée générale
vise à assurer que le délégataire de la gestion soit indépendant
BGE 137 III 503 S. 517
par rapport aux actionnaires de la recourante et que ce principe soit désormais
ancré dans les statuts de celle-ci. Mais l'adoption de cette norme statutaire
n'entrave en rien la faculté du conseil d'administration de renoncer à déléguer
la gestion pour l'exercer conjointement par tous ses membres en vertu de l'art.
716b al. 3 CO, s'il estime que les conditions posées par l'assemblée générale
ne sont pas acceptables (PETER/CAVADINI, op. cit., n° 19 in fine ad art. 716b
CO; PITTET, op. cit., p. 63).

4.4 Comme aucun péril en la demeure n'a été établi, c'est à bon droit que la
cour cantonale n'a pas ordonné elle-même la convocation d'une assemblée
générale afin qu'elle se prononce sur la modification statutaire proposée, mais
a ordonné au conseil d'administration de soumettre cet objet à l'assemblée
générale (art. 699 al. 4 CO; cf. ATF 132 III 555 consid. 3.4.3.2).