Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 137 III 208



Urteilskopf

137 III 208

34. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit civil dans la cause H.X. et F.X.
contre Y. SA (recours en matière civile)
4A_656/2010 du 14 février 2011

Regeste

Art. 266n OR; Kündigung der Miete der Familienwohnung.
Geschäftsräume, die auch der Unterkunft von Ehegatten dienen, von denen
mindestens einer Mieter ist, geniessen den Schutz der Art. 266m bis 266n OR.
Den Mieter eines Geschäftsraums, der während laufender Mietdauer mit seiner
Familie in das Mietobjekt einzieht, trifft die Nebenpflicht, diese Situation
dem Vermieter anzuzeigen (E. 2).

Regeste

Art. 77 OR; Empfangstheorie.
Für die Zustellung der Kündigung gilt im Mietrecht die uneingeschränkte
Empfangstheorie (Bestätigung der Rechtsprechung; E. 3).

Erwägungen ab Seite 209

BGE 137 III 208 S. 209
Extrait des considérants:

2. Invoquant une violation de l'art. 266n CO, les recourants, dans un premier
moyen, prétendent que le congé du 20 mars 2008 est nul, à défaut d'avoir été
notifié à l'épouse de H.X. Ils font valoir que l'objet du bail litigieux a
essentiellement un caractère familial, en ce sens que les familles qui
exploitent l'établissement sont installées dans deux des appartements qui s'y
trouvent. De toute manière, poursuivent-ils, si le bail a trait à la fois à des
objets commerciaux et à des logements de famille, la protection conférée par
les art. 266m à 266o CO doit entrer en jeu. Les recourants soutiennent avoir
informé les anciennes propriétaires de l'hôtel-restaurant de cette situation et
en infèrent qu'ils n'avaient à effectuer aucunes démarches envers
l'adjudicataire. Ils ajoutent, pour parer à un reproche de la Chambre des
recours, que ce n'est qu'à titre subsidiaire qu'ils se sont prévalus des règles
relatives au bail commercial, de sorte qu'il serait incongru de tirer profit de
cette tactique judiciaire pour dénier à l'objet loué son caractère de logement
familial. Les recourants font enfin grief à la cour cantonale d'être tombée
dans l'arbitraire et d'avoir attenté à leur droit d'être entendus en écartant
l'audition du témoin E., qui avait occupé lui-même avec sa famille avant 2005
un des appartements de l'établissement public.

2.1 Il est constant que C. et D. ont cédé l'usage de locaux à usage
d'hôtel-restaurant aux recourants par convention du 26 juillet 2001, laquelle
se définit comme un contrat de bail à loyer (art. 253 CO). Un peu plus de trois
semaines auparavant, les anciens exploitants (qui n'étaient pas les
propriétaires) avaient remis aux recourants les installations et équipements de
l'établissement par un contrat du 3 juillet 2001; cet accord doit se qualifier
de contrat de remise de commerce, lequel constitue un contrat sui generis (ATF
129 III 18 consid. 2.1).
Ces éléments montrent clairement que les locaux loués étaient destinés de
manière prépondérante à l'exploitation d'un commerce, de sorte que le contrat
du 26 juillet 2001 doit être assimilé à un bail commercial.
BGE 137 III 208 S. 210

2.2 Il a été constaté (art. 105 al. 1 LTF) que les locaux pris à bail
comprenaient en particulier 24 chambres, un restaurant, et trois appartements
de trois pièces.
L'autorité cantonale a retenu qu'après la conclusion du bail commercial, le
locataire H.X. a occupé, avec sa femme et ses enfants, deux des trois
appartements en cause. Etant parvenue à une conviction à ce propos sur la base
des preuves administrées, la Chambre des recours pouvait renoncer à entendre le
témoin E., dont la déposition ne pouvait l'amener à modifier son opinion (ATF
130 II 425 consid. 2.1). En effet, le précité avait apparemment occupé,
antérieurement à 2005, un des trois appartements en tant que locaux de
fonction; or la notion de local de fonction n'a rien à voir avec celle du
logement de famille valant en droit du bail (cf. DAVID LACHAT, Le bail à loyer
[ci-après: Bail], 2008, p. 121). Le grief de violation du droit d'être entendu,
fondé sur le refus d'audition dudit témoin, n'a aucune consistance. Et les
recourants ne désignent pas la norme du droit de la procédure cantonale qui
aurait été appliquée arbitrairement dans ce cadre par les magistrats vaudois,
ce qui rend ce pan de la critique irrecevable (art. 106 al. 2 LTF).

