Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 136 II 399



Urteilskopf

136 II 399

36. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public dans la cause Reumann et
Goumaz contre Département fédéral de justice et police (recours en matière de
droit public)
1C_522/2009 du 19 mai 2010

Regeste

Art. 6 und 8 Abs. 1 BGÖ, Art. 15 RVOG, Art. 5 RVOV; Einsichtsrecht in die
zwischen der Eidgenossenschaft und dem Generalsekretär eines Departements bzw.
seinem Stellvertreter abgeschlossenen Abgangsvereinbarungen.
Als einfache Beilagen zum Antrag an den Bundesrat, welche vor Eröffnung des
Mitberichtsverfahrens erstellt wurden, unterliegen die Abgangsvereinbarungen
nicht der Geheimhaltung im Sinne von Art. 8 Abs. 1 BGÖ (E. 2).

Sachverhalt ab Seite 399

BGE 136 II 399 S. 399

A. Le 5 février 2008, Erik Reumann, alors rédacteur en chef adjoint au journal
La Liberté, a demandé au Département fédéral de justice et police (ci-après: le
DFJP) l'accès aux documents suivants: les contrats de travail de l'ancien
secrétaire général du DFJP et de son suppléant, ainsi que les décisions
relatives à leur indemnisation après leur renvoi par la nouvelle cheffe du
département. Le requérant se fondait
BGE 136 II 399 S. 400
sur l'art. 7 de la loi fédérale du 17 décembre 2004 sur le principe de la
transparence dans l'administration (loi sur la transparence, LTrans; RS 152.3).
Le 17 mars 2008, le DFJP a refusé le droit d'accès.
Dans sa recommandation du 9 février 2009, le Préposé fédéral à la protection
des données et à la transparence (ci-après: le Préposé fédéral) estima que
l'accès demandé devait être accordé. Les dossiers personnels - dont faisaient
partie les conventions relatives à la résiliation des rapports de travail -
n'étaient accessibles qu'exceptionnellement, en fonction d'un intérêt public
prépondérant, soit un besoin d'information particulier de la part du public.
Tel était le cas, s'agissant des conditions de départ offertes à un secrétaire
général de département et à son suppléant. L'atteinte à la sphère privée était
quasi nulle puisque les conditions de départ s'alignaient en l'occurrence sur
les directives applicables.

B. Par décision formelle du 2 mars 2009, le DFJP a rejeté la demande d'accès.

C. Cette décision a été attaquée auprès du Tribunal administratif fédéral (TAF)
qui, par arrêt du 19 octobre 2009, a rejeté le recours. Selon l'art. 8 al. 1
LTrans, les documents ayant trait à la procédure de co-rapport du Conseil
fédéral, au sens de l'art. 15 de la loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du
gouvernement et de l'administration (LOGA; RS 172.010), soit la proposition du
département concerné, les co-rapports des autres départements et les documents
officiels servant à préparer la décision du Conseil fédéral, demeuraient
confidentiels au regard de la LTrans, en raison du secret des séances et
délibérations du Conseil fédéral. En l'occurrence, les conventions de départ
avaient été soumises pour approbation au Conseil fédéral, sur proposition de la
Cheffe du DFJP. Elles constituaient donc l'objet d'une procédure de co-rapport
et étaient soustraites au droit d'accès.

D. Erik Reumann et Magalie Goumaz (qui lui a succédé à son poste de
journaliste) forment un recours en matière de droit public par lequel ils
demandent l'annulation de l'arrêt du TAF et de la décision du DFJP et
l'admission de la demande d'accès aux documents.
Statuant en séance publique, le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable le
recours formé par Magalie Goumaz, admis le recours formé par Erik Reumann et
renvoyé la cause au Tribunal administratif fédéral pour nouvelle décision.
(résumé)

Auszug aus den Erwägungen:

BGE 136 II 399 S. 401
Extrait des considérants:

2. Le recourant se plaint d'une violation de l'art. 8 LTrans. Cette disposition
aurait pour but de protéger la formation de la décision au sein du Conseil
fédéral et de préserver le principe de collégialité qui prévaut pour cette
autorité. Seuls seraient ainsi soustraits à la transparence les documents
permettant de prendre connaissance d'éventuelles divergences d'opinion au sein
du collège gouvernemental. En revanche, les documents annexes et la décision
finale seraient accessibles. En l'occurrence, les conventions de départ
devraient être considérées non comme des documents préparatoires, mais comme
des documents annexes à la proposition du DFJP.
Le recourant invoque également, dans le même grief, les art. 16 al. 3 Cst. et
10 par. 1 CEDH, sans toutefois satisfaire sur ce point aux exigences de
motivation posées à l'art. 106 al. 2 LTF.

