Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 136 III 334



Urteilskopf

136 III 334

50. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit civil dans la cause X., Société
d'assurances sur la vie contre Y. (recours en matière civile)
4A_163/2010 du 2 juillet 2010

Regeste

Versicherungsvertrag bezüglich Arbeitsunfähigkeit infolge Krankheit oder
Unfall; Verletzung der Anzeigepflicht; Art. 6 VVG (Fassung vor dem 1. Januar
2006).
Zusammenfassung der Grundsätze über die Verletzung der Anzeigepflicht bei
Abschluss eines Versicherungsvertrags (E. 2).
Erheblichkeit einer Tatsache für die Beurteilung der Gefahr. Im zu
beurteilenden Fall ist die gelegentliche Konsumation einiger Cannabis Joints
mehr als zehn Jahre vor Abschluss des Versicherungsvertrags keine erhebliche
Tatsache, um die versicherte Gefahr zu beurteilen (E. 2.4).
Berufung darauf, der Schaden sei vor Abschluss des Vertrags eingetreten (Art. 9
VVG) (E. 3).

Auszug aus den Erwägungen: ab Seite 335

BGE 136 III 334 S. 335
Extrait des considérants:

2.

2.1 La recourante invoque tout d'abord une violation de l'art. 4 LCA. Il faut
donc déterminer si elle s'est valablement départie du contrat d'assurance pour
cause de réticence en application de l'art. 6 de la loi fédérale du 2 avril
1908 sur le contrat d'assurance (LCA; RS 221. 229.1).

2.2 Il convient préalablement de déterminer quelle est la teneur de l'art. 6
LCA applicable au cas d'espèce, puisque cette disposition a été modifiée par
une loi fédérale du 17 décembre 2004, entrée en vigueur le 1^er janvier 2006
(RO 2005 5250).
La disposition transitoire contenue à l'art. 102 al. 4 LCA renvoie à l'ancien
art. 882 CO, qui a été remplacé par l'art. 1 al. 1 Tit. fin. CC le 1^er janvier
1912 (cf. ROLF NEBEL, in Bundesgesetz über den Versicherungsvertrag, 2001, n^os
1 et 3 ad art. 102 LCA). L'art. 1 al. 1 Tit. fin. CC instaure le principe de la
non-rétroactivité des lois (cf. ATF 134 III 224 consid. 3.2.1 p. 230). Il
s'ensuit que le contrat d'assurance litigieux, qui a été conclu en octobre
1997, est soumis à l'art. 6 LCA dans sa teneur antérieure au 1^er janvier 2006
(cf. arrêt 4A_261/2008 du 1^er octobre 2008 consid. 3.1).
Selon la teneur de l'art. 6 LCA qu'il faut appliquer en l'espèce (FF 1908 II
125), "si celui qui devait faire la déclaration a, lors de la conclusion du
contrat, omis de déclarer ou inexactement déclaré un fait important qu'il
connaissait ou devait connaître (réticence), l'assureur n'est pas lié par le
contrat à condition qu'il s'en soit départi dans les quatre semaines à partir
du moment où il a eu connaissance de la réticence".
Cette disposition permet donc à l'assureur, en cas de réticence, de résoudre le
contrat (avec effet rétroactif) et de refuser ses prestations pour un sinistre
déjà survenu, même si celui-ci est sans rapport avec le fait qui constitue
l'objet de la réticence (ATF 111 II 388 consid. 3a p. 391; ATF 109 II 60
consid. 3c p. 64; ATF 92 II 342 consid. 4 p. 352; arrêt 5C.262/2006 du 28 mai
2008 consid. 4.2, in SJ 2008 I p. 400). Cette règle ayant souvent été
considérée comme trop sévère, le législateur a décidé de la modifier en
proposant d'introduire un droit de résiliation (sans effet rétroactif) et de ne
permettre à l'assureur de se libérer de l'obligation de verser sa prestation
pour un sinistre déjà survenu que si le fait qui a été l'objet de la réticence
a influé sur la survenance ou l'étendue du sinistre (FF 2003 3370). La nouvelle
teneur de
BGE 136 III 334 S. 336
l'art. 6 LCA n'est cependant entrée en vigueur que le 1^er janvier 2006 (RO
2005 5250); elle n'est donc pas applicable en l'espèce. Il a déjà été jugé, au
sujet de cette disposition, qu'il n'y avait rien d'abusif à s'en tenir à
l'ancien texte pour les cas antérieurs à la modification législative, quand
bien même cet ancien texte a été considéré comme insatisfaisant (arrêt 4A_285/
2009 du 22 octobre 2009 consid. 4.4). Une solution contraire reviendrait à
donner effet rétroactif au nouveau droit, en violant la disposition transitoire
applicable.
Dès lors, il est sans importance dans le cas d'espèce que le fait qui a été
omis (la consommation occasionnelle de cannabis) n'ait exercé aucune influence
sur la survenance et l'étendue du sinistre qui est survenu (une incapacité de
gain due à un trouble obsessionnel compulsif).

