Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 136 II 88



Urteilskopf

136 II 88

9. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public dans la cause X. SàrL
contre Administration fiscale cantonale genevoise (recours en matière de droit
public)
2C_897/2008 du 1er octobre 2009

Regeste

Art. 57 und 58 DBG: Ermittlung des steuerbaren Reingewinns einer Gesellschaft
mit beschränkter Haftung, die ihre Bücher in amerikanischen Dollars führt.
Der steuerbare Reingewinn ermittelt sich nach dem Buchführungsrecht, unter dem
Vorbehalt besonderer steuerrechtlicher Korrekturvorschriften (E. 3.1).
Berücksichtigung der international anerkannten Grundsätze betreffend
Buchführung, namentlich der IFRS-Normen ("International Financial Reporting
Standards"; E. 3.2-3.4).
Art. 960 Abs. 1 OR verlangt, dass eine Gesellschaft, die ihre Bücher in einer
funktionalen ausländischen Währung führt, ihre Geschäftsabschlüsse in
Schweizerfranken umrechnet (E. 4.1). Mangels einer schweizerischen
Gesetzesbestimmung betreffend die buchmässige Erfassung der
Umrechnungsdifferenzen durften die kantonalen Richter den steuerbaren Gewinn
der Beschwerdeführerin in Anlehnung an die IFRS-Normen berechnen (E. 4.3-4.5).
Unterschied zwischen den Umrechnungsdifferenzen und den Devisengeschäften (E.
5.2).
Die Verbuchung der Umrechnungsverluste lässt sich nicht auf die
Sorgfaltspflicht stützen, denn die Umrechnungsdifferenzen sind die Folge eines
fiktiven Vorgangs und nicht geschäftlich begründet (E. 5.3 und 5.4). Es kann
auch nicht eine ungleiche Besteuerung (Art. 8 BV) oder ein Verstoss gegen das
Gebot der Besteuerung nach der wirtschaftlichen Leistungsfähigkeit (Art. 127
Abs. 2 BV) vorliegen, nachdem sich die Umrechnungsdifferenzen nicht auf ein
Geschäft der Gesellschaft beziehen (E. 5.5).

