Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 135 V 215



Urteilskopf

135 V 215

27. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit social dans la cause G. contre
Office AI du canton de Neuchâtel (recours en matière de droit public)
9C_1009/2008 du 1er mai 2009

Regeste

Art. 7 Abs. 2 ATSG; Begriff der Erwerbsunfähigkeit.
Bestätigung von BGE 135 V 201, wonach die Rechtsprechung gemäss BGE 130 V 352
keinen ausreichenden Grund darstellt, um - unter dem Titel der Anpassung an
eine veränderte Rechtsgrundlage - auf laufende Invalidenrenten zurückzukommen
(E. 6). Art. 7 Abs. 2 ATSG ändert den Begriff der Erwerbsunfähigkeit nicht und
bildet ebenfalls keinen hinreichenden Rückkommenstitel (E. 7).

Sachverhalt ab Seite 215

BGE 135 V 215 S. 215

A. Le 26 septembre 2005, G., qui était au bénéfice d'une demi-rente
d'invalidité depuis le 1^er octobre 1989 (décision du 20 novembre 1990), a
présenté une demande tendant à l'augmentation de sa rente. L'Office de
l'assurance-invalidité du canton de Neuchâtel a recueilli divers avis médicaux
et confié une expertise au Centre d'observation médicale de
l'assurance-invalidité (ci-après: COMAI), qui a rendu son rapport le 19 mars
2007. Après avoir soumis le dossier à son Service médical régional (avis de la
doctoresse L. du
BGE 135 V 215 S. 216
18 avril 2007), l'administration a rendu une décision le 27 février 2008, par
laquelle elle a supprimé la demi-rente d'invalidité à partir du 1^er avril
suivant. En bref, elle a considéré que G. ne présentait plus d'atteinte à la
santé susceptible de diminuer sa capacité de travail.

B. Statuant le 13 novembre 2008 sur le recours formé par l'assurée contre cette
décision, le Tribunal administratif, Cour des assurances sociales, de la
République et canton de Neuchâtel l'a rejeté.

C. G. interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement, dont
elle demande l'annulation. Sous suite de frais et dépens, elle conclut en
substance à l'allocation d'une rente entière d'invalidité ou à tout le moins au
maintien de la demi-rente; à titre subsidiaire, elle requiert la mise en oeuvre
d'une expertise pluridisciplinaire.
L'Office neuchâtelois de l'assurance-invalidité n'a pas d'observations à
formuler sur le recours, tandis que l'Office fédéral des assurances sociales
(OFAS) a renoncé à se déterminer.

D. La II^e Cour de droit social a tenu une audience publique le 1^er mai 2009.
Le recours a été admis.

Auszug aus den Erwägungen:

Extrait des considérants:

3.

3.1 La juridiction cantonale a d'abord examiné la situation médicale de la
recourante au moment de la décision initiale en 1990 et constaté qu'elle
souffrait alors pour l'essentiel d'un trouble somatoforme douloureux qui
entraînait, selon une expertise du docteur R., (du 4 octobre 1990) une
incapacité de travail de 50 %. Les premiers juges se sont ensuite penchés sur
l'évolution de l'état de santé de l'assurée, en tenant compte en particulier de
l'appréciation du COMAI du 19 mars 2007. Selon les conclusions de ce rapport,
la recourante présentait notamment de discrets troubles statiques et
dégénératifs rachidiens sans répercussion actuelle au plan radiculaire et/ou
médullaire, une dysthymie et des troubles douloureux chroniques irréductibles
(avec un seuil fibromyalgique sous-jacent); aucune des atteintes mentionnées
par les experts ne limitait cependant la capacité de travail de l'assurée dans
l'activité qu'elle avait exercée antérieurement (nettoyeuse) ou toute autre
activité adaptée.
Au vu de cette expertise, mais également des autres rapports médicaux au
dossier, les premiers juges ont retenu que l'état de santé de
BGE 135 V 215 S. 217
l'assurée ne s'était pas modifié de manière déterminante entre le prononcé de
la décision initiale d'octroi de la demi-rente et la décision supprimant cette
prestation. Le fait que les conclusions des médecins du COMAI du 19 mars 2007
divergeaient de celles du docteur R. (du 4 octobre 1990) quant à la capacité de
travail de la recourante - de 100 % pour les premiers et de 50 % pour le second
- ne permettait pas d'admettre un changement significatif des circonstances. Il
s'agissait d'une appréciation divergente d'une situation restée inchangée, de
sorte qu'il n'y avait pas de motif de révision justifiant une augmentation ou
une suppression de la demi-rente de la recourante.

3.2 Les constatations de la juridiction cantonale sur l'absence de modification
des circonstances déterminantes (au sens de l'art. 17 LPGA; RS 830.1) relèvent
d'une question de fait (cf. ATF 132 V 393 consid. 3 p. 397; arrêt 9C_270/2008
du 12 août 2008 consid. 2.2) et lient en principe le Tribunal fédéral. Ces
constatations n'apparaissent pas manifestement inexactes, ni ne reposent sur
une violation du droit au sens de l'art. 95 LTF, de sorte qu'il n'y a pas lieu
de s'en écarter.
Quoi qu'en dise la recourante en invoquant à la fois une constatation inexacte
des faits, une violation de la LAI et l'arbitraire, les premiers juges ont en
effet procédé à une appréciation circonstanciée et convaincante des preuves au
dossier. Ainsi, ils ont tenu compte des rapports des docteurs S. et D. auxquels
elle se réfère pour faire valoir l'existence "d'atteintes organiques objectives
réelles" et "l'augmentation des douleurs", et dûment expliqué les motifs pour
lesquels ces avis ne permettaient pas de retenir un changement significatif des
circonstances par rapport à la situation prévalant en 1990. Dès lors, par
ailleurs, que la juridiction cantonale a considéré à juste titre que les
médecins avaient fait état de diagnostics similaires (troubles somatoformes
douloureux, fibromyalgie, troubles douloureux chroniques irréductibles), c'est
en vain que la recourante soutient que l'expertise du COMAI serait incomplète,
faute de retenir le diagnostic de fibromyalgie. Enfin, compte tenu de
l'ensemble des avis médicaux qui ne laisse apparaître aucun indice en faveur
d'une péjoration de l'état de santé et suffit pour se forger une conviction, il
n'y a pas lieu d'ordonner une nouvelle expertise pluridisciplinaire sollicitée
par la recourante (sur l'appréciation anticipée des preuves, voir ATF 124 V 90
consid. 4b p. 94).
BGE 135 V 215 S. 218

