Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 135 II 86



Urteilskopf

135 II 86

9. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public dans la cause X. SA contre
Administration fiscale cantonale genevoise, Administration fédérale des
contributions et Commission cantonale de recours de l'impôt fédéral direct du
canton de Genève (recours en matière de droit public)
2C_664/2008 du 4 février 2009

Regeste

Art. 58, 175 und 181 DBG; Festsetzung der einer juristischen Person auferlegten
Busse wegen Steuerhinterziehung. Wenn eine Aktiengesellschaft auf ihrem
Betriebskonto betriebsfremden Aufwand verbucht, verringert sie
unberechtigterweise ihre Steuerbelastung (E. 3). Art. 181 DBG setzt voraus,
dass ein Organ vorsätzlich oder fahrlässig handelt (E. 4.1 und 4.2). Der
Begriff der Fahrlässigkeit in Art. 175 DBG ist identisch mit demjenigen in Art.
12 StGB (E. 4.3). Die der juristischen Person auferlegte Busse wegen
Steuerhinterziehung wird bemessen nach der Höhe des Verschuldens der Organe und
entsprechend der wirtschaftlichen Situation der juristischen Person, zu deren
Gunsten die Hinterziehung stattgefunden hat (E. 4.4).

Sachverhalt ab Seite 87

BGE 135 II 86 S. 87
X. SA ayant fait figurer à tort des commissions versées à des tiers à
l'étranger dans ses charges d'exploitation, l'Administration fiscale du canton
de Genève a, par décisions des 14 et 15 décembre 2004, procédé à un rappel
d'impôt fédéral direct pour les années 1998 et 1999 d'un montant de 6'298 fr.
50 (plus intérêts de 1'364 fr. 40) et de 72'403 fr. (plus intérêts de 11'509
fr. 05) et fixé la reprise de l'impôt cantonal et communal pour l'année 1999 à
40'095 fr. 10 (plus intérêts de 6'586 fr. 75). Deux amendes pour soustraction
fiscale par négligence à concurrence de la moitié des impôts soustraits ont été
infligées à X. SA, soit 39'350 fr. pour l'impôt fédéral direct de 1998 et 1999
et 20'047 fr. pour l'impôt cantonal et communal 1999.
X. SA a interjeté une réclamation contre les décisions du 14 et du 15 décembre
2004. L'Administration fiscale cantonale a statué sur la réclamation et rendu
deux décisions sur réclamation, notamment celle du 22 septembre 2005, par
laquelle elle a rejeté la réclamation relative à l'impôt fédéral direct. X. SA
a recouru contre la décision du 22 septembre 2005 auprès de la Commission
cantonale de l'impôt fédéral direct. Elle a conclu à son annulation. Par
décision du 26 septembre 2007, la Commission cantonale a rejeté le recours. X.
SA a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif du canton
de Genève, concluant à son annulation.
Le Tribunal administratif a entendu le directeur général de X. SA, Z. Ce
dernier a décrit les opérations effectuées par X. SA ainsi que ses relations
d'affaires.
Par arrêt du 29 juillet 2008, le Tribunal administratif a rejeté le recours.
Les éléments objectifs et subjectifs de la soustraction fiscale
BGE 135 II 86 S. 88
étaient réalisés et le montant de l'amende n'apparaissait pas disproportionné
eu égard à la faute commise par la société.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, X. SA a recouru
auprès du Tribunal fédéral qui a admis le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

Extrait des considérants:

3. La recourante soutient en premier lieu que les versements litigieux,
comptabilisés comme charges d'exploitation, ne contreviennent pas au droit
comptable, à tout le moins pas de manière flagrante. Elle conteste par
conséquent avoir violé une obligation légale.