2.1 Selon l'art. 6 LTrans, toute personne a le droit de consulter des documents
officiels et d'obtenir des renseignements sur leur contenu de la part des
autorités. Ce droit d'accès général concrétise le but fixé à l'art. 1 de la
loi, qui est de renverser le principe du secret de l'activité de
l'administration au profit de celui de transparence quant à la mission,
l'organisation et l'activité du secteur public. Il s'agit en effet de rendre le
processus décisionnel de l'administration plus transparent dans le but de
renforcer le caractère démocratique des institutions publiques de même que la
confiance des citoyens dans les autorités, tout en améliorant le contrôle de
l'administration (ATF 133 II 209 consid. 2.3.1 p. 213; Message du 12 février
2003 concernant la loi fédérale sur la transparence, FF 2003 1807 ss, 1819,
1827). Conformément à ce but, la loi définit de manière large la notion de
documents officiels (art. 5 LTrans), le champ d'application ratione personae
(art. 2 LTrans) ainsi que les bénéficiaires et les conditions d'exercice du
droit d'accès (art. 6 LTrans).

2.2 La loi s'applique à l'ensemble de l'administration fédérale (art. 2 al. 1
let. a LTrans), y compris les organismes de droit public ou privé chargés de
rendre des décisions. La notion d'administration fédérale est définie aux art.
178 Cst. et 2 LOGA. Il s'agit de l'ensemble de l'administration subordonnée au
Conseil fédéral, soit les départements et les offices ainsi que la Chancellerie
fédérale. La loi ne s'applique donc pas au Conseil fédéral lui-même, en tant
qu'autorité gouvernementale collégiale dont les délibérations ont lieu à
huis-clos (art. 12 et 21 LOGA; FF 2003 p. 1828; SÄGESSER, in
Öffentlichkeitsgesetz, 2008,
BGE 136 II 399 S. 402
n^os 4 et 12 s. ad art. 4 LTrans; MAHON/GONIN, in Öffentlichkeitsgesetz, 2008,
n° 13 ad art. 8 LTrans; MADER, La nouvelle loi fédérale sur le principe de la
transparence dans l'administration, in La mise en oeuvre du principe de
transparence dans l'administration, Flückiger [éd.],2006, p. 19).

2.3 L'art. 8 LTrans énumère un certain nombre de cas particuliers de documents
pour lesquels l'accès est exclu ou différé. Selon l'art. 8 al. 1 LTrans, le
droit d'accès n'est pas reconnu pour les documents officiels de
l'administration afférents à la procédure de co-rapport (Mitberichtsverfahren)
au sens de l'art. 15 LOGA.

2.3.1 La procédure de co-rapport sert à préparer la décision du Conseil fédéral
et doit lui permettre de concentrer ses délibérations sur les aspects
essentiels de l'affaire (art. 3 al. 1 et art. 5 de l'ordonnance du 25 novembre
1998 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration [OLOGA; RS
172.010.1];SÄGESSER, Regierungs- und Verwaltungsorganisationsgesetz [RVOG],
2007, p. 214). Comme leprévoit l'art. 5 al. 1^bis OLOGA, elle commence au
moment où le département compétent signe sa proposition adressée au Conseil
fédéral. Cette disposition est déterminante dans l'interprétation de l'art. 8
al. 1 LTrans, car elle a précisément été modifiée lors de l'adoption de
l'ordonnance du 24 mai 2006 sur le principe de la transparence dans
l'administration (ordonnance sur la transparence, OTrans; RS 152.31) - cf.
annexe 2 OTrans - afin de clarifier la situation (FF 2003 1855 in fine; le
message évoquait alors le moment où les documents sont remis par l'office au
chef du département). Le département remet ensuite sa proposition définitive à
la Chancellerie fédérale en vue de l'ouverture de la procédure de co-rapport
proprement dite (art. 5 al. 3 OLOGA). La proposition est alors transmise aux
autres départements, pour prises de position. Les offices concernés donnent
leur avis dans un délai approprié et les divergences doivent être éliminées
dans la mesure du possible au cours de cette consultation (art. 4 OLOGA). Il
peut s'ensuivre d'autres échanges d'écritures. L'affaire n'est traitée par le
Conseil fédéral qu'après élimination - ou confirmation - des divergences
(SÄGESSER, op. cit., p. 214). Ce processus a pour but de permettre l'expression
des différents intérêts et points de vue, dans le cadre d'une procédure
relativement formalisée, en vue de la délibération du Conseil fédéral (MAHON/
GONIN, op. cit., n° 17 ad art. 8 LTrans). De nombreuses affaires peuvent ainsi
être liquidées sans discussion supplémentaire (SÄGESSER, op. cit., p. 214). La
procédure de co-rapport
BGE 136 II 399 S. 403
prend fin avec la décision formelle du Conseil fédéral(MAHON/GONIN, op. cit.,
n° 18 ad art. 8 LTrans).