3.3 Cela étant, tout en niant que les conditions d'une révision étaient
réalisées, la juridiction cantonale a cependant confirmé la suppression de la
demi-rente d'invalidité à la lumière de la jurisprudence du Tribunal fédéral en
matière de troubles somatoformes douloureux. Elle a considéré que pour des
motifs tirés de l'égalité de traitement entre les assurés, il y avait lieu
d'appliquer les exigences posées par la récente jurisprudence à la situation de
la recourante, même si cette application s'opérait à son détriment. Un assuré
présentant les mêmes affections que la recourante ne pourrait en effet
bénéficier actuellement de prestations de l'assurance-invalidité.

4.

4.1 On peut envisager quatre cas dans lesquels un conflit peut surgir entre une
situation juridique actuelle et une décision de prestations, assortie d'effets
durables, entrée en force formelle (ATF 127 V 10 consid. 4b p. 13 s.; ATF 115 V
308 consid. 4a p. 312 ss; URS MÜLLER, Die materiellen Voraussetzungen der
Rentenrevision in der Invalidenversicherung, 2003, p. 91 ss; RUDOlf Rüedi, Die
Verfügungsanpassung als Grundfigur von Invalidenrentenrevisionen, in Die
Revision von Dauerleistungen in der Sozialversicherung, 1999, p. 9 ss, 12 s.;
ALEXANDRA RUMO-JUNGO, Die Instrumente zur Korrektur der
Sozialversicherungsverfügung, in Verfahrensfragen in der Sozialversicherung,
1996, p. 263 ss, 277 ss; ULRICH MEYER-BLASER, Die Abänderung formell
rechtskräftiger Verwaltungsverfügungen in der Sozialversicherung, ZBl 95/1994
p. 337 ss, 348 ss): une constatation inexacte des faits (inexactitude initiale
sur les faits) peut, à certaines conditions, être corrigée par une révision
procédurale (art. 53 al. 1 LPGA). Lorsqu'une modification de l'état de fait
déterminante sous l'angle du droit à la prestation (inexactitude ultérieure sur
les faits) survient après le prononcé d'une décision initiale exempte d'erreur,
une adaptation peut, le cas échéant, être effectuée dans le cadre d'une
révision de la rente au sens de l'art. 17 al. 1 LPGA. Si la décision est fondée
sur une application erronée du droit (application initiale erronée du droit),
il y a lieu d'envisager une révocation sous l'angle de la reconsidération (art.
53 al. 2 LPGA). La loi ne règle en revanche pas la situation de l'application
ultérieure erronée du droit à la suite d'une modification des fondements
juridiques déterminants survenue après le prononcé de la décision (voir consid.
5 infra).

4.2 En l'espèce, la décision initiale n'est pas entachée dès l'origine d'une
inexactitude sur les faits. A défaut d'une modification notable
BGE 135 V 215 S. 219
des faits déterminants du point de vue juridique, les conditions d'une révision
de la rente au sens de l'art. 17 al. 1 LPGA ne sont pas davantage réalisées
(consid. 3 supra). Par ailleurs, comme l'ont retenu à juste titre les premiers
juges, la jurisprudence sur les troubles somatoformes douloureux ne constitue
pas un motif de reconsidération de la décision de rente (SVR 2008 IV n° 5 p.
12, I 138/07 consid. 4). Il y a donc lieu d'examiner si la décision de (demi-)
rente initiale, entrée en force formelle, doit être adaptée sous l'angle d'une
modification du droit intervenue entre-temps, laquelle découlerait, de l'avis
des premiers juges, de la jurisprudence sur le caractère invalidant des
troubles somatoformes douloureux (publiée aux ATF 130 V 352).

5.

5.1

5.1.1 En droit des assurances sociales, les décisions de prestations, assorties
d'effets durables, initialement non erronées doivent en règle générale être
adaptées aux modifications du droit qui résultent d'une intervention du
législateur, sous réserve de dispositions de droit transitoires contraires et,
le cas échéant, des droits acquis (ATF 121 V 157 consid. 4a p. 161 s.). En
revanche, un changement dans la pratique judiciaire ou administrative ne
conduit en principe pas à modifier des prestations périodiques fondées sur une
décision (assortie d'effets durables) entrée en force formelle (ATF 129 V 200
consid. 1.2 p. 202; ATF 121 V 157 consid. 4a p. 162; ATF 120 V 128 consid. 3c
p. 132; ATF 119 V 410 consid. 3b p. 413; ATF 115 V 308 consid. 4a/dd p. 314;
ATF 112 V 371 consid. 2b p. 372 s.; arrêt 9C_439/2007 du 28 février 2008
consid. 3.2 in fine). Exceptionnellement, un changement de jurisprudence peut
cependant entraîner la modification d'une décision entrée en force (avec des
effets pour l'avenir) lorsque la nouvelle jurisprudence a une telle portée
générale qu'il serait contraire au droit à l'égalité de ne pas l'appliquer dans
tous les cas, en particulier en maintenant une ancienne décision pour un seul
assuré ou un petit nombre d'assurés (ATF 129 V 200 consid. 1.2 p. 202; ATF 121
V 157 consid. 4a p. 162; ATF 120 V 128 consid. 3c p. 132; ATF 119 V 410 consid.
3b p. 413; ATF 115 V 308 consid. 4a/dd p. 314; ATF 112 V 387 consid. 3c p. 394;
SVR 2001 ALV n° 4 p. 10, C 222/99 consid. 3b). Une telle manière de procéder
s'applique en particulier lorsque le maintien de la décision initiale ne peut
simplement plus être justifié du point de vue de la nouvelle jurisprudence et
que celle-ci a une telle portée générale que ne pas l'appliquer
BGE 135 V 215 S. 220
dans un cas particulier reviendrait à privilégier (ou discriminer) l'intéressé
de manière choquante et à porter atteinte au principe de l'égalité de
traitement (SVR 1995 IV n° 60 p. 171, I 382/94 consid. 4a).

