Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 136 I 254



Urteilskopf

136 I 254

23. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit social dans la cause M. contre
Service de prévoyance et d'aide sociales (recours en matière de droit public)
8C_724/2009 du 11 juin 2010

Regeste

Art. 5 Abs. 3, Art. 9 und 12 BV; Art. 2 Abs. 1 Ziff. 4 des Waadtländer Gesetzes
über die Hilfe an Asylbewerber und gewisse Ausländerkategorien; Art. 4 Abs. 2
und Art. 4a des Waadtländer Sozialhilfegesetzes; Nothilfe für eine Person ohne
Aufenthaltsbewilligung, deren Gesuch um Regelung ihres Aufenthalts aber hängig
ist; auf die Person bezogene Kriterien der Nothilfe.
Auch ohne Rückweisungsentscheid sind die Waadtländer Behörden befugt,
Leistungen für eine ausländische Person ohne Aufenthaltsbewilligung, bei der
die Regelung des Aufenthalts im Sinne eines Härtefalles aber hängig ist, auf
die Nothilfe zu beschränken (E. 4 und 5).
Nach Aufhebung der ordentlichen Sozialhilfe steht der Einrichtung für den
Empfang von Migranten im Kanton Waadt ein Ermessen zu, das es erlaubt, bei der
Zusprache von Nothilfeleistungen besonderen Situationen Rechnung zu tragen. Die
Anfechtung der Beherbergung in einer Massenunterkunft ist daher vorliegend
verfrüht (E. 6).

Sachverhalt ab Seite 255

BGE 136 I 254 S. 255

A.

A.a M., de nationalité africaine, née en 1975, est arrivée en Suisse en 2003.
En septembre 2004, les médecins du Centre hospitalier universitaire vaudois
(ci-après: CHUV) lui ont appris qu'elle était séropositive au virus HIV; elle
souffrait en outre d'un dysfonctionnement sérieux du rein gauche. En raison de
son état de santé, le Service social du CHUV a déposé pour elle, le 4 mars
2005, une demande d'autorisation de séjour auprès du Service de la population
du canton de Vaud.
BGE 136 I 254 S. 256
Le 30 janvier suivant, ce service a informé M. du fait qu'après un examen de
son dossier, et compte tenu de sa situation médicale, il était disposé à lui
délivrer une autorisation de séjour fondée sur l'art. 13 let. f de l'ordonnance
du 6 octobre 1986 limitant le nombre des étrangers (OLE, aujourd'hui abrogée;
RO 1986 1791, 2007 5528). Il transmettrait donc son dossier pour approbation à
l'Office fédéral des migrations (ci-après: ODM), avec un préavis positif. Le 27
novembre 2006, cet office a toutefois rendu une décision négative. L'intéressée
a recouru devant le Tribunal administratif fédéral.

A.b M. perçoit, depuis le 1^er janvier 2006, une aide sociale sous la forme
d'un revenu d'insertion. Le 19 janvier 2009, le Centre social régional de
Lausanne (ci-après: CSR) a mis fin à cette prestation, avec effet dès le 1^er
avril 2009, en l'informant que dès cette date, seule une aide d'urgence lui
serait allouée. A la suite d'un recours contre cette décision, le Service de
prévoyance et d'aide sociales du canton de Vaud (ci-après: SPAS) s'est enquis,
auprès du Service de la population, de la situation de M. du point de vue de la
police des étrangers. Celui-ci a répondu:
"L'Office fédéral des migrations (ODM) a refusé [...] d'accorder une exception
aux mesures de limitation au sens de l'art. 13, lettre f de l'ordonnance
limitant le nombre des étrangers du 6 octobre 1986 (OLE). Un recours a été
formulé le 21 décembre 2006 auprès du Tribunal administratif fédéral (TAF).
L'ODM a statué uniquement sur l'exception aux mesures de limitation et non sur
le séjour, en effet, le séjour relève de la compétence du canton, pour autant
que l'autorité fédérale accorde préalablement une exception.
Dès lors, il n'y a pas lieu que le TAF rende une décision relative à l'effet
suspensif. Nous vous confirmons ainsi que le TAF n'a pas rendu une décision
quant à l'effet suspensif.
En l'espèce, le séjour de l'intéressé est toléré sur le canton de Vaud par
notre Service."
Par décision du 28 avril 2009, le SPAS a rejeté le recours interjeté par M.

