Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 136 III 269



Urteilskopf

136 III 269

39. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit civil dans la cause A. et B.
contre époux F. (recours en matière civile)
5A_413/2009 du 2 février 2010

Regeste

Durchleitungsrecht (Art. 691 Abs. 1 ZGB).
Voraussetzungen, unter denen der Grundeigentümer ein Notleitungsrecht erlangen
kann. Für die Beurteilung der Frage, ob die Leitung ohne Inanspruchnahme des
mit der Dienstbarkeit zu belastenden Grundstücks nur mit unverhältnismässigem
Aufwand erstellt werden kann, muss das Gericht eine Abwägung der
Parteiinteressen vornehmen. Es hat die Grösse der Last, die dem Grundeigentümer
durch die Durchleitung entsteht, mit dem Vorteil zu vergleichen, den der
benachbarte Eigentümer daraus erlangt (E. 5).

Sachverhalt ab Seite 269

BGE 136 III 269 S. 269

A. En mai 1999, l'immeuble n° 3469 de la commune de X. a été partagé en trois
nouvelles parcelles n^os 4101, 4102 et 4103.
A l'occasion de cette mutation parcellaire, le propriétaire de la parcelle n°
3469 qui souhaitait légaliser le passage des canalisations déjà en place, a
demandé au géomètre officiel de constituer une servitude "canalisations
chauffage de chaufferie" en faveur de la parcelle n° 4103 et à charge de la
parcelle n° 4102.
Le 1^er septembre 1999, une servitude de canalisations multiples grevant la
parcelle n° 4102 a été portée au registre des servitudes; elle a toutefois été
inscrite en faveur de la parcelle n° 4101 et non de la parcelle n° 4103.

B. Le 4 avril 2000, les époux F. ont acquis, chacun pour moitié, la parcelle n°
4102.
BGE 136 III 269 S. 270

C. Le 18 décembre 2002, B. a acheté la part de propriété par étages 4103-1 (426
/1000) de la parcelle n° 4103. Le même jour, A. a acquis la seconde part de
propriété par étages n° 4103-2 (574/1000) de cette parcelle.
Selon l'acte d'achat-vente, l'immeuble de base n° 4103 est au bénéfice d'une
servitude d'usage de chaufferie et d'une servitude de passage à pied permettant
l'accès à cette chaufferie, toutes les deux à charge de la parcelle n° 4102.
Jusqu'en 2005, les copropriétaires de l'immeuble n° 4103 ont utilisé les
canalisations multiples (eau, gaz, électricité et mazout) passant sur
l'immeuble n° 4102 bien qu'aucune servitude de canalisations ne soit inscrite
en ce sens au registre foncier.

D. Au cours de l'année 2005, la chaufferie commune sise sur la parcelle n° 4102
est tombée en panne. Les époux F. ont alors installé une chaufferie destinée à
leur seul usage.
Ils s'opposent depuis à ce que A. et B. utilisent les canalisations multiples
reliant les deux immeubles pour le motif que cette utilisation ne fait pas
l'objet d'une servitude inscrite au registre foncier.

E. Le 6 octobre 2006, A. et B. ont ouvert action en rectification du registre
foncier (art. 975 CC) contre les époux F. Ils ont conclu à l'inscription en
faveur de la parcelle n° 4103 d'une servitude de canalisations multiples à
charge de la parcelle n° 4102. Après enquêtes, ils ont persisté dans leurs
conclusions, invoquant encore l'art. 691 CC (droit de conduite nécessaire) à
l'appui de leur demande d'inscription.
Les époux F. se sont opposés à l'inscription de la servitude sollicitée.
Par jugement du 15 mai 2008, le Tribunal de première instance du canton de
Genève a débouté les demandeurs de leurs conclusions.

F. Le 15 mai 2009, la Cour de justice du canton de Genève a rejeté l'appel
formé par A. et B. contre ce jugement. En bref, elle a considéré que l'action
tendant à la rectification du registre foncier devait être rejetée. Elle a
encore estimé que les conditions d'une inscription fondée sur l'art. 691 al. 1
CC n'étaient pas réunies, les demandeurs n'ayant pas établi que les travaux de
raccordement et de pose d'une chaudière devant être réalisés en l'absence d'une
servitude engendreraient des frais excessifs.

G. Contre cet arrêt, A. et B. ont formé un recours en matière civile au
Tribunal fédéral. Ils concluent à l'inscription au registre foncier
BGE 136 III 269 S. 271
d'une servitude de canalisations multiples en faveur de la parcelle n° 4103 et
à charge de la parcelle n° 4102.
La Cour de justice s'est référée aux considérants de son arrêt. Quant aux
intimés, ils ont conclu au rejet du recours.
Le Tribunal fédéral a admis le recours, annulé l'arrêt attaqué et renvoyé la
cause à la cour cantonale pour nouvelle décision.
(résumé)

Auszug aus den Erwägungen:

Extrait des considérants:

5. Les recourants estiment qu'ils ont droit à l'inscription de la servitude de
conduites sur la base de l'art. 691 al. 1 CC (droit de conduite nécessaire).