5.1.2 Bien que le Tribunal fédéral ait souvent développé sa jurisprudence dans
le domaine du droit des assurances sociales par des précisions ou des
changements, il a, en comparaison, rarement eu à traiter de la question de
l'application de la nouvelle jurisprudence à des décisions de prestations
assorties d'effets durables et entrées en force. Là où la question s'est posée,
il a répondu de la manière suivante.

5.1.2.1 En application des principes exposés, le Tribunal fédéral des
assurances a à diverses reprises admis qu'une décision de prestations, assortie
d'effets durables, entrée en force soit adaptée à un changement de
jurisprudence ou de la pratique administrative intervenu entre-temps et plus
favorable pour l'intéressé. Ainsi, dans l' ATF 121 V 157 consid. 4c p. 162 s.,
il a jugé qu'une rente d'invalidité de l'assurance-militaire fixée selon une
jurisprudence antérieure devait être adaptée à la modification de la
jurisprudence intervenue en 1984, laquelle a reconnu l'indemnisation cumulative
de l'incapacité de gain et de l'atteinte à l'intégrité. La solution contraire
entraînait des inégalités manifestes. L'application d'une nouvelle pratique
administrative, qui permettait dans certains cas d'ouvrir le droit à des
indemnités de l'assurance-chômage, non reconnu jusqu'alors, dans des situations
qui avaient déjà fait l'objet de décisions entrées en force, a également été
admise (SVR 2001 IV n° 4 p. 9, C 222/99 consid. 4). Le Tribunal en a jugé de
même en ce qui concerne l'application directe - d'abord niée, puis reconnue
ultérieurement (ATF 119 V 171) - des dispositions de droit international
admettant de manière limitée la réduction des prestations pour faute (ATF 120 V
128 consid. 4 p. 132 s.; ATF 119 V 410 consid. 3c p. 413 s.; SVR 1995 IV n° 60
p. 171, I 382/94 consid. 4).
En défaveur de l'assuré en cause, le Tribunal fédéral des assurances a confirmé
l'adaptation d'une rente pour atteinte à l'intégrité, dont le calcul reposait
encore sur une jurisprudence antérieure, considérée comme erronée par les ATFA
1966 p. 148 et 1968 p. 88, aux nouvelles bases de calcul déterminantes (ATF 112
V 387 consid. 3c p. 394, confirmé par l' ATF 115 V 308).

5.1.2.2 Le Tribunal fédéral n'a en revanche pas admis de modifier en défaveur
de l'assuré une décision entrée en force formelle au
BGE 135 V 215 S. 221
regard des arrêts sur le taux d'invalidité arrondi (arrêt 9C_439/2007 du 28
février 2008 relatif à l' ATF 130 V 121; arrêt I 16/02 du 21 mars 2002 relatif
à l' ATF 127 V 129). Dans les arrêts U 102/89 du 5 mars 1990 (consid. 5c non
publié à l' ATF 116 V 62) et U 114/90 du 16 mars 1992 consid. 3d, il a
également refusé de revenir sur des décisions entrées en force à la suite de la
précision de jurisprudence apportée par l' ATF 115 V 133 sur le rapport de
causalité adéquate en cas de troubles psychiques après un accident. Dans
l'arrêt M 13/ 89 du 30 octobre 1989, le Tribunal fédéral des assurances a jugé
que l'adaptation admise par l' ATF 112 V 387 ne se rapportait qu'aux rentes
pour atteinte à l'intégrité et non pas aux rentes dites mixtes. Une
intervention dans un rapport de droit durable en défaveur de l'assuré, fondée
sur une nouvelle jurisprudence, ne pouvait entrer en considération que s'il
s'agissait de corriger l'octroi particulièrement choquant de prestations.

5.1.3 En résumé, on constate que la jurisprudence n'a guère admis d'exceptions
au principe selon lequel un changement de jurisprudence ne justifie pas de
modifier des décisions de prestations assorties d'effets durables lorsque
l'application de la nouvelle jurisprudence s'opère au détriment des assurés.
Dans les cas où une telle adaptation (dans le sens d'une réduction) a été
admise (ATF 112 V 387 confirmé par l' ATF 115 V 308), le Tribunal fédéral des
assurances a précisé qu'il s'agissait d'une situation exceptionnelle - au
regard des critères étrangers à l'affaire sur lesquels se fondait la
jurisprudence antérieure -, laquelle exigeait une solution particulière (ATF
115 V 308 consid. 4b p. 316; cf. aussi ATF 121 V 157 consid. 4b p. 162). En
faveur des assurés, le Tribunal fédéral des assurances a en revanche admis une
adaptation à des conditions moins strictes, dans des cas particuliers (ATF 107
V 153 consid. 3 p. 157; SVR 2001 ALV n° 4 p. 9, C 222/99 consid. 3b; cf. aussi
ATF 129 V 200 consid. 1.2 p. 203 en haut; ATF 120 V 128 consid. 3c p. 132).

