Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 136 III 82



Urteilskopf

136 III 82

10. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit civil dans la cause X. contre Y.
(recours en matière civile)
4A_353/2009 du 3 novembre 2009

Regeste

Art. 270 Abs. 1 lit. a OR; Mieter, der sich aufgrund der Verhältnisse auf dem
örtlichen Wohnungsmarkt gezwungen sieht, einen Mietvertrag abzuschliessen.
Ein Wohnungsmangel kann nicht allein gestützt auf eine mehrere Jahre alte
Statistik angenommen werden, die in keiner Weise nach der Art der Wohnungen
oder dem Ort innerhalb des weitläufigen Kantonsgebiets, in welchem die
Wohnungen gelegen sind, differenziert (E. 2).

Regeste

Art. 270 Abs. 1 lit. b OR; erhebliche Erhöhung des Anfangsmietzinses im
Verhältnis zum früheren Mietzins.
Der angefochtene Mietzins wird mit dem früher vom Vermieter eingenommenen
verglichen ohne Rücksicht auf die Berechnungsgrundlagen des früheren
Mietzinses; die Erhöhung ist erheblich, wenn sie zehn Prozent übersteigt (E.
3).

Sachverhalt ab Seite 83

BGE 136 III 82 S. 83

A. Par contrat du 11 janvier 2007, Y. a remis à bail à X. un appartement de
trois pièces et demie à Fribourg. Le loyer mensuel a été fixé à 1'550 fr.,
charges non comprises, lesquelles s'élevaient à 130 francs. Le calcul du loyer
était fondé sur un taux hypothécaire de 3 %, un indice des prix à la
consommation (IPC) de 100,6 points (décembre 2006), les charges d'exploitation
au 31 décembre 2005 et une réserve de loyer de 4 %.
L'avis de fixation de loyer, communiqué à la locataire, indiquait que le loyer
mensuel net précédent était de 1'450 fr. et les charges de 125 francs. Le motif
de la hausse de loyer était le loyer du marché.

B. Le 25 février 2007, la locataire a saisi la Commission de conciliation en
matière d'abus dans le secteur locatif du district de la Sarine, puis, le 25
avril 2007, à la suite de l'échec de la tentative de conciliation, le Tribunal
des baux de l'arrondissement de la Sarine. L'action tendait à la diminution du
loyer initial, qui devait être porté à 1'283 fr.05 par mois, selon les
conclusions de la locataire.
Le Tribunal des baux de l'arrondissement de la Sarine a restreint les débats à
la question de la recevabilité. Par jugement du 28 juillet 2008, les premiers
juges ont déclaré la demande recevable. Les magistrats ont retenu que la
situation difficile rencontrée par la locataire sur le marché local du logement
était établie au sens de l'art. 270 al. 1 let. a 2^e hypothèse CO; ils ont par
contre considéré que la hausse de loyer ne pouvait pas être considérée comme
sensible au sens de l'art. 270 al. 1 let. b CO.
La bailleresse a recouru contre ce jugement, en faisant valoir en substance que
la seule pénurie de logements n'ouvre pas automatiquement la voie de la
contestation du loyer initial, puisqu'il faut
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encore une situation de contrainte concrète ayant entraîné le locataire à
conclure le bail en question.
Statuant le 28 mai 2009, la Cour d'appel civil du Tribunal cantonal a admis le
recours et, statuant à nouveau, jugé que la demande de diminution du loyer
initial est irrecevable. Selon les juges cantonaux, la situation de pénurie sur
le marché local du logement, qui ouvre la possibilité au locataire, en
application de l'art. 270 al. 1 let. a 2^e hypothèse CO, de demander une
diminution du loyer initial, n'était pas réalisée. Par ailleurs, le loyer
stipulé n'était pas sensiblement plus élevé que le loyer dû par les précédents
locataires, au sens de l'art. 270 al. 1 let. b CO.

