Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 136 III 232



Urteilskopf

136 III 232

35. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit civil dans la cause Métropole
Télévision contre Société suisse de radiodiffusion et télévision SSR (recours
en matière civile)
4A_203/2009 du 12 janvier 2010

Regeste

Grenzüberschreitendes Satellitenfernsehen; Urheberrecht (Art. 10 Abs. 1 und
Abs. 2 lit. d URG); unlauterer Wettbewerb (Art. 2 UWG).
Ausstrahlung eines Fernsehprogramms mittels Satellitensignal mit
urheberrechtlich geschützten Werken sowie an das schweizerische Fernsehpublikum
gerichteten Werbungen durch ein französisches Sendeunternehmen und von
französischem Gebiet aus. Die SRG beruft sich auf den Schutz des
schweizerischen Urheberrechts (Art. 110 Abs. 1 IPRG) (E. 5). Es bestehen keine
urheberrechtlichen Gründe, die vorliegend eine Ausnahme vom Sendelandprinzip
rechtfertigen würden, das auf Satellitenaustrahlungen anwendbar ist. Das URG
findet auf die zu beurteilende Ausstrahlung daher keine Anwendung (E. 6).
Fehlen besonderer Umstände, die das Verhalten des französischen
Sendeunternehmens unabhängig von einer Verletzung des URG als unlauter im Sinne
von Art. 2 UWG erscheinen liessen (E. 7).

Sachverhalt ab Seite 233

BGE 136 III 232 S. 233

A. Métropole Télévision, société anonyme de droit français, diffuse par
satellite le programme de télévision M6 à partir et à destination du territoire
français. Comme l'empreinte ou la zone de couverture du satellite (footprint)
s'étend inévitablement au-delà des frontières, les téléspectateurs de Suisse
romande reçoivent, depuis une quinzaine d'années, le programme M6, qu'il soit
retransmis par des câblo-opérateurs suisses ou capté directement par le
téléspectateur, au moyen d'une antenne parabolique.
Depuis janvier 2002, Métropole Télévision émet un nouveau signal satellite;
distinct de celui utilisé pour la diffusion vers la France, il peut être capté
dans la même zone, couvrant en particulier la Suisse et la France. Ce signal
comprend le programme M6, mais avec des messages publicitaires destinés
spécifiquement aux téléspectateurs suisses; il est repris par certains
câblo-opérateurs suisses, dont Cablecom dans le canton de Fribourg. Ainsi,
Métropole Télévision émet, vers le satellite Atlantic Bird 3, un signal
comportant le programme M6 avec une fenêtre publicitaire destinée au public
français et, vers le satellite Eutelsat W3, un signal comprenant le même
programme avec une fenêtre publicitaire destinée au public suisse.

B. Le 17 novembre 2003, la Société suisse de radiodiffusion et de télévision
(SSR), agissant par sa succursale, la Société suisse de radiodiffusion et
télévision (SSR) - Télévision suisse romande (TSR), a ouvert action en
constatation de droit, en interdiction, en cessation de trouble et en
dommages-intérêts contre Métropole Télévision devant la Cour d'appel civil du
Tribunal cantonal de l'État de Fribourg. Invoquant des dispositions relatives
au droit d'auteur et à la concurrence déloyale, la SSR concluait tout d'abord à
ce qu'il fût constaté que la défenderesse n'était pas en droit de procéder à
une diffusion du programme M6 spécifiquement destinée au public suisse de
langue française - notamment du fait de l'insertion dans ce programme de
messages publicitaires spécifiquement destinés au public suisse -, sans y être
autorisée par les titulaires des droits d'auteur sur les oeuvres ainsi
diffusées. Elle demandait ensuite qu'il fût fait défense à Métropole Télévision
de diffuser dans ce programme destiné au public suisse de langue française, en
tout ou en partie, divers films ou séries télévisées produits par des
producteurs déterminés, qu'elle énumérait, ou des sociétés qui étaient liées à
ces derniers. Elle concluait enfin à ce que la défenderesse fût condamnée à lui
verser des dommages-intérêts d'un montant à fixer, mais s'élevant au moins à 10
millions de francs.
BGE 136 III 232 S. 234
Par décision du 21 mars 2005, le Président de la II^e Cour d'appel civil a
limité la procédure, dans un premier temps, "aux questions de principe de la
violation ou non de la loi fédérale du 9 octobre 1992 sur le droit d'auteur et
les droits voisins (...) et de la loi fédérale du 19 décembre 1986 contre la
concurrence déloyale (...), ainsi que de la légitimation active de la
demanderesse pour se prévaloir d'une telle violation, sans préjudice du droit
des parties de compléter le cas échéant ultérieurement leurs écritures et
offres de preuve en rapport avec l'existence d'un dommage et l'étendue de
celui-ci."
Par arrêt du 4 janvier 2007, la cour cantonale a rejeté l'action, faute de
légitimation active de la SSR.
La demanderesse a interjeté un recours en matière civile. Par arrêt du 29 août
2007 (cause 4A_55/2007), le Tribunal fédéral a admis partiellement le recours,
annulé l'arrêt attaqué et renvoyé la cause à l'autorité précédente.
La cour cantonale a rendu un nouvel arrêt, en date du 12 février 2009. Elle a
admis l'action introduite par la SSR "sur le principe et dans les limites
définies par l'ordonnance présidentielle du 21 mars 2005" et, partant, a
"constaté que la diffusion spécifiquement destinée au public suisse, notamment
du fait de l'accompagnement de fenêtres publicitaires spécifiques, par
Métropole Télévision dans son programme M6 d'oeuvres pour lesquelles elle n'a
pas été autorisée à une telle diffusion par les titulaires de droits d'auteur
sur elles, constitue une violation de la loi fédérale du 9 octobre 1992 sur le
droit d'auteur et les droits voisins et une violation de la loi fédérale du 19
décembre 1986 contre la concurrence déloyale."

