Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 136 IV 127



Urteilskopf

136 IV 127

19. Extrait de l'arrêt de la Cour de droit pénal dans la cause X. contre
Procureur général du canton de Genève et consorts (recours en matière pénale)
6B_726/2009 du 28 mai 2010

Regeste

Art. 305^ter Abs. 1 StGB; mangelnde Sorgfalt bei Finanzgeschäften.
Die Verpflichtung zur Dokumentation konkretisiert die Identifikationspflicht,
und ihre Missachtung erfüllt den Tatbestand von Art. 305^ter Abs. 1 StGB. Die
Modalitäten der Dokumentation fallen hingegen in die Zuständigkeit der
Bankinstitute und werden von der genannten Strafbestimmung nicht erfasst (E.
3).

Auszug aus den Erwägungen: ab Seite 127

BGE 136 IV 127 S. 127
Extrait des considérants:

3. Invoquant une violation de l'art. 305^ter al. 1 CP, le recourant conteste sa
condamnation pour défaut de vigilance en matière d'opérations financières.

3.1 Aux termes de cette disposition, celui qui, dans l'exercice de sa
profession, aura accepté, gardé en dépôt ou aidé à placer ou à
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transférer des valeurs patrimoniales appartenant à un tiers et qui aura omis de
vérifier l'identité de l'ayant droit économique avec la vigilance que
requièrent les circonstances, sera puni d'une peine privative de liberté d'un
an au plus.

3.1.1 Cette norme sanctionne un délit de mise en danger abstraite. Le
comportement incriminé consiste à effectuer des opérations financières sans
identifier l'ayant droit économique. La violation du devoir d'identification
est à elle seule suffisante. La question de savoir si les valeurs patrimoniales
ont été acquises par l'ayant droit économique de manière répréhensible est sans
pertinence (ATF 125 IV 139 consid. 3b p. 142). L'objet du devoir de diligence
visé par l'art. 305^ter al. 1 CP est la constatation ou l'identification de
l'ayant droit économique, qui est la personne physique ou morale qui a la
possibilité de fait de disposer des valeurs patrimoniales et donc celui à qui
ces valeurs appartiennent sous l'angle économique (ATF 125 IV 139 consid. 3c p.
143).
Cette disposition définit un délit continu. Le financier doit procéder à de
nouvelles vérifications si, au cours des relations d'affaires, il se rend
compte - par la découverte ou la survenance de faits nouveaux - que
l'identification est incorrecte, soit par exemple parce que le client l'a
trompé ou que l'ayant droit économique a changé (cf. ATF 134 IV 307 consid. 2.4
p. 311).

3.1.2 Cette norme pénale tend à assurer la transparence dans le secteur
financier afin d'éviter que les blanchisseurs de capitaux ne tirent profit de
l'anonymat des relations pour se livrer à leurs activités criminelles. La
connaissance du réel propriétaire économique des valeurs doit faciliter les
enquêtes pénales. Le but ultime de la norme réside dans la protection de
l'administration de la justice pénale. On peut ainsi en déduire que l'objectif
visé par la norme pénale est atteint lorsque l'ayant droit économique est
identifié. Cette identification implique certes de procéder à des mesures de
vérification avec toute la vigilance requise. Reste que si en fin de compte une
identification correcte a lieu, il ne paraît guère approprié, dès lors que le
but recherché est atteint, d'appliquer l'art. 305^ter CP à celui qui a accompli
des vérifications insuffisantes. En ce sens, le résultat importe plus que la
manière. En conséquence, cette norme ne saurait être appliquée en cas
d'identification correcte de l'ayant droit économique, même si l'intermédiaire
financier est parvenu à cette identification sans procéder avec toute la
vigilance requise par les circonstances concrètes (ATF 129 IV 329 consid. 2.5
p. 335 s.).
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3.1.3 La notion de "vigilance requise par les circonstances" impose au
financier un devoir d'identification dont les limites résident dans le principe
de la proportionnalité. Le degré de diligence requis n'est pas défini par la
loi pénale. Le message du Conseil fédéral de 1989 renvoie à cet égard aux
règles internes gouvernant les professions concernées, à savoir, en matière
bancaire, à la Convention relative à l'obligation de diligence des banques (cf.
Message du 12 juin 1989 concernant la modification du code pénal suisse
[Législation sur leblanchissage d'argent et le défaut de vigilance en matière
d'opérations financières], FF 1989 II 989). Aujourd'hui, les devoirs de
diligence des intermédiaires financiers sont ancrés dans la loi fédéraledu 10
octobre 1997 concernant la lutte contre le blanchiment d'argent et le
financement du terrorisme dans le secteur financier (LBA; RS 955.0), loi qui
est entrée en vigueur le 1^er avril 1998.