B. Cette dernière a recouru devant le Tribunal cantonal vaudois, qui a rejeté
le recours par jugement du 7 août 2009.

C. M. interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement, en
concluant formellement à la constatation de la violation de diverses
dispositions de la Constitution du canton de Vaud du 14 avril 2003 (Cst./VD; RS
131.231) et de la Convention européenne des droits
BGE 136 I 254 S. 257
de l'homme (CEDH). Elle a demandé que l'effet suspensif soit attribué au
recours.
Le CSR a conclu au rejet du recours et s'en est remis à justice en ce qui
concerne l'octroi de l'effet suspensif au recours. Le SPAS s'est référé au
jugement entrepris et à la décision du 28 avril 2009.
Par ordonnance du 30 octobre 2009, le juge délégué à l'instruction de la cause
a attribué l'effet suspensif au recours.
Le recours a été rejeté.

Auszug aus den Erwägungen:

Extrait des considérants:

2.

2.1 La loi du 2 décembre 2003 sur l'action sociale vaudoise (LASV; RSV 850.051)
s'applique aux personnes domiciliées ou en séjour dans le canton (art. 4 al. 1
LASV). Elle ne s'applique pas aux personnes visées par la loi du 7 mars 2006
sur l'aide aux requérants d'asile et à certaines catégories d'étrangers (LARA;
RSV 142.21), à l'exception des dispositions relatives à l'aide d'urgence (art.
4 al. 2 LASV). Sont notamment concernées par cette exclusion les personnes
séjournant illégalement sur territoire vaudois (art. 2 al. 1 ch. 4 LARA).

2.2

2.2.1 Aux termes de l'art. 4a al. 3 LASV, l'aide d'urgence est dans la mesure
du possible allouée sous forme de prestations en nature. Elle comprend en
principe le logement, en règle générale dans un lieu d'hébergement collectif
(a), la remise de denrées alimentaires et d'articles d'hygiène (b), les soins
médicaux d'urgence dispensés en principe par la Policlinique Médicale
Universitaire (PMU), en collaboration avec les Hospices cantonaux CHUV (c),
ainsi que l'octroi, en cas de besoin établi, d'autres prestations de première
nécessité (d).

2.2.2 Les personnes qui n'entrent pas dans le champ d'application personnel de
la LARA, et pour lesquelles l'action sociale vaudoise n'est donc pas limitée à
l'aide d'urgence, peuvent prétendre, en fonction de leur situation personnelle,
des mesures d'appui social (encadrement, soutien, écoute, information, conseil
et intervention en faveur des personnes concernées auprès d'autres organismes,
dans le but notamment de prévenir le recours au revenu d'insertion; art. 24 ss
LASV), des prestations financières ainsi que des mesures d'insertion sociale ou
professionnelle (revenu d'insertion; art. 27, 31 ss et 47 ss LASV).
BGE 136 I 254 S. 258

3. Les premiers juges considèrent que le séjour de la recourante en Suisse est
illicite au sens de l'art. 2 al. 1 ch. 4 LARA, dès lors qu'elle n'est pas au
bénéfice d'une autorisation de séjour. Le fait qu'elle se trouve dans l'attente
du résultat du recours interjeté contre la décision de l'ODM du 27 novembre
2006 et que le Service de la population tolère son séjour sur le territoire
vaudois pendant cette procédure ne rend pas son séjour licite au sens de la
disposition citée. Par conséquent, la recourante ne peut pas prétendre aux
prestations prévues par la LASV, exceptée l'aide d'urgence.
La recourante soulève les griefs de violation des art. 11, 12, 15, 33 et 38
Cst./VD, ainsi que des art. 3 et 8 CEDH. Elle soutient que l'interprétation et
l'application des normes cantonales en matière d'aide sociale et d'aide
d'urgence par les premiers juges, en particulier les art. 4 LASV et 2 LARA,
sont incompatibles avec les normes constitutionnelles et internationales
invoquées.