C. Métropole Télévision a interjeté un recours en matière civile. Elle
concluait principalement à l'annulation de l'arrêt cantonal et au rejet de
l'action introduite par la SSR.
Statuant en séance publique, la I^re Cour de droit civil du Tribunal fédéral a
admis le recours, annulé l'arrêt attaqué et rejeté l'action introduite le 17
novembre 2003 par la SSR contre Métropole Télévision.
(résumé)

Auszug aus den Erwägungen:

Extrait des considérants:

5. La recourante est une société anonyme de droit français qui diffuse un
programme télévisé depuis la France. La cause revêt un aspect international, de
sorte qu'il appartient au Tribunal fédéral d'examiner d'office la question du
droit applicable au litige, à la lumière du droit
BGE 136 III 232 S. 235
international privé du for (ATF 133 III 323 consid. 2.1 p. 327/328 et les
arrêts cités; cf. également ATF 135 III 614 consid. 4.1.1 p. 615).
La demanderesse invoque tout d'abord le droit d'auteur à l'appui de son action.
Aux termes de l'art. 110 al. 1 LDIP (RS 291), les droits de la propriété
intellectuelle sont régis par le droit de l'État pour lequel la protection de
la propriété intellectuelle est revendiquée. En prévoyant un rattachement à la
lex loci protectionis (Schutzlandprinzip), la loi suisse permet au demandeur de
choisir le droit sur lequel il base son action et ainsi de déterminer la lex
causae. C'est la loi de l'État protecteur qui définira ensuite son champ
d'application territorial et régira, plus généralement, toutes les questions
juridiques qui se posent, comme celle de l'éventuelle violation des droits de
propriété intellectuelle (BERNARD DUTOIT, Droit international privé, 4^e éd.
2005, n° 1 ad art. 110 LDIP; FRANK VISCHER , in Zürcher Kommentar zum IPRG, 2^e
éd. 2004, n° 3 ad art. 110 LDIP; CATHERINE METTRAUX KAUTHEN , La loi applicable
entre droit d'auteur et droit des contrats, 2002, p. 13-15; FRANÇOIS
DESSEMONTET, Le droit d'auteur, 1999 [ci-après: op. cit. 1], n°1056 p. 646 et
n° 1061 p. 649/650; MERCEDES NOVIER , La propriété intellectuelle en droit
international privé suisse, 1996, p. 148-152).
En l'espèce, la demanderesse a choisi le droit suisse. Il convient dès lors
d'examiner, avant d'aborder la cause sous l'angle de la concurrence déloyale,
si l'acte reproché à la recourante porte atteinte au droit d'auteur selon la
loi fédérale du 9 octobre 1992 sur le droit d'auteur et les droits voisins
(LDA; RS 231.1).

6. La problématique en jeu est la suivante.
La recourante diffuse le programme télévisé M6 par satellite depuis la France.
La zone couverte ne se limite pas à la France, mais comprend d'autres pays,
dont la Suisse. Plus précisément, la diffusion s'effectue par plusieurs
signaux, dont l'un, relayé par le satellite Eutelsat W3, transporte le
programme M6 avec des fenêtres publicitaires spécifiquement destinées au public
suisse (par simplification, ce signal sera désormais désigné sous l'appellation
signal "suisse"); le satellite Eutelsat W3 couvre notamment les territoires
suisse et français, à l'instar du satellite Atlantic Bird, qui relaie un signal
porteur du programme M6 avec des fenêtres publicitaires s'adressant avant tout
au public français (par simplification, ce signal sera désormais désigné sous
l'appellation signal "français"). Le signal "suisse" est repris par plusieurs
câblo-opérateurs suisses.
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Le programme M6 comprend des oeuvres dont la recourante, d'après les contrats
qu'elle a produits dans la procédure, a acquis les droits de diffusion pour la
France métropolitaine, les départements et territoires d'outre-mer, Monaco et
Andorre. La diffusion de ces oeuvres peut être interrompue, précédée ou suivie
par des messages publicitaires, dont le contenu sera différent selon que le
programme M6 est transmis par le signal "suisse" ou par le signal "français".
A partir de là, il s'agit de déterminer si, comme la cour cantonale l'a admis,
la diffusion d'oeuvres par le signal "suisse" nécessite, selon le droit suisse,
l'autorisation des titulaires du droit exclusif d'utilisation desdites oeuvres,
autorisation dont l'absence consacrerait une violation du droit d'auteur selon
la LDA.

