Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 136 IV 122



Urteilskopf

136 IV 122

18. Extrait de l'arrêt de la Cour de droit pénal dans la cause X. contre Y. et
Procureur général du canton de Genève (recours en matière pénale)
6B_986/2009 du 8 juin 2010

Regeste

Vernachlässigung von Unterstützungspflichten; Art. 217 StGB.
Der Vater, der mit der Mutter nicht verheiratet ist und das Kind nicht
anerkannt hat, macht sich nicht der Vernachlässigung von
Unterstützungspflichten schuldig, wenn er vor dem Eintritt der Rechtskraft des
Vaterschaftsurteils keinen Unterhalt für das Kind leistet (E. 2.1 und 2.2), es
sei denn, er sei aufgrund von vorsorglichen Massnahmen dazu verpflichtet worden
(E. 2.3). Anwendung auf den Einzelfall (E. 2.4).

Sachverhalt ab Seite 122

BGE 136 IV 122 S. 122

A. Par un jugement du 29 mai 2006, rendu par défaut du défendeur X., le
Tribunal de première instance du canton de Genève a attribué la paternité de
l'enfant A., né en 2000, à X. et condamné celui-ci à payer en mains de Y., mère
de l'enfant, des contributions mensuelles d'entretien dès le 1^er avril 2005.
Le 29 novembre 2006, Y. a porté plainte pénale contre X. pour le non-paiement
des contributions échues d'avril 2005 à novembre 2006.
Par jugement du 10 mars 2009, le Tribunal de police du canton de Genève a
reconnu X. coupable de violation d'une obligation d'entretien (art. 217 CP),
pour n'avoir rien payé à la plaignante d'avril 2005 à novembre 2006. Il l'a
condamné à trente jours-amende de 30 fr., avec sursis pendant deux ans.

B. Sur appel de X., la Chambre pénale de la Cour de justice du canton de Genève
a confirmé ce jugement par un arrêt du 12 octobre 2009.
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C. X. recourt au Tribunal fédéral contre ce dernier arrêt, dont il demande
principalement la réforme en ce sens qu'il soit acquitté. À titre subsidiaire,
il conclut à l'annulation, avec renvoi de la cause à la cour cantonale pour
nouveau jugement.
L'intimée Y. et le Procureur général du canton de Genève concluent tous deux au
rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

Extrait des considérants:

2. Le délit puni par l'art. 217 CP suppose que l'auteur soit tenu d'une
obligation d'entretien en vertu du droit de la famille. À ce défaut, l'un des
éléments objectifs de l'infraction manque.

2.1 Avant l'entrée en vigueur de la loi fédérale du 25 juin 1976 modifiant le
droit de la filiation (RO 1977 237 264), l'ancien art. 319 CC obligeait le père
non marié avec la mère à contribuer aux frais d'entretien de son enfant
illégitime même en l'absence d'une reconnaissance ou d'un jugement de
paternité, c'est-à-dire même sans établissement du lien juridique de filiation
(cf. HEGNAUER/MEIER, Droit de la filiation et de la famille, 4^e éd. 1998, n°
1.17 p. 5). La loi faisait découler cette obligation de la parenté naturelle
existant entre le père et son enfant (ATF 78 II 318 consid. 1 p. 322).
L'inexécution intentionnelle de cette obligation était sanctionnée par l'ancien
art. 217 ch. 1 al. 2 CP, dans la teneur que lui avait donnée la loi fédérale du
5 octobre 1950 (RO 1951 16). En vertu de cette disposition, était punissable
notamment celui qui, par mauvaise volonté, par fainéantise ou par inconduite,
n'avait pas satisfait aux obligations pécuniaires que la loi lui imposait
envers un "enfant naturel". Dans ces conditions, comme l'a jugé la cour de
céans à l' ATF 91 IV 225 consid. 2a p. 226, le refus intentionnel du père
naturel de fournir toute prestation tombait sous le coup de la loi pénale sans
qu'il soit nécessaire que le juge civil ait préalablement condamné l'intéressé
à verser des contributions d'entretien ou pris acte d'une convention
alimentaire.
Cependant, depuis l'entrée en vigueur du nouveau droit de la filiation, le 1^er
janvier 1978 (RO 1977 264), le droit de la famille ne connaît plus de paternité
alimentaire, fondée sur une relation de fait. Le rapport juridique de filiation
est devenu une condition nécessaire de l'obligation que l'art. 276 CC met à la
charge des père et mère (ATF 129 III 646 consid. 4.1 p. 651). Certes, le père
non marié avec la mère peut s'engager, sans reconnaissance et en dehors de
toute
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procédure judiciaire, à supporter une partie des frais d'entretien et
d'éducation de l'enfant. Mais l'obligation que crée une telle convention ne
dérive pas du droit de la famille (ATF 108 II 527 consid. 1b p. 530). Dès lors,
comme le jugement de paternité a effet constitutif (ATF 129 III 646 consid. 4.1
p. 651 et les références), l'art. 276 CC n'oblige le père qui n'est pas marié
avec la mère et qui n'a pas reconnu l'enfant que si sa paternité est établie
par un jugement entré en force.