4.

4.1 La recourante rappelle d'abord que la notion d'aide d'urgence sous forme de
prestations essentiellement en nature a été introduite avec l'entrée en
vigueur, le 1^er avril 2004, de la loi fédérale du 19 décembre 2003 sur le
programme d'allégement budgétaire 2003 (RO 2004 1633 ss). Il s'agissait à
l'époque de réduire les dépenses dans le domaine de l'asile en incitant les
personnes frappées d'une décision de non-entrée en matière et de renvoi
exécutoire à quitter le territoire. La recourante fait valoir qu'elle n'a pas
fait l'objet d'une décision de renvoi, mais qu'elle a, au contraire, reçu le
soutien des autorités cantonales pour l'obtention d'une autorisation de séjour.
Les autorités fédérales n'ont par ailleurs pas refusé leur approbation,
puisqu'un recours devant le Tribunal administratif fédéral est pendant.

4.2 Aux termes de l'art. 12 de la Constitution fédérale, quiconque est dans une
situation de détresse et n'est pas en mesure de subvenir à son entretien a le
droit d'être aidé et assisté, et de recevoir les moyens indispensables pour
mener une existence conforme à la dignité humaine. La recourante ne soutient
pas que l'art. 33 Cst./VD, auquel elle se réfère, aurait une portée plus large,
de sorte que la jurisprudence relative à l'art. 12 Cst. est pertinente pour
trancher le litige.
Selon cette jurisprudence, le droit fondamental à des conditions minimales
d'existence ne garantit pas un revenu minimum, mais uniquement la couverture
des besoins élémentaires pour survivre d'une
BGE 136 I 254 S. 259
manière conforme aux exigences de la dignité humaine, tels que la nourriture,
le logement, l'habillement et les soins médicaux de base. L'art. 12 Cst. se
limite, autrement dit, à ce qui est nécessaire pour assurer une survie décente
afin de ne pas être abandonné à la rue et réduit à la mendicité (cf. ATF 135 I
119 consid. 5.3 p. 123; ATF 131 V 256 consid. 6.1 p. 261; ATF 131 I 166 consid.
3.1 p. 172; ATF 130 I 71 consid. 4.1 p. 74; ATF 121 I 367 consid. 2c p. 373).
Sa mise en oeuvre peut être différenciée selon le statut de la personne
assistée. Ainsi la jurisprudence a-t-elle admis, pour les personnes qui doivent
quitter la Suisse, en particulier les requérants d'asile sous le coup d'une
décision de non-entrée en matière, qu'il n'y a pas lieu de poursuivre un
intérêt d'intégration ou de garantir des contacts sociaux durables, compte tenu
du caractère en principe temporaire de leur présence sur le territoire suisse (
ATF 131 I 166 consid. 8.2 p. 182). Il est vrai que cette jurisprudence a été
rendue sur recours de personnes auxquelles une décision de non-entrée en
matière sur la demande d'asile ainsi qu'une décision de renvoi exécutoire
avaient été notifiées. Elle trouve toutefois également application dans une
situation telle que celle de la recourante, pour les motifs suivants.