6.1 Aux termes de l'art. 10 al. 1 LDA, l'auteur a le droit exclusif de décider
si, quand et de quelle manière son oeuvre sera utilisée. En particulier, il a
le droit de la diffuser par la radio, la télévision ou des moyens analogues,
soit par voie hertzienne, soit par câble ou autres conducteurs (art. 10 al. 2
let. d LDA). L'art. 12 al. 1 ch. 5 aLDA accordait déjà à l'auteur le droit
exclusif de radiodiffuser son oeuvre, l'art. 12 al. 2 aLDA précisant qu'à la
radiodiffusion était assimilée toute communication publique de l'oeuvre par
tout autre moyen servant à diffuser les signes, les sons ou les images. Si la
rédaction change, nouveau et ancien droits correspondent matériellement sur ce
point, de sorte que la jurisprudence rendue sous l'ancien droit reste valable
(BARRELET/EGLOFF, Le nouveau droit d'auteur, 3^e éd. 2008, n° 3 ad art. 10 LDA
p. 53/54; FRANÇOIS DESSEMONTET, Inhalt des Urheberrechts, in Urheberrecht und
verwandte Schutzrechte, SIWR vol. II/1, 2^e éd. 2006, p. 205/206; SVEN-UWE
NEUMAIER, Grenzüberschreitender Rundfunk im internationalen Urheberrecht,
Baden-Baden 2003, p. 84; Message du 19 juin 1989 concernant une loi fédérale
sur le droit d'auteur et les droits voisins, FF 1989 III 514). Dans un arrêt
rendu juste avant l'entrée en vigueur de la LDA, le Tribunal fédéral a eu
l'occasion de préciser que la notion de radiodiffusion propre au droit d'auteur
comprenait l'envoi par n'importe quel type de satellite de signaux accessibles
techniquement et financièrement au public en général et destinés à être reçus
directement ou indirectement par lui (ATF 119 II 51 consid. 2c p. 60). Il ne
fait dès lors aucun doute que la transmission télévisée d'une oeuvre, via un
satellite, est soumise au droit exclusif de l'auteur selon le droit suisse. Il
reste toutefois à rechercher ce qu'il faut entendre par une telle diffusion. En
d'autres termes, il s'agit de déterminer si une transmission par
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satellite partant d'un État étranger et atteignant le territoire suisse est
appréhendée par le droit suisse.