Sachverhalt ab Seite 90

BGE 136 II 88 S. 90
X. Sàrl, dont le siège est à Genève a notamment pour but le commerce et la
fourniture de pétrole brut et de produits dérivés du pétrole. Elle a fait
l'objet d'une procédure de taxation d'office portant sur l'impôt fédéral direct
(ci-après: IFD) pour les années 2001 et 2002.
Comme X. Sàrl tenait sa comptabilité en dollars américains, ses états
financiers devaient être convertis en francs suisses à la fin de l'année. Selon
le compte de pertes et profits 2001 produit par X. Sàrl, la rubrique désignée
"translation of monetary balance sheet items" mentionnait un gain de 4'709'227
fr., alors qu'aucun montant n'était indiqué dans cette rubrique en dollars
américains. Pour l'année 2002, la même rubrique faisait état d'une perte de
24'956'670 fr. Dans la traduction de ce compte demandée par l'Administration
cantonale, la rubrique était intitulée "gain de change" en 2001 et "gain/perte
de conversion" en 2002.
Par décisions sur réclamation du 10 février 2005, l'Administration fiscale
cantonale a tenu entièrement compte, pour l'IFD 2001, des chiffres communiqués
par X. Sàrl et fixé l'impôt total dû à 8'571'481 fr. Pour l'IFD 2002, elle a
fixé l'impôt dû à 3'592'627.50 fr. Ce montant incluait le poste "perte de
conversion" de 24'956'670 fr. au résultat net de l'exercice. En d'autres
termes, l'autorité a considéré que le gain de 4'709'227 fr. réalisé en 2001
augmentait le bénéfice de X. Sàrl, alors que les pertes comptabilisées en 2002
ne diminuaient pas celui-ci.
Statuant sur recours de X. Sàrl, la Commission cantonale de recours de l'impôt
fédéral direct (ci-après: la Commission cantonale de recours) a, par décision
du 26 septembre 2007, admis le recours s'agissant de la taxation 2002. Elle a
considéré que les écarts de conversion ne se distinguaient pas des pertes ou
gains de change, de sorte
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qu'il fallait aussi les prendre en considération dans les comptes de profits et
pertes 2002. Pour ce même motif, la taxation de 2001 était confirmée.
L'Administration fiscale cantonale a déposé un recours contre ce prononcé
auprès du Tribunal administratif du canton de Genève qui, par arrêt du 4
novembre 2008, l'a admis partiellement et a annulé la décision de la Commission
cantonale de recours du 26 septembre 2007, ainsi que la décision sur
réclamation pour l'année fiscale 2001. La juridiction cantonale a également
rétabli le bordereau 2002 annexé à la décision sur réclamation et renvoyé le
dossier à l'administration pour qu'elle notifie un nouveau bordereau d'impôts
2001 ne tenant pas compte du gain lié à la conversion.
X. Sàrl a formé un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral, en
concluant à l'annulation de l'arrêt du 4 novembre 2008. A titre principal, elle
a demandé que la décision sur réclamation pour l'année fiscale 2002 soit
annulée et que les écarts de conversion négatifs soient pris en compte dans
l'exercice commercial annuel et dans le bénéfice net imposable, de sorte que X.
Sàrl soit imposée, pour l'IFD 2002, sur une base de 17'304'833 fr. A titre
subsidiaire, pour le cas où la perte de conversion de 24'956'670 fr. ne serait
pas prise en compte dans le cadre du bénéfice imposable pour 2002, elle conclut
à l'annulation de la décision sur réclamation pour l'année fiscale 2001 et
demande que l'écart de conversion positif 2001 de 4'709'227 fr. ne soit pas
assimilé à un rendement imposable, de sorte qu'elle soit imposée pour l'IFD
2001 sur une base de 96'129'464 fr.
Le Tribunal fédéral a rejeté le recours dans la mesure de sa recevabilité.
(résumé)

Auszug aus den Erwägungen:

Extrait des considérants:

2. Le litige concerne les taxations 2001 et 2002 de la recourante en matière
d'impôt fédéral direct. Il relève du droit fédéral, plus particulièrement de la
loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct (LIFD; RS 642.11).
La question à trancher revient à se demander si des écarts de conversion
peuvent influencer le bénéfice imposable d'une personne morale. La recourante
soutient en substance qu'en refusant la prise en considération des écarts de
conversion lors du calcul du bénéfice net imposable dans le cadre de l'IFD, les
juges n'auraient pas respecté le principe de la capacité contributive
BGE 136 II 88 S. 92
garanti par l'art. 127 al. 2 Cst., violé les art. 57 et 58 LIFD, ainsi que le
principe de la prudence inscrit à l'art. 662 (recte : 662a) al. 2 ch. 3 CO.

3.