4.3

4.3.1 En l'espèce, la recourante n'a pas déposé une demande d'asile, mais a
demandé l'octroi d'une autorisation de séjour en Suisse au regard de la
législation sur les étrangers. La loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et
l'établissement des étrangers (LSEE; RS 1 113), en vigueur à l'époque de la
demande présentée par la recourante et jusqu'au 31 décembre 2007, prévoyait le
droit, pour l'étranger entré légalement en Suisse, d'y résider sans
autorisation pour une durée de trois mois d'affilée au maximum s'il n'avait pas
l'intention d'y prendre domicile ou d'y exercer une activité lucrative. Il
devait s'annoncer aux autorités et demander une autorisation de séjour avant
l'échéance de ce délai de trois mois s'il avait l'intention de rester plus
longtemps en Suisse. S'il souhaitait y prendre domicile ou y exercer une
activité lucrative, le délai pour s'annoncer et demander une autorisation était
réduit à huit jours dès l'entrée en Suisse (art. 2 al. 1 LSEE; RO 1949 225).
Jusqu'à l'expiration du délai dans lequel il était tenu de déclarer son arrivée
ou, lorsqu'il avait fait régulièrement cette déclaration, jusqu'à la décision
sur sa demande d'autorisation de séjour ou d'établissement, l'étranger entré
légalement en Suisse pouvait y résider, sous réserve d'une décision contraire
de l'autorité (art. 12 al. 3 LSEE a contrario et art. 1 al. 1 du Règlement du 1
^er mars
BGE 136 I 254 S. 260
1949 d'exécution de la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des
étrangers [RSEE; RO 1949 232]). En cas de séjour illégal en Suisseavant le
dépôt de la demande d'autorisation de séjour, l'étranger n'était en principe
pas admis à demeurer en Suisse pendant la durée de la procédure, à moins d'une
décision contraire de l'autorité (cf. MINH SON NGUYEN, Droit public des
étrangers, 2003, p. 171 s.; ANDREAS ZÜND, Beendigung der Anwesenheit,
Entfernung und Fernhaltung, in Ausländerrecht, Peter Uebersax et al. [éd.],
2002, p. 242 n° 202 ch. 6.67).

4.3.2 Depuis le 1^er janvier 2008, la loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les
étrangers (LEtr; RS 142.20) prévoit que tout étranger peut séjourner en Suisse
sans exercer d'activité lucrative pendant trois mois, sans autorisation, sauf
si la durée fixée dans le visa est plus courte (art. 10 al. 1 LEtr). S'il
prévoit un séjour plus long sans activité lucrative, il doit être titulaire
d'une autorisation, qu'il doit solliciter avant son entrée en Suisse auprès de
l'autorité compétente du lieu de résidence envisagé (art. 10 al. 2, 1^re
phrase, LEtr). Il doit également être titulaire d'une autorisation s'il entend
exercer une activité lucrative, quelle que soit la durée de son séjour (art. 11
al. 1 LEtr). Par ailleurs, l'étranger entré légalement en Suisse pour un séjour
temporaire et qui dépose une demande d'autorisation de séjour durable doit
attendre la décision à l'étranger (art. 17 al. 1 LEtr). L'autorité cantonale
compétente peut l'autoriser à séjourner en Suisse durant la procédure si les
conditions d'admission sont manifestement remplies (art. 17 al. 2 LEtr).