6.2 Parallèlement à l'adoption de la nouvelle LDA, la Suisse a ratifié la
Convention de Berne pour la protection des oeuvres littéraires et artistiques
révisée à Paris le 24 juillet 1971 (RS 0.231.15; ci-après: CB), en vigueur pour
notre pays depuis le 25 septembre 1993; cette convention garantit un niveau
minimal de protection des oeuvres (FF 1989 III 496). Selon l'art. 11^bis al. 1
ch. 1 CB, les auteurs d'oeuvres littéraires et artistiques jouissent du droit
exclusif d'autoriser la radiodiffusion de leurs oeuvres ou la communication
publique de ces oeuvres par tout autre moyen servant à diffuser sans fil les
signes, les sons ou les images. Cette formulation, qui date de la Convention de
Berne révisée à Bruxelles le 26 juin 1948, n'a pas été modifiée depuis lors
(CLAUDE MASOUYÉ, Guide de la Convention de Berne, publication OMPI, 1978, p.
77); elle avait été reprise quasi-textuellement à l'art. 12 al. 1 ch. 5 et al.
2 aLDA. Le texte de Bruxelles liait déjà la Suisse jusqu'à l'entrée en vigueur
de la nouvelle version de la Convention de Berne (cf. FF 1989 III 495 ch.
145.111).
Avant l'avènement de la radiodiffusion par satellite, la théorie classique,
déduite de la Convention de Berne, soumettait la diffusion au droit de l'État
d'émission (Sendelandtheorie). L'idée était en effet que, du point de vue du
droit d'auteur, l'acte qui devait être autorisé contre rémunération était
l'émission, à l'exclusion de la réception. Le pays d'émission correspondait en
général à celui où résidait le public visé par l'émission, la radiodiffusion
terrestre ne provoquant que des débordements marginaux. Dès lors, l'application
exclusive du droit de l'État d'émission ne posait guère de problèmes (cf. ELSA
DELIYANNI, Le droit de représentation des auteurs face à la télévision
transfrontalière par satellite et par câble, Paris 1993, § 84 p. 130; ANDRÉ
KEREVER, La radiodiffusion par satellite et le droit d'auteur, Bulletin du
droit d'auteur 24 (1990) n° 3 p. 13/14; WALTER DILLENZ, La protection juridique
des oeuvres transmises par satellites de radiodiffusion directe, Le droit
d'auteur 1986 p. 347/348; URS PETER KÄLIN, Der urheberrechtliche
Vergütungsanspruch bei der Werkverwertung mit Hilfe des Satellitenrundfunks und
der Kabelweiterverbreitung, 1986, p. 74/75 et 120).
Contrairement à la radiodiffusion terrestre, la transmission par satellite
permet d'atteindre sans difficulté des publics résidant dans plusieurs États.
Ainsi, un organisme de diffusion basé dans un petit pays, comme le Luxembourg,
peut transmettre par satellite son
BGE 136 III 232 S. 238
programme de télévision aux publics de pays environnants bien plusvastes, comme
la France ou l'Allemagne; une des conséquences del'application exclusive du
droit de l'État d'émission peut consisteralors en ce que la rémunération du
droit d'auteur soit calculée uniquement en fonction du public - restreint - de
ce pays-là. D'aucuns s'en sont émus et, dans les années 1980, la théorie Bogsch
- du nomdu directeur général d'alors de l'OMPI - a vu le jour. Appelée
également théorie de l'empreinte ou de la réception (Empfangstheorie),elle
définit la radiodiffusion par satellite comme une opération complexe qui prend
naissance avec le départ du signal et s'achève avec la réception des signaux
par les publics résidant dans les États couverts par l'empreinte; la
conséquence est que l'organisme de diffusion devra respecter les législations
sur le droit d'auteur de tous les pays dans lesquels le signal émanant du
satellite peut être capté, cequi implique en particulier d'acquérir les droits
d'auteur pour tous lesÉtats couverts par l'empreinte (THOMAS DREIER,
Satelliten- und Kabel-Richtlinie, in Europäisches Urheberrecht, Vienne 2001, n°
10p. 408/409 et n° 12 p. 420/421; KREILE/BECKER, Neuordnung des Urheberrechts
in der Europäischen Union, GRUR Int. 1994 p. 910; KEREVER, op. cit., p. 16;
DILLENZ, op. cit., p. 344).
En matière de radiodiffusion par satellite, l'Union européenne a écarté la
théorie Bogsch au profit de la théorie de l'État d'émission (KREILE/BECKER, op.
cit., p. 909). En effet, la Directive 93/83/CEE du Conseil du 27 septembre 1993
relative à la coordination de certaines règles du droit d'auteur et des droits
voisins du droit d'auteur applicables à la radiodiffusion par satellite et à la
retransmission par câble (JO L 248 du 6 octobre 1993 p. 15) définit la
"communication au public par satellite" comme l'acte d'introduction, sous le
contrôle et la responsabilité de l'organisme de radiodiffusion, de signaux
porteurs de programmes destinés à être captés par le public dans une chaîne
ininterrompue de communication conduisant au satellite et revenant vers la
terre (art. 1^er par. 2 let. a); elle précise que cette communication a lieu
uniquement dans l'État membre dans lequel, sous le contrôle et la
responsabilité de l'organisme de radiodiffusion, les signaux porteurs de
programmes sont introduits dans une chaîne ininterrompue de communication
conduisant au satellite et revenant vers la terre (art. 1^er par. 2 let. b). Il
s'ensuit que le radiodiffuseur doit se conformer uniquement à la législation
sur les droits d'auteur en vigueur dans l'État où la communication par
satellite a lieu (considérants 4 et 5 de la Directive 93/83/CEE). L'ayant droit
peut uniquement
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décider s'il autorise ou non le radiodiffuseur à transmettre l'oeuvre par
satellite et, une fois cette autorisation donnée, il ne peut juridiquement
empêcher la réception de l'oeuvre dans les États couverts par l'empreinte du
satellite; cela signifie également qu'une éventuelle violation du droit
d'auteur ne peut avoir lieu que dans l'État d'émission (KREILE/BECKER, op.
cit., p. 910; METTRAUX KAUTHEN, op. cit., p. 22). En contrepartie, la Directive
93/83/CEE impose aux États membres de prévoir le droit exclusif de l'auteur
d'autoriser la communication au public par satellite d'oeuvres protégées par le
droit d'auteur (art. 2), autorisation qui ne pourra être acquise que par
contrat (art. 3 par. 1). Un autre aménagement de la théorie de l'État
d'émission en faveur des auteurs consiste pour les parties à déterminer la
rémunération des droits d'auteur en fonction de tous les paramètres de
l'émission, tels que l'audience effective et l'audience potentielle
(considérant 17 de la Directive 93/83/CEE).
Le Conseil de l'Europe s'est également préoccupé de la problématique des droits
d'auteur en rapport avec la transmission par satellite. Il a ainsi rédigé la
Convention européenne du 11 mai 1994 concernant des questions de droit d'auteur
et de droits voisins dans le cadre de la radiodiffusion transfrontière par
satellite (Convention STE 153). Après avoir précisé qu'un acte de
radiodiffusion par satellite comprend la liaison montante jusqu'au satellite et
la liaison descendante jusqu'à terre (art. 2), la Convention STE 153 prévoit, à
l'instar de la Directive 93/83/CEE, qu'une transmission d'oeuvres a lieu dans
l'État partie sur le territoire duquel se situe l'origine de la transmission et
qu'elle est, en conséquence, régie exclusivement par la loi de cet État (art. 3
par. 1). La protection du droit d'auteur est déterminée par la Convention de
Berne, ce qui signifie en particulier que les droits pour la radiodiffusion
transfrontière par satellite d'oeuvres au sens de cette convention doivent être
acquis par contrat (art. 4 par. 1). La Convention STE 153 n'est pas entrée en
vigueur. La Suisse l'a signée en date du 11 mai 1994. La majorité des
organisations consultées à l'époque s'était prononcée en faveur d'une
ratification (Huitième rapport
BGE 136 III 232 S. 240
sur la Suisse et les conventions du Conseil de l'Europe, FF 2004 3645 ch.
4.9.7). Aujourd'hui, le Conseil fédéral est toutefois d'avis qu'il convient de
renoncer à une ratification. En effet, relevant les parallèles entre la
Directive 93/83/CEE et la Convention STE 153, il observe que cette dernière
n'est plus applicable parmi les États membres de la Communauté européenne et
qu'une ratification ne présente dès lors quasiment plus d'intérêt pour la
Suisse (Neuvième rapport sur la Suisse et les conventions du Conseil de
l'Europe, FF 2008 4126 ch. 4.9.7).
La Convention STE 153 était censée compléter la Convention européenne sur la
télévision transfrontière du 5 mai 1989, ratifiée par la Suisse et entrée en
vigueur pour notre pays le 1^er mai 1993 (CETT; RS 0.784.405) (FF 2008 4126 ch.
4.9.7). Relevant du droit public de la télévision, la CETT a été amendée par le
Protocole du 1^er octobre 1998, accepté par la Suisse le 1^er octobre 2000 et
entré en vigueur pour notre pays le 1^er mars 2002 (RS 0.784.405.1). C'est le
lieu de relever que la CETT ne prévoit en principe pas que les États parties
puissent appliquer leur propre droit au motif que des services de programmes de
télévision seraient captés sur leur territoire. L'art. 28 CETT amendée, qui a
trait aux relations entre la convention et le droit interne, précise que les
Parties ne sont pas empêchées d'appliquer des règles plus strictes ou plus
détaillées que celles de la CETT aux services de programmes transmis par un
radiodiffuseur relevant de leur compétence au sens de l'art. 5 CETT (cf.
FRÉDÉRIC RIEHL, La Convention du Conseil de l'Europe sur la télévision
transfrontière: Les nouveautés, Medialex 1998 p. 709). Or, selon l'art. 5 par.
2 et par. 3 al. a CETT amendée, relève de la compétence de l'État de
transmission tout d'abord le radiodiffuseur qui a son siège social effectif
dans cette Partie, lorsque les décisions relatives à la programmation sont
prises dans cette Partie; si l'une et/ou l'autre de ces conditions ne sont pas
réunies, la convention prévoit des cas en cascade, dont aucun ne prend en
compte le critère de l'État de réception (cf. art. 5 par. 3 al. b à d et par. 4
CETT amendée). La convention réserve toutefois à une reprise le droit de l'État
de réception; afin d'éviter des distorsions de concurrence et la mise en péril
du système télévisuel d'une Partie, l'art. 16 par. 1 CETT amendée prévoit en
effet que la publicité et le télé-achat dirigés spécifiquement et fréquemment
vers l'audience d'une seule Partie autre que la Partie de transmission ne
doivent pas contourner les règles relatives à la publicité télévisée et au
télé-achat dans cette Partie. Pour la Suisse, les règles relatives à la
publicité télévisée se trouvent essentiellement aux art. 9 ss de la loi
fédérale sur la radio et la télévision du 24 mars 2006 (LRTV; RS 784.40); elles
instituent certaines interdictions, comme, par exemple, en matière de boissons
alcoolisées (pour quelque temps encore) ou de médicaments, qui sont plus larges
que celles résultant de la CETT (cf. NOBEL/WEBER, Medienrecht, 3^e éd. 2007, p.
439 ss).
BGE 136 III 232 S. 241