2.3 On ne sait à quelle date H.X. et sa famille se sont installés dans les deux
appartements de l'établissement. Mais, dès l'instant où le précité, dans les
requêtes en réduction de loyer et en demande de travaux qu'il a envoyées au
Tribunal des baux vaudois les 8 juin 2005 et 11 août 2006, s'est dit lui-même
encore domicilié à Lonay (Vaud), il y a de forts indices qu'il n'est venu
habiter dans l'immeuble abritant l'hôtel-restaurant qu'après août 2006.
Il n'en demeure pas moins qu'à partir de septembre 2006 au plus tôt, la
destination de l'immeuble loué était mixte, en ce sens qu'il comprenait tout à
la fois des locaux commerciaux et un logement familial (i.e. celui du locataire
H.X.).
Or, selon la doctrine, les locaux commerciaux, qui servent également à
l'hébergement d'époux dont l'un d'eux au moins est titulaire du bail (ce qui
est le cas en l'espèce), doivent bénéficier de la protection accordée par les
art. 266m à 266n CO (BOHNET/MONTINI, Droit du bail à loyer, 2010, n° 4 ad art.
266m CO p. 717; LACHAT ET AL., Das Mietrecht für die Praxis [ci-après:
Mietrecht], 8^e éd. 2009, ch. 4/4.2.9 p. 60; PETER HIGI, Commentaire zurichois,
4^e éd. 1994, n° 42 ad art. 253a-253b CO; ROGER WEBER, in Commentaire bâlois,
Obligationenrecht, vol. I, 4^e éd. 2007, n° 14 ad art. 253a/253b CO; LACHAT,
Bail, op. cit., p. 121). Ces opinions sont convaincantes, car une famille
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ne saurait être privée de la possibilité d'invoquer les normes protectrices
susmentionnées sous le seul prétexte qu'elle habite, peut-être par nécessités
économiques, dans les locaux qu'elle a pris à bail afin de mener une activité
économique.

2.4 D'après l'art. 266n CO, le congé donné par le bailleur doit être communiqué
séparément au locataire et à son conjoint ou à son partenaire enregistré. Le
congé qui ne satisfait pas notamment à la condition prévue à l'art. 266n CO est
nul (art. 266o CO).
Il n'est pas contesté que l'intimée n'a pas envoyé le congé à l'épouse du
locataire H.X.
A considérer les circonstances particulières de l'espèce, la nullité du congé
ne doit toutefois pas être admise.

2.5 L'intimée est entrée dans le rapport de bail, en vertu de l'art. 261 al. 1
CO, après que la parcelle n° 304 lui a été adjugée au cours d'une vente aux
enchères le 15 février 2008. Elle a acquis cet immeuble lors d'une seconde mise
à prix, sans les baux qui le grevaient (cf. art. 812 CC et 142 LP). Elle a
ensuite fait usage de son droit de résilier de manière anticipée le contrat
litigieux (non annoté au registre foncier) pour le prochain terme légal en
application de l'art. 261 al. 2 let. a CO (cf. ATF 128 III 82 consid. 2d/dd),
prérogative qui n'exige pas de l'acquéreur la preuve d'un besoin urgent pour
lui-même ou ses proches parents ou alliés (ATF 125 III 123 consid. 1e).
Il est admis que si, en cours de bail, le locataire déplace le logement de la
famille, il est tenu d'en faire part au bailleur; il s'agit là d'une obligation
accessoire du locataire (PETER HIGI, Commentaire zurichois, 1995, n^os 26-27 ad
art. 266m-266n CO; LACHAT, Bail, op. cit., ch. 4.7 p. 634; WEBER, op. cit., n°
2 in fine ad art. 266m/266n CO).
Le principe de la bonne foi, ancré à l'art. 2 al. 1 CC, s'applique à l'ensemble
des domaines du droit. L'abus manifeste d'un droit n'est pas protégé par la loi
(art. 2 al. 2 CC). Il peut y avoir abus de droit lorsqu'une personne adopte un
comportement contradictoire ("venire contra factum proprium": cf. ATF 125 III
257 consid. 2a; ATF 123 III 70 consid. 3c p. 75, ATF 123 III 220 consid. 4d p.
228).
Dans le cas présent, les recourants n'ont pas prétendu avoir informé
l'adjudicataire de la parcelle n° 304 que H.X. et sa famille s'étaient
installés dans deux des appartements de l'hôtel-restaurant qui y est bâti. Du
moment que l'intimée a acquis l'immeuble dans une vente forcée lors de la
seconde mise à prix, en particulier sans le bail conclu par les recourants avec
les anciennes propriétaires, et que le
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bien-fonds contenait essentiellement des locaux commerciaux à usage
d'hôtel-restaurant, il incombait aux demandeurs de faire part à l'adjudicataire
qu'une partie des locaux pris à bail servait également de logement de famille.
Les recourants étaient parfaitement à même d'atteindre la bailleresse, puisque
trois jours seulement après la vente forcée, soit le 18 février 2008, leur
conseil d'alors a écrit à l'intimée que les locataires étaient titulaires d'un
bail portant sur une partie de l'immeuble acquis aux enchères par celle-ci et
que la bailleresse était mise en demeure d'opérer dans les cinq jours divers
travaux dans le bâtiment. Les recourants n'ont cependant pas averti l'intimée,
dans ce courrier du 18 février 2008, de la constitution en cours de bail (i.e.
plusieurs années après sa passation avec les anciennes propriétaires de
l'immeuble) d'un logement familial dans les locaux à usage d'hôtel-restaurant.
En se prévalant, dans ce contexte particulier, de la nullité du congé sur la
base de l'art. 266o CO, au motif que cet acte n'aurait pas été notifié à
l'épouse de l'un d'eux, laquelle n'est pas titulaire du bail, les recourants
commettent une entorse au principe de la bonne foi, qui ne mérite pas d'être
protégée judiciairement.
La critique doit être rejetée.