4.3.3 La recourante est entrée en Suisse et y a séjourné sans s'annoncer
régulièrement aux autorités au sens de l'art. 2 al. 1 LSEE. Après le dépôt
tardif d'une demande d'autorisation de séjour, le 4 mars 2005, le Service de la
population du canton de Vaud ne l'a pas autorisée à séjourner en Suisse pendant
la durée de la procédure. La renonciation à prendre des mesures en vue de son
renvoi ne peut être assimilée à une décision d'autorisation (cf. ATF 130 II 39
consid. 4 p. 43; voir également consid. 5 ci-après). Que l'on se fonde sur les
art. 12 al. 3 LSEE et 1 al. 1 RSEE ou sur l'art. 17 LEtr, la recourante ne
dispose donc pas d'un véritable titre de séjour en Suisse pendant la durée de
la procédure d'autorisation devant le Service de la population. La question du
droit transitoire applicable ne se pose pas (cf. art. 126 al. 1 et 2 LEtr),
puisque la législation en vigueur jusqu'au 31 décembre 2007 comme celle qui l'a
remplacée conduisent au
BGE 136 I 254 S. 261
même constat. Malgré l'absence de décision formelle de renvoi, les autorités
cantonales peuvent donc, en principe, réduire les prestations allouées à la
recourante à une aide présentant un caractère transitoire marqué, comme l'aide
d'urgence garantie au terme d'une décision de non-entrée en matière ou de rejet
d'une demande d'asile au sens de l'art. 82 al. 1 et 2 de la loi du 26 juin 1998
sur l'asile (LAsi; RS 142.31), sans contrevenir à l'art. 12 Cst.

5.

5.1 La recourante voit un comportement contradictoire des autorités vaudoises
dans le fait qu'elles déclarent, d'une part, "tolérer" le séjour de la
recourante et qu'elles lui refusent, d'autre part, le revenu d'insertion au
motif qu'elle ne dispose pas d'un véritable titre de séjour.

5.2 Aux termes de l'art. 5 al. 3 Cst., les organes de l'Etat et les
particuliers doivent agir conformément aux règles de la bonne foi. Cela
implique notamment qu'ils s'abstiennent d'adopter un comportement
contradictoire ou abusif (ATF 134 V 306 consid. 4.2 p. 312). De ce principe
découle notamment le droit de toute personne à la protection de sa bonne foi
dans ses relations avec l'Etat (art. 9 Cst.; sur le rapport avec l'art. 5 al. 3
Cst.: arrêt 1P.701/2004 du 7 avril 2005 consid. 4.2 et les références). L'art.
11 Cst./VD auquel se réfère la recourante ne revêt pas une portée plus large.

5.3

5.3.1 L'art. 20 LEtr autorise le Conseil fédéral à limiter le nombre
d'autorisations de courte durée initiales et celui des autorisations de séjour
initiales (art. 32 et 33) octroyées en vue de l'exercice d'une activité
lucrative (al. 1, 1^re phrase). Le Conseil fédéral peut fixer un nombre maximum
d'autorisations pour la Confédération et pour chaque canton (al. 2). Avant
l'entrée en vigueur de la LEtr, ces mesures de limitation étaient fixées dans
l'OLE en relation avec l'art. 25 al. 1 LSEE. L'art. 13 let. f OLE autorisait
les cantons à délivrer une autorisation de séjour indépendamment des nombres
maximaux fixés par le Conseil fédéral, lorsque l'ODM y consentait en raison de
la situation personnelle d'extrême gravité dans laquelle se trouvait
l'intéressé (sur la notion de situation personnelle d'extrême gravité: ATF 130
II 39 consid. 3 p. 41; ATF 128 II 200 consid. 4 et 5.3 p. 207 ss). Lorsqu'une
telle situation était reconnue, cette disposition permettait notamment la
régularisation d'une personne se trouvant jusqu'alors en situation irrégulière
en Suisse, même si elle n'avait pas été conçue dans ce but
BGE 136 I 254 S. 262
(cf. ATF 130 II 39 consid. 5.2 p. 45; MARC SPESCHA, in Migrationsrecht, 2^e éd.
2009, n° 5 ad art. 30 LEtr; PETER NIDERÖST, Sans-Papiers in der Schweiz, in
Ausländerrecht, Peter Uebersax et al. [éd.], 2^e éd. 2009, p. 379 ss ch. 9.15
ss, 9.19 ss). La question est désormais régie par l'art. 30 al. 1 let. b LEtr,
qui prévoit la possibilité d'une dérogation aux conditions d'admission (art. 18
à 29 LEtr) en cas de situation personnelle d'extrême gravité. La notion est la
même que celle de l'art. 13 let. f OLE (Message du 8 mars 2003 concernant la
loi sur les étrangers, FF 2002 3543 s.); la jurisprudence relative à cette
dernière disposition reste donc applicable (cf. art. 31 al. 1 de l'ordonnance
du 24 octobre 2007 relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une
activité lucrative [OASA; RS 142.201]; SPESCHA, loc. cit.; NIDERÖST, loc.
cit.).

