Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 136 III 392



Urteilskopf

136 III 392

58. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit civil dans la cause X. SA contre
A. (recours en matière civile)
4A_91/2010 du 29 juin 2010

Regeste

Arbeitsvertrag; unmittelbar anwendbares Recht eines Drittstaates (Art. 19
IPRG).
Voraussetzungen gemäss Art. 19 IPRG für die Berücksichtigung einer Norm
ausländischen Rechts trotz einer Rechtswahl zugunsten schweizerischen Rechts
(E. 2.2).
Zwingende Bestimmung panamaischen Rechts, die einem Matrosen, der auf einem
unter panamaischer Flagge fahrenden Schiff beschäftigt ist, eine Entschädigung
bei Entlassung einräumt (E. 2.3.1). Enger Zusammenhang zwischen dem Sachverhalt
und dem zwingenden Recht des Drittstaates? Frage offengelassen (E. 2.3.2). Der
schweizerische Richter kann die panamaische Norm nicht ausnahmsweise
berücksichtigen, da nach schweizerischer Rechtsauffassung das
Arbeitnehmerinteresse an einer vorgenannten Abgangsentschädigung nicht für
schützenswert und überwiegend zu halten ist (E. 2.3.3).

Sachverhalt ab Seite 393

BGE 136 III 392 S. 393

A. Ressortissant espagnol actuellement domicilié en Espagne, A. a travaillé
comme soudeur dès le 20 septembre 1989 pour la société de droit suisse Y. SA, à
(...), active dans la construction de pipelines sous-marins. Un contrat de
travail a été signé par les parties en date du 1^er janvier 1996. Dès le 1^er
mai 2000, les rapports de travail ont été repris tels quels par la société de
droit suisse X. SA, à (...), dont le but est la mise à disposition de personnel
pour les sociétés du groupe Y. A. travaillait sur le navire "MV Z." appartenant
au groupe Y. et battant pavillon panaméen.
Le 23 décembre 2004, X. SA a résilié le contrat de travail pour le 31 mars
2005.

B. Le 26 avril 2006, A. a déposé une demande contre X. SA devant le Tribunal
civil de la Veveyse. Il concluait au paiement d'un montant équivalent à six
mois de salaire, soit 31'045,50 euros ou 50'240 fr., plus intérêts. Le
demandeur invoquait la loi panaméenne n° 8 du 26 février 1998 sur le travail en
mer et sur les voies navigables (ci-après: la loi panaméenne n° 8), décrétée
d'ordre public, dont l'art. 56 al. 1 let. f accorde à l'employé qui a travaillé
plus de 60 mois sur un bateau une indemnité de licenciement correspondant à 600
% de son salaire mensuel. Il faisait valoir que cette règle de droit panaméen
pouvait être prise en considération en application de l'art. 19 LDIP, dès lors
que la protection des travailleurs ayant oeuvré longtemps pour le même
employeur faisait également partie de l'acquis du droit suisse.
X. SA a conclu à l'irrecevabilité de la demande, subsidiairement à son rejet.
Par jugement incident du 31 octobre 2007, le Tribunal civil de la Veveyse a
déclaré la demande recevable. Par jugement du 7 novembre 2008, il a rejeté
l'action, considérant que seul le droit suisse était applicable, à l'exclusion
du droit panaméen.
Statuant le 16 novembre 2009 sur appel de A., la I^e Cour d'appel civil du
Tribunal cantonal du canton de Fribourg a admis le recours
BGE 136 III 392 S. 394
et condamné X. SA à verser au travailleur une indemnité de 50'240 fr., plus
intérêts à 5 % l'an à partir du 31 mars 2005. L'autorité cantonale a relevé que
la loi panaméenne n° 8 avait pour but la protection des travailleurs et que le
droit suisse connaissait également des règles de protection, en particulier
après de longs rapports de travail ainsi que par le biais de la LAVS et de la
LPP. Après avoir constaté qu'aucun système de prévoyance sociale n'avait été
appliqué au demandeur, la cour cantonale a jugé, en application de l'art. 19
LDIP, qu'un intérêt légitime et manifestement prépondérant imposait la prise en
considération du droit panaméen.