5.2 Selon la jurisprudence des Cours de droit public du Tribunal fédéral, la
révocation de décisions de prestations assorties d'effets durables en raison
d'une constatation manifestement inexacte des faits, une application erronée du
droit ou une modification ultérieure de l'état de fait ou du droit est
admissible, dans la mesure où des intérêts publics importants sont touchés.
Lorsque des règles de droit positif sur la possibilité de modifier une décision
font défaut, il y a lieu de se prononcer sur la base d'une pesée des intérêts,
dans laquelle l'intérêt à une application correcte du droit objectif est mis en
BGE 135 V 215 S. 222
balance avec l'intérêt à la sécurité juridique, respectivement à la protection
de la confiance (ATF 127 II 306 consid. 7a p. 314; ATF 121 II 273 consid. 1a/
aa; ATF 106 Ib 252 consid. 2b p. 256; ATF 103 Ib 241 consid. 3b p. 244; HÄFELIN
/MÜLLER/UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 5^e éd. 2006, p. 207 n. 997a;
TOBIAS JAAG, Staats- und Verwaltungsrecht des Kantons Zürich, 3^e éd. 2005, p.
130 n. 1914; PIERRE Moor, Droit administratif II, Les actes administratifs et
leur contrôle, 2^e éd. 2002, p. 338; BLAISE KNAPP, Précis de droit
administratif, 4^e éd. 1991, p. 270 n. 1271 et p. 272 n. 1282; RHINOW/
KRÄHENMANN, Schweizerische Verwaltungsrechtsprechung, Ergänzungsband, 1990, n.
45 p. 138 s.; FRITZ GYGI, Verwaltungsrecht, 1986, p. 307 ss). Un changement de
jurisprudence peut entraîner une modification des rapports de droit durables
lorsque des intérêts publics particulièrement importants, tels des motifs de
police, sont en jeu (ATF 127 II 306 consid. 7a p. 313; ATF 106 Ib 252 consid.
2b p. 256; RHINOW/KRÄHENMANN, op. cit., p. 140; GYGI, op. cit., p. 310, et les
références). Concrètement, le Tribunal fédéral a considéré - en se fondant
cependant d'abord sur une modification du droit positif - que l'adaptation
d'une décision d'autorisation pour un règlement d'exploitation d'un champ
d'aviation en défaveur de la société d'exploitation était admissible (ATF 127
II 306 consid. 7c p. 315 s.). Il en est allé de même pour le retrait d'un
permis de circulation collectif pour les commerçants de véhicules à moteur en
raison d'une application modifiée, plus sévère et plus pertinente, des
conditions d'autorisation (ATF 106 Ib 252 consid. 2b p. 255 s.).

5.3 Dans la doctrine, la jurisprudence en matière de droit des assurances
sociales citée au consid. 5.1 ci-avant a suscité différentes réactions:

5.3.1 Une majeure partie de la doctrine a cité la jurisprudence sans prendre
position à son égard (HÄFELIN/MÜLLER/UHLMANN, op. cit., p. 207 s. n. 999;
TSCHANNEN/ZIMMERLI, Allgemeines Verwaltungsrecht, 2^e éd. 2005, p. 275 n. 47;
MÜLLER, op. cit., p. 110 n. 404; MOOR, op. cit., p. 347; RÜEDI, op. cit., p. 9
ss, 23; MEYER-BLASER, op. cit., p. 337 ss, 350; RHINOW/KRÄHENMANN, op. cit., p.
140).

5.3.2 Un auteur (UELI KIESER, Das Verwaltungsverfahren in der
Sozialversicherung, 1999, p. 302 s. n. 622 et note de bas de page 1729)
approuve la jurisprudence quant aux conditions pour adapter une décision, mais
exige l'introduction d'un délai transitoire approprié lorsque la modification
se fait au détriment de l'assuré. BEATRICE
BGE 135 V 215 S. 223
Weber-DürleR, (Neuere Entwicklungen des Vertrauensschutzes, ZBl 103/2002 S. 281
ff., 298) met également cet aspect en évidence, en indiquant que du point de
vue de la protection de la confiance un délai transitoire adéquat suffit pour
justifier que l'augmentation ou la réduction d'une rente soit admise.

5.3.3 D'autres auteurs ne veulent admettre l'adaptation d'une décision au
détriment de l'assuré que très exceptionnellement, si un intérêt public
prépondérant l'exige; la pesée des intérêts devrait alors se faire de manière
semblable à celle qui est effectuée pour apprécier une application initiale
erronée du droit (KNAPP, op. cit., p. 281 s. n. 1344; RUMO-JUNGO, op. cit., p.
263 ss, 280). Les adaptations en faveur de l'assuré devraient en revanche être
admises d'emblée (KNAPP, op. cit., p. 282 n. 1346; RUMO-JUNGO, op. cit., p.
280; de même MÜLLER, op. cit., p. 110 n. 404).