2.3 Selon la version applicable de l'art. 6 LCA, l'assureur n'est pas lié par
le contrat en cas de réticence à la condition qu'il s'en soit départi dans les
quatre semaines à partir du moment où il a eu connaissance de la réticence. Il
n'est pas douteux que la recourante, in casu, a manifesté la volonté de ne pas
être liée par le contrat dans les quatre semaines dès le moment où elle a
découvert, à la lecture du dossier de l'assurance-invalidité, que le proposant
avait dissimulé le fait qu'il avait occasionnellement fumé du cannabis.
Il faut donc se demander s'il y a eu réticence. Selon l'art. 6 LCA, il y a
réticence si celui qui devait faire une déclaration a, lors de la conclusion du
contrat, omis de déclarer ou inexactement déclaré un fait important qu'il
connaissait ou devait connaître. La notion se réfère aux déclarations
obligatoires qui sont régies par l'art. 4 LCA, dont la teneur n'a pas varié.
Selon cette disposition, le proposant doit déclarer par écrit à l'assureur,
suivant un questionnaire ou en réponse à toutes autres questions écrites, tous
les faits qui sont importants pour l'appréciation du risque, tels qu'ils lui
sont ou doivent lui être connus lors de la conclusion du contrat (al. 1). Sont
importants tous les faits de nature à influer sur la détermination de
l'assureur de conclure le contrat ou de le conclure aux conditions convenues
(al. 2). Sont présumés importants les faits au sujet desquels l'assureur a posé
par écrit des questions précises, non équivoques (al. 3).
Pour dire s'il y a réticence, la première question à résoudre est de savoir si
la question formulée par l'assureur était précise et non équivoque (cf. art. 4
al. 3 LCA). Il n'y a pas de réticence si la question était ambiguë de telle
sorte que la réponse donnée apparaît véridique
BGE 136 III 334 S. 337
selon la manière dont la question pouvait être comprise de bonne foi par le
proposant (cf. arrêt 5C.262/2006 du 28 mai 2008 consid. 4.3, in SJ 2008 I p.
400). En l'espèce, la question posée était claire et le proposant devait la
comprendre sans difficulté.
On doit ensuite se demander si, en fonction des faits qu'il connaissait ou
devait connaître (art. 6 LCA), le proposant était en mesure de donner une
réponse véridique. Le proposant doit déclarer non seulement les faits qui lui
sont connus sans autre réflexion, mais aussi ceux qui ne peuvent lui échapper
s'il réfléchit sérieusement aux questions posées (ATF 118 II 333 consid. 2b p.
337; ATF 116 II 338 consid. 1c p. 340 s.). En l'espèce, l'intimé savait bien -
puisqu'il l'a révélé plus tard - qu'il avait consommé occasionnellement du
cannabis par le passé.
La réticence suppose que la réponse donnée à la question ne soit pas conforme à
la vérité, par omission ou inexactitude. La réticence réside dans la divergence
entre la vérité et ce qui a été déclaré. Elle peut consister à affirmer un fait
faux, à taire un fait vrai ou à présenter une vision déformée de la vérité. Il
est évident en l'espèce que l'intimé a donné une réponse fausse, puisqu'il a tu
le fait qu'il avait consommé occasionnellement du cannabis par le passé.
Selon le texte de l'art. 6 LCA applicable en l'espèce, il est sans pertinence
qu'il n'y ait pas de lien entre la réponse fausse et le sinistre qui est
survenu par la suite (cf. supra consid. 2.2).