C. X. SA a interjeté un recours en matière civile. (...) Le Tribunal fédéral a
admis le recours, annulé l'arrêt cantonal et rejeté l'action introduite par A.
contre X. SA.
(extrait)
Extrait des considérants:

Auszug aus den Erwägungen:

2.

2.1 La recourante reproche tout d'abord à la cour cantonale d'avoir violé
l'art. 19 LDIP (RS 291) en prenant en considération l'art. 56 al. 1 let. f de
la loi panaméenne n° 8. A son sens, au moins deux des trois conditions
cumulatives mises à l'application de la disposition de droit international
privé suisse ne sont pas remplies. Premièrement, il ne serait pas établi que la
situation en cause ait un lien étroit avec le droit panaméen, l'autorité
cantonale relevant elle-même que le rattachement administratif du navire au
Panama est le seul lien avec cet Etat. En second lieu, la recourante fait
valoir qu'aucun intérêt légitime et manifestement prépondérant au regard de la
conception suisse du droit ne justifie l'application du droit panaméen plutôt
que du droit suisse, l'art. 339b CO instituant déjà une indemnité à raison de
longs rapports de travail qui reste d'actualité pour les travailleurs non
soumis à la prévoyance professionnelle obligatoire.
A titre subsidiaire, la recourante invoque l'arbitraire dans l'établissement
des faits. A son avis, les juges fribourgeois ne pouvaient pas déduire de
l'absence de déductions sociales sur la fiche de salaire de l'intimé que ce
dernier n'était soumis à aucun système de prévoyance. En particulier, la cour
cantonale aurait méconnu le principe selon lequel la sécurité sociale est une
affaire de souveraineté nationale et qu'elle s'applique aux personnes
domiciliées dans le pays concerné, voire aux citoyens de cet Etat travaillant à
l'étranger; la recourante se réfère à cet égard au droit espagnol de la
sécurité sociale, qui prévoit que les
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marins émigrants et leur famille de nationalité espagnole peuvent souscrire à
une convention spéciale dans ce domaine. En outre, la recourante fait observer
que le travailleur n'a jamais allégué qu'il ne bénéficiait d'aucune prévoyance
professionnelle, de sorte que la cour cantonale aurait retenu ce fait en
violation de l'art. 8 CC.

2.2 Les parties ont soumis le contrat de travail au droit suisse, qui
correspond au droit de l'Etat dans lequel l'employeur a son siège. Ce choix
porte sur l'un des droits admis par l'art. 121 al. 3 LDIP (cf. art. 21 al. 4
LDIP). L'élection de droit est par conséquent valable.
L'art. 19 LDIP relatif aux lois d'application immédiate d'un Etat tiers permet,
à certaines conditions, d'écarter le droit choisi par les parties, en
particulier dans le domaine du droit du travail (STREIFF/VON KAENEL ,
Arbeitsvertrag, 6^e éd. 2006, n° 24 ad art. 319 CO p. 100 s.; BERNARD DUTOIT,
Droit international privé suisse, Commentaire de la loi fédérale du 18 décembre
1987, 4^e éd. 2005, n° 8 ad art. 19 LDIP p. 81; FRANK VISCHER, in Zürcher
Kommentar zum IPRG, 2^e éd. 2004, n° 33 ad art. 19 LDIP; KELLER/KREN
KOSTKIEWICZ, in Zürcher Kommentar zum IPRG, 2^e éd. 2004, n° 42 et n° 53 ad
art. 121 LDIP; STEPHANIE MILLAUER , Sonderanknüpfung fremder zwingender Normen
im Bereich von Schuldverträgen [Art. 19 IPRG und Art. 7 Abs. 1 EVÜ], 2001, p.
143; VISCHER/HUBER/OSER, Internationales Vertragsrecht, 2^e éd. 2000, n° 906 p.
418). Selon l'alinéa 1 de cette disposition, le juge peut prendre en
considération une norme impérative d'un droit autre que celui désigné par la
LDIP lorsque des intérêts légitimes et manifestement prépondérants au regard de
la conception suisse du droit l'exigent et que la situation visée présente un
lien étroit avec ce droit étranger. L'art. 19 al. 2 LDIP précise qu'une prise
en considération de la disposition étrangère suppose de tenir compte du but
qu'elle vise et des conséquences qu'aurait son application pour arriver à une
décision adéquate au regard de la conception suisse du droit. Selon la
jurisprudence, le recours à l'art. 19 LDIP doit rester exceptionnel, comme dans
tous les cas où une loi d'application immédiate est en jeu (ATF 130 III 620
consid. 3.5.1 s. p. 630 s.; arrêt 5C.60/2004 du 8 avril 2005 consid. 3.1.2, non
publié in ATF 131 III 418; cf. DUTOIT, op. cit., n° 4 ad art. 19 LDIP p. 78).

