Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 136 III 583



Urteilskopf

136 III 583

86. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit civil dans la cause X. SA contre
Y. BV (recours en matière civile)
5A_225/2010 du 2 novembre 2010

Regeste

Art. 82 und 84 SchKG, Art. 7, 9 und 177 IPRG; Schiedseinrede im Rahmen eines
provisorischen Rechtsöffnungsverfahrens, Rechtshängigkeit.
Die - provisorische oder definitive - Rechtsöffnung kann durch ein
Schiedsgericht nicht ausgesprochen werden (E. 2.1). Unter Vorbehalt einer
ausdrücklichen Klausel versagt die Schiedsvereinbarung dem Betreibenden nicht
das Recht, beim staatlichen Gericht die provisorische Rechtsöffnung zu
verlangen (E. 2.2). Das provisorische Rechtsöffnungsverfahren begründet im
Verhältnis zur Klage auf Zahlung vor einem Schiedsgericht keine
Rechtshängigkeit (E. 2.3).

Sachverhalt ab Seite 583

BGE 136 III 583 S. 583
Le 31 janvier 2008, Y. BV et X. SA ont conclu un contrat de licence ayant pour
objet le droit d'utilisation exclusif d'une marque, dont Y. BV est titulaire,
dans certains pays européens. Les parties ont soumis leur convention au droit
néerlandais et stipulé que "(t)out litige, controverse ou réclamation découlant
du présent contrat et de toute modification ultérieure du présent contrat, ou
s'y rapportant, et ayant trait notamment mais non exclusivement à sa formation,
sa validité, ses effets obligatoires, son interprétation, son exécution, sa
violation ou sa résolution, de même que toute réclamation extracontractuelle,
sera soumis en cas de non accord amiable dans un délai de soixante jours, pour
règlement définitif, à arbitrage conformément au Règlement d'arbitrage accéléré
de l'OMPI. Le lieu de
BGE 136 III 583 S. 584
l'arbitrage sera désigné d'un commun accord (...) et à défaut d'accord à
Genève". Le 28 janvier 2009, Y. BV a résilié le contrat de licence; cette
résiliation a pris effet au 31 juillet 2009.
Le 31 juillet 2009, X. SA a déposé contre Y. BV, devant le Centre d'arbitrage
et de médiation de l'OMPI, une demande en dommages-intérêts pour inexécution et
rupture abusive du contrat.
Le 6 août 2009, Y. BV a fait notifier à X. SA deux commandements de payer
portant sur les redevances dues en vertu du contrat de licence.
Par prononcés du 9 octobre 2009, le Président du Tribunal civil de la Veveyse a
levé provisoirement les oppositions.
Statuant le 12 février 2010, la II^e Cour d'appel civil du Tribunal cantonal de
l'État de Fribourg a confirmé l'octroi de la mainlevée provisoire.
Le Tribunal fédéral a rejeté dans la mesure de sa recevabilité le recours en
matière civile formé par X. SA.
(résumé)

Auszug aus den Erwägungen:

Extrait des considérants:

2. Après avoir admis que les normes de la LDIP (RS 291) en matière d'arbitrage
étaient applicables (art. 176 al. 1 LDIP), l'autorité précédente a retenu que
la procédure de mainlevée de l'opposition (art. 80 ss LP) doit être réservée au
juge étatique "en raison de la réserve de l'ordre public et de la participation
obligatoire des autorités de poursuite pour des actes touchant un débiteur
domicilié en Suisse, comme des effets nécessaires de ces actes vis-à-vis des
tiers". Si les parties sont, en principe, libres de renoncer à demander la
mainlevée provisoire et de s'obliger à introduire directement une procédure
d'arbitrage, une telle convention doit être expresse; partant, "si les parties
concluent une convention d'arbitrage sans exclure expressément la faculté de
requérir la mainlevée provisoire, il ne faut pas y voir une renonciation à
requérir celle-ci auprès du juge étatique". En l'occurrence, la présente cause
n'est dès lors pas susceptible d'arbitrage; de surcroît, la clause
compromissoire contenue dans le contrat de licence du 31 janvier 2008 ne fait
aucune mention expresse d'une renonciation à agir par la voie de la mainlevée
provisoire. Il s'ensuit que le premier juge était bien compétent pour se
prononcer sur la requête. Enfin, l'exception de litispendance soulevée par la
poursuivie est mal fondée, puisque la mainlevée
BGE 136 III 583 S. 585
provisoire peut être prononcée "même lorsqu'une action matérielle [...]
concernant la créance en poursuite est pendante".

