Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 136 III 283



Urteilskopf

136 III 283

42. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit civil dans la cause Société X.
contre Y. (recours en matière civile)
4A_159/2010 du 31 mai 2010

Regeste

Auslegung eines Gesamtarbeitsvertrages, der vom Bundesrat für
allgemeinverbindlich erklärt wurde.
Grundsätze der Auslegung von Gesamtarbeitsverträgen. Anwendung, wenn die
Parteien sich uneinig sind über den Inhalt des Gesamtarbeitsvertrages zu einem
bestimmten Zeitpunkt. Bestimmung des anwendbaren Textes anhand der Webseiten
der schweizerischen Bundesbehörden (E. 2.3).

Auszug aus den Erwägungen: ab Seite 283

BGE 136 III 283 S. 283
Extrait des considérants:

2.

2.3 A titre principal, la recourante se plaint de la manière dont la convention
collective a été interprétée. Elle soutient que les heures de travail
effectives ne doivent pas être majorées pour tenir compte du travail de nuit et
des vacances.

2.3.1 Le litige porte sur l'interprétation d'une convention collective au sens
de l'art. 356 CO, dont le champ d'application a été étendu
BGE 136 III 283 S. 284
par le Conseil fédéral en vertu de la loi fédérale du 28 septembre 1956
permettant d'étendre le champ d'application de la convention collective de
travail (RS 221.215.311).
Sauf disposition contraire de la convention, les clauses relatives à la
conclusion, au contenu et à l'extinction des contrats individuels de travail
ont, pour la durée de la convention, un effet direct et impératif envers les
employeurs et travailleurs qu'elles lient (art. 357 al. 1 CO).
Les clauses qui ont un effet direct et impératif sur les contrats individuels
entre les employeurs et employés qu'elles lient sont appelées des clauses
normatives (cf. ATF 115 II 251 consid. 4a p. 253; parmi d'autres: RÉMY WYLER,
Droit du travail, 2^e éd. 2008, p. 675). Les dispositions normatives d'une
convention collective de travail doivent être interprétées de la même manière
qu'une loi (ATF 127 III 318 consid. 2a p. 322).
D'après la jurisprudence, la loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre
(interprétation littérale). On peut cependant s'écarter de cette interprétation
s'il y a des raisons sérieuses de penser que le texte de la loi ne reflète pas
la volonté réelle du législateur; de tels motifs peuvent découler des travaux
préparatoires, du but et du sens de la disposition, ainsi que de la
systématique de la loi. Lorsque plusieurs interprétations sont possibles, il
convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la
dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux
préparatoires, du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur
lesquelles elle repose ou encore de sa relation avec d'autres dispositions; le
Tribunal fédéral ne privilégie aucune méthode d'interprétation, mais s'inspire
d'un pluralisme pragmatique (cf. ATF 135 I 198 consid. 2.1 p. 201; ATF 135 II
78 consid. 2.2. p. 81, ATF 135 V 243 consid. 4.1 p. 251, 416 consid. 2.2 p.
418; ATF 135 III 20 consid. 4.4 p. 23, ATF 135 V 112 consid. 3.3.2 p. 116, 483
consid. 5.1 p. 486; ATF 135 V 153 consid. 4.1 p. 157 s., ATF 135 V 249 consid.
4.1 p. 252).
Dans le domaine de l'interprétation des dispositions normatives d'une
convention collective, il ne faut pas exagérer la distinction entre les règles
sur l'interprétation des lois et les règles sur l'interprétation des contrats;
la volonté des cocontractants et ce que l'on peut comprendre selon le principe
de la bonne foi constituent également des moyens d'interprétation (ATF 133 III
213 consid. 5.2 p. 218).