3.1 L'impôt sur le bénéfice a pour objet le bénéfice net (art. 57 LIFD) et se
détermine en premier lieu sur la base du compte de profits et pertes
(BRÜLISAUER/POLTERA, in Kommentar zum schweizerischen Steuerrecht, Bundesgesetz
über die direkte Bundessteuer, Zweifel/Athanas [éd.], vol. I/2a, 2^e éd. 2008,
n° 8 vor 2. Titel p. 827). Selon l'art. 58 al. 1 LIFD, le bénéfice net
imposable comprend notamment le solde du compte de résultats compte tenu du
solde reporté de l'exercice précédent (let. a), tous les prélèvements opérés
sur le résultat commercial avant le calcul du solde du compte de résultat, qui
ne servent pas à couvrir les dépenses justifiées par l'usage commercial (let.
b) et les produits qui n'ont pas été comptabilisés dans le compte de résultat,
y compris les bénéfices en capital, les bénéfices de réévaluation et de
liquidation sous réserve de l'art. 64 (let. c). L'objet de l'impôt correspond à
l'accroissement de la fortune de l'entreprise durant l'exercice fiscal. Il
frappe la différence de fonds propres entre le début et la fin de la période
déterminante (arrêt 2A.457/2001 du 4 mars 2002 consid. 3.4, in StE 2002 B
72.14.1 n. 19).
Il ressort des art. 57 et 58 LIFD que le droit fiscal renvoie au droit
comptable pour déterminer le bénéfice net imposable, tout en tempérant ce
renvoi par l'existence de règles correctrices propres au droit fiscal (ROBERT
DANON, in Commentaire romand, Impôt fédéral direct, Yersin/Noël [éd.], 2008, n^
os 1 et 3 ad art. 57-58 LIFD p. 716; PETER LOCHER, Kommentar zum DBG, 2^e
partie, 2004, n° 2 ad art. 58 LIFD p. 242). En d'autres termes, les comptes
établis conformément aux règles du droit comptable lient les autorités fiscales
à moins que le droit fiscal ne prévoie des règles correctrices particulières (
ATF 119 Ib 111 consid. 2c p. 115; arrêts 2C_71/2009 du 10 juin 2009 consid.
7.1; 2A.549/2005 du 16 juin 2006 consid. 2.1, in StE 2007 B 72.11 n. 14).

3.2 Le droit suisse en matière de comptabilité commerciale impose à toute
personne qui doit tenir une comptabilité de présenter un inventaire, un bilan
et un compte de résultats à la fin de chaque exercice en respectant les
principes généralement admis dans le commerce (cf. art. 958 s. CO). S'agissant
des sociétés à responsabilité limitée, l'art. 801 CO renvoie, pour les comptes
annuels, aux prescriptions applicables aux sociétés anonymes (CHAPPUIS/JACCARD,
in
BGE 136 II 88 S. 93
Commentaire romand, Code des obligations, vol. II, Tercier/Amstutz [éd.], 2008,
n^os 7 et 8 ad art. 801 CO p. 1598). Selon l'art. 663 al. 4 CO, le compte de
profits et pertes fait ressortir le bénéfice ou le déficit de l'exercice.
L'art. 662a al. 1 CO prévoit que les comptes annuels, dont fait partie le
compte de profits et pertes (art. 662 al. 2 CO), sont dressés conformément aux
principes régissant l'établissement régulier des comptes de manière à donner un
aperçu aussi sûr que possible du patrimoine et des résultats de la société.
L'art. 662a al. 2 CO énumère certains principes à respecter, dont notamment le
principe de la prudence (ch. 3). Ces dispositions, qualifiées de
"rudimentaires" par le Conseil fédéral (BO 2001 CN 537), sont en cours de
révision. L'une des exigences de la modification du droit comptable suisse est
de tenir compte des développements internationaux récents en ce domaine, en
particulier aux Etats-Unis et dans l'Union européenne (cf. Message du 23 juin
2004 concernant la modification du code des obligations, FF 2004 3745 ss, spéc.
3759 et 3778 ss). Le Conseil fédéral a pris en considération cet objectif et,
dans son message du 21 décembre 2007 concernant la révision du droit de la
société anonyme et du droit comptable (FF 2008 p. 1407 ss, spéc. p. 1443 et
1525), il souligne que le projet définit la structure minimale du bilan et du
compte de résultat en s'appuyant sur la conception du référentiel figurant dans
les "International Financial Reporting Standards/IFRS" (anciennement:
"International Accounting Standards/IAS").