2.1 Selon la jurisprudence constante, l'arbitre ne peut pas prononcer la
mainlevée définitive ou provisoire de l'opposition (arrêt 7B.95/2005 du 19 août
2005 consid. 3; 7B.25/2005 du 22 février 2005 consid. 6, in RtiD 2005 II p.
780; 5A_682/2009 du 20 avril 2010 consid. 4.2.3.3). Alors même que l'action en
reconnaissance de dette au sens de l'art. 79 LP peut être jugée par un tribunal
arbitral (ATF 94 I 365 consid. 3 p. 370), celui-ci n'est pas non plus compétent
- à l'opposé du tribunal étatique (cf. ATF 107 III 60) - pour lever
définitivement l'opposition dans le dispositif de sa sentence (GILLIÉRON,
Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite,
vol. I, 1999, n^o 9 ad art. 79 LP; RUEDIN, L'action en reconnaissance de dette,
Fiches juridiques suisses [FJS] n° 979a [1986] p. 6; SCHMIDT, Commentaire
romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 18 ad art. 79 LP; STAEHELIN, Kommentar
zum Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, vol. I, 1998, n° 19 ad art.
79 LP; VOCK, Kurzkommentar SchKG, 2009, n° 6 ad art. 79 LP). Contrairement à ce
que pense la recourante - en se référant à DUTOIT qui admet d'une manière
générale le caractère arbitrable des "litiges en relation avec la poursuite
pour dette ou la faillite" (Droit international privé suisse, 4^e éd. 2005, n°
2 ad art. 177 LDIP) -, la réponse est la même sous l'angle de l'art. 177 LDIP.
Certes, cette disposition prévoit expressément que toute "cause patrimoniale"
peut faire l'objet d'un arbitrage (al. 1). Toutefois, l'arbitrabilité peut se
trouver exclue par des règles de compétence qui réservent impérativement à une
autorité étatique la connaissance de certains différends; la doctrine quasiment
unanime considère, à juste titre, que tel est le cas de la procédure de
mainlevée de l'opposition (BERGER/KELLERHALS, Internationale und interne
Schiedsgerichtsbarkeit in der Schweiz, 2006, n° 225; BRINER, in Basler
Kommentar, Internationales Privatrecht, 2^e éd. 2007, n° 14 ad art. 177 LDIP;
KNOEPFLER, note Revue de l'arbitrage 1993 p. 698; PERRET, Faillite et arbitrage
international, Bull. ASA 2007 p. 37; POUDRET/BESSON, Droit comparé de
l'arbitrage international, 2002, n° 363; VISCHER, in Zürcher Kommentar zum
IPRG, 2^e éd. 2004, n° 20 ad art. 177 LDIP; WALTER ET AL., Internationale
Schiedsgerichtsbarkeit in der Schweiz, 1991, p. 60; de l'avis contraire: GEHRI,
Gerichtsstands- und Schiedsvereinbarungen in Angelegenheiten des
Schuldbetreibungs- und Konkursrechts, ZZZ 2007 p. 427 [pour la mainlevée
provisoire]).
BGE 136 III 583 S. 586

