Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 135 IV 212



Urteilskopf

135 IV 212

31. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public dans la cause A. contre
Service pénitentiaire du canton de Vaud (recours en matière pénale)
1B_217/2009 du 17 septembre 2009

Regeste

Art. 14 EAUe, Art. 38 Abs. 2 IRSG; Spezialitätsprinzip, Schonfrist.
Eine an die Schweiz ausgelieferte Person muss die Vollstreckung von
Strafurteilen, für welche die Auslieferung nicht bewilligt wurde, nicht über
sich ergehen lassen, ohne vorher über die Konsequenzen des Ablaufs der
Schonfrist informiert worden zu sein (E. 2 und 3).

Sachverhalt ab Seite 213

BGE 135 IV 212 S. 213
A., ressortissant français, a été extradé de Belgique en Suisse au mois de juin
2007, pour l'exécution d'un jugement rendu par défaut en décembre 2003 et pour
les besoins de trois instructions pénales en cours. L'extradition a été refusée
pour l'exécution de deux jugements rendus en 1994 et 1999, car les deux peines
étaient prescrites en droit belge.
Par jugement du 19 novembre 2008, A. a été condamné à Lausanne à une peine de
34 mois de détention, sous déduction de 808 jours de détention préventive. Le
27 janvier 2009, le Juge d'application des peines du canton de Vaud (ci-après:
le JAP) lui a accordé la libération conditionnelle.
Le 25 avril 2009, A. a été arrêté à l'Aéroport de Zurich, au retour d'un voyage
en Russie et aux Etats-Unis, sur la base d'un signalement RIPOL réactivé par
les autorités bernoises en vue de l'exécution de la condamnation prononcée en
1994. Berne ayant délégué l'exécution de cette condamnation aux autorités
vaudoises, ces dernières ont repris à leur charge l'exécution des condamnations
de 1994 et 1999.
A. a formé une demande de libération conditionnelle.
Par arrêt du 25 juin 2009, le JAP a traité cette demande comme un recours
contre l'arrestation et la mise à exécution des deux condamnations de 1994 et
1999, et l'a rejeté. La réserve de la spécialité, posée par la Belgique lors de
l'extradition, était tombée en vertu des art. 14 par. 1 CEExtr et 38 al. 2 let.
b EIMP, l'intéressé étant resté en Suisse à l'issue du délai de répit. Il
n'avait certes pas été informé des conséquences de l'expiration de ce délai.
Toutefois, en vertu de la primauté du droit international, la CEExtr devait
prévaloir sur le droit national lorsque ce dernier n'avait pas pour but de
favoriser la coopération internationale. Or, l'art. 14 CEExtr n'exigeait pas
que l'intéressé ait été informé des conséquences de la poursuite de son séjour
en Suisse.
A. forme un recours auprès du Tribunal fédéral, tendant en substance à sa mise
en liberté.
Le Tribunal fédéral a admis le recours.
(résumé)

Auszug aus den Erwägungen:

Extrait des considérants:

2. Le recourant soutient que l'art. 38 al. 2 de la loi fédérale du 20 mars 1981
sur l'entraide internationale en matière pénale (EIMP;
BGE 135 IV 212 S. 214
RS 351.1), qui exige que l'intéressé soit rendu attentif aux conséquences de
l'écoulement du délai de répit, devrait prévaloir sur la disposition de l'art.
14 de la Convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 (RS 0.353.1;
ci-après: CEExtr) qui n'exige pas une telle information. En l'occurrence, le
recourant n'a pas été informé des conséquences d'une prolongation de séjour ou
d'un retour en Suisse. Il soutient par ailleurs que sa libération
conditionnelle, assortie d'une probation, ne serait pas assimilable à un
élargissement définitif au sens de la CEExtr.