3.1 D'après l'art. 58 al. 1 let. a LIFD (SR 642.11), le bénéfice net imposable
comprend le solde du compte de résultats, compte tenu du solde reporté de
l'exercice précédent. Il s'ensuit que le bénéfice imposable est, sous réserve
des règles correctrices prévues notamment par l'art. 58 al. 1 let. b et c LIFD,
celui qui ressort de la comptabilité commerciale, dont le contenu, pour autant
qu'il soit conforme au droit commercial, est contraignant pour l'autorité
fiscale en vertu du principe de l'autorité du bilan commercial, si bien qu'une
soustraction est commise dès qu'il y a irrégularité dans la comptabilité. Il y
a violation des règles de droit commercial prévues aux art. 957 ss CO (ainsi
qu'aux art. 662 ss CO pour les sociétés anonymes), notamment du principe de
sincérité de l'art. 959 CO, lorsque la société comptabilise une charge
étrangère à son activité (ROBERT DANON, Commentaire de la loi sur l'impôt
fédéral direct, 2008, n° 169 ad art. 57-58 LIFD, qui précise à ce sujet qu'il
s'agit d'une violation "flagrante"; HENRI TORRIONE, Les infractions fiscales en
matière d'impôts directs et dans le domaine de l'impôt anticipé, des droits de
timbre et de la TVA, in Les procédures en droit fiscal, 2^e éd. 2005, p. 907
ss, 1015 ss).

3.2 En l'espèce, le Tribunal administratif a constaté que la recourante a
comptabilisé comme charges des rétrocessions d'honoraires à des personnes
physiques différentes des sociétés avec lesquelles elle était en relation
contractuelle. La recourante se borne à rappeler que les versements en cause
avaient été effectués en faveur des personnes physiques qui représentaient les
sociétés mandantes auxquelles elle avait fourni ses services, sans présenter
d'autres éléments qui permettraient de juger du caractère commercialement
justifié de tels versements.
BGE 135 II 86 S. 89
Dans ces conditions, le Tribunal administratif pouvait juger, sans violer les
art. 58 al. 1 let. a et 175 LIFD, que la recourante avait violé une disposition
de droit commercial qui interdit de comptabiliser à charge du compte
d'exploitation des charges étrangères à l'activité de la société et constater
que l'élément objectif d'une soustraction fiscale était réalisé. Mal fondé, ce
grief est rejeté.
Pour le surplus, en comptabilisant dans le compte d'exploitation des charges
étrangères à son activité, la recourante a indûment diminué sa charge fiscale.
Les taxations d'impôt fédéral direct 1998 et 1999 sont entrées en force
incomplètes, ce qu'elle ne conteste pas.

4. La recourante reproche au Tribunal administratif d'avoir retenu à sa charge
une imprévoyance coupable sans décrire la situation personnelle de ses organes,
notamment de son directeur, dont il n'a par conséquent, selon elle, pas établi
la négligence. Ce faisant, la recourante se plaint, au moins implicitement,
d'une violation de l'art. 181 LIFD. Dans la mesure où elle est d'avis que le
Tribunal a violé les règles relatives à la preuve dont le fardeau incombait à
l'Administration fiscale cantonale, son grief se confond avec celui de la
violation des art. 175 et 181 LIFD.

4.1 D'après l'art. 181 al. 1 LIFD, lorsque des obligations de procédure ont été
violées ou qu'une soustraction ou une tentative de soustraction d'impôt a été
commise au profit d'une personne morale, celle-ci est punie d'une amende. Cette
disposition est seule applicable à l'exclusion des art. 102 s. CP (dans leur
teneur depuis le 1^er janvier 2007, pas applicables ici), lorsque, comme en
l'espèce, il ne s'agit pas de sanctionner un crime ou un délit, mais uniquement
une soustraction d'impôt fédéral direct. Il s'agit d'une disposition
particulière au sens de l'art. 333 al. 1 CP (ROMAN SIEBER, in Kommentar zum
schweizerischen Steuerrecht, vol. I/2b, Bundesgesetz über die direkte
Bundessteuer [DBG], Zweifel/Athanas [éd.], 2^e éd. 2008, n° 1 ad art. 181
LIFD).