5.3.2 Lorsqu'une personne dépose une demande d'autorisation de séjour en vue de
régulariser sa situation, elle encourt le risque d'être renvoyée à l'étranger
avant même qu'une décision soit rendue sur sa demande. Cette situation pourrait
dissuader des personnes de s'annoncer aux autorités alors même que leur séjour
en Suisse pourrait être régularisé. Afin de l'éviter, certains cantons semblent
admettre le dépôt d'une demande de régularisation sous une forme anonymisée
(cf. NIDERÖST, op. cit., p. 383 ch. 9.30). D'autres renoncent provisoirement à
des mesures de renvoi lorsqu'ils soumettent à l'ODM une demande de dérogation
aux conditions d'admission pour un cas individuel d'extrême gravité (dans ce
sens, Bulletin des séances du Grand Conseil du canton de Vaud n° 70, séance du
21 février 2006, p. 8306 et 8307). C'est dans ce contexte que le Service de la
population du canton de Vaud a déclaré tolérer le séjour de la recourante
jusqu'à l'issue de la procédure. Cette tolérance est destinée à permettre aux
personnes pour lesquelles une régularisation en raison d'une situation
personnelle d'extrême gravité est envisageable de s'annoncer aux autorités sans
craindre un renvoi immédiat, plutôt que de rester dans la clandestinité. Elle
n'entre pas en contradiction, quant au principe, avec le refus de prestations
plus étendues que l'aide d'urgence pendant la durée de la procédure, fondé sur
les art. 2 al. 1 ch. 4 LARA et 4a LASV.

6.

6.1 La recourante soutient que l'exclusion de l'aide sociale pendant la durée
de la procédure implique une ingérence dans sa vie privée, en particulier dans
le choix de son domicile, puisque la prise en
BGE 136 I 254 S. 263
charge du loyer d'un logement individuel sera supprimée et qu'elle devra
s'attendre à un hébergement collectif malgré l'atteinte à la santé dont elle
souffre. Elle y voit une violation de l'art. 8 CEDH garantissant le droit de
toute personne au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de
sa correspondance et conteste que l'atteinte soit nécessaire, dès lors que les
autorités pourraient y mettre fin en statuant dans un délai raisonnable sur sa
demande d'autorisation de séjour. La recourante se réfère également aux art. 12
et 15 Cst./VD.

6.2 Le droit d'obtenir de l'aide en situation de détresse est étroitement lié
au droit à la vie et à la liberté personnelle (art. 10 Cst.) qui en constitue
l'un des principaux fondements, avec la garantie de la dignité humaine (art. 7
Cst.; cf. ATF 135 I 119 consid. 7.3 p. 126; ATF 132 I 49 consid. 5.1 p. 54; ATF
121 I 367 consid. 2b p. 371; KATHRIN AMSTUTZ, Das Grundrecht auf
Existenzsicherung, 2002, p. 71 ss, 78 ss, 110 s.; MARGRITH BIGLER-EGGENBERGER,
in Die Schweizerische Bundesverfassung, Bernhard Ehrenzeller [éd.], 2^e éd.
2008, n^os 2 et 6 ad art. 12 Cst.; HÄFELIN/HALLER/KELLER, Schweizerisches
Bundesstaatsrecht, 7^e éd. 2008, p. 106 n. 337 s.; FELIX WOLFFERS, Grundriss
des Sozialhilferechts, 2^e éd. 1999, p. 79 ss, 83). L'un des aspects du droit à
la liberté personnelle se trouve par ailleurs concrétisé, au niveau
international, par l'art. 8 CEDH, relatif au respect de la vie privée et
familiale. Les art. 10 al. 2 Cst. et 8 CEDH garantissent ainsi tous deux le
droit de toute personne à un espace de liberté dans lequel elle puisse se
développer et se réaliser. Dans le cadre de sa sphère privée, l'individu doit
pouvoir disposer librement de sa personne et de son mode de vie (cf. ATF 133 I
58 consid. 6.1 p. 66; arrêt 6C_1/2008 du 9 mai 2008 consid. 4, non publié in
ATF 134 I 214). Les art. 12 et 15 Cst./VD ne revêtent pas une portée plus
large.