C. La locataire exerce un recours en matière civile devant le Tribunal fédéral.
Elle dénonce une violation de l'art. 270 CO et conclut à l'admission du
recours, à l'annulation de l'arrêt entrepris, à la recevabilité de l'action en
diminution du loyer initial et au renvoi de la cause à la juridiction cantonale
pour qu'elle statue au fond, le tout sous suite de dépens.
La bailleresse invite le Tribunal fédéral à déclarer le recours irrecevable et,
subsidiairement, à le rejeter.
Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

Extrait des considérants:

2. La recourante reproche à la cour cantonale d'avoir violé le droit fédéral en
considérant que les conditions posées à l'art. 270 al. 1 CO pour permettre au
locataire de contester le loyer initial ne sont pas remplies.
Pour que le locataire soit fondé à contester le loyer initial selon cette
disposition, il doit: soit avoir été contraint de conclure le bail par
nécessité personnelle ou familiale (let. a, première hypothèse), soit avoir été
contraint de le conclure en raison de la situation du marché local (let. a,
seconde hypothèse), soit encore avoir subi une augmentation sensible du loyer
par rapport à celui payé par le précédent locataire pour la même chose (let.
b). Ces conditions étant alternatives, il suffit que l'une d'entre elles soit
remplie pour qu'il faille entrer en matière sur la demande de contestation du
loyer initial.
D'après la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, la notion de contrainte
figurant à l'art. 270 al. 1 let. a CO suppose que le locataire ait de bonnes
raisons de changer de logement et que l'on ne
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puisse attendre de lui qu'il renonce à une occasion qui se présente, et ceci
parce que les motifs de nécessité personnelle ou familiale ou la situation sur
le marché local du logement sont tels qu'une renonciation serait déraisonnable
(ATF 114 II 74 consid. 3c p. 77 s.; arrêts 4C.367/2001 du 12 mars 2002 consid.
3a; 4C.169/2002 du 16 octobre 2002 consid. 2.1; cf. également ROGER WEBER, in
Basler Kommentar, Obligationenrecht, vol. I, 4^e éd. 2007, n^os 2 et 4 ad art.
270 CO; PETER HIGI, Zürcher Kommentar, 3^e éd. 1994, n° 36 ad art. 270 CO).
S'agissant de la situation sur le marché local à prendre en considération pour
apprécier le caractère déraisonnable d'une renonciation, le Tribunal fédéral a
jugé qu'une telle situation pouvait être qualifiée de difficile dans les
cantons où la pénurie est constatée, sur la base d'une étude statistique
sérieuse, par le gouvernement cantonal. Pour arriver à cette conclusion, le
Tribunal fédéral a pris appui sur l'articulation entre l'art. 270 al. 1 let. a
in fine CO et l'art. 270 al. 2 CO et sur le but de protection des locataires
poursuivi par ces dispositions (arrêt 4C.367/2001 du 12 mars 2002 consid. 3).
Dans ce dernier arrêt, concernant une affaire genevoise, le Tribunal fédéral a
admis que la situation difficile sur le marché local du logement était établie,
compte tenu des arrêtés du Conseil d'Etat constatant la pénurie, qui indiquent
pour tout le canton les catégories de logements par nombre de pièces et qui
limitent leur validité à une année pour tenir compte de l'évolution de la
situation économique et des changements pouvant intervenir dans la constatation
de la pénurie.
Dans le cas d'espèce, le logement litigieux est situé dans le canton de
Fribourg, plus précisément dans son chef-lieu, Fribourg.
Par ordonnance concernant l'usage de la formule officielle pour la conclusion
d'un nouveau bail à loyer adoptée le 26 novembre 2002 (RSF 222.3.12), le
Conseil d'Etat du canton de Fribourg a rendu obligatoire l'usage de la formule
officielle dans tout le canton. Il a considéré que le taux des logements