2.3 Il convient d'examiner si les conditions de l'art. 19 LDIP sont réalisées
en l'espèce, comme la cour cantonale l'a admis.

2.3.1 La première condition a trait à la volonté du législateur étranger
d'appliquer la disposition considérée de manière impérative, soit
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expressément, soit implicitement, en raison du but particulier de la norme
(MÄCHLER-ERNE/WOLF-METTIER, in Basler Kommentar, Internationales Privatrecht, 2
^e éd. 2007, n° 14 ad art. 19 LDIP; DUTOIT, op. cit., n° 4 ad art. 19 LDIP p.
78; VISCHER, op. cit., n° 19 ad art. 19 LDIP).
En l'espèce, l'autorité cantonale a constaté de manière à lier la cour de céans
(cf. ATF 130 III 620 consid. 3.2 p. 625) que, selon son art. 1, la loi
panaméenne n° 8 est d'ordre public et règle dans leur totalité les relations
entre employeurs et employés à bord des navires battant pavillon panaméen. Il
faut en déduire le caractère impératif de l'art. 56 de la loi panaméenne n° 8,
qui accorde une indemnité spéciale, variant en principe selon la durée des
rapports de travail, au membre d'équipage engagé pour une durée indéterminée et
licencié sans juste motif.

2.3.2 Une autre condition d'application de l'art. 19 LDIP porte sur le lien
étroit devant exister entre la situation visée et le droit impératif de l'Etat
tiers. L'exigence d'un tel lien suppose plus que n'importe quel rattachement
invoqué par la norme étrangère (JEAN-LUC CHENAUX , L'application par le juge
des dispositions impératives étrangères non désignées par la règle de conflit
du for, in RDS 1988 p. 69). Le juge examinera, du point de vue de l'Etat du
for, si les liens de la cause avec le droit de l'Etat tiers sont suffisamment
importants pour justifier la prise en considération de la norme impérative
étrangère. Un point de rattachement spécial peut consister, notamment, dans le
lieu d'exécution, le lieu d'exploitation, le lieu de situation d'une chose ou
le lieu de résidence d'une partie au contrat. Il s'agira alors de déterminer si
ce rattachement fonde un lien étroit en tenant compte du but et de la fonction
de la norme d'intervention de l'Etat tiers (ATF 130 III 620 consid. 3.3.1 p.
625 et les références). Ainsi, par exemple, le lieu de situation de l'objet
loué est le critère de rattachement déterminant pour les mesures de protection
des locataires (VISCHER, op. cit., n° 21 ad art. 19 LDIP).
En l'espèce, l'art. 56 de la loi panaméenne n° 8 entend s'appliquer au
personnel travaillant sur les navires battant pavillon panaméen. Pour le
rattachement objectif, il est admis de manière générale que les rapports de
travail des marins sont soumis au droit du pavillon (DUTOIT, op. cit., n° 4 ad
art. 121 LDIP p. 422; KELLER/KREN KOSTKIEWICZ, op. cit., n° 31 ad art. 121
LDIP; KURT SIEHR, Das Internationale Privatrecht der Schweiz, 2002, p. 295; le
même, Billige Flaggen in teuren Häfen, in Festschrift für Frank Vischer, 1983,
p. 314; ROGER HISCHIER, Das
BGE 136 III 392 S. 397
Statut des Arbeitsverhältnisses entsandter Arbeitnehmer schweizerischer
Unternehmen, 1995, p. 51; SCHÖNENBERGER/JÄGGI, Zürcher Kommentar, 3^e éd. 1973,
n° 284 ad allgemeine Einleitung). Cette règle se retrouve d'ailleurs dans la
loi fédérale du 23 septembre 1953 sur la navigation maritime sous pavillon
suisse (LNM; RS 747.30), dont l'art. 68 soumet au droit suisse le contrat
d'engagement de tous les marins, quelle que soit leur nationalité, qui servent
à bord des navires enregistrés dans le registre des navires suisses et arborant
ainsi le pavillon suisse. D'aucuns se sont toutefois interrogés sur le
caractère judicieux de ce rattachement pour les travailleurs occupés sur des
bâtiments navigant sous un pavillon de complaisance (REITHMANN/MARTINY,
Internationales Vertragsrecht, 7^e éd. 2010, n° 4870 p. 1447; SIEHR, Billige
Flaggen, op. cit., p. 314).
Dès lors que le pavillon est un rattachement objectif généralement admis en
matière de contrat de travail et que le droit suisse applique ce principe aux
marins oeuvrant sur les navires arborant le pavillon suisse, il paraît a priori
difficile de nier en l'espèce le lien étroit au sens de l'art. 19 LDIP entre
les relations de travail des marins et le droit du Panama. D'un autre côté, le
pavillon de cet Etat est considéré comme un pavillon de complaisance et la cour
cantonale relève elle-même que la seule relation avec le Panama est le
rattachement administratif du navire à cet Etat. Or, il s'agit d'une situation
dans laquelle il n'existe précisément pas de véritable lien avec l'Etat du
pavillon (cf. KELLER/KREN KOSTKIEWICZ, op. cit., n° 32 ad art. 121 LDIP). La
question peut toutefois rester ouverte puisque, comme on va le voir, la
troisième condition de l'art. 19 LDIP n'est de toute manière pas remplie dans
le cas particulier.