2.3.2 L'exclusion de l'accès pour les documents relatifs à la procédure de
co-rapport a pour but de préserver le principe de collégialité prévalant pour
le gouvernement fédéral (art. 12 LOGA) et de protéger la libre formation de son
opinion et de sa volonté (FF 2003 1855). Le législateur a estimé que le fait de
donner accès à ces documents compromettrait le bon fonctionnement du
gouvernement en tant qu'organe collégial (MADER, op. cit., p. 23). La
révélation du processus décisionnel pourrait mettre au jour des divergences
d'opinion, alors que le principe de collégialité exige que les membres du
Conseil fédéral défendent les décisions prises par le Collège (sur le
bien-fondé de cette motivation, cf. MADER, Das Öffentlichkeitsgesetz des
Bundes, Einführung in die Grundlagen, in Das Öffentlichkeitsgesetz des Bundes,
Ehrenzeller [éd.], 2006, p. 28). Pour cette raison, le secret qui protège ces
documents est maintenu, même après la décision du Conseil fédéral (FF 2003
1855), et indépendamment de l'existence d'un intérêt particulier au maintien du
secret. En ce sens, l'art. 8 al. 1 LTrans constitue une lex specialis par
rapport à l'art. 8 al. 2 LTrans.

2.3.3 Dès lors que le moment de l'ouverture de la procédure de co-rapport
correspond à la signature de la proposition du département, le secret instauré
à l'art. 8 al. 1 LTrans couvre ladite proposition, les co-rapports des autres
départements et les échanges ultérieurs d'écritures, y compris les propositions
formalisées émanant des offices consultés, ainsi que les notes personnelles des
Conseillers fédéraux, de leurs conseillers personnels ou d'autres
collaborateurs (FF 2003 1855; MAHON/GONIN, op. cit., n° 20 ad art. 8 LTrans).
En revanche, les documents qui accompagnent la proposition au Conseil fédéral
ne sont pas en tant que tels soumis au secret instauré à l'art. 8 al. 1 LTrans.
Ainsi, le projet de proposition élaboré par un office fédéral à l'attention du
département ne fait l'objet que de la restriction provisoire instaurée à l'art.
8 al. 2 LTrans (MAHON/GONIN, op. cit., n° 19 ad art. 8 LTrans). Il en va de
même des documents officiels de la consultation des offices. Cela résulte a
contrario de l'art. 8 al. 3 LTrans, selon lequel le Conseil fédéral peut
exceptionnellement décider que de tels documents restent non accessibles après
la prise de décision.

2.3.4 En l'occurrence, la demande d'accès porte sur les conventions de départ
passées entre le Secrétaire général du DFJP,
BGE 136 II 399 S. 404
respectivement son suppléant d'une part, et la Confédération d'autre part,
agissant par le DFJP. La convention passée avec le Secrétaire général a été
signée par les parties le 4 janvier 2008 et la procédure de co-rapport a été
ouverte le 15 janvier 2008 par la présentation de la proposition du
département. Elle s'est achevée le lendemain par la décision d'approbation du
Conseil fédéral. La convention concernant le Secrétaire général suppléant n'a
été signée que le 22 février 2008, mais elle a manifestement été élaborée
auparavant et les parties ont donné leur accord de principe avant le 19 février
2008, date de la proposition du DFJP. Celle-ci a également été approuvée le
lendemain par le Conseil fédéral.
Les conventions signées par les intéressés constituaient les annexes à la
proposition du DFJP. Leur validité était soumise à la décision d'approbation du
Conseil fédéral, compétent en vertu de l'art. 2 al. 1 let. d de l'ordonnance du
3 juillet 2001 sur le personnel de la Confédération (OPers; RS 172.220.111.3)
pour résilier les rapports de travail des secrétaires généraux et de leurs
suppléants. Les documents en question apparaissent dès lors antérieurs à
l'ouverture de la procédure de co-rapport proprement dite. Même si,
matériellement, leur contenu se confond avec les propositions faites par le
département, seules ces dernières constituent les documents d'ouverture de la
procédure de co-rapport. La consultation de ces conventions ne révèle
d'ailleurs rien sur la procédure ayant abouti aux décisions d'approbation du
Conseil fédéral et ne porterait par conséquent aucune atteinte au principe de
collégialité et au secret des délibérations. Or, il s'agit là du critère
essentiel au regard de l'art. 8 al. 1 LTrans, puisque le secret instauré par
cette disposition se limite au processus délibératif.

2.4 On ne saurait par conséquent considérer les conventions de départ comme des
documents "afférents à la procédure de co-rapport" au sens de l'art. 8 al. 1
LTrans. Le TAF ne pouvait dès lors fonder son refus sur cette disposition et
faire l'économie de la pesée d'intérêts exigée à l'art. 7 al. 2 LTrans. Il
n'appartient pas au Tribunal fédéral de statuer sur ce point en première
instance de recours, alors que les parties intimées ne se sont pas exprimées à
ce sujet.