2.2 Sur le plan pénal, la loi fédérale du 23 juin 1989 (RO 1989 2449) a adapté
l'art. 217 CP au nouveau droit de la filiation (Message du 26 juin 1985
concernant la modification du code pénal et du code pénal militaire, FF 1985 II
1021 ss ch. 215.5), notamment en supprimant toute référence à l'"enfant
naturel". Elle a exclu de la protection pénale les obligations contractées sur
la seule base du droit des obligations. Aussi, en droit positif, un père qui
n'est pas marié avec la mère et qui n'a pas reconnu son enfant ne saurait-il
être déclaré coupable de violation de l'obligation d'entretien prévue à l'art.
276 CC pour n'avoir pas versé de contributions à un moment où sa paternité
n'avait pas encore été établie par un jugement définitif et non nul (cf., en ce
sens, THOMAS BOSSHARD, in Commentaire bâlois, CP, vol. II, 2^e éd. 2007, n° 14
ad art. 217 CP p. 1246; DONATSCH/WOHLERS, Delikte gegen die Allgemeinheit, 3^e
éd. 2004, p. 11 s.). Certes, le jugement de paternité rétroagit au jour de la
naissance de l'enfant (CYRIL HEGNAUER, Commentaire bernois, vol. II/2/1, 2^e
éd. 1984, n^os 102 ad art. 261 CC p. 369 et 170 ad art. 260 CC p. 294; MEIER/
STETTLER, Droit de la filiation, vol. I, 3^e éd. 2005, n° 173 p. 72) et
l'action alimentaire peut tendre au paiement de contributions pour l'année
précédant le début de la litispendance (art. 279 al. 1 CC). Mais un acte-action
ou omission-ne constitue un délit formel que s'il en réunit tous les éléments
constitutifs au moment où il survient. Il est possible qu'un tel délit ne
devienne punissable que si une condition objective est réalisée postérieurement
(cf. GRAVEN/STRÄULI, L'infraction pénale punissable, 2^e éd. 1995, n° 39 p. 58
s.; GÜNTER STRATENWERTH, Die Straftat, 3^e éd. 2005, § 8 n° 29), mais non qu'il
soit constitué rétroactivement, c'est-à-dire sans que la règle de comportement
dont il suppose la transgression (cf. STRATENWERTH, op. cit., § 8 n° 10) ait
déjà interdit à l'auteur d'accomplir l'action qui lui est reprochée au moment
où il l'a commise, ou qu'elle l'ait déjà obligé à exécuter l'acte dont on lui
impute l'omission au moment où il s'en est abstenu. Il s'ensuit que le
défendeur qui succombe à une action
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en recherche de paternité à laquelle est cumulée une action alimentaire (art.
280 al. 3 CC) ne saurait être déclaré coupable de violation d'une obligation
d'entretien pour ne pas avoir versé, avant l'entrée en force du jugement, les
contributions que celui-ci met à sa charge pour le passé. Il ne pourra être
condamné au pénal que s'il ne règle pas ces contributions après l'entrée en
force du jugement, alors qu'il a encore les moyens de les payer ou qu'il
pourrait encore les avoir.

