Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 136 III 624



Urteilskopf

136 III 624

91. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit civil dans la cause A. contre B.
(recours en matière civile)
5A_313/2010 du 6 septembre 2010

Regeste

Art. 81 Abs. 1 SchKG und Art. 120 Abs. 2 OR; Erlöschen der Forderung in der
Betreibung durch Verrechnung; bestrittene Verrechnungsforderung.
Der betriebene Schuldner, der verrechnungsweise eine Schuldanerkennung
entgegenhält, die bestritten ist, erbringt den Urkundenbeweis des Untergangs
der betriebenen Forderung nicht (E. 4).

Sachverhalt ab Seite 624

BGE 136 III 624 S. 624
Le 27 octobre 2008, B. a fait notifier à A. un commandement de payer (poursuite
n^o x) diverses sommes, avec intérêt à 5 % l'an dès diverses échéances courant
dès l'année 2004. Il a invoqué, comme titre de la créance, des arrêts du
Tribunal de première instance et de la Cour de justice du canton de Genève,
ainsi que du Tribunal fédéral, lui allouant des indemnités à titre de dépens,
et des états de frais taxés par différentes autorités. Le poursuivi a fait
opposition.
Par jugement rendu par défaut le 18 septembre 2009, le Tribunal de première
instance du canton de Genève a levé définitivement l'opposition. Le 17 décembre
2009, statuant sur l'opposition à défaut formée par A., il a confirmé ce
prononcé.
Le 4 mars 2010, la 1^re Section de la Cour de justice du canton de Genève a
rejeté l'appel interjeté par A., sous suite de frais et dépens.
BGE 136 III 624 S. 625
Elle a refusé d'admettre le moyen libératoire du poursuivi tiré de la
compensation pour le motif que la validité de la créance compensante, qui se
fondait sur une reconnaissance de dette établie le 19 avril 2001, faisait
l'objet d'une procédure pendante en France.
Le Tribunal fédéral a rejeté le recours en matière civile de A.
(résumé)

Auszug aus den Erwägungen:

Extrait des considérants:

4. Selon le recourant, que la reconnaissance de dette signée le 19 avril 2001
fasse l'objet d'une procédure pendante en France ne s'oppose pas à l'admission
du moyen libératoire tiré de la compensation. Il est d'avis que cette dernière
doit être admise et la mainlevée définitive de l'opposition rejetée tant que le
titre invoqué n'est pas définitivement annulé ou déclaré nul ou, en d'autres
termes, même s'il est contesté.

4.1 La Cour de justice a considéré que le Tribunal de première instance n'avait
pas violé la loi en retenant que la preuve stricte de l'extinction de la
créance en poursuite n'avait pas été rapportée. En effet, si la créance
invoquée en compensation était certes fondée sur une reconnaissance de dette,
la validité de cette dernière était contestée et une action tendant au prononcé
de sa nullité avait été introduite en France.

4.2

4.2.1 En vertu de l'art. 81 al. 1 LP, lorsque la poursuite est fondée sur un
jugement de la Confédération ou du canton dans lequel la poursuite a lieu, le
juge ordonne la mainlevée définitive de l'opposition, à moins que, notamment,
le poursuivi ne prouve par titre que la dette a été éteinte postérieurement au
jugement.
Par extinction de la dette, la loi ne vise pas seulement le paiement, mais
aussi toute autre cause de droit civil, en particulier la compensation (ATF 124
III 501 consid. 3b p. 503 et les références citées). Un tel moyen ne peut
toutefois être retenu que si la créance compensante résulte elle-même d'un
titre exécutoire ou qu'elle est admise sans réserve par le poursuivant (ATF 115
III 97 consid. 4 p. 100 et les références citées). Contrairement à ce qui vaut
pour la mainlevée provisoire (art. 82 al. 2 LP), le poursuivi ne peut se borner
à rendre sa libération vraisemblable; il doit, au contraire, en apporter la
preuve stricte (ATF 125 III 42 consid. 2b p. 44 in fine; ATF 124 III 501
consid. 3a p. 503 et les références).
BGE 136 III 624 S. 626

4.2.2 En l'espèce, il est établi que, le 19 avril 2001, l'intimé (créancier
poursuivant) a signé un document intitulé "reconnaissance de dette" dans lequel
il reconnaissait devoir au recourant (débiteur poursuivi) la somme de deux
millions de francs français portant intérêts à 5 % l'an dès la signature. Il
s'y engageait par ailleurs à rembourser ce montant en deux échéances égales
d'un million de francs chacune aux dates ultimes des 31 mai et 30 novembre
2001. S'agissant d'un acte sous seing privé signé de la main de l'intimé, d'où
découle sa volonté de payer au recourant, sans réserve ni condition, une somme
d'argent déterminée et échue, un tel document doit être qualifié de
reconnaissance de dette (ATF 130 III 87 consid. 3.1 p. 88).