5.3.4 Une partie de la doctrine maintient sa critique selon laquelle une pesée
des intérêts concrète manque dans la jurisprudence en matière de droit des
assurances sociales (ainsi, en particulier, PETER Saladin, Wiedererwägung und
Widerruf formell rechtskräftiger Verfügungen, Die Rechtsprechung des
Eidgenössischen Versicherungsgerichts im Vergleich zur Praxis des
Bundesgerichts in Lausanne, in Mélanges pour le 75^e anniversaire du Tribunal
fédéral des assurances, 1992, 113 ss, 130; de manière semblable KIESER, Die
Abänderung der formell rechtskräftigen Verfügung nach der Rechtsprechung des
EVG, RSAS 1991 p. 132 ss, 141 et les références à la note de bas de page 64).
Dans une publication récente consacrée à la problématique ici en cause (BRUNNER
/BIRKHÄUSER, Somatoforme Schmerzstörung - Gedanken zur Rechtsprechung und deren
Folgen für die Praxis, insbesondere mit Blick auf die Rentenrevision, BJM 2007
p. 169 ss, 202), la doctrine reprend les conditions développées par la
jurisprudence, mais exige au-delà de celles-ci une soigneuse pesée des intérêts
entre les intérêts de la collectivité à une application du droit conforme à
l'égalité de traitement et ceux des bénéficiaires de rentes au maintien des
prestations une fois accordées. Dans chaque cas particulier, il y aurait lieu
d'examiner si l'adaptation de la rente est conforme au principe de la
proportionnalité.

5.4 Les aspects liés à la sécurité du droit et - en cas d'adaptation au
détriment de l'assuré - à la confiance dans le maintien de prestations
étatiques une fois accordées peuvent entrer en conflit avec l'intérêt public à
une mise en oeuvre de l'assurance conforme au droit
BGE 135 V 215 S. 224
et objectivement justifiable. La résolution de ce conflit passe par une pesée
des intérêts concernés qui comprend un jugement de valeurs (ATF 115 V 308
consid. 4b p. 316). En fin de compte, la jurisprudence en matière de droit des
assurances sociales repose donc aussi sur une pesée des intérêts (dans ce sens
également, en rapport avec la jurisprudence sur la reconsidération, ANDRÉ
GRISEL, L'apport du Tribunal fédéral des assurances au développement du droit
public, in Mélanges Alexandre Berenstein, 1989, p. 437 ss, 449). Dès lors que
dans le droit des assurances sociales, un changement de jurisprudence concerne
souvent un grand nombre de cas, qui présentent en règle générale une
constellation semblable en ce qui concerne les conditions du droit aux
prestations, le principe de l'égalité de traitement des personnes touchées par
une éventuelle adaptation des rentes revêt une importance considérable. De ce
point de vue, il n'apparaît pas justifié de tenir compte dans chaque cas
particulier des effets individuels et concrets d'une adaptation. Ainsi, on ne
voit pas d'emblée pour quelle raison un assuré, qui, confiant dans le fait que
la rente est en cours, a loué un appartement plus cher (exemple donné par
SALADIN, op. cit., p. 130), ne devrait pas voir ses prestations réduites,
contrairement à un assuré plus économe. La constellation de départ "typique"
dans le droit des assurances sociales requiert au contraire une solution
uniforme pour l'ensemble des personnes concernées. A cet égard, en cas de
suppression ou de réduction de rentes, où en plus de l'aspect de la sécurité du
droit, celui de la confiance suscitée joue également un rôle, les éléments qui
parlent en faveur du maintien de la prestation prennent en règle générale le
pas sur l'égalité de traitement entre les bénéficiaires d'une rente et les
personnes qui viennent juste de requérir une telle prestation.
Pour justifier une adaptation, il ne suffit pas que la jurisprudence modifiée
ait une portée générale, puisque tel est régulièrement le cas lors des
changements de la jurisprudence fédérale dans le domaine de l'assurance
sociale. Si la condition de la portée générale devait être considérée comme
suffisante, l'application de la nouvelle jurisprudence à des prestations à
caractère durable ayant fait l'objet d'une décision entrée en force
constituerait la règle. Cette conséquence ne pourrait être justifiée du point
de vue matériel. Elle ne correspond pas non plus à la jurisprudence, qui a
souligné le caractère exceptionnel d'une telle adaptation. Pour justifier
celle-ci, en plus de la portée générale de la nouvelle jurisprudence, des
BGE 135 V 215 S. 225
éléments qualifiés doivent être réunis qui laisseraient apparaître la non-
application du changement de la pratique judiciaire à des prestations en cours
comme incompatible avec le principe de l'égalité de traitement. Un tel élément
existe lorsque l'ancienne jurisprudence ne trouve application qu'à un petit
nombre de personnes concernées, de sorte qu'elles apparaissent privilégiées (ou
discriminées), de même que si l'octroi de la prestation ne peut simplement plus
être justifié du point de vue de la nouvelle jurisprudence (consid. 5.2 supra).
Dans son résultat, cette jurisprudence correspond dans une large mesure à celle
des Cours de droit public, laquelle n'admet une intervention dans un rapport de
droit durable en raison d'un changement de jurisprudence que si des intérêts
publics prépondérants sont concernés (consid. 5.2). Il n'y a pas de raison de
changer la jurisprudence en matière de droit des assurances sociales.

6. Au regard des principes exposés, il reste à examiner si l'arrêt ATF 130 V
352 justifie de réduire ou de supprimer des rentes en cours, qui ont été
allouées par le passé à des assurés souffrant de troubles somatoformes
douloureux.