4.2 Contrairement à l'art. 130 al. 4 de l'arrêté du Conseil fédéral du 9
décembre 1940 concernant la perception d'un impôt fédéral direct, qui imputait
le comportement des organes à la personne morale (arrêts du Tribunal fédéral
2A.44/1992 du 30 septembre 1992, in Archives 62 p. 668 ss; A.76/1986 du 12
décembre 1986, in Archives 57 p. 277), la lettre de l'art. 181 LIFD ne prévoit
pas que la responsabilité pénale de la personne morale dépend d'une faute de
ses organes. C'est ce qui ressort du Message du Conseil fédéral
BGE 135 II 86 S. 90
selon lequel "l'existence d'un acte contraire au droit doit suffire pour
sanctionner la personne morale", dans le but d'éviter de devoir identifier
parmi les nombreuses personnes qui agissent pour le compte de la personne
morale celle qui a effectivement commis une faute (Message du 25 mai 1983 sur
l'harmonisation fiscale, FF 1983 III 1 ss, 75 et 148). D'après le Message sur
l'harmonisation fiscale, l'art. 181 LIFD instituerait une responsabilité pénale
objective de la personne morale.
L'interprétation qui résulte du Message sur l'harmonisation fiscale entre en
conflit avec la présomption d'innocence garantie par l'art. 6 par. 2 de la
Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du
4 novembre 1950 (CEDH; RS 0.101) et par l'art. 32 al. 1 Cst., dont la personne
morale peut se prévaloir (cf. ESTHER TOPHINKE, Das Grundrecht der
Unschuldsvermutung, 2000, p. 143 s.; MOREILLON/GAUTHIER, La procédure
applicable à la répression des infractions fiscales: procédure administrative
ou procédure pénale, RDAF 1999 II 41 ss n° 41 p. 54 s.; SIEBER, op. cit., n° 5
ad art. 181 LIFD et les références citées). Elle ne trouve en outre aucun appui
dans la lettre de la disposition ni la systématique de la loi. En effet, pour
définir l'infraction de soustraction ou de tentative de soustraction et sa
sanction, l'art. 181 LIFD renvoie à l'art. 175 LIFD. Or, l'art. 175 al. 1 LIFD
conditionne la responsabilité pénale du contribuable à l'existence d'une faute
intentionnelle ou d'une négligence, par référence à l'art. 12 CP (jusqu'au 31
décembre 2006, l'art.18 CP), tandis que l'alinéa 3 précise que le montant de
l'amende est fonction de la faute commise et doit tenir compte des
circonstances prévues par les art. 47 ss CP (jusqu'au 31 décembre 2006, les
art. 48 ch. 2, 63 et 64 CP) en application de l'art. 333 al. 1 CP. Du moment
qu'aucune disposition de la loi sur l'impôt fédéral direct ne définit la faute
- par hypothèse commise par une personne morale - comme une carence dans son
organisation au sens de l'art. 102 CP (dans sa version applicable depuis le 1^
er janvier 2007; cf. en outre sur ces questions: DIANE MONTI, Les
contraventions fiscales en droit fiscal harmonisé, 2001, p. 198; ALAIN
MACALUSO, La responsabilité pénale des personnes morales et de l'entreprise,
2004, p. 61), la faute, dont le degré doit être pris en considération pour
fixer l'amende, reste définie comme le reproche d'avoir manqué aux exigences
morales du bien que ses facultés psychiques lui permettent de remplir
(MACALUSO, op. cit., p. 60 s. et les références). Dans cette mesure, en tant
qu'elle suppose des qualités psychiques dont sont
BGE 135 II 86 S. 91
dépourvues les personnes morales, la faute au sens des art. 175 et 181 LIFD ne
peut être qu'un attribut de la personne physique, en l'espèce d'un organe de la
personne morale, dont le comportement doit être imputé à celle-ci.
Cette conclusion rejoint l'opinion de la doctrine majoritaire qui considère que
l'imputation d'une contravention objective à la personne morale est contraire
au principe de la culpabilité qui s'applique largement en droit fiscal (cf.
TORRIONE, op. cit., p. 907 ss, p. 1024; MONTI, op. cit., p. 197; SANDRA LÜTOLF,
Strafbarkeit der juristischen Person, 1997, p. 230 s.; SIEBER, op cit., n° 5 ad
art. 181 LIFD; PIETRO SANSONETTI, Commentaire romand, Impôt fédéral direct,
2008, n° 10 ad art. 181 LIFD; RICHNER/FREI/KAUFMANN, Handkommentar zum DBG,
2003, n° 6 ad art. 181 LIFD et les références citées par ces auteurs; contra:
BLUMENSTEIN/LOCHER, System des schweizerischen Steuerrechts, 6^e éd. 2002, p.
368 s. et les références citées, qui admettent toutefois qu'il s'agit d'une
brèche dans le système du droit pénal, p. 370).