4.2.3 La particularité du cas d'espèce réside dans le fait - non contesté - que
le titre opposé en compensation fait l'objet d'une procédure pendante en
France, introduite en novembre 2001, tendant à faire constater sa nullité. Se
référant à l'art. 120 al. 2 CO, selon lequel le débiteur peut opposer la
compensation même si la créance est contestée, le débiteur poursuivi prétend
que cette circonstance ne permet pas de considérer qu'il a échoué à prouver par
titre l'extinction de sa dette par compensation. On ne saurait le suivre dans
cette voie.
Certes, l'art. 120 al. 2 CO signifie que le débiteur peut compenser sa
prestation même si celle-ci n'est pas "liquide", à savoir n'est pas déterminée
avec certitude dans son principe et son montant (PIERRE TERCIER, Le droit des
obligations, 4^e éd. 2009, p. 312 n^o 1534). En d'autres termes, la créance
compensante permet l'exercice de l'exception même si elle est contestée en l'un
de ses éléments. Toutefois, l'effet compensatoire ne se produit que si la
contestation est levée par le juge (cf. arrêt 5P.245/1992 du 16 novembre 1992
consid. 2 et la référence à VIKTOR AEPLI, Commentaire zurichois, 1991, n^o 148
ad art. 120 CO; TERCIER, ibidem).
Or, dans la procédure sommaire de la mainlevée d'opposition à une poursuite
fondée sur un jugement (art. 80 et 81 LP), le juge ne peut procéder à un tel
examen. Le caractère d'une telle procédure s'oppose à ce qu'il tranche des
questions délicates de droit matériel ou pour la solution desquelles le pouvoir
d'appréciation joue un rôle important, dont la connaissance ressortit
exclusivement au juge du fond (ATF 124 III 501 consid. 3a p. 503 et les arrêts
cités). Par ailleurs, l'art. 81 LP exige, pour maintenir l'opposition, la
preuve par titre - et non la seule vraisemblance, ainsi qu'il en va dans la
mainlevée provisoire (art. 82 al. 2 LP) - de l'extinction de la dette. A cet
égard, il
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appartient au poursuivi d'établir non seulement par titre la cause de
l'extinction (existence d'une contre-créance, cf. supra, consid. 4.2.2), mais
aussi le montant exact à concurrence duquel la dette est éteinte. Le titre de
mainlevée au sens de l'art. 81 al. 1 LP créant la présomption que la dette
existe, cette présomption ne peut être renversée que par la preuve stricte du
contraire (cf. ATF 124 III 501 consid. 3b p. 504). Or, cette preuve n'est pas
apportée si la créance compensante est contestée (dans ce sens: arrêt du
Tribunal fédéral 5P.495/1993 du 2 février 1994 consid. 2; Extraits 1977 p. 39
ss cité par HENRI-ROBERT SCHÜPBACH, Compensation et exécution forcée, in
Schuldbetreibung und Konkurs im Wandel, Festschrift 75 Jahre Konferenz der
Betreibungs- und Konkursbeamten der Schweiz, 2000, p. 160 n° 111 ainsi que par
DIETER GESSLER, Scheidungsurteile als definitive Rechtsöffnungstitel, SJZ 1987
p. 257, ce dernier se prononçant en outre clairement pour une non-application
de l'art. 120 al. 2 CO; VIKTOR AEPLI, op. cit., n^o 151 ad art. 120 CO, qui
réserve les dispositions contraires du droit fédéral, en particulier les règles
spéciales de la LP qui exige une preuve par titre [Urkundenbeweis]; également:
SJZ 1966 p. 129, Rechenschaftsbericht [...] Uri 1988 p. 52; contra: SJ 1957 p.
523; peu clair: arrêt 5P.125/1994 du 2 juin 1994 consid. 2b/aa, non publié in
ATF 120 Ia 256; contra: Rep 1999 p. 273, n^o 86 s'agissant toutefois de la
mainlevée provisoire).