6.1

6.1.1 Le Tribunal fédéral des assurances s'est déjà prononcé dans l' ATF 102 V
165 sur l'effet invalidant d'une atteinte à la santé psychique. Comme il l'a
retenu à l'époque, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait
empêcher en faisant preuve de bonne volonté pour accomplir son travail dans une
mesure suffisante ne sont pas considérées comme déterminantes du point de vue
du droit de l'assurance-invalidité. La mesure de ce qui est nécessaire
(respectivement exigible) doit cependant être déterminée aussi objectivement
que possible. Il faut donc établir si et dans quelle mesure un assuré peut,
malgré son atteinte à la santé psychique, exercer une activité que le marché du
travail lui offre, compte tenu de ses aptitudes. Le point déterminant est ici
de savoir quelle activité peut raisonnablement être exigée dans son cas. Pour
admettre l'existence d'une incapacité de gain causée par une atteinte à la
santé psychique, il n'est donc pas décisif que l'assuré exerce une activité
lucrative insuffisante; il faut bien plutôt se demander s'il y a lieu
d'admettre que la mise à profit de sa capacité de travail ne peut,
pratiquement, plus être raisonnablement exigée de lui, ou - comme condition
alternative - qu'elle est même insupportable pour la société (ATF 102 V 165 p.
166 s.).
BGE 135 V 215 S. 226

6.1.2 Au cours d'une évolution débutée dans les années nonante, les troubles
somatoformes douloureux ont nettement pris de l'importance (cf. KOPP/WILLI/
KLIPSTEIN, Im Graubereich zwischen Körper, Psyche und sozialen Schwierigkeiten,
Journal suisse de médecine 1997, p. 1380 ss, 1380 s.; PETER ROSATTI, De la
sinistrose aux troubles somatoformes, in L'expertise médicale, 2002, p. 81 ss,
86). En tant que tel, le diagnostic correspondant - en particulier aussi celui
de syndrome douloureux somatoforme persistant (CIM-10: F45.4) - ne dit rien
encore quant à la capacité de travail de l'assuré (cf. ATF 130 V 396 consid.
6.2.3 p. 402 et les références). La doctrine psychiatrique en Allemagne a
toutefois développé des critères pour poser un pronostic (KLAUS FOERSTER,
Begutachtung und Erwerbsfähigkeit bei Patienten mit psychogenen Störungen, RSAS
1996 p. 486 ss, 498) et évaluer l'exigibilité de l'exercice d'une activité
lucrative (FOERSTER, Psychiatrische Begutachtung im Sozialrecht, in
Psychiatrische Begutachtung, Venzlaff/Foerster [éd.], 3^e éd., Munich 2000, p.
509, 511; cf. aussi KOPP/WILLI/KLIPSTEIN, op. cit., p. 1434 s., avec référence
à l'étude fondamentale de WINCKLER et FOERSTER). La doctrine a introduit ces
critères en droit suisse (HANS-JAKOB MOSIMANN, Somatoforme Störungen: Gerichte
und [psychiatrische] Gutachten, RSAS 1999 p. 1 ss et 105 ss) et le Tribunal
fédéral des assurances les a repris par la suite (arrêt I 554/98 du 19 janvier
2000, dont des extraits ont été publiés in VSI 2000 p. 152 [consid. 2c p. 154
s.]). Cette jurisprudence, qui ne constitue pas un revirement de fond quant aux
principes posés dans l' ATF 102 V 165, mais une application de ceux-ci au
diagnostic de "troubles somatoformes douloureux", a également été reprise par
la pratique administrative. Dans la Lettre circulaire AI n° 180 du 27 mai 2003
(n. 1018 de la Circulaire concernant l'invalidité et l'impotence de
l'assurance-invalidité [CIIAI], valable à partir du 1^er juillet 2003), l'OFAS
a indiqué que: "les 'douleurs somatoformes', en particulier, n'ont pas de
conséquences pour la capacité de travail si elles ne s'accompagnent pas d'une
comorbidité psychiatrique; dans ces cas, on peut donc raisonnablement exiger un
effort de volonté pour utiliser la capacité de travail. Le plus important est
d'apprécier, sur la base de constatations objectives, si l'incapacité de
travail de la personne assurée est totale ou partielle".

6.1.3 Dans l'arrêt ATF 130 V 352 rendu le 12 mars 2004, le Tribunal fédéral des
assurances a également repris les "critères de Foerster" (en se référant à
MEYER-BLASER, Arbeitsunfähigkeit [Art. 6
BGE 135 V 215 S. 227
ATSG], in Schmerz und Arbeitsunfähigkeit, 2003, p. 27 ss, 80 ss), mais en a
décrit plus précisément la signification et l'application pour l'évaluation du
droit à des prestations de l'assurance-invalidité (cf. en particulier ATF 130 V
352 consid. 2.2.3 p. 354 s.). En particulier, les médecins chargés d'une
expertise et les organes d'application du droit ont été invités à examiner la
capacité de travail dans chaque cas individuel au regard de critères
déterminés, afin de garantir une appréciation de la capacité de travail plus
uniforme et, de ce fait, plus conforme au principe de l'égalité de traitement.
Le regeste publié au Recueil officiel mentionne une précision de la
jurisprudence (ATF 130 V 352). Le point de savoir s'il s'agit effectivement
d'une précision de la jurisprudence ou d'un changement de celle-ci n'a pas à
être résolu, dès lors que l'une ou l'autre qualification n'a pas d'influence
sur le résultat.

6.2

6.2.1 Comme il ressort de l'exposé de jurisprudence ci-dessus, l'arrêt ATF 130
V 352 n'a pas modifié la situation juridique en ce sens qu'une rente était
d'emblée allouée par le passé en cas de diagnostic de troubles somatoformes
douloureux, alors que cela serait désormais exclu. Dans le cas qu'elle avait à
juger, l'instance précédente alors compétente avait nié le caractère invalidant
des troubles somatoformes douloureux (en se fondant sur la jurisprudence
antérieure), de même que les tribunaux cantonaux dans les arrêts ultérieurs
publiés (ATF 130 V 396 et ATF 131 V 49). Le diagnostic de troubles somatoformes
douloureux pouvait conduire - avant comme après l'arrêt ATF 130 V 352 - tant à
l'admission qu'au rejet du droit à la rente. L'octroi de rentes dans le passé
n'apparaît dès lors ni contraire au droit, ni inapproprié ou encore choquant
dans la perspective actuelle. Aussi, une adaptation des rentes en cours ne se
justifie-t-elle pas du point de vue de la mise en oeuvre de l'assurance
conforme au droit et objectivement justifiable (cf. ATF 115 V 308 consid. 4b p.
316).