6.3 Plusieurs auteurs se sont penchés sur la définition, en droit suisse, de
l'acte soumis à autorisation en matière de radiodiffusion par satellite. Se
référant à la Convention de Berne, HERMANN J. STERN est d'avis que seule
l'émission (Ausstrahlen) des signaux porteurs de programme est déterminante en
droit d'auteur; comme il n'y a, dans le pays de réception, aucun acte
d'utilisation de l'oeuvre, le droit de l'État d'émission est exclusivement
applicable à la radiodiffusion par satellite (Sende- und Weitersenderecht -
Rundfunk, Kabel und Satelliten, 100 Jahre URG, 1983, p. 203-207). En revanche,
pour KASPAR SPOENDLIN, la transmission par satellite ne peut être définie en
droit d'auteur que par rapport à sa finalité, qui est d'atteindre un public;
l'acte de communication s'achève par conséquent dans le pays de réception.
L'auteur qualifie ainsi une radiodiffusion transfrontalière non autorisée de
"délit à distance", le lieu de l'action et le lieu du résultat étant situés
dans des États différents (Der internationale Schutz des Urhebers, UFITA 107/
1988 p. 37). Selon KÄLIN, la réception de la radiodiffusion par satellite et
les circonstances qui l'accompagnent doivent être prises en compte en droit
d'auteur; le risque de déplacement de radiodiffuseurs dans des pays offrant une
protection réduite justifie la prise en considération des droits des États de
réception, en particulier pour fixer l'ampleur de la rémunération due aux
auteurs (op. cit., p. 120).
Examinant la question après l'entrée en vigueur de la nouvelle LDA, NEUMAIER
constate que la situation en droit suisse n'est pas claire. Il considère
néanmoins que la LDA devrait être applicable en cas de débordement massif et
intentionnel d'une radiodiffusion étrangère. En effet, contrairement à l'ancien
droit, l'art. 10 LDA reconnaît largement le droit d'utilisation de l'oeuvre, la
liste de droits exclusifs énumérés à l'al. 2 - dont le droit de diffusion -
n'étant pas exhaustive; d'autre part, le principe de territorialité valable en
droit suisse de la propriété intellectuelle a toujours été compris en ce sens
que la protection du droit d'auteur pouvait s'étendre à des actes commis par
des personnes à l'étranger (op. cit., p. 85).
Après avoir affirmé sans ambages que la conception suisse de la radiodiffusion
par satellite se fondait sur la théorie Bogsch (Das neue schweizerische
Urheberrecht, UFITA 122/1993 p. 123),MANFRED REHBINDER s'est rallié plus
récemment aux tenants de la théorie de l'État d'émission, en déclarant que la
question de savoir pour quel pays le droit de diffusion devait être acquis se
déterminait selon l'emplacement de l'entreprise de radiodiffusion
(Schweizerisches
BGE 136 III 232 S. 242
Urheberrecht, 3^e éd. 2000, p. 142; également REHBINDER/VIGANÒ, URG,
Urheberrecht und verwandte Schutzrecht [...], 3^e éd. 2008, n° 22 ad art. 10
LDA p. 63).
Pour leur part, BARRELET/EGLOFF, dans l'édition de leur ouvrage sortie en 2008,
relèvent que, techniquement parlant, c'est la station terrestre à qui le
satellite de télécommunication ou de service fixe transmet ses signaux ou alors
le propriétaire du satellite de radiodiffusion directe qui procèdent à la
diffusion et qui devraient donc y être autorisés par l'ayant droit. Comme cette
manière de voir est difficile à traduire en pratique, la tendance aujourd'hui
est de considérer la transmission par satellite comme un tout, englobant
liaison montante (uplink) et liaison descendante (downlink). Le droit de
diffusion porte ainsi sur toute la chaîne de communication jusqu'à son retour
sur terre. L'envoi des signaux vers un satellite suppose déjà l'acquisition des
droits correspondants, dont la rémunération sera fixée en fonction de l'étendue
de la zone de réception. Les auteurs soulignent que cette conception est celle
de la Directive 93/83/CEE et de la Convention STE 153, qui prévoient toutes
deux que l'acte de transmission a lieu uniquement dans l'État où les signaux
sont introduits dans la chaîne (op. cit., n° 28 ad art. 10 LDA p. 64; du même
avis: REHBINDER/VIGANÒ, op. cit., n° 22 ad art. 10 LDA p. 63).