2.3.2 En l'espèce, les parties sont en litige sur le contenu de la convention
collective. Selon la recourante, l'arrêté du Conseil
BGE 136 III 283 S. 285
fédéral du 30 août 2007 avec entrée en vigueur le 1^er octobre 2007 a modifié
l'art. 2 al. 4 let. b de la convention en ce sens que le collaborateur doit
être "transféré à une rétribution au mois équivalant au moins au taux
d'occupation exercé jusque-là". L'intimé soutient que ce membre de phrase est
apparu pour la première fois dans l'arrêté d'extension du Conseil fédéral du 30
juin 2008, soit postérieurement à la période déterminante.
Lorsque les dispositions d'une convention collective de travail ont un effet
direct sur les relations individuelles, il est important qu'elles puissent être
connues de tous avec certitude. On sait que ces dispositions, en fonction des
négociations entre les partenaires sociaux, sont fréquemment modifiées, ce qui
pose déjà des problèmes de droit transitoire. La difficulté est encore plus
grande s'il devient difficile de déterminer le texte en vigueur à chaque
période. En l'espèce, les parties divergent sur le contenu de la convention
collective dont le champ d'application a été étendu, par arrêté du Conseil
fédéral étendant le champ d'application de la convention collective de travail
pour la branche privée de la sécurité du 30 août 2007, avec effet dès le 1^er
octobre 2007. Il est regrettable que la publication à la Feuille fédérale (FF
2007 6093) soit à ce point laconique que l'on ne puisse pas saisir d'emblée
quel est le contenu de la modification au point que les avocats des parties
divergent sur le contenu de celle-ci.
La version complète de l'arrêté du Conseil fédéral, que l'on trouve en partant
du site http://www.seco.admin.ch montre que dès le 1^er octobre 2007, l'art. 2
al. 4 let. b de la convention collective contenait effectivement la phrase: "il
est transféré à une rétribution au mois équivalant au moins au taux
d'occupation exercé jusque-là". C'est donc la recourante qui a raison sur ce
point.
La phrase litigieuse ne modifie cependant rien à la question posée. L'art. 2
al. 4 let. b de la convention collective prévoit que lorsqu'un collaborateur a
travaillé plus de 150 heures par mois en moyenne au cours des six derniers mois
dans les secteurs qui sont précisés, il est transféré à une rétribution au mois
équivalant au moins au taux d'occupation exercé jusque-là. Il n'est cependant
pas précisé ce qu'il faut entendre par "taux d'occupation exercé jusque-là". La
phrase invoquée laisse entièrement ouverte la question de la détermination du
taux d'occupation.

2.3.3 La cour cantonale a estimé qu'il fallait augmenter le nombre des heures
de travail effectif pour tenir compte du travail de nuit.
BGE 136 III 283 S. 286
Elle s'est référée à l'art. 9 ch. 3 de la convention collective ainsi qu'à son
annexe 2, documents qui tous deux prévoient qu'en compensation du travail de
nuit, du travail du dimanche et des jours fériés officiels, une majoration de
temps de 6 minutes par heure (soit 10 %) est accordée. Dans les deux cas il est
ajouté que "cette majoration de temps est prise en compte dans le calcul de la
durée du travail".
Selon le sens usuel des mots, ces textes sont clairs. Il n'est pas question
d'une majoration de salaire, mais bien d'une augmentation de la durée de
travail déterminante, pour compenser le fait que le travail est effectué de
nuit, un dimanche ou un jour férié officiel.
L'interprétation de la cour cantonale est conforme au contexte général de la
convention collective et la recourante ne peut citer aucune disposition qui
irait en sens inverse.
D'un point de vue téléologique, il est clair que le travail de nuit (ou un
dimanche ou jour férié) est plus pénible, parce qu'il suppose une adaptation du
mode de vie et une renonciation à passer son temps libre en même temps que les
autres; que cela soit compensé en considérant que 60 minutes de travail
effectif valent 66 minutes est parfaitement compréhensible. L'argumentation un
peu prolixe de la recourante n'y change rien.
On ne voit donc pas que la cour cantonale ait violé, sur ce point, les règles
sur l'interprétation des conventions collectives.

2.3.4 La recourante soutient que le chiffre de 163,21 heures par mois contenait
déjà cette majoration.
Il ressort cependant de l'arrêt attaqué que la cour cantonale a admis que le
chiffre de 163,21 heures par mois correspondait aux heures effectivement
travaillées.
Il s'agit là d'une question de fait, qui lie le Tribunal fédéral (art. 105 al.
1 LTF). Or, à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente, des
faits nouveaux ne peuvent pas être présentés devant le Tribunal fédéral (art.
99 al. 1 LTF). Dès lors que la recourante ne tente même pas de démontrer que la
constatation cantonale reposerait sur une appréciation arbitraire des preuves
(art. 97 al. 1 et art. 105 al. 2 LTF), il n'y a pas lieu de s'écarter de cette
constatation.