vacants dans le canton, qui s'élevait, au 1^er janvier 2002, à 1,28 % du parc
immobilier, était inférieur au taux mentionné dans le règlement d'exécution du
3 juin 1997 de la loi d'application relative au bail à loyer et au bail à ferme
non agricole (RELABLF; RSF 222.3.11). Ce règlement précise, en effet, en son
art. 2, qu'il y a pénurie, au sens de la loi, lorsque le taux des logements
vacants, dans le canton, est inférieur à 1,8 % du parc immobilier. Pour l'année
litigieuse (2007), l'annuaire statistique
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"construction et logement" de l'Etat de Fribourg fait état d'un taux de
logements vacants de 1,12 % dans le canton de Fribourg; ce document se base sur
les données de l'Office fédéral de la statistique "Source: Office fédéral de la
statistique".
Dans le canton de Fribourg, contrairement à ce qui prévaut à Genève,
l'ordonnance du Conseil d'Etat n'est pas actuelle, en ce sens qu'elle date de
2002 déjà et qu'elle n'est pas renouvelée d'année en année. Par ailleurs, la
situation de pénurie de logements qui y est constatée, pour fonder l'usage
obligatoire de la formule officielle au sens de l'art. 270 al. 2 CO, est basée
sur une statistique, qui, il convient de l'admettre, n'établit pas le taux de
vacance des logements en fonction des catégories de logements; la seule
indication du nombre de logements vacants de une à six pièces et demie sur la
totalité des logements vacants est à cet égard insuffisante. En outre, cette
étude se limite à une appréciation globale de la situation cantonale. Or, dans
un canton présentant une superficie étendue, comme celui de Fribourg, il paraît
nécessaire de faire une distinction entre les diverses régions cantonales, qui
peuvent présenter, s'agissant du taux de vacance des logements, des disparités
importantes, notamment entre les milieux urbains et les régions périphériques
ou rurales. Sur ce point, la situation du canton de Fribourg diffère de celle
de Genève, où la différenciation locale est moindre. Il en découle que
l'appréciation globale de la situation de pénurie cantonale, sur laquelle
l'exécutif cantonal fribourgeois a pris appui pour fonder sa décision,
n'apparaît pas suffisante au regard de la jurisprudence du Tribunal fédéral.
A cela s'ajoute que la cour cantonale a expressément retenu que le taux de
vacance dans la ville de Fribourg, qu'elle a fixé à 2,29 % en 2007, est
supérieur à celui publié pour l'ensemble du canton pour la même année. Même si
l'on ignore d'où provient cette donnée, à défaut de toute précision apportée
sur ce point par l'autorité cantonale, il s'agit là d'une question de fait que
la recourante ne remet pas en cause et qui ne saurait être présentement
discutée (art. 105 al. 1 LTF).
Cela étant, l'existence d'une situation de contrainte de la locataire en raison
de la pénurie de logements n'est pas réalisée.
En conclusion, l'autorité cantonale n'a pas violé le droit fédéral en rejetant
l'existence d'une situation de pénurie concrète au sens de l'art. 270 al. 1
let. a CO.
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3. La locataire recourante prétend que le loyer initial a été sensiblement
augmenté pour la même chose par rapport au précédent loyer et que, par
conséquent, la condition (alternative) posée par l'art. 270 al. 1 let. b CO est
réalisée. Se référant à l'avis de l'auteur SÉBASTIEN FETTER (cf. infra, consid.
3.2), elle fonde son raisonnement sur l'évolution des bases de calcul du
précédent loyer, fixé au 1^er décembre 1997, et de celui contesté, fixé au 11
janvier 2007, et prétend que, compte tenu de la progression du taux
hypothécaire (- 15,25 %), de l'IPC (+ 3,22 %) et des charges (du 1.12.1997 au
31.12.2005: + 4 %), qui justifierait une réduction de loyer de 8 %, le loyer a
subi une augmentation de 14,9 % et non pas de 6,9 %.