3.3 Les normes IFRS expriment des principes comptables reconnus
internationalement qui s'imposent déjà en Suisse dans de nombreux cas
(PIERRE-MARIE GLAUSER, IFRS et droit fiscal, Les normes "true and fair" et le
principe de déterminance en droit fiscal suisse actuel [ci-après: IFRS],
Archives 74 p. 529 ss, spéc. p. 531 et 546;PETER BÖCKLI, Einführung in die IFRS
/IAS [ci-après: Einführung], 2^e éd. 2005, p. 1 ss). Ainsi, les normes IFRS
sont fréquemment appliquées non seulement par les sociétés internationales,
mais aussi par les grandes et moyennes entreprises suisses (PETER BÖCKLI,
Schweizer Aktienrecht [ci-après: Aktienrecht], 4^e éd. 2009, n. 49 p. 880 et n.
4 ss p. 1140). La législation interne contient quelques renvois à ces normes
comme, par exemple, l'art. 14 al. 3 de l'ordonnance du 9 mars 2007 sur les
services de télécommunication (OST; RS 784. 101.1) ou l'art. 74 al. 2 let. b de
l'ordonnance du 24 septembre 2004 sur les jeux de hasard et les maisons de jeu
(ordonnance sur les maisons de jeu, OLMJ; RS 935.521). Sur le plan européen,
les normes
BGE 136 II 88 S. 94
comptables internationales sont devenues obligatoires pour les sociétés qui
font appel public à l'épargne depuis 2005 (avec des dérogations jusqu'au 1^er
janvier 2007; cf. art. 4 et 7 du Règlement CE N° 1606/2002 du Parlement
européen et du Conseil du 19 juillet 2002 sur l'application des normes
comptables internationales, JO L 243 du 11 septembre 2002 p. 1).

3.4 Dans ce contexte, force est de constater l'existence d'une tendance
générale, tant au niveau suisse qu'européen, de se rapprocher des normes IFRS.
Comme le droit comptable suisse actuel est sommaire, on ne peut reprocher aux
autorités fiscales de s'inspirer des normes IFRS lors de l'établissement de
l'impôt sur le bénéfice (en ce sens, PIERRE-MARIE GLAUSER, IFRS, op. cit., p.
547 et 554 ss), puisque ces normes expriment les principes généralement admis
dans le commerce. Encore faut-il que la solution concrète résultant de
l'application d'une norme IFRS n'aille pas à l'encontre de l'ordre juridique
suisse.

4.

4.1 Selon l'art. 960 al. 1 CO, les articles de l'inventaire, du compte
d'exploitation et du bilan sont exprimés en monnaie suisse. Cette exigence ne
vaut que pour les comptes au début et à la fin de l'exercice annuel. Partant,
en cours d'exercice, les comptes peuvent être tenus dans une monnaie étrangère,
mais devront en fin d'exercice être convertis en monnaie suisse (HENRI
TORRIONE, in Commentaire romand, Code des obligations, vol. II, Tercier/Amstutz
[éd.], 2008, n^os 2 et 3 ad art. 960 CO p. 2193 ss; NEUHAUS/BLÄTTLER, in Basler
Kommentar, Obligationenrecht, vol. II, Honsell/Vogt/Watter [éd.], 3^e éd. 2008,
n^os 2 et 4 ad art. 960 CO p. 2241). La monnaie suisse constitue ainsi la
monnaie de présentation, soit celle dans laquelle les états financiers doivent
être exprimés dans leur version finale. La monnaie dans laquelle les comptes
sont habituellement tenus et qui caractérise l'environnement économique de
l'entreprise est qualifiée de monnaie fonctionnelle ; celle-ci ne correspond
pas forcément à la monnaie nationale (PETER BÖCKLI, Einführung, op. cit., n.
322 p. 114). Une société qui, à l'instar de la recourante, tient ses comptes
dans une monnaie fonctionnelle étrangère devra donc, à la fin de l'exercice,
opérer une conversion de ses états financiers en monnaie suisse pour respecter
l'art. 960 al. 1 CO.