3. A l'appui de leur deuxième moyen, les recourants prétendent que la
résiliation est tardive. Ils font grief à la cour cantonale d'avoir admis que
le pli recommandé contenant le congé leur est parvenu le 26 mars 2008, voire au
plus tard le lendemain, et non à la date où ils en ont pris connaissance
effectivement en le retirant à la poste, soit le 1^er avril 2008. Ils allèguent
que, selon la jurisprudence et la doctrine, la date du retrait effectif à la
poste doit prévaloir. Ils sont d'avis que la résiliation communiquée le 1^er
avril 2008, à défaut d'avoir respecté le préavis de congé légal de six mois
valant pour le bail de locaux commerciaux, était tardive et qu'elle ne pouvait
ainsi déployer d'effet pour l'échéance invoquée du 1^er octobre 2008.

3.1

3.1.1 La résiliation de bail est une déclaration unilatérale de volonté de
l'une des parties au contrat soumise à réception (cf. parmi les auteurs
récents: LACHAT, Bail, op. cit., p. 638 ch. 7.1; BOHNET/MONTINI, op. cit., n^os
3 et 4 ad art. 266a CO).
D'après l'art. 261 al. 2 let. a CO, l'acquéreur qui a obtenu la propriété
d'habitations ou de locaux commerciaux, après la conclusion du bail, dans le
cadre d'une poursuite pour dettes ou d'une faillite peut résilier le contrat de
manière anticipée pour le prochain terme légal en observant le délai de congé
légal, pour autant qu'il fasse valoir un
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besoin urgent pour lui-même ou ses proches parents ou alliés. Il est
dejurisprudence que l'adjudicataire, qui devient propriétaire d'un bien-fonds
dans une vente forcée à la suite d'une double mise à prix, a la faculté de
résilier un bail de longue durée pour le prochain terme légal, même s'il ne se
prévaut pas d'un besoin urgent (ATF 128 III 82 consid. 2; ATF 125 III 123
consid. 1e). Ce droit de donner le congé, sans avoir à respecter l'échéance et
le préavis prévus contractuellement, est un privilège de l'adjudicataire (cf.
WEBER, op. cit., n° 6 ad art. 261 CO; LACHAT, Bail, op. cit., p. 690 ch.
4.2.3).
L'art. 266d CO dispose que, pour les locaux commerciaux, le délai de congé est
de six mois pour le terme fixé par l'usage local; dans le canton de Vaud, les
termes usuels sont le 1^er avril, le 1^er juillet et le 1^er octobre à midi
(art. 36 des Dispositions paritaires romandes et règles et usages locatifs du
canton de Vaud, constituant le Contrat-cadre vaudois déclaré de force
obligatoire au 1^er décembre 2001; LACHAT, Bail, op. cit., p. 650 en haut et p.
104 ch. 4.3).