3.1 Dans un arrêt (4C.281/2006 du 17 novembre 2006 consid. 2.2), le Tribunal
fédéral a admis que le loyer initial n'avait pas été sensiblement augmenté au
sens de l'art. 270 al. 1 let. b CO, dans la mesure où le loyer annuel avait
passé de 20'640 fr. à 21'480 fr., soit une majoration de 3,9 %. Dans un autre
arrêt (4C.169/2002 du 16 octobre 2002 consid. 3.1), le Tribunal fédéral a jugé
que l'augmentation de 89,65 % du précédent loyer net constituait une
augmentation sensible au sens de la disposition précitée. Ces deux arrêts, qui
ne traitent certes pas directement de la question des critères à prendre en
compte dans la détermination de l'augmentation du loyer initial, ne font
aucunement mention des bases de calcul des loyers qui ont été comparés.

3.2 La doctrine majoritaire est d'avis qu'il ne faut pas prendre en
considération les critères de fixation de l'ancien et du nouveau loyer (DAVID
LACHAT ET AL., Das Mietrecht für die Praxis, 8^e éd. 2009, n° 17/2.2.4 p. 287;
DAVID LACHAT, Le bail à loyer, 2008, n° 2.2.4 p. 391; WEBER, op. cit., n° 5 ad
art. 270 CO; RAYMOND BISANG ET AL., Das schweizerische Mietrecht, Kommentar, 3^
e éd. 2008, n° 20 ad art. 270 CO; HIGI, op. cit., n° 53 ad art. 270 CO;
JEAN-JACQUES SCHWAAB, La fixation et la contestation du loyer initial, in 15^e
séminaire sur le droit du bail, 2008, n° 96 p. 23).
FETTER se distancie de ces précédents auteurs. Il préconise en effet de
calculer la hausse de loyer en méthode relative, soit de prendre en
considération l'évolution du taux hypothécaire et de l'ISPC depuis la dernière
fixation du précédent loyer, ces faits étant notoires (SÉBASTIEN FETTER, La
contestation du loyer initial, 2005, n^os 420 ss p. 195 s.).
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3.3 Sous l'angle de l'interprétation littérale, le texte de l'art. 270 al. 1
let. b CO mentionne uniquement le critère de l'augmentation sensible du loyer
initial par rapport au précédent loyer. Aucune référence n'est faite aux bases
de calcul des loyers à comparer.
On peut également observer que le législateur a parallèlement adopté l'art.
256a al. 2 CO, qui donne la faculté au locataire de connaître le montant
convenu dans le bail à loyer précédent, mais non les bases de calcul sur
lesquelles il repose, ce qui traduit bien la volonté du législateur de ne pas
se référer à ces dernières pour ouvrir le cas échéant la voie à une
contestation du loyer initial. Il est également significatif de relever que la
jurisprudence relative aux mentions imposées par la formule officielle au sens
de l'art. 270 al. 2 CO, afin que le locataire puisse décider, en toute
connaissance de cause, de contester le nouveau loyer ou de s'en accommoder,
fait état de "l'ancien loyer", sans référence aux bases de calcul du précédent
loyer (ATF 120 III 341 consid. 5b p. 348; ATF 121 III 56 consid. 2c p. 58 s.);
dans un arrêt non publié, le Tribunal fédéral a même fait expressément
référence, dans son analyse de la communication régie par l'art. 270 al. 2 CO,
au "montant du loyer antérieurement perçu" ou encore au "loyer versé par
l'ancien locataire" (arrêt 4A_214/2007 du 12 novembre 2007 consid. 3).
Il ne faut par ailleurs pas perdre de vue que l'art. 270 CO ne règle que les
conditions préliminaires dont dépend le bien-fondé d'une action en contestation
du loyer initial. Les conditions matérielles liées à la notion du loyer abusif
ressortent des art. 269 et 269a CO (ATF 120 III 240 consid. 2 p. 243). Sous cet
angle, un examen de l'évolution des loyers sur la base de données relatives,
qui anticiperait déjà - indépendamment de la méthode qui sera appliquée pour
fixer le loyer initial - une analyse sur le fond, ne se justifie guère.
Le même résultat s'impose si l'on s'attache au but poursuivi par la législation
relative à la protection contre les loyers abusifs. Le but de la contestation
du loyer initial n'est pas de vérifier si une éventuelle augmentation par
rapport au précédent loyer est abusive, mais d'examiner si le loyer en tant que
tel excède la norme (FETTER, op. cit., n° 507 p. 232; cf. BO 1989 CN 525,
intervention Seiler). La condition posée à l'art. 270 al. 1 let. b CO, qui est
indépendante de toute situation de contrainte pesant sur le locataire au sens
de l'art. 270 al. 1 let. a CO - ces conditions étant des conditions
alternatives -, tend à limiter les pratiques rencontrées chez de nombreux
bailleurs
BGE 136 III 82 S. 89
de profiter d'un changement de preneur pour procéder à une augmentation massive
du loyer (arrêt 4C.169/2002 du 16 octobre 2002 consid. 3.2; RICHARD BARBEY,
L'arrêté fédéral instituant des mesures contre les abus dans le secteur locatif
[...], 1984, p. 24 s. et les références). Elle n'a pas pour finalité de réguler
le marché du logement. Dès lors, il ne se justifie pas d'analyser, dans le
cadre de l'examen de cette condition de recevabilité de la contestation, si le
loyer est ou non adapté à la variation des facteurs relatifs.
A l'issue de cette analyse, il faut retenir que l'art. 270 al. 1 let. b CO doit
être interprété selon son sens littéral. Ainsi, comme jugé dans les arrêts non
publiés précédemment cités, la condition de l'augmentation sensible du loyer
s'examine au regard du loyer contesté et de celui antérieurement perçu par le
bailleur.

3.4 En l'occurrence, l'augmentation du loyer initial par rapport au précédent
loyer est de 100 fr., ce qui représente un taux de 6,9 %. Ce pourcentage est
inférieur au taux limite de 10 % - que la recourante ne remet pas en cause -
mentionné comme étant la limite au-delà de laquelle une augmentation peut être
considérée comme sensible au sens de l'art. 270 al. 1 let. b CO (cf. arrêt
4C.168/2002 du 16 octobre 2002 consid. 3.1).
Il s'ensuit que l'autorité cantonale n'a pas violé le droit fédéral en jugeant
que la condition de l'augmentation sensible du loyer de l'art. 270 al. 1 let. b
CO n'est pas réalisée.