4.2 Les écarts de conversion dits aussi écarts de change résultent du passage
de la monnaie fonctionnelle à la monnaie de présentation. Ils constituent ainsi
des opérations comptables d'ajustement de
BGE 136 II 88 S. 95
valeurs qui sont destinées à enregistrer des probabilités. Les écarts de
conversion doivent être distingués des opérations de change qui se rapportent,
pour leur part, à des opérations commerciales qui sont effectuées dans une
monnaie différente de la monnaie fonctionnelle de l'entreprise et qui donnent
lieu à des pertes et à des gains effectifs (ERIC CAUSIN, Droit comptable des
entreprises, Bruxelles 2002, n. 1180 et 1181 p. 778/779). Les écarts de
conversion ou de change n'ont donc rien à voir avec l'activité de l'entreprise,
mais sont seulement la conséquence de l'opération comptable consistant à
convertir les comptes établis en monnaie fonctionnelle étrangère dans la
monnaie suisse de présentation, comme l'exige l'art. 960 al. 1 CO. Ils
dépendent du taux de la monnaie fonctionnelle de référence par rapport à la
monnaie suisse. Ils n'apparaissent donc que dans les comptes présentés en
francs suisses, comme l'atteste du reste la perte de conversion 2002 invoquée
par la recourante, qui ne figurait dans aucune rubrique de ses comptes exprimés
en dollars américains.

4.3 Le droit comptable suisse ne contient aucune disposition concernant la
conversion dans la monnaie nationale de présentation (NEUHAUS/BLÄTTLER, op.
cit., n° 5 ad art. 960 CO). La norme comptable internationale 21 (IFRS 21)
traite en revanche de la problématique de l'utilisation d'une monnaie de
présentation autre que la monnaie fonctionnelle et, notamment, de la conversion
dans cette monnaie de présentation. Cette norme prévoit que:
"Le résultat et la situation financière d'une entité dont la monnaie
fonctionnelle n'est pas la monnaie d'une économie hyperinflationniste doivent
être convertis en une autre monnaie de présentation en utilisant les procédures
suivantes:
a) les actifs et les passifs de chaque bilan présenté (y compris à titre
comparatif) doivent être convertis au cours de clôture à la date de chacun de
ces bilans;
b) les produits et les charges de chaque compte de résultat (y compris à titre
comparatif) doivent être convertis au cours de change en vigueur aux dates des
transactions;
c) tous les écarts de change en résultant doivent être comptabilisés en tant
que composante distincte des capitaux propres."
Ces écarts ne sont pas comptabilisés dans le résultat, parce que les variations
des cours de change n'ont que peu ou pas d'effet direct sur les flux de
trésorerie actuels ou futurs liés à l'activité (Normes internationales
d'informations financières, (IFRS) y compris les Normes comptables
internationales (IAS) et les Interprétations au 1^er janvier
BGE 136 II 88 S. 96
2006, n. 41 p. 1090). Il en découle que les normes IFRS commandent de ne pas
faire figurer les écarts de conversion ou de change dans le compte de profits
et pertes, mais seulement au bilan (PETER BÖCKLI, Einführung, op. cit., n. 320
p. 114 et n. 326 p. 116).

4.4 La recourante invoque le Manuel suisse d'audit 1998, qui contiendrait une
solution différente de celle de la norme IFRS 21. Cet ouvrage constitue un
guide de référence pour les professionnels de l'audit et est considéré, dans la
jurisprudence, comme un ouvrage de doctrine (cf. par exemple arrêts 2A.128/2007
du 14 mars 2008 consid. 5.1, in RF 63/2008 p. 630; 2A.667/2006 du 16 février
2007 consid. 2, in StR 62/2007 p. 914). Il n'a en revanche pas en lui-même de
valeur normative, de sorte qu'en l'absence d'indication figurant dans la
législation suisse, il ne saurait faire obstacle à ce que les autorités
fiscales privilégient une interprétation conforme aux standards de l'IFRS.
D'ailleurs, ce manuel est censé présenter des méthodes conformes aux normes et
aux tendances internationales (cf. Chambre Fiduciaire, Manuel suisse d'audit
1998, tome 1, 1998, p. 3).