6.2.2 Sous l'angle du principe de l'égalité de traitement (art. 8 al. 1 Cst.),
une adaptation par le juge s'impose en particulier lorsque les décisions
fondées sur l'ancienne jurisprudence ne valent plus que pour un petit nombre
d'assurés (ATF 129 V 200 consid. 1.2 p. 202; ATF 120 V 128 consid. 3c p. 132;
ATF 119 V 410 consid. 3b p. 413; SVR 2001 ALV n° 4 p. 10, C 222/99 consid. 3b).
Tel n'est pas le cas ici: au regard du fait que le diagnostic de "troubles
somatoformes douloureux" a pris une nette importance depuis le début des années
BGE 135 V 215 S. 228
nonante (consid. 6.1.2 supra), la question de l'adaptation se poserait pour un
grand nombre de rentes en cours. En raison du principe de l'égalité de
traitement, l'administration serait tenue de soumettre tous les cas de ce genre
à un examen, qui ne pourrait se limiter du point de vue de son contenu à
certains aspects limités, mais devrait porter dans chaque cas particulier sur
les critères nuancés dégagés dans l' ATF 130 V 352. Par ailleurs, dans
l'appréciation de l'exigibilité, il y aurait lieu de tenir compte de façon
appropriée du fait que l'intéressé a bénéficié jusque là d'une rente de manière
conforme au droit et de la situation qui en est résultée. A cet égard, la
doctrine exige que soit effectuée une soigneuse pesée des intérêts, sur la base
de laquelle il y aurait lieu d'examiner si une adaptation dans le cas concret
apparaît conforme au principe de la proportionnalité (BRUNNER/BIRKHÄUSER, op.
cit., p. 202). La discussion porte donc sur l'appréciation d'un grand nombre de
cas, qui supposent un examen étendu et dont le résultat est incertain. Dans ces
circonstances, les conditions strictes, exposées ci-avant (consid. 5.4 supra),
de l'application par le juge d'un changement de jurisprudence à des prestations
en cours
BGE 135 V 215 S. 229
qui ont fait l'objet d'une décision entrée en force ne sont pas réalisées. Cela
vaut d'autant plus qu'au vu du principe de "la réadaptation avant la rente", se
pose de surcroît la question de savoir si une éventuelle suppression de la
rente ne devrait pas être assortie d'un programme étendu en vue de la
réadaptation de la personne concernée. Dans une telle constellation, il
appartiendrait au législateur de prévoir l'examen et, le cas échéant,
l'adaptation des rentes en cours - y compris les éventuelles mesures
d'accompagnement - et d'en déterminer les conditions, s'il le jugeait
approprié.

6.3 En résumé, il découle de ce qui précède que la jurisprudence exposée à l'
ATF 130 V 352 ne constitue pas un motif suffisant pour révoquer, au titre d'une
adaptation à un changement des fondements juridiques, des rentes qui ont été
allouées à une époque antérieure par des décisions entrées en force formelle
(voir également, l' ATF 135 V 201).

7. Au regard de la date de la décision litigieuse (du 27 février 2008), il
reste encore à examiner la question - laissée ouverte dans l' ATF 135 V 201 -
de savoir si le nouvel al. 2 de l'art. 7 LPGA, entré en vigueur au 1^er janvier
2008, justifie une adaptation de la demi-rente en cours de la recourante. Il
s'agit donc de voir si l'art. 7 al. 2 LPGA constitue un titre juridique pour
modifier des rentes en coursqui ont fait l'objet d'une décision entrée en
force; cette question de droit, dont le Tribunal fédéral peut traiter d'office
(art. 106 al. 1 LTF), est soumise à son libre pouvoir d'examen.

7.1 Selon l'art. 7 al. 2 LPGA, seules les conséquences de l'atteinte à la santé
sont prises en compte pour juger de la présence d'une incapacité de gain (1^re
phrase). De plus, il n'y a incapacité de gain que si celle-ci n'est pas
objectivement surmontable (2^e phrase). Pour l'interprétation de cette nouvelle
disposition, il y a lieu d'appliquer les principes reconnus par la
jurisprudence constante en la matière. D'après celle-ci, la loi s'interprète en
premier lieu selon sa lettre. Il n'y a lieu de déroger au sens littéral d'un
texte clair par voie d'interprétation que lorsque des raisons objectives
permettent de penser que ce texte ne restitue pas le sens véritable de la
disposition en cause. Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs
interprétations de celui-ci sont possibles, il convient de rechercher quelle
est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à
considérer, soit notamment des travaux préparatoires, du but de la règle, de
son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose ou encore de sa
relation avec d'autres dispositions légales. Le Tribunal fédéral ne privilégie
aucune méthode d'interprétation, mais s'inspire d'un pluralisme pragmatique
pour rechercher le sens véritable de la norme; en particulier, il ne se fonde
sur la compréhension littérale du texte que s'il en découle sans ambiguïté une
solution matériellement juste (ATF 134 I 184 consid. 5.1 p. 193; ATF 134 V 1
consid. 7.2 p. 5; ATF 133 III 497 consid. 4.1 p. 499).