4.3 La notion de négligence de l'art. 175 LIFD est identique à celle de l'art.
12 CP (dans sa version applicable depuis le 1^er janvier 2008; RICHNER/FREI/
KAUFMANN, op. cit., n° 49 ad art. 175 LIFD) ainsi qu'à celle de l'art. 18 CP
(dans sa version applicable jusqu'au 31 décembre 2007, dont la portée est
semblable à l'ancienne version: arrêt du Tribunal fédéral 6B_227/2007 du 5
octobre 2007 consid. 5): commet un crime ou un délit par négligence quiconque,
par une imprévoyance coupable, agit sans se rendre compte ou sans tenir compte
des conséquences de son acte. L'imprévoyance est coupable quand l'auteur n'a
pas usé des précautions commandées par les circonstances et par sa situation
personnelle, par quoi l'on entend sa formation, ses capacités intellectuelles
et son expérience professionnelle. Si le contribuable a des doutes sur ses
droits ou obligations, il doit faire en sorte de lever ce doute ou, au moins,
en informer l'autorité fiscale (RICHNER/FREI/KAUFMANN, op. cit., n^os 60 et 61
ad art. 175 LIFD et les références citées).

4.4 Selon l'art. 175 al. 2 LIFD, en règle générale, l'amende est fixée au
montant de l'impôt soustrait. Si la faute est légère, l'amende peut être
réduite jusqu'au tiers de ce montant; si la faute est grave, elle peut au plus
être triplée. La fixation de l'amende infligée à la personne morale pour
soustraction fiscale (art. 181 LIFD) doit par conséquent obéir aux critères qui
sont applicables au degré de la faute des
BGE 135 II 86 S. 92
organes tandis que la situation économique dont il faut tenir compte est celle
de la personne morale au profit de laquelle la soustraction a eu lieu et non
pas celles de ses organes (cf. arrêt 2A.44/1992 du 30 septembre 1992, in
Archives 62 p. 668 consid. 3a).

4.5 Dans l'arrêt attaqué, le Tribunal administratif a jugé qu'en versant les
montants litigieux à des personnes physiques, juridiquement distinctes des
sociétés cocontractantes avec lesquelles elle était en relation contractuelle,
la recourante ne pouvait ignorer, avec la connaissance qu'elle avait du monde
des affaires, avoir versé des commissions à des tiers et non effectué une
rétrocession d'honoraires. Ce faisant, le Tribunal administratif a directement
imputé une négligence à la recourante, sans examiner la culpabilité de ses
organes, autrement dit, sans examiner les circonstances personnelles relatives
aux organes de la recourante dont dépend la qualification d'imprévoyance
coupable. Il est vrai que le Tribunal administratif a entendu Z., directeur
général de la recourante depuis 1962, sur les aspects techniques des versements
litigieux, mais il ne s'est pas intéressé aux circonstances personnelles de ce
dernier ou d'autres organes de la recourante qui permettent d'établir, le cas
échéant, une négligence. Dans ces conditions, le Tribunal administratif n'a pas
non plus tenu compte du degré de faute des organes de la recourante dans la
fixation de l'amende.
En imputant une négligence directement à la recourante et en fixant l'amende
indépendamment du degré de faute des organes de la recourante, le Tribunal
administratif a violé les art. 175 et 181 LIFD.