3.1.3.1 Selon le message du Conseil fédéral, le processus d'identification
exige un minimum de règles écrites (FF 1989 II 989).
Selon l'art. 7 LBA, l'intermédiaire financier doit établir des documents
relatifs aux transactions effectuées ainsi qu'aux clarifications requises en
vertu de la présente loi de manière à ce que des tiers experts en la matière
puissent se faire une idée objective sur les transactions et les relations
d'affaires ainsi que sur le respect des dispositions de la présente loi (al.
1). Il conserve les documents de manière à pouvoir satisfaire, dans un délai
raisonnable, aux éventuelles demandes d'informations ou de séquestre présentées
par les autorités de poursuite pénale (al. 2). Il conserve les documents dix
ans après la cessation de la relation d'affaires ou après la fin de la
transaction (al. 3).
L'art. 23 de l'ordonnance de l'Autorité fédérale de surveillance des marchés
financiers du 18 décembre 2002 sur la prévention du blanchiment d'argent et du
financement du terrorisme dans le domaine des banques, des négociants en
valeurs mobilières et des placements collectifs (OBA-FINMA 1; RS 955.022),
entrée en vigueur le 1^er juillet 2003, prévoit que l'intermédiaire financier
organise sa documentation de façon à être en mesure d'indiquer dans un délai
raisonnable, documents à l'appui, aux autorités de poursuite pénale ou à
d'autres autorités habilitées qui est le donneur d'ordre d'un virement sortant
et si une entreprise ou une personne: est un cocontractant ou un ayant droit
économique (let. a); a effectué une opération de caisse exigeant la
vérification de l'identité des personnes concernées (let. b);
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dispose d'une procuration durable sur un compte ou un dépôt, dans la mesure où
celle-ci ne ressort pas déjà d'un registre officiel (let. c).
D'après le ch. 22 de la Convention du 7 avril 2008 relative à l'obligation de
diligence des banques (CDG 08), qui concerne l'obligation de documentation, et
qui reprend le ch. 22 de la Convention du 2 décembre 2002 relative à
l'obligation de diligence des banques (CDB 03), il y a lieu de conserver de
manière appropriée le nom, le prénom, la date de naissance, la nationalité et
l'adresse du domicile (la raison sociale et le siège, s'il s'agit d'une
personne morale ou d'une société) du cocontractant, ainsi que les moyens
utilisés pour vérifier son identité. Lorsque le cocontractant provient d'un
pays dans lequel les dates de naissance ou les adresses de siège ou de domicile
ne sont pas utilisées, l'exigence relative à ces données ne s'applique pas. La
photocopie de la pièce de légitimation officielle et les autres documents ayant
servi à vérifier l'identité doivent être conservés. Le ch. 23 de la CDG 08
précise que la banque doit prendre des dispositions pour s'assurer que la
procédure de vérification de l'identité du cocontractant a été correctement et
suffisamment documentée (al. 1). Ces dispositions impliquent notamment que
l'arrivée des documents relatifs à la vérification de l'identité du contractant
auprès de la banque, ou leur disponibilité dans le système de la banque, puisse
être retracée (al. 2).
Dans le domaine bancaire, la déclaration du client sur l'identité de l'ayant
droit économique est effectuée moyennant le formulaire A de l'Association
suisse des banquiers, qui est annexé à la CDB (cf. art. 3 et ch. 30 CDB 08 et
CDB 03). Les banques sont toutefois libres d'utiliser un autre formulaire dont
le contenu doit toutefois être équivalent à celui du formulaire modèle (cf. ch.
31 CDB 08 et CDB 03).