2.2 Faisant sienne l'opinion de certains auteurs, la recourante soutient que la
procédure de mainlevée provisoire n'est plus ouverte lorsque les parties sont
liées par une convention d'arbitrage; elles sont alors tenues d'agir
directement au fond devant les arbitres (POUDRET/BESSON, ibidem; BESSON, Une
exception d'arbitrage peut-elle être invoquée en procédure de mainlevée
provisoire?, Bull. ASA 1999 p. 2 ss; SCHMID/KNECHT, Schiedsvereinbarung und
provisorische Rechtsöffnung, RSJ 105/2009 p. 537 ss).
Les plaideurs peuvent exclure la procédure de mainlevée provisoire de
l'opposition au profit de la seule procédure arbitrale (STAEHELIN, op. cit., n°
17 ad art. 84 LP). À défaut d'une telle clause expresse - à laquelle on peut
appliquer par analogie les critères posés par le Tribunal fédéral sur la base
de l'art. 192 LDIP (cf. sur ce point: ATF 131 III 173 et les citations) -, on
ne peut cependant interpréter la convention d'arbitrage comme emportant
renonciation à en appeler au juge de la mainlevée provisoire (STAEHELIN,
ibidem, et les nombreuses citations). On ne saurait d'autant moins l'admettre
que le poursuivant perdrait alors le droit de requérir une saisie provisoire ou
un inventaire des biens du poursuivi (art. 83 al. 1 LP), mesures conservatoires
relevant de l'exécution forcée (SCHMIDT, op. cit., n^os 6-7 ad art. 83 LP et
les citations) que l'arbitre n'est pas compétent pour ordonner (cf. pour le
séquestre: BESSON, Arbitrage et mesures provisoires, 1998, n° 72). Il n'est
donc pas indifférent pour le poursuivant de pouvoir obtenir la mainlevée
provisoire de l'opposition (SCHMIDT, op. cit., n° 6 ad art. 83 LP).

2.3 Le moyen tiré de la "litispendance" ne résiste pas à l'examen. Le Tribunal
fédéral a déjà jugé qu'il n'y a pas litispendance entre la procédure de
mainlevée provisoire et l'action en reconnaissance de dette portée devant un
tribunal arbitral (arrêt 5A_400/2009 du 12 novembre 2009 consid. 1). Si le
poursuivant obtient la mainlevée, il peut requérir la saisie provisoire ou
l'inventaire (art. 83 al. 1 LP), mais la mainlevée ne peut pas devenir
définitive (art. 83 al. 3 LP) tant que le procès en reconnaissance de dette est
pendant devant les arbitres (cf. STAEHELIN, op. cit., n° 9 ad art. 84 LP;
GILLIÉRON, Poursuite pour dettes, faillite et concordat, 4^e éd. 2005, n° 805,
ainsi que les réferences citées par ces auteurs).
L'argumentation de la recourante méconnaît, de surcroît, la nature du prononcé
de mainlevée. Comme le Tribunal fédéral l'a jugé à maintes reprises, la
procédure de mainlevée - provisoire ou définitive - est un incident de la
poursuite; il s'agit d'une procédure sur
BGE 136 III 583 S. 587
pièces qui n'a pas pour objet de statuer sur la réalité de la prétention en
poursuite, mais uniquement sur la force exécutoire du titre produit par le
poursuivant (ATF 133 III 645 consid. 5.3, ATF 133 III 400 consid. 1.5; ATF 132
III 141 consid. 4.1.1; ATF 120 Ia 82 consid. 6b). Le jugement de mainlevée
provisoire ne sortit que des effets de droit des poursuites (ATF 100 III 48
consid. 3) et ne fonde pas l'exception de chose jugée quant à l'existence de la
créance (STAEHELIN, op. cit., n° 82 ad art. 84 LP et les citations).
Contrairement à ce qu'affirme la recourante, la procédure de mainlevée et la
procédure arbitrale (initiée par l'intéressée avant l'introduction des
poursuites) ont ainsi deux objets nettement distincts (ATF 133 III 645 consid.
5.3).