6.3 En lien avec la garantie de la dignité humaine et le droit à la liberté
personnelle, plusieurs auteurs soutiennent que l'aide allouée ponctuellement
pour faire face à une situation de détresse transitoire peut s'avérer
insuffisante sur une longue durée, en particulier pour une famille ou une
personne atteinte dans sa santé (AMSTUTZ, op. cit., p. 145 s., 213, 228, 332
s.; MÜLLER/SCHEFER, Grundrechte in der Schweiz, 4^e éd. 2008, p. 769; CARLO
TSCHUDI, Nothilfe an Personen mit Nichteintretensentscheid, Jusletter du 20
mars 2006, n^o 31; cf. également BIGLER-EGGENBERGER, op. cit., n° 8 s. ad art.
12 Cst.; CHARLOTTE GYSIN, Der Schutz des Existenzminimums in der Schweiz, 1999,
p. 233 s.). Le Tribunal fédéral a laissé ouverte la question dans
BGE 136 I 254 S. 264
l' ATF 135 I 119 consid. 7.3 p. 126, en rapport avec le point de savoir si un
minimum de prestations en espèces (argent de poche) doit être remis, en plus de
prestations en nature, à tout le moins pour des éventualités où l'aide
d'urgence se prolonge.

6.4 Dans le canton de Vaud, en ce qui concerne plus particulièrement la
question du logement, la conception doctrinale évoquée ci-avant a trouvé un
relais lors des discussions parlementaires relatives à l'art. 4a al. 3 let. a
LASV. La formulation de cette disposition est finalement restée relativement
ouverte, en prévoyant "en règle générale" un hébergement collectif, de manière
à laisser une marge d'appréciation suffisante à l'autorité d'exécution pour
statuer dans des cas particuliers (cf. Bulletin des séances du Grand Conseil du
canton de Vaud n^o 68, séance du 14 février 2006, p. 8184, 8187, 8189). Rendue
sur la base de cette réglementation cantonale, la décision de suppression du
revenu d'insertion du 19 janvier 2009 n'est pas critiquable. Elle précise que
l'Etablissement vaudois pour l'accueil des migrants (EVAM) continuera à prendre
en charge le loyer de la recourante au titre de l'aide d'urgence, jusqu'à ce
qu'un éventuel autre hébergement soit décidé; compte tenu de la marge
d'appréciation réservée à l'EVAM par l'art. 4a al. 3 LASV, sur laquelle la
décision du 19 janvier 2009 n'empiète pas, la contestation de la recourante
relative à ses conditions d'hébergement est prématurée.

6.5 Au demeurant, la procédure d'autorisation de séjour est ouverte depuis
maintenant plus de cinq ans, mais la décision administrative à l'origine de la
présente procédure ne prévoyait de limiter les prestations allouées à la
recourante qu'à partir du 1^er avril 2009. Cette décision n'a pas encore pris
effet en raison de l'effet suspensif attribué aux recours successifs de
l'intéressée.

6.6 Vu ce qui précède, le grief tiré d'une violation des art. 8 CEDH, 12 et 15
Cst./VD est mal fondé.