2.1 La règle de la spécialité est un principe général du droit extraditionnel
(ROBERT ZIMMERMANN, La coopération judiciaire internationale en matière pénale,
3^e éd. 2009, p. 689-690). Elle est notamment exprimée à l'art. 14 CEExtr,
selon lequel l'individu extradé ne peut pas être détenu en vue de l'exécution
d'une peine pour un fait antérieur à la remise et différent de celui qui a
motivé l'extradition.
Le principe de la spécialité tend d'une part à la protection de la souveraineté
de l'Etat requis, en permettant à ce dernier de définir précisément le cadre de
sa collaboration et de fixer des conditions quant à la poursuite de la personne
extradée, en tenant compte des spécificités de son propre droit. Il constitue
d'autre part une garantie en faveur de la personne extradée (ATF 123 IV 42
consid. 3b p. 47; BERTRAND REEB, La raison d'État dans l'entraide
internationale en matière pénale, in Du Monde pénal, Mélanges en l'honneur de
Pierre-Henri Bolle, 2006, p. 235 ss, 236-237). Ce dernier aspect ressort
clairement du fait que la personne extradée peut, aux conditions de l'art. 14
par. 1 let. b CEExtr, renoncer à cette protection, sans que la Partie qui l'a
livrée n'ait à y consentir. Selon cette disposition en effet, l'extradé perd le
bénéfice de la spécialité "lorsqu'ayant eu la possibilité de le faire, [il] n'a
pas quitté dans les 45 jours qui suivent son élargissement définitif, le
territoire de la Partie à laquelle il a été livré ou s'il y est retourné après
l'avoir quitté". L'idée en est que la protection accordée à l'extradé contre
des poursuites ou une exécution de peine pour des faits antérieurs à
l'extradition ne doit pas durer indéfiniment (ATF 81 IV 285 consid. II/1b p.
291; arrêt 6S.299/1997 du 25 novembre 1998). On peut par ailleurs présumer que
celui qui accepte, sans contrainte aucune, de demeurer à disposition des
autorités de répression ou d'exécution de l'Etat où il se trouve, accepte aussi
les conséquences de ce comportement et se soumet ainsi à la juridiction
territoriale de cet Etat (ATF 118 Ib 462 consid. 2a p. 465-466).
BGE 135 IV 212 S. 215
En droit interne, l'art. 38 EIMP rappelle le principe de la spécialité, dans
des termes analogues à ceux de l'art. 14 CEExtr. Il prévoit également un délai
de répit de 45 jours au terme duquel le principe de la spécialité n'est plus
opposable. Toutefois, l'art. 38 al. 2 let. b ch. 1 EIMP précise que la personne
extradée doit préalablement "avoir été instruite des conséquences".

2.2 L'autorité intimée a considéré qu'en raison de la primauté du traité sur le
droit interne, principe largement appliqué en matière d'entraide
internationale, l'information préalable, non exigée à l'art. 14 CEExtr, n'était
pas nécessaire pour faire courir le délai de répit. Dans la mesure où il ne
favorisait pas la coopération internationale, l'art. 38 al. 2 EIMP n'était pas
applicable.

2.3 La jurisprudence a rappelé à de nombreuses reprises qu'en présence d'un
traité d'entraide judiciaire ou d'extradition destiné à favoriser la
coopération internationale, il y a lieu en principe d'appliquer les
dispositions qui permettent d'accorder l'entraide ou l'extradition aux
conditions les plus favorables (ATF 125 II 569 consid. 10a p. 582; ATF 123 II
134 consid. 1a p. 136; ATF 122 II 485 consid. 3b p. 487, ATF 122 II 140 consid.
2 p. 142; ATF 120 Ib 189 consid. 2b p. 191-192). On peut y voir la consécration
du principe dit "de faveur" (Günstigkeitsprinzip), tiré directement de la norme
internationale lorsque le traité contient une telle réserve expresse ou dans la
mesure où le traité tend à l'obtention d'une coopération "la plus large
possible" (ATF 122 II 140 consid. 2 p. 142; ZIMMERMANN, op. cit., p. 224 ss).
La jurisprudence rappelle en outre régulièrement que l'application de la norme
la plus favorable doit avoir lieu dans le respect des droits fondamentaux (ATF
123 II 595 consid. 7c p. 617).