7.2 En ce qu'elle prévoit qu'il ne peut y avoir incapacité de gain que si
celle-ci n'est pas objectivement surmontable, la seconde phrase de l'art. 7 al.
2 LPGA inscrit dans la loi un principe exprimé de longue date par la
jurisprudence quant au caractère objectif de l'appréciation de ce qui peut
encore être exigé de la personne assurée pour surmonter les limitations de sa
capacité de gain entraînées par son atteinte à la santé. En d'autres termes,
pour établir si on peut raisonnablement exiger de l'assuré qu'il surmonte par
ses propres efforts les répercussions négatives de ses problèmes de santé et
exerce une activité lucrative et, partant, réalise un revenu, il faut se placer
d'un point de vue objectif. L'élément déterminant n'est donc pas la perception
subjective de l'intéressé, mais de savoir si on peut objectivement attendre de
lui qu'il surmonte ses limitations et exerce une activité lucrative en dépit de
ses problèmes de santé.
BGE 135 V 215 S. 230
Cet élément - le caractère objectif de l'appréciation de l'exigibilité - a été
formulé à diverses reprises et de manière constante par la jurisprudence.
Ainsi, dans un ATFA 1964 p. 153 (arrêt du 25 août 1964) concernant un cas dans
lequel le diagnostic de "névrose" avait été posé, le Tribunal fédéral des
assurances a jugé que l'assurée aurait pu surmonter sa résistance névrotique à
reprendre une activité si elle avait mis à profit l'effort de volonté
nécessaire et objectivement exigible. Dans l' ATF 102 V 165 (du 11 octobre
1976, déjà cité [consid. 6.1.1 supra]), il a également indiqué que la mesure de
ce qui est exigible de l'assuré (afin qu'il empêche les diminutions de la
capacité de gain en faisant preuve de bonne volonté) doit être déterminée aussi
objectivement que possible. Ce principe a également été repris dans l' ATF 127
V 294, où le Tribunal fédéral a rappelé que ce qui est déterminant, c'est le
point de savoir si, et le cas échéant, dans quelle mesure, la mise à profit de
sa capacité de travail, compte tenu de ses aptitudes et d'un marché du travail
équilibré, peut être raisonnablement exigée de l'assuré ou est supportable pour
la société, cet examen devant être effectué de manière aussi objective que
possible ("nach einem weit gehend objektivierten Massstab zu erfolgende
Beurteilung"; consid. 4c p. 298). Appliquant ce principe au diagnostic de
"troubles somatoformes douloureux", le Tribunal fédéral a précisé qu'il est
déterminant d'établir de manière objective si l'assuré présente un état
douloureux d'une gravité telle - eu égard aux critères déterminants (consid.
6.1.2 supra) - que la mise en valeur de sa capacité de travail sur le marché du
travail ne peut plus du tout ou seulement partiellement être exigible de lui,
compte tenu de sa constitution psychique (ATF 130 V 352 consid. 2.2.4 p. 355,
déjà cité).

7.3 En exprimant l'exigence du caractère objectif de l'examen de ce qui peut
(encore) être exigé de la personne assurée, l'art. 7 al. 2 LPGA n'a pas modifié
la notion d'incapacité de gain, mais inscrit dans la loi un aspect étroitement
lié à celle-ci dont la portée avait déjà été mise en évidence par la
jurisprudence sous l'empire du droit en vigueur jusqu'au 31 décembre 2007
(KIESER, ATSG-Kommentar, 2^e éd. 2009, n° 31 ss ad art. 7 al. 2 LPGA).
Dans la mesure où les explications du Conseil fédéral relatives à cette
disposition laissent entendre le contraire (Message du 22 juin 2005 concernant
la modification de la loi fédérale sur l'assurance-invalidité [5^e révision de
l'AI], FF 2005 4215 ss, 4288, ch. 1.6.1.5.4), en parlant d'une "définition plus
étroite, opérée par le législateur, de
BGE 135 V 215 S. 231
la notion d'invalidité", elles ne sont pas déterminantes. D'abord, elles sont
contredites par d'autres déclarations du Conseil fédéral, selon lesquelles les
modifications proposées (de l'art. 7 LPGA) permettent d'inscrire dans le texte
de la loi des principes juridiques essentiels, notamment la jurisprudence
relative au principe de l'exigibilité (FF 2005 4287, ch. 1.6.1.5.4). Elles
n'ont, par ailleurs, pas trouvé leur expression en droit positif, dans le texte
légal, ce qui est cependant une condition pour qu'on puisse y voir des éléments
d'interprétation historique (ATF 114 V 239 consid. 8a p. 250).
L'art. 7 al. 2 LPGA ne correspond donc pas à une modification du droit en tant
que telle, mais à l'inscription dans la loi de la jurisprudence dégagée
jusqu'alors sur la notion d'invalidité (voir aussi, THOMas LocHER, Invalidität,
Invaliditätsgrad und Entstehung des Rentenanspruchs nach dem Entwurf zur 5.
IV-Revision, in Medizin und Sozialversicherung im Gespräch, 2006, p. 273 ss,
293). Par conséquent, cette disposition ne peut pas être considérée comme un
fondement légal pour modifier des rentes qui ont fait l'objet d'une décision
entrée en force.

7.4 On ajoutera que parle également en faveur d'une telle interprétation le
fait que l'introduction de l'art. 7 al. 2 LPGA au 1^er janvier 2008 n'a été
accompagnée d'aucune mesure ou disposition transitoire prévue par le
législateur ou l'administration. Au regard des effets qu'aurait entraînés une
norme permettant la limitation ou la suppression de rentes d'invalidité en
cours tant pour les personnes concernées que pour l'administration - laquelle
aurait été confrontée à une mise en oeuvre complexe (par exemple quant au choix
des dossiers, l'appréciation des évaluations médicales, l'examen de la
situation économique et les questions de réadaptation) -, l'absence de toute
mesure d'accompagnement constitue un indice important de l'intention du
législateur de ne pas intervenir sur des prestations en cours.