3.1.2 Il résulte du principe de l'unité de l'ordre juridique que la computation
d'un délai doit se faire selon le droit qui fixe ce délai, ce principe valant
pour le droit fédéral (ATF 123 III 67 consid. 2a et les références).
Le Code des obligations, comme on l'a vu, fixe à six mois le délai légal de
congé des baux de locaux commerciaux. Il s'agit donc d'un délai du droit
matériel fédéral.
Lorsque la communication d'une manifestation de volonté constitue le moment à
partir duquel court un délai de droit matériel fédéral, il faut appliquer la
théorie de la réception dite absolue (ATF 118 II 42 consid. 3; ATF 107 II 189
consid. 2; ERNST A. KRAMER, Commentaire bernois, 1986, n° 88 ad art. 1 CO;
PETER GAUCH ET AL., Schweizerisches Obligationenrecht, Allgemeiner Teil, vol.
I, 9^e éd. 2008, ch. 196/196a p. 37; FABIENNE HOHL, in Commentaire romand, Code
des obligations, vol. I, 2003, n° 5 ad art. 77 CO; la même, Procédure civile
[ci-après: Procédure], vol. II, 2^e éd. 2010, ch. 916 ss p. 171/172). Le point
de départ du délai correspond alors au moment où la manifestation de volonté
est parvenue dans la sphère d'influence (Machtbereich) du destinataire ou de
son représentant, de telle sorte qu'en organisant normalement ses affaires
celui-ci soit à même d'en prendre connaissance.
S'agissant d'un pli ordinaire communiqué par la poste, la manifestation de
volonté est reçue lorsqu'elle est déposée dans la boîte aux
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lettres ou la case postale du destinataire si l'on peut escompter qu'il lève le
courrier à ce moment-là; savoir si le destinataire prend effectivement
connaissance de l'envoi n'est pas déterminant (ATF 118 II 42 consid. 3b p. 44
et les références doctrinales). Un tel envoi simple ne fait cependant pas
preuve de sa réception (ATF 105 III 43 consid. 2a p. 45).
En ce qui concerne une lettre recommandée, si l'agent postal n'a pas pu la
remettre effectivement au destinataire ou à un tiers autorisé à prendre
livraison de l'envoi et qu'il laisse un avis de retrait dans sa boîte aux
lettres ou sa case postale, le pli est reçu dès que le destinataire est en
mesure d'en prendre connaissance au bureau de la poste selon l'avis de retrait;
il s'agit soit du jour même où l'avis de retrait est déposé dans la boîte aux
lettres si l'on peut attendre du destinataire qu'il le retire aussitôt, sinon
en règle générale le lendemain de ce jour (ATF 107 II 189 consid. 2 p. 192; cf.
KRAMER, op. cit., n° 88 ad art. 1 CO; FABIENNE HOHL, Procédure, op. cit., ch.
920-924 p. 171/172; BOHNET/MONTINI, op. cit., n° 4 ad art. 266a CO).
Cette conception est approuvée par la doctrine majoritaire s'agissant de la
notification d'une résiliation de bail à loyer (RAYMOND BISANG ET AL., Das
Schweizerische Mietrecht, Kommentar, 3^e éd. 2008, n° 5a ad Vorbemerkungen Art.
266-266o CO et n° 28 in fine ad art. 257d CO; WEBER, op. cit., n° 3a ad art.
273 CO et n° 1a ad art. 266a CO; HIGI, Commentaire zurichois, 4^e éd. 1995, n^
os 38 et 41 ad Vorbemerkungen zu Art. 266-266o CO; LACHAT ET AL., Mietrecht,
op. cit., ch. 25/6.3 p. 519; ZIHLMANN/JAKOB, Mietrecht, 3^e éd. 1999, p. 185 in
fine; FRANÇOIS BOHNET, Les termes et les délais du bail à loyer, in 13^e
Séminaire sur le droit du bail, Neuchâtel 2004, p. 26 in fine; MARIO MONTINI,
Droit du bail 19/2007, p. 38; JEAN-PIERRE MENGE, Kündigung und Kündigungsschutz
bei dei Miete von Wohn- und Geschäftsräumlichkeiten, 1993, p. 21; CLAUDE
RAMONI, Demeure du débiteur et contrats de droit suisse, 2002, p. 148 ch. 317;
TOBIAS BARTELS, Die Fristwahrung im Mietrecht-insbesondere bei
empfangsbedürftigen Willenserklärungen, MietRecht aktuell 1/2002, p. 4-8).