3.1.3.2 L'art. 305^ter CP a pour objet la réunion d'informations susceptibles
de faciliter les enquêtes pénales sur l'origine des valeurs. Il doit permettre
aux autorités, notamment de poursuite pénale, de reconstituer le puzzle des
transactions financières et de remonter plus facilement jusqu'aux cerveaux des
organisations financières (cf. FF 1989 II 1989; MARLÈNE KISTLER, La vigilance
requise en matière d'opérations financières, 1994, p. 208). Pour ce faire,
l'intermédiaire financier doit conserver une trace écrite de l'identité de ses
clients et des ayants droit économiques des comptes, de manière à pouvoir
communiquer ces renseignements aux autorités compétentes en cas de demande. En
effet, même un homme diligent ne saurait se
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souvenir du nom, du prénom, de l'adresse, de la date de naissance et de la
nationalité de tous ses clients et encore moins de ceux des ayants droit
économiques, de sorte qu'une trace écrite de ces données doit être conservée.
Cette obligation de documentation constitue la concrétisation du devoir de
vérification et son manquement constitue par conséquent une violation de l'art.
305^ter CP (cf. NIKLAUS SCHMID, in Kommentar, Einziehung, Organisiertes
Verbrechen, Geldwäscherei, vol. II, 2002, p. 72 s.; KISTLER, op. cit., p. 206;
contra notamment: PHILIPPE GRÜNINGER, Die Strafbarkeit der Verletzung von
Sorgfaltspflichten bei Finanzgeschäften, Diss. Zürich 2005, p. 149 s.; MARK
PIETH, in Basler Kommentar, Strafrecht, vol. II, 2^e éd. 2007, n° 22 ad art.
305^ter CP et les auteurs cités). Cette interprétation est conforme au but de
la loi tel que décrit ci-dessus de même qu'aux textes légaux et à la CDB 08
mentionnés au considérant précédent.
Reste que la loi pénale et la LBA ne précisent pas la manière dont les actes
doivent être documentés, ni n'obligent les banques à tenir un fichier précis ou
informatisé. Selon la CDB, les banques restent d'ailleurs libres d'utiliser
leurs propres formulaires, même si le contenu de ceux-ci doit être équivalent
au formulaire A (cf. ch. 31 CDB 08 et CDB 03). Les modalités de la
documentation restent donc de la compétence des établissements bancaires et ne
sauraient par conséquent constituer une violation de l'art. 305^ter CP. De
plus, conformément à la jurisprudence exposée à l'ATF 129 IV 329, l'objectif
visé par l'art. 305^ter CP est atteint lorsque l'ayant droit économique est
identifié, le résultat important plus que la manière.

3.2 Le recourant soutient que B.Z. était bien l'ayant droit économique du
compte Y. SA, puisqu'il avait le contrôle des valeurs en cause, de sorte
qu'aucune omission d'identification ne saurait lui être reprochée.
Ce faisant, l'intéressé se contente de nier le fait contesté, à savoir qu'il
savait que B.Z. n'était pas l'ayant droit économique du compte Y. SA, ce qui ne
suffit manifestement pas à faire admettre l'arbitraire, qui n'est d'ailleurs
même pas allégué. Le recours sur ce point ne satisfait pas aux exigences de
motivation de l'art. 106 al. 2 LTF, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'entrer en
matière.

3.3 Le recourant conteste avoir violé son devoir de diligence, dès lors qu'il
connaissait l'identité de tous les investisseurs italiens, soit des ayants
droit du compte Y. SA.
Certes, selon les faits retenus, le recourant a laissé subsister, en relation
avec le compte Y. SA, un formulaire A qui ne correspondait
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plus à la réalité. Reste que, d'après l'arrêt entrepris, le recourant
connaissait l'identité des ayants droit de ce compte. Il avait en effet reçu
personnellement ces investisseurs à la Banque R., où il leur avait ouvert des
comptes sur lesquels ils avaient déposé leurs avoirs, qui avaient ensuite été
transférés sur le compte Y. SA (cf. let. A des faits non publiés). Ces
constatations cantonales sont toutefois insuffisantes pour savoir si le
recourant, agissant comme intermédiaire financier au sens de l'art. 2 al. 2
let. a LBA, a organisé une documentation en relation avec ces investisseurs
italiens et s'il lui était par conséquent possible de les identifier, dans un
délai raisonnable et pièces à l'appui, comme étant les véritables ayants droit
économiques du compte susmentionné en cas de demande effectuée par une autorité
de poursuite pénale ou une autre autorité habilitée. Dans ces conditions, les
éléments sont insuffisants pour conclure que le recourant a violé son devoir de
diligence en matière d'identification. En conséquence, le recours doit être
admis sur ce point et la cause doit être retournée en instance cantonale pour
compléter l'état de fait.