2.4 En l'occurrence, l'autorité intimée méconnaît que la collaboration
internationale a pris fin avec l'acceptation par la Belgique, le 15 juin 2007,
de la demande d'extradition, et par la remise du recourant à la Suisse le 7
août 2008. Après la libération conditionnelle du recourant, la décision de le
remettre en détention pour l'exécution des condamnations prononcées en 1994 et
1999 ne constitue nullement un acte d'entraide. Au contraire, cette décision va
à l'encontre de la volonté exprimée par l'Etat requis, puisque celui-ci a
expressément refusé l'exécution des deux peines prescrites selon le droit
belge. Dans un tel cas, l'autorité intimée ne pouvait se limiter à
l'application du droit conventionnel en faisant abstraction des droits
fondamentaux de la personne intéressée et en ignorant les
BGE 135 IV 212 S. 216
conditions posées par le droit interne pour une mise à exécution des peines
prononcées en Suisse.

2.5 L'OFJ soutient que l'art. 38 EIMP ne s'appliquerait qu'aux extraditions
accordées par la Suisse. Cette opinion ne peut être suivie. L'EIMP régit
l'ensemble des procédures relatives à la coopération internationale en matière
pénale (cf. art. 1 al. 1 EIMP), y compris les demandes formées par les
autorités suisses auprès d'un Etat étranger (cf. art. 30 al. 1 EIMP). En
l'absence d'autres dispositions précisant la portée, pour les autorités
suisses, du principe de la spécialité attaché à une extradition, l'art. 38 EIMP
doit trouver à s'appliquer à tout le moins en tant que principe général.

2.6 Il en découle que le recourant devait, conformément à l'art. 38 al. 2 let.
b ch. 1 EIMP, être instruit des conséquences encourues en cas de maintien de
son séjour en Suisse (cf. ATF 118 Ib 462 consid. 2a p. 466, qui évoque ce
devoir d'information, indépendamment de la teneur du droit conventionnel).
Cette obligation découle également du principe de la bonne foi (art. 5 al. 3
Cst.), érigé en droit fondamental à l'art. 9 Cst.

2.7 Selon l'arrêt attaqué, il ressort clairement du dossier que les autorités
d'exécution n'ont pas informé le recourant, lors de sa mise en liberté
conditionnelle, de la teneur de l'art. 38 al. 2 EIMP et de ses conséquences. La
décision d'extradition du Ministère belge de la Justice faisait clairement
référence au principe de la spécialité, en rappelant que l'extradition n'était
pas accordée pour les condamnations prononcées en 1994 et 1999. Cette décision
ne fait en revanche aucune allusion au délai de répit. Le recourant a certes
été informé, au mois de février 2009, du fait qu'il n'était pas autorisé à
demeurer en Suisse en raison de l'interdiction d'entrée prononcée en l'an 2000.
La probation a été suspendue pour cette raison. Le recourant a encore été rendu
attentif, le 8 avril 2009, au fait qu'en demeurant en Suisse, il s'exposait à
de nouvelles sanctions ainsi qu'à la révocation de sa libération
conditionnelle. Ces communications n'équivalent toutefois pas à une information
sur les conséquences juridiques liées à son séjour ou son retour en Suisse, du
point de vue de son statut extraditionnel. Il en résulte que si le recourant
est resté, respectivement est revenu sur le territoire suisse après sa mise en
liberté, on ne peut présumer qu'il aurait ainsi accepté en toute connaissance
de cause de se soumettre à la juridiction suisse. Contrairement à ce que
soutient l'OFJ, la situation n'est pas
BGE 135 IV 212 S. 217
différente suivant que l'intéressé demeure en Suisse ou y retourne à l'échéance
du délai de répit.

3. Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être admis. Dans un tel cas, le
Tribunal fédéral peut statuer lui-même sur le fond ou renvoyer la cause à
l'autorité précédente ou à celle qui a statué en première instance (art. 107
al. 2 LTF). En l'espèce, il apparaît que le principe de spécialité fait
toujours échec à l'exécution des peines prononcées en 1994 et 1999, les
conditions posées à l'art. 38 al. 2 let. a et b EIMP n'étant pas réunies.
L'ordre d'exécution de ces peines doit par conséquent être annulé, et la cause
renvoyée à l'autorité intimée afin qu'elle ordonne la mise en liberté immédiate
du recourant, s'il n'existe pas d'autre titre de détention. (...)