2.3.3 Il y a lieu d'examiner à présent si des intérêts légitimes et
manifestement prépondérants au regard de la conception suisse du droit exigent
la prise en considération de la norme impérative de l'Etat tiers.

2.3.3.1 Contrairement à la version française de l'art. 19 LDIP, les versions
allemande et italienne précisent que les intérêts en question sont ceux d'une
partie. La jurisprudence n'a pas tranché entre les différentes versions (cf.
ATF 130 III 620 consid. 3.4.1 p. 628). Il n'est pas nécessaire non plus
d'approfondir cette question en l'occurrence. En effet, le texte français, qui
a une portée plus large (même arrêt, ibid.), n'exclut pas de prendre en
considération les intérêts d'une partie. Or, les intérêts en jeu dans le cas
particulier sont manifestement ceux d'une partie, soit le travailleur.
BGE 136 III 392 S. 398
La mise en oeuvre de l'art. 19 LDIP suppose un jugement de valeur: l'intérêt à
l'application de la norme impérative étrangère doit être digne de protection
selon la conception suisse du droit et l'emporter manifestement sur l'intérêt à
l'application de la lex causae. Conformément à l'art. 19 al. 2 LDIP,
l'éventuelle prise en considération du droit impératif d'un Etat tiers dépendra
du but poursuivi par la disposition en cause et des conséquences de ce
rattachement spécial. L'appréciation se fera selon les valeurs fondamentales de
l'ordre juridique suisse. A cet égard, il n'est pas nécessaire que le droit
suisse connaisse des normes impératives semblables; il suffit que le but
poursuivi par la disposition étrangère soit conforme à la conception suisse
(IVO SCHWANDER, Einführung in das internationale Privatrecht, Allgemeiner Teil,
3^e éd. 2000, p. 253). L'éventuelle prise en considération de normes d'un Etat
tiers doit permettre, dans un cas particulier, d'aboutir à un résultat qui
tienne compte de l'effet desdites dispositions sur le rapport juridique en
cause et sur la situation de la partie concernée d'une manière conforme à la
conception suisse du droit (ATF 130 III 620 consid. 3.5.1 p. 630).
Dans le domaine du contrat de travail, des dispositions protectrices
impératives d'un Etat tiers, en particulier du pays du lieu de travail,
pourront trouver à s'appliquer par le biais de l'art. 19 LDIP (VISCHER/HUBER/
OSER, op. cit., n° 800 p. 368; ANDREAS BUCHER, Droit international privé
suisse, Partie générale, vol. II, 1995, n° 552 p. 217; Message du 10 novembre
1982 concernant une loi fédérale sur le droit international privé, FF 1983 I
403 ch. 282.26). Il s'agira par exemple de normes impératives - de droit public
ou de droit privé - relatives au travail le dimanche et les jours fériés, à la
durée maximale du travail, à l'interdiction du travail des enfants, à la
prévention des risques et des accidents ou encore au salaire minimal (KELLER/
KREN KOSTKIEWICZ, op. cit., n^os 55-57 ad art. 121 LDIP).