4.5 En résumé, le droit suisse impose la présentation des états financiers en
monnaie suisse. Il ne contient toutefois aucune disposition concernant la façon
de comptabiliser les écarts de conversion qui peuvent survenir lorsqu'une
personne morale tient ses comptes dans une monnaie fonctionnelle étrangère,
alors que, selon les standards IFRS, ces écarts ne doivent pas apparaître au
compte de profits et pertes. Compte tenu de l'importance croissante du
référentiel IFRS, l'arrêt attaqué pouvait s'inspirer de la solution figurant
dans les normes internationales.
Contrairement à ce que soutient la recourante, le fait que les normes IFRS
constituent un ensemble systématique ne s'oppose pas à ce que l'on applique une
norme en particulier, lorsque celle-ci résout une question qui ne trouve pas de
réponse en droit suisse, même si, sur certains points, notre législation peut
s'écarter des standards internationaux. Il est vrai que ces normes n'ont été
rendues obligatoires dans l'Union européenne qu'à partir de 2005 et que, pour
la Suisse, elles ne sont pas encore obligatoires. Cela ne change toutefois rien
au fait que les juges pouvaient s'en inspirer pour calculer le bénéfice
imposable de la recourante pour la période 2001-2002.

5. Encore faut-il se demander si la solution adoptée et préconisée par les
standards internationaux ne viole pas la LIFD ni ne se révèle contraire aux
principes constitutionnels invoqués par la recourante.
BGE 136 II 88 S. 97

5.1 Les règles du droit comptable commandent de ne pas porter au compte de
profits et pertes les écarts de conversion (cf. supra consid. 4). Partant, les
juges étaient en droit, pour déterminer le bénéfice net imposable de la
recourante, de s'écarter des comptes présentés par la société et de ne pas
tenir compte du poste perte de conversion y figurant. Ce faisant, on ne peut
leur opposer une violation du principe de déterminance, du principe de
l'autorité du bilan commercial (sur cette notion, voir arrêt 2C_220/2009 du 10
août 2009 consid. 8.2) ou des art. 57 ou 58 LIFD, dès lors que ces
prescriptions n'empêchent pas les autorités de s'écarter des comptes présentés,
lorsque ceux-ci ne sont pas établis conformément aux règles comptables.

5.2 La recourante fonde pour l'essentiel son argumentation sur l'analogie entre
les écarts de conversion et les opérations de change. Elle soutient que, comme
ces dernières, les écarts de conversion devraient influencer le bénéfice
imposable.
Il ne faut pas perdre de vue que le bénéfice net imposable doit correspondre à
un enrichissement effectif de la société (cf. supra consid. 3.1). Le propre du
droit fiscal est en effet de permettre de faire ressortir au mieux le résultat
effectif et la réelle capacité contributive de l'entreprise (PIERRE-MARIE
GLAUSER, IFRS, op. cit., p. 537; PETER LOCHER, op. cit., n° 85 ad art. 57
LIFD). Comme déjà indiqué, les écarts de conversion ne proviennent que de la
transposition des comptes établis dans une monnaie fonctionnelle étrangère en
monnaie suisse. Ils ne traduisent donc ni un appauvrissement ni un
enrichissement de la société qui se rapporterait à une transaction effective et
qui influencerait sa capacité contributive, mais sont seulement le résultat
d'une opération comptable (cf. supra consid. 4.2). Du reste, les écarts de
conversion ne peuvent, par définition, figurer dans les comptes de la société
établis en monnaie fonctionnelle, car ils n'apparaissent que lors du transfert
dans la monnaie nationale de présentation.
En revanche, les opérations de change, qui induisent des gains et pertes de
change, se rapportent à des opérations concrètes, lorsque des transactions
commerciales sont effectuées dans d'autres monnaies que la monnaie
fonctionnelle (cf. supra consid. 4.2). Ils figurent donc dans les états
financiers de la société exprimés en monnaie fonctionnelle et il est partant
logique qu'ils se retrouvent dans le compte de profits et pertes exprimé en
monnaie nationale. L'analogie que préconise la recourante n'est donc pas
fondée.
BGE 136 II 88 S. 98
D'ailleurs, les exemples présentés par celle-ci, pour démontrer qu'il n'y a pas
de différences entre les gains et pertes de change et les écarts de conversion
partent de la prémisse erronée que sa comptabilité fonctionnelle est tenue en
francs suisses. La recourante occulte le fait que, lorsqu'une société dont la
monnaie fonctionnelle est le dollar américain effectue une transaction dans
cette monnaie, elle ne pourra enregistrer aucun gain ou perte de change. Peu
importe que ses comptes, établis en dollars, doivent par la suite être
convertis dans une monnaie de présentation différente, en l'occurrence le franc
suisse.