2.3 Une fois l'action en recherche de paternité introduite, l'art. 283 CC
permet à la partie demanderesse de faire condamner au paiement de contributions
provisoires le défendeur dont la paternité est présumée et le reste après
l'administration des preuves immédiatement disponibles. Si l'action est admise,
ces contributions constitueront des à-valoir sur la créance de l'enfant; en cas
contraire, elles devront être remboursées au défendeur (CYRIL HEGNAUER,
Commentaire bernois, vol. II/2/2/1, 1997, n^os 42 ss ad art. 281-284 CC).
D'après la doctrine majoritaire, le non-paiement de telles contributions peut
entraîner une condamnation pour violation d'une obligation d'entretien
(BOSSHARD, op. cit., n° 14 ad art. 217 CP p. 1246; URS BRODER, Delikte gegen
die Familie, insbesondere Vernachlässigung von Unterhaltspflichten, RPS 1992 p.
290 spécialement p. 300; DONATSCH/WOHLERS, op. cit., p. 11; HEGNAUER, op. cit.,
vol. II/2/2/1, 1997, n° 42 ad art. 281-284 CC p. 330; JOSÉ HURTADO POZO, Droit
pénal, Partie spéciale, 2009, n° 3447 p. 1007). Mais quelques auteurs
contestent cette opinion, en faisant valoir qu'une ordonnance de mesures
provisionnelles rendue en application de l'art. 283 CC ne suppose pas que la
paternité du défendeur soit établie, mais seulement qu'elle soit vraisemblable;
d'après eux, le degré de preuve exigé pour une condamnation pénale ne serait
dès lors pas atteint (PETER ALBRECHT, in Kommentar zum schweizerischen
Strafrecht, vol. IV, 1997, n° 32 ad art. 217 CP p. 171; KURT FRICKER, Die
vorsorglichen Massregeln im Vaterschaftsprozess nach Art. 282-284 ZGB, 1978, p.
174 s.). Sous l'ancien droit, un auteur avait également contesté l'opinion
majoritaire en arguant qu'elle aboutissait à un résultat peu satisfaisant dans
les cas où l'action en recherche de paternité était finalement rejetée (ANDRÉ
GUSTAV MEYER, Die Vernachlässigung von Unterhalts- und Unterstützungspflichten,
1944, p. 56 s.).
Les objections de la doctrine minoritaire ne sont pas convaincantes.
L'obligation faite au défendeur de payer des contributions
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provisoires en vertu de l'art. 283 CC découle d'une disposition légale
appartenant au "droit de la famille" au sens de l'art. 217 CP. Durant la
litispendance, même si elle est soumise à la condition résolutoire que
constitue l'éventuel rejet de l'action au fond, cette obligation existe (cf.
PIERRE ENGEL, Traité des obligations en droit suisse, 2^e éd. 1997, p. 858).
Elle a pour objet l'entretien d'une personne. Dès lors, comme l'admet la
doctrine majoritaire, son inexécution intentionnelle durant la litispendance
par un défendeur qui a ou pourrait avoir les moyens d'y satisfaire tombe sous
le coup de l'art. 217 CP, indépendamment du mérite de l'action en recherche de
paternité.

2.4 Dans le cas présent, le recourant est accusé de violation d'une obligation
d'entretien exclusivement pour ne pas avoir réglé, pendant la période pénale
d'avril 2005 à novembre 2006, les contributions mises à sa charge par le
jugement de paternité du 29 mai 2006. Dans la mesure où il reconnaît le
recourant coupable pour le non-paiement avant l'entrée en force de ce jugement,
l'arrêt entrepris doit être annulé, faute de mesures provisionnelles.
L'arrêt attaqué fixe la date d'entrée en force du jugement de paternité au 28
juin 2006. Mais il retient aussi que ce jugement a été rendu par défaut le 29
mai 2006, soit exactement trente jours plus tôt. Or, le recourant, qui n'a pas
comparu, ne peut pas avoir reçu notification du jugement le jour même où
celui-ci a été prononcé, le 29 mai 2006. Le délai d'opposition, qui est de
trente jours (cf. art. 84 de la loi de procédure civile genevoise du 10 avril
1987 [LPC; RSG E3 05]), a donc nécessairement commencé à courir plus tard, de
sorte que la date d'entrée en force du jugement civil mentionnée dans l'arrêt
attaqué résulte soit de constatations de fait manifestement inexactes au sens
des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, soit d'une application arbitraire des
règles cantonales de procédure civile. Partant, il convient de renvoyer la
cause à la cour cantonale afin, notamment, qu'elle détermine à nouveau la date
d'entrée en force du jugement civil.
L'arrêt attaqué constate que le recourant a effectivement pris connaissance du
jugement civil le 21 mars 2007. Mais il précise aussi que le curateur de
l'enfant l'avait informé, par un courriel du 30 août 2005, de son intention de
lui intenter l'action en recherche de paternité. Il appartiendra dès lors aussi
à la cour cantonale de déterminer si le recourant a compté avec la possibilité
qu'un procès en paternité lui soit intenté avec succès à Genève et s'il s'en
est accommodé. Dans
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l'affirmative et si le jugement civil est entré en force avant le 30 novembre
2006 (fin de la période pénale), le recourant devra être reconnu coupable de
violation d'une obligation d'entretien par dol éventuel; la cour cantonale
confirmera la déclaration de culpabilité et réduira la peine en tenant compte
de l'absence d'infraction pour la partie de la période pénale antérieure à
l'entrée en force du jugement civil. En revanche, si le jugement civil est
entré en force après la période pénale ou si un dol éventuel ne peut être
retenu, la cour cantonale acquittera le recourant.