2.4 Le point délicat en l'espèce est de savoir si la réticence porte sur un
fait important.
Cette exigence est essentielle, puisqu'elle figure par deux fois dans le texte
légal. L'art. 4 al. 1 LCA prévoit que le proposant doit déclarer les faits qui
sont importants et l'art. 6 LCA prévoit qu'il y a réticence s'il a omis de
déclarer ou inexactement déclaré un fait important.
La notion de fait important est définie à l'art. 4 al. 2 LCA. Sont importants
tous les faits de nature à influer sur la détermination de l'assureur de
conclure le contrat ou de le conclure aux conditions convenues. On vise ainsi
tous les éléments qui doivent être pris en considération lors de l'appréciation
du risque et qui peuvent éclairer l'assureur, à savoir toutes les circonstances
permettant de conclure à l'existence de facteurs de risque (ATF 122 III 458
consid. 3b/aa p. 460 s.; ATF 118 II 333 consid. 2a p. 336).
Pour faciliter la décision, l'art. 4 al. 3 LCA présume que le fait est
important s'il a fait l'objet d'une question écrite de l'assureur. Il ne
BGE 136 III 334 S. 338
s'agit cependant que d'une présomption qui peut être renversée (arrêt 4D_80/
2008 du 26 septembre 2008 consid. 2.1.3; ATF 99 II 67 consid. 4e p. 82; ATF 92
II 342 consid. 5 p. 352). Pour renverser cette présomption, aucune preuve
particulière n'est requise et il suffit par exemple que le contraire
ressortisse à l'évidence.
Pour admettre le renversement de la présomption, on ne saurait se montrer trop
exigeant. Certes, il n'appartient pas au proposant de déterminer - à la place
de l'assureur - quels sont les éléments pertinents pour apprécier le risque et
une certaine rigueur est de mise. Il n'en demeure pas moins que la présomption
est renversée s'il apparaît que le proposant a omis un fait qui, considéré
objectivement, apparaît totalement insignifiant.
Ainsi, la jurisprudence a admis que celui qui tait des indispositions
sporadiques qu'il pouvait raisonnablement et de bonne foi considérer comme sans
importance et passagères, sans devoir les tenir pour une cause de rechutes ou
des symptômes d'une maladie imminente aiguë, ne viole pas son devoir de
renseigner (ATF 116 II 338 consid. 1b p. 340 et les arrêts cités; arrêt 5C.47/
2003 du 7 juillet 2003 consid. 3.3).
En prenant en considération toutes les circonstances du cas d'espèce et en se
livrant à une appréciation objective fondée sur le principe de la bonne foi, il
faut se demander si l'assureur, dans l'hypothèse où la vérité lui aurait été
dite, n'aurait pas conclu le contrat ou ne l'aurait pas conclu aux mêmes
conditions; il faut donc déterminer la volonté hypothétique de l'assureur, ce
qui constitue une question de droit que le Tribunal fédéral revoit librement (
ATF 126 III 10 consid. 2b p. 12; ATF 118 II 365 consid. 1 p. 365 s.; URS CH.
NEF, in Bundesgesetz über den Versicherungsvertrag, 2001, n° 54 ad art. 4 LCA).
La jurisprudence a déjà eu à traiter le cas d'un proposant qui n'avait pas
révélé une consommation occasionnelle de cannabis (arrêt 5C.240/2001 du 13
décembre 2001 consid. 4). Dans ce cas, la réticence a été niée pour le motif
que la question n'était pas suffisamment précise parce qu'elle contenait
l'adverbe "régulièrement" qui supposait une certaine appréciation. Il est
possible que l'adverbe "régulièrement" ait disparu des questionnaires
d'assurances à la suite de cet arrêt. Il ne suffit cependant pas de supprimer
cet adverbe pour que le problème doive être tranché dans un sens différent. En
effet, l'adverbe "régulièrement" marquait justement la distinction entre ce qui
est utile à l'assureur et ce qui ne l'est pas.
BGE 136 III 334 S. 339
Selon l'enquête suisse sur la santé 2007 réalisée par l'Office fédéral de la
statistique, près d'une personne de moins de vingt-cinq ans sur trois a déjà
consommé du cannabis. Une consommation occasionnelle et épisodique de cannabis
constitue donc un fait banal. On ne peut pas sérieusement imaginer qu'une
compagnie d'assurances ne veut pas conclure de contrat avec environ un tiers de
la population jeune; on ne conçoit pas non plus qu'elle leur impose des
conditions défavorables dans le seul but de signifier sa désapprobation à
l'égard des stupéfiants. Selon les constatations cantonales - qui lient le
Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF) -, l'intimé, plus de dix ans avant la
conclusion du contrat, a fumé quelques fois des joints de cannabis, mais il a
rapidement cessé de le faire parce que cela lui provoquait des nausées; cette
consommation épisodique n'a eu aucun effet établi sur sa santé ou sa formation
professionnelle. On se trouve donc en présence du cas banal où un jeune,
longtemps avant de conclure le contrat d'assurance, a fait quelques expériences
rapidement arrêtées, en fumant des joints de cannabis. On ne voit pas que ces
faits anodins soient significatifs d'un risque pour un contrat conclu en 1999
et on ne peut pas imaginer, si les faits avaient été révélés, que la recourante
aurait refusé de conclure ou imposé d'autres conditions.
Contrairement à ce que semble penser la recourante, il est sans importance ici
que la question posée puisse être pertinente et, suivant les cas, permette de
supposer un genre de vie présentant un risque particulier d'incapacité de
travail. En effet, la réticence ne réside pas dans la question, mais dans la
réponse. Pour qu'il y ait réticence, il faut que la réponse diverge de la
vérité sur un point important pour apprécier le risque assuré. En considérant
en l'espèce qu'une réponse véridique n'aurait rien changé, la cour cantonale
n'a pas violé le droit fédéral.