5.3 La recourante invoque également une violation du principe de la prudence
inscrit à l'art. 662a al. 2 ch. 3 CO par opposition au principe "true and fair
view" privilégié par les standards internationaux tels les IFRS.
Dans son Message du 23 février 1983 concernant la révision du droit des
sociétés anonymes, le Conseil fédéral relevait déjà que le principe de l'aperçu
le plus sûr possible contenu à l'art. 662a al. 1 CO exigeait, tout comme celui
du "true and fair view" qui n'avait pas été adopté, que celui qui dresse le
bilan mette tout en oeuvre pour rendre ses comptes annuels aussi explicites que
possible, de sorte que la différence entre les deux n'avait guère de portée
pratique (FF 1983 II 911). En ce qui concerne plus spécialement le principe de
la prudence, il tend à ce que l'entreprise ne présente pas un état trop
optimiste de sa situation économique (FF 1983 II 912). Le droit suisse
reconnaît une portée large à ce principe (HENRI TORRIONE, op. cit., n° 98 ad
art. 662a CO p. 623). En matière d'évaluation d'actifs, le principe de la
prudence commande que, dans le doute, les comptes soient présentés sous la
forme la moins favorable à l'entreprise (ATF 115 Ib 55 consid. 5b p. 59/60). Il
est vrai que le principe de la prudence peut favoriser la constitution de
réserves latentes qui ne sont pas forcément admissibles avec une approche
centrée sur les investisseurs qui est privilégiée par les normes IFRS (NEUHAUS/
BLÄTTLER, op. cit., n^os 28 ss ad art. 662a CO p. 545; PIERRE-MARIE GLAUSER,
Apports et impôt sur le bénéfice, Le principe de la déterminance dans le
contexte des apports et autres contributions de tiers, [ci-après: Apports],
2005, p. 52 ss; le même, IFRS, op. cit., p. 545; PETER BÖCKLI, Aktienrecht, op.
cit., n. 59 p. 1153/1154). Toutefois, ni le principe de la prudence ni les
normes IFRS ne permettent la création de réserves arbitraires (HENRI TORRIONE,
op. cit., n° 98 ad art. 662a CO p. 623; NEUHAUS/BLÄTTLER, op. cit., n^os 10 ss
ad art. 662a CO p. 542). Ainsi,
BGE 136 II 88 S. 99
pour qu'une réserve puisse être prise en compte sur le plan fiscal, il faut que
celle-ci soit fondée sur le plan commercial, ce qui suppose qu'elle corresponde
à un risque de perte pour la société (ATF 103 Ib 366 consid. 4 p. 370; arrêt
2A.99/2004 du 27 octobre 2004 consid. 3.2, in StE 2005 B 23.44.2 n. 5). Or, on
a vu que les écarts de conversion ne se rapportent pas à une transaction
commerciale de la personne morale, mais ne sont que la conséquence d'une
opération fictive de conversion de la monnaie fonctionnelle en monnaie de
présentation. Ils ne trouvent donc pas de justification commerciale et ne
permettent pas de cerner la capacité contributive réelle de la société. La
comptabilisation des pertes de conversion ne peut donc trouver de fondement
dans le principe de la prudence, de sorte qu'il n'y a pas lieu de se demander
si l'application de ce principe entrerait en l'espèce en contradiction avec les
exigences des normes internationales découlant du principe du "true and fair
view". Du reste, comme l'a relevé pertinemment le Tribunal administratif, le
principe de la prudence reviendrait à permettre à une société de déduire les
pertes de conversion, sans jamais tenir compte des gains de conversion, et cela
sans aucune justification liée à la protection des créanciers.