2.3.3.2 L'art. 56 al. 1 de la loi panaméenne n° 8 accorde au marin licencié
sans juste motif une indemnité fixée selon l'échelle suivante:
let. a: 20 % du salaire mensuel pour une durée de service de 1 à 5 mois;
let. b: 30 % du salaire mensuel pour une durée de service de plus de 5 mois
jusqu'à 11 mois;
let. c: 100 % du salaire mensuel pour une durée de service de plus de 11 mois
jusqu'à 23 mois;
let. d: 300 % du salaire mensuel pour une durée de service de plus de 23 mois
jusqu'à 35 mois;
BGE 136 III 392 S. 399
let. e: 400 % du salaire mensuel pour une durée de service de plus de 35 mois
jusqu'à 60 mois;
let. f: 600 % du salaire mensuel pour une durée de service de plus de 60 mois.
Il ne s'agit pas d'une indemnité pour résiliation immédiate injustifiée au sens
où l'entend l'art. 337c CO. En effet, l'indemnité panaméenne est versée dans
tous les cas où le contrat de travail de durée indéterminée est résilié, pour
autant qu'aucun juste motif ne soit réalisé. L'indemnité en jeu est une
indemnité de départ, dont l'ampleur dépend uniquement de la durée des rapports
de travail; son montant croît jusqu'à une durée de service de cinq ans, pour
ensuite se stabiliser à six mois de salaire mensuel. Elle n'est pas une prime
de fidélité à proprement parler puisqu'elle est due déjà après un mois de
service, mais la fidélité, jusqu'à cinq ans, est prise en compte dans le calcul
du montant dû. L'octroi de l'indemnité panaméenne ne suppose pas que le
travailleur licencié ait atteint un certain âge, ni qu'il ait été longtemps au
service de l'employeur. Elle se distingue en cela de l'indemnité à raison de
longs rapports de travail instituée par l'art. 339b CO. Accordée au travailleur
de plus de 50 ans qui a travaillé 20 ans au moins pour l'employeur, l'indemnité
suisse avait, à l'origine, pour but d'inciter l'employeur à créer un système de
prévoyance; elle a servi de transition jusqu'à ce que soit instituée la
prévoyance obligatoire dans les entreprises (ATF 131 II 593 consid. 3.1 p.
601). Ne reposant pas sur la même conception, l'indemnité panaméenne n'apparaît
pas comme un substitut à une prestation de prévoyance. Contrairement à ce que
la cour cantonale laisse entendre, l'indemnité de départ panaméenne ne poursuit
pas un objectif social et se présente bien plutôt comme une récompense de
caractère purement patrimonial (cf. JÜRG EMIL EGLI, L'indemnité de départ dans
le contrat de travail, 1979, p. 45).
Le but de la disposition panaméenne en cause ne rentre ainsi pas dans les
valeurs fondamentales de protection du travailleur. Au regard de la conception
suisse du droit, l'intérêt du travailleur à obtenir l'indemnité de départ
panaméenne ne peut être considéré comme légitime et prépondérant au point
d'amener le juge suisse à prendre en considération, à titre exceptionnel, une
norme impérative d'un Etat tiers sur la base de l'art. 19 LDIP. Le grief tiré
d'une violation de cette disposition est dès lors fondé.
Il s'ensuit que la cour cantonale n'avait pas à prendre en considération la loi
panaméenne n° 8 et à accorder à l'intimé l'indemnité qu'il réclamait sur cette
base.