6.4 La Directive 93/83/CEE n'est certes pas applicable en tant que telle en
Suisse. L'idée d'une harmonisation avec le droit européen n'était toutefois pas
étrangère aux préoccupations du législateur lors de l'adoption du nouveau droit
d'auteur en 1992 (cf. ATF 133 III 568 consid. 4.6 p. 576 et la référence aux
déclarations de la conseillère aux États Meier, rapporteur, relevant le
caractère "eurocompatible" de dispositions de la future LDA, in BO 1992 CE
381). La Directive 93/83/CEE apparaît dès lors comme l'un des éléments
permettant de cerner, en matière de radiodiffusion par satellite, le fait
générateur du droit d'auteur selon la LDA. Il en va de même de la Convention
STE 153, étant précisé que la non-ratification de cet instrument tient à son
caractère jugé désormais superflu, et non à des motifs de fond.
Comme la doctrine la plus récente le relève, la tendance actuelle est
d'admettre que la théorie de l'État d'émission s'applique à la radiodiffusion
par satellite en droit d'auteur suisse. Ainsi, le droit de diffusion au sens de
l'art. 10 al. 2 let. d LDA - dont l'auteur ou son ayant droit peut autoriser
l'exercice contre rémunération - porte uniquement sur l'injection des signaux
satellite porteurs de l'oeuvre dans la chaîne de communication; la réception
n'est a priori pas un fait
BGE 136 III 232 S. 243
appréhendé par le droit d'auteur suisse, sauf éventuellement à recourir à la
clause générale de l'art. 10 al. 1 LDA, question qu'il n'est pas nécessaire de
trancher pour les motifs exposés ci-après.