3. La recourante invoque en second lieu une violation de l'art. 9 LCA.
Selon cette disposition, le contrat d'assurance est nul si, au moment où il a
été conclu, le risque avait déjà disparu ou si le sinistre était déjà survenu.
La recourante soutient qu'en raison de l'état de santé de l'intimé, il faut
considérer que le sinistre était déjà survenu au moment de la conclusion du
contrat.
Par sinistre, il faut entendre la réalisation du risque assuré; le sinistre est
la survenance de l'événement redouté en vue duquel le contrat a été conclu.
BGE 136 III 334 S. 340
En vertu de l'art. 9 LCA, le contrat est nul si l'événement redouté, contre
lequel on veut s'assurer, est déjà survenu au moment de la conclusion du
contrat (arrêt 8C_324/2007 du 12 février 2008 consid. 4.1). Ce moyen ne doit
pas être confondu avec la réticence; il rend le contrat nul même si les parties
ne savaient pas, au moment de la conclusion, que le sinistre était déjà réalisé
(ATF 127 III 21 consid. 2b/aa p. 23; arrêt 5C.45/2004 du 9 juillet 2004 consid.
2.1.2). Dans le cas où un sinistre partiel est déjà survenu, il est possible de
s'assurer contre le risque affectant l'autre partie, si la survenance de
celui-ci est aléatoire (ATF 127 III 21 consid. 2b/aa p. 24; arrêt B 101/02 du
22 août 2003 consid. 4.5). Si une maladie s'est déjà déclarée, il n'est pas
possible de l'assurer, même si elle ne se manifeste plus au moment de la
conclusion du contrat, lorsque des rechutes ultérieures en apparaissent comme
une évolution normale (ATF 127 III 21 consid. 2b/aa p. 24 s.; arrêt 5C.45/2004
déjà cité).
En l'espèce, le risque assuré est l'incapacité de gain due à une maladie ou à
un accident. Il ne ressort pas des constatations cantonales - qui lient le
Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF) - que l'intimé ait connu une incapacité
de gain causée par son trouble obsessionnel compulsif avant la conclusion du
contrat. Le risque assuré (le sinistre) n'était donc jamais survenu avant la
conclusion du contrat. L'argumentation soutenue par la recourante heurte le
texte de l'art. 9 LCA.
Selon les constatations cantonales, le trouble obsessionnel compulsif n'était
pas diagnostiqué au moment de la conclusion du contrat, son évolution vers une
incapacité de travail était incertaine et l'intimé ignorait tout de sa
pathologie. On ne se trouve pas dans un cas où, au moment de la conclusion du
contrat d'assurance, il était d'ores et déjà certain que le sinistre allait
survenir.
En réalité, la recourante a conclu un contrat d'assurance avec un assuré qui,
pour des raisons inhérentes à sa personne mais inconnues des deux parties,
constituait un mauvais risque. Il ne s'agit pas là de circonstances qui
permettent à l'assureur de se délier de ses obligations contractuelles. Le rôle
de l'assurance est précisément d'assumer des risques, en opérant une sorte de
compensation entre les bons et les mauvais cas.
L'art. 9 LCA ne s'applique pas au cas d'espèce, de sorte que, sur ce point
également, la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral.
Le recours doit donc être entièrement rejeté.