5.1 Aux termes de cette disposition, le propriétaire est tenu, contre
réparation intégrale et préalable du dommage, de permettre l'établissement, à
travers son fonds, d'aqueducs, de drains, tuyaux de gaz et autres, ainsi que de
conduites électriques aériennes ou souterraines; il n'y est toutefois obligé
que s'il est impossible d'exécuter ces ouvrages autrement ou sans frais
excessifs. La loi accorde au propriétaire le droit d'obtenir du voisin la
constitution d'une servitude de conduite aux conditions suivantes. En premier
lieu, le propriétaire demandant à être mis au bénéfice de la servitude ne doit
pas se trouver dans un cas où il pourrait demander l'expropriation (art. 691
al. 2 CC). Par ailleurs, il n'est tenu de permettre l'établissement de la
conduite à travers son fonds que s'il est impossible d'exécuter l'ouvrage
autrement ou sans frais excessifs. Enfin, il a le droit d'obtenir la réparation
intégrale du dommage qu'il subit.
Pour juger si les coûts sont excessifs, il ne suffit pas d'examiner la valeur
de la conduite. Il faut comparer la charge qu'entraînera la constitution de la
servitude pour le propriétaire contraint de permettre le passage de la conduite
sur son fonds et le bénéfice que le propriétaire voisin en tirera. Le juge doit
par conséquent procéder à une pesée des intérêts des parties en présence pour
décider si le propriétaire doit tolérer le passage des conduites sur son fonds
ou s'il paraît plus équitable d'imposer une autre solution au propriétaire qui
requiert l'établissement de la conduite (ARTHUR MEIER-HAYOZ, Commentaire
bernois, 3^e éd. 1975, n^os 42-44 ad art. 691 CC; FRANZ XAVER BRÜCKER, Das
nachbarrechtliche Durchleitungsrecht unter Berücksichtigung von Lehre und
Rechtsprechung zum Notwegrecht, zum Überbaurecht und zum Notbrunnenrecht, 1991,
p. 84; HEINZ REY,
BGE 136 III 269 S. 272
Commentaire bâlois, CC, vol. II, 3^e éd. 2007, n° 7 ad art. 691 CC; MICHEL
PITTET, Les servitudes légales, 1967, p. 95-96; SAMUEL SCHATZMANN, Das
nachbarrechtliche Durchleitungsrecht nach schweizerischem Privatrecht, 1986, p.
66; HAAB, Commentaire zurichois, 1977, n° 7 ad art. 691/3 CC). Il dispose d'une
certaine marge d'appréciation (art. 4 CC; MEIER-HAYOZ, op. cit., n° 44 ad art.
691 CC; REY, loc. cit.).

5.2 La cour cantonale a rejeté la conclusion tendant à la constitution d'une
servitude de conduite nécessaire au motif que les recourants n'avaient pas
établi le caractère excessif des frais qu'entraînerait l'ouvrage au cas où la
servitude serait refusée. Pour juger de ce critère, ils ont tenu compte de la
valeur vénale de l'immeuble des recourants, arrêtée à 457'746 fr., du coût des
travaux (entre 10'000 et 15'000 fr. pour l'installation d'une chaudière
indépendante) auxquels il faut ajouter les travaux de raccordement (60'000 fr.
à 70'000 fr. plus 10 % pour tenir compte du fait que les travaux de génie civil
dans la rue étaient terminés et que les bâtiments ne pouvaient ainsi plus en
bénéficier) et de la plus-value de 20 % (91'550 fr.) qu'apporterait au fonds
une conduite indépendante. Ils ont conclu que, puisque le coût des travaux
d'installation d'une nouvelle conduite correspondait à la plus-value apportée
au fonds, ils ne pouvaient être qualifiés d'excessifs.
En procédant de cette manière, la cour s'est fondée sur un critère non
déterminant à lui seul, à savoir le coût des travaux nécessaires à
l'installation d'une conduite indépendante de celle des intimés. Contrairement
à ce qu'exige le droit fédéral, elle n'a pas procédé à une pesée des intérêts
respectifs des parties en examinant si les charges et inconvénients que
subiront les intimés du fait de l'utilisation des conduites par les recourants
- sans perdre de vue que les intimés ont droit à une compensation financière
pour le dommage subi (cf. BRÜCKER, op. cit., p. 84-85) - avec l'intérêt des
recourants. En l'espèce, au vu du dossier, il apparaît que l'intérêt des
intimés consisterait principalement à éviter des conflits avec leurs voisins au
sujet de l'encaissement des parts de consommation d'eau et d'électricité; en
revanche, ils ne peuvent se prévaloir d'éventuels désagréments que leur
causeraient les travaux d'installation de la conduite - celle-ci étant déjà en
place - ou du fait que leur terrain serait plus difficilement constructible en
raison de la présence de cette conduite. Quant aux recourants, l'octroi de la
servitude sollicitée leur permettrait d'éviter le coût d'une conduite
indépendante et d'utiliser la
BGE 136 III 269 S. 273
servitude d'usage de chaufferie et de passage à pied pour accéder à cette
chaufferie inscrite en faveur de leur fonds et grevant le fonds des intimés. Il
n'appartient toutefois pas au Tribunal fédéral de procéder lui-même à la pesée
d'intérêts qui doit être effectuée par le juge du fait et ne peut être
contrôlée par le Tribunal fédéral qu'avec réserve (ATF 130 III 28 consid. 4.1,
ATF 130 III 571 consid. 4.3). En conséquence, le recours doit être admis et la
cause renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des
considérants.