6.5 En l'espèce, l'intimée ne remet pas fondamentalement en cause la théorie de
l'État d'émission, mais elle fait valoir que ce principe ne s'applique pas dans
le cas présent. Elle ne prétend pas que la diffusion par satellite des oeuvres
contenues dans le programme M6 nécessite de manière générale l'autorisation de
leurs auteurs ou des ayants droit de ces derniers; en particulier, elle ne
soutient pas que la diffusion des oeuvres par la recourante via le signal
satellite "français", capté en Suisse, impliquerait une telle autorisation. De
l'avis de l'intimée, suivi par la cour cantonale, seule est soumise à une
autorisation relevant du droit d'auteur suisse la diffusion des oeuvres par un
signal distinct transportant également des publicités destinées au public
suisse. En d'autres termes, c'est parce que la recourante cible le public
suisse en entrecoupant ou en accompagnant les oeuvres diffusées de messages
publicitaires spécifiques que les auteurs desdites oeuvres ou leurs ayants
droit devraient autoriser la diffusion par un signal distinct, faute de quoi
celle-ci violerait la LDA.
L'examen de ce raisonnement suppose de garder à l'esprit l'élément suivant. En
tous les cas, une éventuelle exception au principe de l'État d'émission ne peut
être justifiée, logiquement, que par des motifs relevant du droit d'auteur. On
relèvera au passage que ce sont toujours des considérations liées à la
protection des auteurs (reconnaissance ou non du droit exclusif, ampleur de la
rémunération selon le public atteint) qui ont donné lieu aux prises de position
défavorables à l'application exclusive du droit de l'État d'émission à la
radiodiffusion par satellite. Il convient donc de rechercher en quoi la
situation des auteurs ou de leurs ayants droit serait spécialement affectée par
la diffusion du signal "suisse".
Il n'est pas contesté que les oeuvres diffusées sur M6 par le signal "suisse"
sont les mêmes que celles transportées par le signal "français" et que leur
diffusion est simultanée quel que soit le satellite par lequel elles
transitent. Par ailleurs, l'empreinte du satellite relayant le signal "suisse"
et celle du satellite relayant le signal "français" comprennent les territoires
suisse et français, de sorte que chaque signal peut être capté dans les deux
pays. La différence entre les deux signaux réside dans le contenu des messages
publicitaires qui entrecoupent, précèdent ou suivent les oeuvres diffusées.
BGE 136 III 232 S. 244
Il est admis que les interruptions de publicité jalonnant la diffusion
d'oeuvres audiovisuelles constituent des atteintes au droit à l'intégrité,
lequel confère à l'auteur le droit exclusif de décider si, quand et de quelle
manière l'oeuvre peut être modifiée (cf. art. 11 al. 1 let. a LDA)
(DESSEMONTET, op. cit. 1, n° 294 p. 221). L'art. 14 par. 1 CETT prévoit du
reste que la publicité peut, sous réserve d'exceptions, être insérée pendant
les émissions, mais "de façon à ne pas porter atteinte à l'intégrité et à la
valeur des émissions et de manière qu'il ne soit pas porté préjudice aux droits
des ayants droit", donc des auteurs et des créateurs (cf. Rapport explicatif
relatif à la Convention européenne sur la télévision transfrontière, p. 41).
L'atteinte résulte du fait que l'atmosphère créée par l'oeuvre ainsi que le
rythme de la narration sont affectés par l'interruption (cf. KARL-NIKOLAUS
PEIFER, Werbeunterbrechungen in Spielfilmen nach deutschem und italienischem
Urheberrecht, GRUR Int. 1995 p. 28). Si le droit d'auteur est touché, c'est
parce que l'oeuvre n'est pas diffusée d'une seule traite. En revanche, le
contenu des messages publicitaires transmis pendant l'interruption apparaît
dénué de toute pertinence. En l'espèce, le fait que les publicités entrecoupant
les oeuvres diffusées soient destinées aux consommateurs suisses plutôt que
français est sans incidence sur le droit à l'intégrité de l'oeuvre. A fortiori,
il en va de même lorsque les messages publicitaires précèdent ou suivent la
diffusion des oeuvres. On ne discerne dès lors pas en quoi la situation des
auteurs ou de leurs ayants droit - en l'occurrence les producteurs de séries
télévisées - serait affectée plus sévèrement par la diffusion de leurs oeuvres
via le signal "suisse" que par la transmission via le signal "français".
L'intimée fait grand cas des contrats conclus par la recourante avec les
maisons de distribution ou de production, car ceux que le diffuseur français a
produits n'incluent pas la Suisse dans les territoires de diffusion. En premier
lieu, la question de savoir si le droit d'auteur suisse est applicable dans le
cas présent ne saurait dépendre des contrats passés entre le radiodiffuseur
étranger et les titulaires des droits d'auteur (cf. WERNER RUMPHORST,
Satellitenfernsehen und Urheberrecht - Kritische Anmerkungen zur sogenannten
Theorie des intendierten Sendegebietes, GRUR Int. 1992 p. 911). Au demeurant,
la circonstance selon laquelle la Suisse ne figure pas dans la zone
contractuelle de diffusion s'impose quel soit le signal satellite en jeu. En
soi, elle ne peut donc justifier, dans le domaine du droit d'auteur, un
traitement différencié de la diffusion via le signal "suisse" par rapport à la
transmission via le signal "français".
BGE 136 III 232 S. 245
En conclusion, on ne distingue aucun motif lié à la protection des auteurs ou
de leurs ayants droit qui commanderait de traiter différemment la diffusion par
le signal "suisse" et celle par le signal "français", en soumettant à
autorisation, en vertu du droit suisse, la diffusion transfrontière d'oeuvres
par le signal "suisse". En tout état de cause, une exception au principe de
l'État d'émission ne saurait entrer en ligne de compte dans le cas particulier.

