Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 137 III 385



Urteilskopf

137 III 385

57. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit civil dans la cause X. contre A.
(recours en matière civile)
5A_62/2011 du 26 juillet 2011

Regeste

Art. 163, 176 Abs. 1 Ziff. 1 ZGB, aArt. 137 ZGB; Grundlage der
Unterhaltspflicht zwischen Ehegatten im Eheschutz sowie bei vorsorglichen
Massnahmen.
Art. 163 ZGB bleibt Rechtsgrund der Unterhaltspflicht zwischen Ehegatten im
Eheschutz sowie bei vorsorglichen Massnahmen. Präzisierung von BGE 128 III 65
(E. 3).

Sachverhalt ab Seite 385

BGE 137 III 385 S. 385

A. X., né en 1977, de nationalité turque, et A., née en 1959, de nationalité
suisse, se sont mariés le 16 juin 2005 à Genève. Précédemment, ils ont signé un
contrat de mariage prévoyant le régime de la séparation de biens, ainsi qu'un
pacte de renonciation à tous droits dans la succession de l'autre.
A. est la soeur de B. Lors de vacances en Turquie où ils ont fait la
connaissance de X., les époux B. ont demandé à ce dernier de venir
BGE 137 III 385 S. 386
s'installer à Genève pour s'occuper de leurs enfants, contre versement d'un
salaire mensuel de 3'000 fr. et la mise à disposition d'un appartement ainsi
que d'une femme de ménage.
N'ayant pas pu prolonger le permis de séjour de X., les époux B. ont demandé à
A. de contracter mariage avec leur employé, ce qu'elle a accepté. Aucune
communauté conjugale n'a existé entre les époux, A. vivant avec sa mère et
ayant elle-même un compagnon depuis plusieurs années.
En novembre 2009, X. a connu des problèmes de santé, suite auxquels les époux
B. ont résilié les rapports contractuels.

B. Par requête de mesures protectrices de l'union conjugale du 26 avril 2010,
X. a notamment demandé que A. soit condamnée à lui verser une contribution
d'entretien de 3'000 fr. par mois dès le 1^er décembre 2009 et la somme de
2'500 fr. à titre de provisio ad litem. Le Tribunal de première instance a jugé
que l'époux avait droit à une contribution d'entretien de 1'700 fr. par mois
couvrant ses charges incompressibles, ainsi qu'à la somme de 2'500 fr. à titre
de provisio ad litem.
A. a recouru contre le jugement sur mesures protectrices auprès de la Cour de
justice, qui a annulé le jugement attaqué et rejeté la requête de mesures
protectrices de l'union conjugale formée par l'époux.

C. Par mémoire du 24 janvier 2011, X. interjette un recours en matière civile
contre cet arrêt, concluant notamment à sa réforme en ce sens que A. soit
condamnée à lui verser la somme de 2'500 fr. à titre de provisio ad litem et la
somme de 1'700 fr. dès le 1^er juin 2010 à titre de contribution d'entretien.
(résumé)

Erwägungen

Extrait des considérants:

3. Saisi d'un recours en matière civile au sens de l'art. 98 LTF, le Tribunal
fédéral peut rejeter le recours en opérant une substitution de motifs, pour
autant que la nouvelle motivation n'ait pas été expressément réfutée par
l'autorité cantonale et qu'elle résiste, à son tour, au grief de la violation
des droits constitutionnels (ATF 133 III 545 consid. 2.2; ATF 128 III 4 consid.
4c/aa; ATF 112 Ia 353 consid. 3c/bb; arrêt 5A_684/2008 du 1^er décembre 2008
consid. 1.2).