2.3.5 La recourante conteste également la majoration du temps de travail pour
tenir compte des vacances dues.
BGE 136 III 283 S. 287
Pour permettre au travailleur de prendre du repos sans en être dissuadé par la
perte de salaire, l'art. 329d al. 1 CO prévoit que le travailleur a droit à son
salaire pendant les vacances qui lui sont dues. Il s'agit d'une règle
relativement impérative à laquelle il ne peut pas être dérogé au détriment du
travailleur, même par une convention collective (art. 362 al. 1 CO).
La jurisprudence en a déduit que le travailleur ne doit pas être traité
différemment, du point de vue salarial, lorsqu'il est en vacances que s'il
travaillait (ATF 132 III 172 consid. 3.1 p. 174; ATF 129 III 493 consid. 3.1,
ATF 129 III 664 consid. 7.3). Pour la période de vacances dues, le travailleur
doit recevoir autant que ce qu'il aurait obtenu s'il avait travaillé pendant
cette période (ATF 134 III 399 consid. 3.2.4.2 p. 402).
Un travailleur payé à l'heure avec un horaire irrégulier et incertain peut être
enclin à ne pas prendre de vacances. Cette situation ne supprime cependant pas
son droit à des vacances payées, de sorte qu'une compensation adéquate doit lui
être procurée.
Il est vrai que le contrat prévoit - selon les constatations cantonales - une
majoration du salaire pour tenir compte des vacances, et non pas une majoration
du temps de travail induisant une augmentation du salaire. Cette distinction
est toutefois sans importance. Il s'agit en effet de comparer la situation d'un
travailleur rémunéré au mois à celle d'un travailleur payé à l'heure. Il est
clair qu'un travailleur payé au mois prendrait un temps de vacances qui, du
point de vue salarial, serait assimilé à un temps de travail. Pour opérer la
comparaison, il est logique d'ajouter au temps de travail effectif de la
personne engagée à l'heure le temps de vacances qu'elle aurait pu prendre.
La recourante ne peut citer aucune disposition qui, selon une interprétation
littérale ou contextuelle, aboutirait à une solution différente. Elle se réfère
abondamment à l'art. 9 ch. 2 de la convention collective, mais cette
disposition parle de "la durée annuelle du travail" sans rien préciser quant au
contenu de cette notion. En revanche, le texte qui précède immédiatement cette
clause, à savoir l'art. 9 ch. 1 de la convention, explique très clairement que
"la durée annuelle du travail comprend les heures au cours desquelles un
travail est effectivement fourni, de même que les pauses payées et les
vacances". Les vacances entrent donc dans la notion de "durée annuelle du
travail".
BGE 136 III 283 S. 288
En jouant sur la distinction entre la majoration du salaire et la majoration du
temps de travail, la recourante soutient que l'interprétation de la Cour
d'appel ne serait pas satisfaisante d'un point de vue téléologique, parce que
le travailleur bénéficierait deux fois d'un avantage, à savoir une majoration
de salaire, d'une part, et une majoration du temps de travail, d'autre part.
Cette manière de présenter la situation est pourtant trompeuse. Lorsqu'il a été
payé à l'heure, l'intimé a bénéficié effectivement d'une majoration de salaire
pour tenir compte des vacances; dans le calcul de la cour cantonale, l'entier
de ce qu'il a reçu de son employeur est imputé sur la somme qu'il peut
réclamer, de sorte qu'il ne reçoit pas cette majoration deux fois. Ce n'est que
pour calculer le temps de travail équivalent et fixer ainsi le salaire au mois
auquel il aurait pu prétendre que la cour cantonale a tenu compte,
raisonnablement, du temps de vacances que l'employé aurait pu prendre, de
manière à déterminer un temps de travail à l'heure qui corresponde à un temps
de travail au mois.
Au vu de ce qui précède, le recours est privé de fondement, d'où son rejet.