5.4 Le principe de la prudence étant inapplicable, il n'y a pas lieu d'entrer
plus avant sur les violations du principe d'imparité, également invoqué par la
recourante. Ce principe, qui veut que les produits soient comptabilisés au
moment de leur réalisation et les charges dès qu'elles deviennent actuelles (
ATF 116 II 533 consid. 2a/dd p. 539), n'est en effet qu'une concrétisation du
principe de la prudence (cf. arrêt précité 2A.99/2004 consid. 4.1 et arrêt
2A.157/2001 du 11 mars 2002 consid. 2c, in StE 2002 B 72.13.1 n. 3;
PIERRE-MARIE GLAUSER, Apports, op. cit., p. 59/60).

5.5 Lorsque la recourante se plaint d'une inégalité dans l'imposition (art. 8
Cst.) et d'une violation de l'imposition selon la capacité contributive (art.
127 al. 2 Cst.), elle perd de vue que les écarts de conversion ne se rapportent
pas à une transaction réalisée par la personne morale. Partant, ces écarts de
nature purement comptable n'influencent pas l'augmentation du capital propre
entre le début et la fin de la période fiscale, ce qui est la caractéristique
du bénéfice net imposable. En ne tenant pas compte de ces écarts, le Tribunal
cantonal n'a donc pas porté atteinte au principe de l'égalité de l'imposition
ou imposé la recourante au-delà de sa capacité contributive.
BGE 136 II 88 S. 100

5.6 La recourante se prévaut encore d'une notice de l'administration fédérale
des contributions du 18 avril 1972 relative aux conséquences fiscales du
changement de parité des monnaies, émise en relation avec l'impôt pour la
défense nationale.
Cette notice fait suite à la modification par plusieurs Etats, en 1971, de la
parité de leur monnaie ou de leur fluctuation et de la réévaluation du franc
suisse le 9 mai 1971. Comme l'a déjà relevé le Tribunal administratif, elle
traite avant tout de la problématique des pertes et gains de change et non des
écarts de conversion. La clause dont cherche à se prévaloir la recourante, qui
figure au chapitre des "Cas spéciaux", prévoit que:
"Une entreprise qui tient sa comptabilité en monnaie étrangère doit néanmoins
remettre aux autorités fiscales ses comptes annuels en francs suisses. Lors de
la conversion de postes du bilan qui résultent d'opérations en francs suisses
(...), le changement de parité des monnaies ne doit pas influencer le rendement
imposable."
Contrairement à ce que soutient la recourante, on ne peut déduire a contrario
de ce texte que la conversion de postes au bilan en monnaie étrangère doit être
prise en compte lors du calcul du rendement imposable. Cette clause concerne
les opérations en francs suisses, soit des transactions commerciales effectuées
par des entreprises dont la monnaie fonctionnelle est étrangère. En principe,
lorsqu'une transaction commerciale est réalisée par une entreprise dans une
autre monnaie que sa monnaie fonctionnelle, elle peut comptabiliser une
éventuelle perte de change (cf. supra consid. 4.2). La notice de 1971 exclut de
comptabiliser une telle perte lorsque la transaction est intervenue en monnaie
suisse, puisqu'il s'agit de la monnaie dans laquelle les comptes devront
finalement être convertis. On ne voit pas que l'on puisse en déduire une
quelconque règle concernant la comptabilisation des écarts de conversion
découlant du seul passage de la monnaie fonctionnelle à la monnaie de
présentation, en-dehors de toute opération commerciale.
Au demeurant, cette notice de 1971 ne saurait l'emporter sur les principes
comptables reconnus actuellement.