3.1 Même lorsqu'on ne peut plus sérieusement compter sur la reprise de la vie
commune, ce que le juge du fait doit constater, l'art. 163 CC
BGE 137 III 385 S. 387
demeure la cause de l'obligation d'entretien réciproque des époux en mesures
protectrices de l'union conjugale, comme il l'est aussi en mesures
provisionnelles prononcées pour la durée de la procédure de divorce (ATF 130
III 537 consid. 3.2). Aux termes de cette disposition, mari et femme
contribuent, chacun selon ses facultés, à l'entretien convenable de la famille
(al. 1); ils conviennent de la façon dont chacun apporte sa contribution [...]
(al. 2); ce faisant, ils tiennent compte des besoins de l'union conjugale et de
leur situation personnelle (al. 3). Pour fixer la contribution d'entretien,
selon l'art. 176 al. 1 ch. 1 CC, le juge doit partir de la convention, expresse
ou tacite, que les époux ont conclue au sujet de la répartition des tâches et
des ressources entre eux. Il doit ensuite prendre en considération qu'en cas de
suspension de la vie commune (art. 175 s. CC), le but de l'art. 163 CC, soit
l'entretien convenable de la famille, impose à chacun des époux le devoir de
participer, selon ses facultés, aux frais supplémentaires qu'engendre la vie
séparée. Il se peut donc que, suite à cet examen, le juge doive modifier la
convention conclue pour la vie commune, pour l'adapter à ces faits nouveaux.
C'est dans ce sens qu'il y a lieu de comprendre la jurisprudence consacrée dans
l' ATF 128 III 65, qui admet que le juge doit prendre en considération, dans le
cadre de l'art. 163 CC, les critères applicables à l'entretien après le divorce
(art. 125 CC) pour statuer sur la contribution d'entretien et, en particulier,
sur la question de la reprise ou de l'augmentation de l'activité lucrative d'un
époux (cf. aussi, arrêt 5A_122/2011 du 9 juin 2011 consid. 4). Ainsi, le juge
doit examiner si, et dans quelle mesure, au vu de ces faits nouveaux, on peut
attendre de l'époux désormais déchargé de son obligation de tenir le ménage
antérieur, en raison de la suspension de la vie commune, qu'il investisse d'une
autre manière sa force de travail ainsi libérée et reprenne ou étende son
activité lucrative. En effet, dans une telle situation, la reprise de la vie
commune, et donc le maintien de la répartition antérieure des tâches, ne sont
ni recherchés ni vraisemblables; le but de l'indépendance financière des époux,
notamment de celui qui jusqu'ici n'exerçait pas d'activité lucrative, ou
seulement à temps partiel, gagne en importance. Cela vaut tant en matière de
mesures protectrices de l'union conjugale, lorsqu'il est établi en fait qu'on
ne peut plus sérieusement compter sur une reprise de la vie commune, qu'en
matière de mesures provisionnelles durant la procédure de divorce, la rupture
définitive du lien conjugal étant à ce stade très vraisemblable (dans ce sens,
cf. ATF 130 III 537 consid. 3.2).
BGE 137 III 385 S. 388
En revanche, ni le juge des mesures protectrices de l'union conjugale, ni celui
des mesures provisionnelles ne doit trancher, même sous l'angle de la
vraisemblance, les questions de fond, objet du procès en divorce, en
particulier celle de savoir si le mariage a influencé concrètement la situation
financière du conjoint.

3.2 En l'espèce, il ressort des constatations de fait de l'arrêt attaqué que
les époux se sont mariés dans le but, pour l'un, d'obtenir un permis de séjour,
et, pour l'autre, de répondre à une demande de son frère qui souhaitait
pouvoir, par ce moyen, conserver son employé. Ils n'ont jamais vécu ensemble,
n'ont jamais formé de communauté conjugale sous quelque forme que ce soit, et
aucun d'eux n'a contribué, en espèces ou en nature, à l'entretien de l'autre.
La capacité de gain de chacun des époux n'a donc pas été un élément essentiel
de la convention des époux, au sens de l'art. 163 al. 2 CC; la perte de
celle-ci, si elle était avérée, ne pourrait donc pas en entraîner la
modification. En d'autres termes, la convention des époux était celle d'une
indépendance totale, chacun pourvoyant à ses propres besoins et vivant en tous
points de manière autonome par rapport à l'autre. Il n'y a donc, au moment de
statuer sur les mesures protectrices de l'union conjugale, aucun fait nouveau
justifiant de modifier la convention des parties. Le recourant n'a donc droit à
aucune contribution d'entretien, que ce soit pour subvenir à ses besoins
courants ou supporter les coûts du procès.

3.3 Le recourant n'ayant, en application de l'art. 163 CC, aucun droit à une
contribution d'entretien, ou à une provisio ad litem, c'est à tort que
l'autorité cantonale a recouru à l'abus de droit au sens de l'art. 2 al. 2 CC
pour statuer. Quant à la motivation subsidiaire de l'autorité cantonale, tirée
de l'absence d'impact décisif du mariage, question de fond de la procédure de
divorce, elle est sans pertinence au regard de l'art. 163 CC. Le recours sera
donc rejeté par substitution de motifs.