6.6 Sur le vu de ce qui précède, la LDA ne s'applique pas à la diffusion par
satellite d'oeuvres depuis la France, même si le signal en cause contient
également des publicités destinées aux téléspectateurs suisses. En particulier,
une telle diffusion ne rentre pas dans les comportements qui, selon la LDA,
nécessitent l'autorisation des titulaires des droits d'auteur; partant, l'acte
incriminé ne porte pas atteinte au droit d'auteur selon la LDA.
En conclusion, la cour cantonale a admis à tort que la diffusion d'oeuvres dans
le programme M6 par le signal "suisse", sans l'autorisation des titulaires de
droits d'auteur, constituait une violation de la LDA. Le recours est bien fondé
sur ce point.

7. Il convient encore d'examiner la cause sous l'angle du droit de la
concurrence déloyale.

7.1 Aux termes de l'art. 136 al. 1 LDIP, les prétentions fondées sur un acte de
concurrence déloyale sont régies par le droit de l'État sur le marché duquel le
résultat s'est produit. Comme le programme M6 est capté en Suisse, il s'agit en
l'occurrence du droit suisse.

7.2 L'art. 2 de la loi fédérale du 19 décembre 1986 contre la concurrence
déloyale (LCD; RS 241) qualifie de déloyal et illicite notamment tout
comportement qui contrevient aux règles de la bonne foi et qui influe sur les
rapports entre concurrents ou entre fournisseurs et clients.
Cette clause générale peut trouver application notamment lorsqu'un comportement
tombe sous le coup d'une loi protégeant un bien immatériel, comme la LDA (DAVID
/JACOBS, Schweizerisches Wettbewerbsrecht, 4^e éd. 2005, n° 70 p. 22). A
l'inverse, un acte qui n'est contraire à aucune de ces lois spéciales n'est en
principe pas déloyal au sens de la LCD (VON BÜREN/MARBACH/DUCREY,
Immaterialgüter- und Wettbewerbsrecht, 3^e éd. 2008, p. 232 n° 1082; IVAN
CHERPILLOD, Urheberrecht, in Urheberrecht und verwandte Schutzrechte, SIWR vol.
II/1, 2006, p. 24; PEDRAZZINI/PEDRAZZINI, Unlauterer Wettbewerb UWG, 2^e éd.
2002, p. 33 n° 3.05). Pour que l'acte, en soi licite, soit
BGE 136 III 232 S. 246
qualifié de concurrence déloyale, il faut, en plus, des circonstances
particulières qui le fassent apparaître comme contraire aux règles de la bonne
foi (VON BÜREN/MARBACH/DUCREY, op. cit., p. 232 n° 1083). Ainsi, ne constitue
pas, en règle générale, un acte de concurrence déloyale l'imitation d'un
produit qui n'est protégé ni en droit des brevets, ni en droit d'auteur, ni en
droit des modèles; mais il y aura procédé déloyal si, par exemple, le client
est induit en erreur de façon évitable à propos du fabricant du produit imité (
ATF 116 II 471 consid. 3a/aa p. 472 ss et les arrêts cités). Dans le même ordre
d'idées, le Tribunal fédéral a reconnu que, si des importations parallèles en
marge d'un réseau de distribution sélective ne violaient pas le droit des
marques, cette exploitation par un tiers d'une violation d'obligations
contractuelles n'était pas déloyale non plus, sauf si des circonstances
particulières la faisaient apparaître comme contraire à la bonne foi (ATF 122
III 469 consid. 10 p. 485).

7.3 Sous l'angle de la concurrence déloyale, l'intimée s'est vu reconnaître la
qualité pour agir en tant que preneur de licence. En effet, la violation de
droits immatériels de tiers est un comportement qui peut contrevenir aux règles
de la bonne foi et influer sur les rapports entre le preneur de licence et ses
clients (arrêt 4A_55/2007 du 29 août 2007 consid. 7.1, in sic! 3/2008 p. 209;
DAVID/JACOBS, op. cit., n° 71 p. 22). En l'espèce, comme on l'a vu (consid. 6
supra), le comportement reproché à la recourante ne constitue toutefois pas une
violation des droits des donneurs de licence selon la LDA. A ce titre, il ne
saurait non plus tomber sous le coup de l'art. 2 LCD.
L'intimée a toujours fait valoir que la recourante agissait contrairement aux
règles de la bonne foi au sens de l'art. 2 LCD parce qu'elle violait les droits
des auteurs des oeuvres diffusées via le signal "suisse" ou de leurs ayants
droit. Elle n'a jamais invoqué de circonstances particulières qui,
indépendamment d'une violation de la LDA, rendraient déloyal le comportement
incriminé (cf. ATF 119 II 51 consid. 3b p. 63 i.f.). A ce propos, il faut
constater que la recourante utilise une possibilité technique - la diffusion
nécessairement transfrontalière des oeuvres litigieuses - sans qu'un acte
illicite puisse lui être imputé par ailleurs. Un acte contraire aux règles de
la bonne foi selon la LCD ne peut dès lors être retenu à la charge de la
recourante.

7.4 En admettant que la diffusion incriminée violait la LCD, la cour cantonale
a méconnu le droit fédéral de sorte que le recours est également fondé à cet
égard.