3.1.3 Dans deux cas en matière de bail, la jurisprudence du Tribunal fédéral a
dérogé à la théorie de la réception absolue. Il s'agit de la communication, par
pli recommandé, de l'avis de majoration de loyer au sens de l'art. 269d CO (ATF
107 II 189 consid. 2) et de celle de la sommation de payer instituée par l'art.
257d al. 1 CO (ATF 119 II 147 consid. 2). Pour ces deux éventualités, à
l'instar de ce qui prévaut pour les délais de procédure (cf. art. 138 al. 3 du
Code
BGE 137 III 208 S. 215
de procédure civile du 19 décembre 2008 [RS 272]; ATF 130 III 396 consid.
1.2.3; ATF 111 V 99 consid. 2b p. 101), si le courrier recommandé ne peut pas
être remis directement au destinataire (ou à une personne autorisée par
celui-ci) et qu'un avis de retrait mentionnant le délai de garde postal a été
mis dans sa boîte aux lettres ou sa case postale, l'acte est reçu au moment où
le destinataire le retire effectivement au guichet de la poste ou, à supposer
qu'il ne soit pas retiré dans le délai de garde de sept jours, le septième et
dernier jour de ce délai. Cette théorie de la réception est dite relative.
Prenant appui sur cette jurisprudence, certains auteurs préconisent, lorsque la
notification de la manifestation de volonté est effectuée au destinataire sous
pli recommandé avec dépôt d'un avis de retrait postal, une application de la
théorie relative de la réception à d'autres actes du droit du bail que l'avis
de majoration de loyer (art. 269d CO) et l'avis comminatoire (art. 257d CO), en
particulier à la notification du congé, voire prônent même une application
uniforme de cette théorie de la réception pour tous les actes de droit civil
(BOHNET/MONTINI, op. cit., n° 21 ad art. 257d CO; LACHAT, Bail, op. cit., p.
639/640; le même, in Commentaire romand, Code des obligations, vol. I, 2003, n°
5 ad art. 266a CO; CARMINE BASELICE, MietRecht aktuell 2/1995 p. 103 in fine).
Ils invoquent les horaires d'ouverture des guichets postaux, la clarté et la
cohérence du droit ainsi que la protection de la partie faible.
Cette opinion minoritaire ne convainc pas. Le Tribunal fédéral a appliqué la
théorie relative de la réception lorsque le locataire reçoit un avis de hausse
de loyer afin qu'il bénéficie effectivement du délai de réflexion de dix jours
de l'art. 269d al. 1 CO et de la possibilité de résilier le contrat s'il
n'entend pas accepter la hausse ou la contester. La juridiction fédérale en a
fait de même pour la communication de l'avis comminatoire dans l'intention que
le locataire de baux d'habitations ou de locaux commerciaux jouisse de l'entier
du délai de 30 jours pour réunir les fonds lui permettant de régler son loyer
échu. Ces considérations particulières ne sauraient valoir pour d'autres actes,
comme la notification du congé.
En outre, le système de la réception absolue tient compte de manière équitable
des intérêts antagonistes des deux parties, à savoir ceux de l'émetteur et du
destinataire. L'expéditeur supporte le risque de transmission du pli jusqu'au
moment où il parvient dans la sphère d'influence du destinataire, alors que
celui-ci supporte le risque, à l'intérieur de sa sphère d'influence, de prendre
connaissance tardivement,
BGE 137 III 208 S. 216
respectivement de ne pas prendre connaissance du support de communication. Cet
équilibre serait rompu si la théorie relative de la réception devait
s'appliquer sans limite.
Il faut donc admettre qu'il n'y a aucun motif objectif sérieux de changer la
jurisprudence, approuvée par de très nombreux auteurs. Autrement dit, la
réception du congé obéit toujours en droit du bail au système de la réception
absolue.

3.2 Ces considérations conduisent le Tribunal fédéral à retenir que l'intimée a
en l'occurrence respecté le délai légal de congé de six mois de l'art. 266d CO
pour le terme usuel du 1^er octobre 2008.
En effet, il a été constaté (art. 105 al. 1 LTF) que la bailleresse a envoyé
aux recourants le congé du 20 mars 2008 par pli simple et par pli recommandé.
Concernant le courrier simple, l'intimée n'a pas apporté la preuve, qui lui
incombait (art. 8 CC; LACHAT, Bail, op. cit., p. 641 ch. 7.7; HIGI, Commentaire
zurichois, 4^e éd. 1995, n° 42 ad Vorbemerkungen zu Art. 266-266o CO), de la
réception par les locataires du pli renfermant le congé.
En revanche, il ressort des constatations cantonales, non taxées d'arbitraire,
que le congé adressé aux recourants par pli recommandé pouvait être retiré dès
le mercredi 26 mars 2008 au guichet de la poste. Les locataires n'ont jamais
prétendu qu'un avis de retrait n'a pas été déposé dans leur boîte aux lettres.
Les recourants étaient donc à même de prendre connaissance du pli recommandé le
jeudi 27 mars 2008. Le congé a donc été notifié, pour le terme usuel vaudois du
1^er octobre 2008, dans le respect du préavis légal de six mois instauré par
l'art. 266d CO pour les locaux commerciaux.
Le grief doit être rejeté.