Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 135 II 49



Urteilskopf

135 II 49

6. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public dans la cause X. SA contre
Ville de Genève (recours en matière de droit public)
2C_484/2008 du 9 janvier 2009

Regeste

Vorschriften des öffentlichen Beschaffungswesens; Konzession für den
Plakataushang auf öffentlichem Grund; Nebenleistung zu Lasten des
Konzessionärs; Zur-Verfügung-Stellen von Fahrrädern zur Selbstausleihe. Frage
der Anwendbarkeit von Art. 2 Abs. 7 BGBM offengelassen (E. 4.1). Verhältnis
zwischen der Konzessionserteilung und den Vorschriften des öffentlichen
Beschaffungswesens: Darstellung der Rechtsprechung (BGE 125 I 209) und der
Lehre (E. 4.2 und 4.3). Die Körperschaften des öffentlichen Rechts dürfen die
Anwendung der Vorschriften des öffentlichen Beschaffungswesens nicht mittels
Erteilung einer Konzession umgehen; dies trifft insbesondere dann zu, wenn
Nebenleistungen von einer gewissen Bedeutung, welche sich von der Konzession
loslösen lassen und klarerweise dem Begriff der öffentlichen Beschaffung
unterliegen, ohne Durchführung eines Vergabeverfahrens dem Konzessionär
abverlangt werden (Präzisierung der Rechtsprechung; E. 4.4). Das streitige
Zur-Verfügung-Stellen von Fahrrädern zur Selbstausleihe untersteht den
Vorschriften des öffentlichen Beschaffungswesens: Für das Gemeinwesen ist es
ein Mittel zur Erfüllung einer öffentlichen Aufgabe, es kann von der Konzession
losgelöst werden, es hat einen Preis, welcher der Verringerung des vom
Submittenten für die Monopolgebühr offerierten Betrages entspricht, und es
kann, in Anbetracht seiner Eigenart und Bedeutung, nicht mit einer schlichten
Nebenleistung einer Konzession verglichen werden (E. 5).

Sachverhalt ab Seite 51

BGE 135 II 49 S. 51

A. Par un appel d'offres publié dans la Feuille d'avis officielle (FAO) du 26
juin 2006, la Ville de Genève (ci-après: la Ville) a mis en soumission le
renouvellement de la concession d'affichage papier sur son domaine public pour
la période allant du 1^er janvier 2008 au 31 décembre 2012. Le marché devait
être attribué selon une procédure à deux tours, dont le premier portait sur la
sélection des candidats selon des critères d'aptitude, et le second sur
l'adjudication proprement dite du marché.
La société X. SA (ci-après: la Société) a déposé un dossier de candidature,
tout en contestant les conditions du marché. Par arrêt du 19 décembre 2006, le
Tribunal administratif du canton de Genève (ci-après: le Tribunal
administratif) a déclaré irrecevable le recours, faute de décision attaquable.
Il a notamment considéré que, s'agissant de l'octroi d'une concession, les
voies de droit prévues en matière de marchés publics n'étaient pas applicables.

B. Entre-temps, le 3 novembre 2006, la Société a été sélectionnée aux côtés
d'un autre soumissionnaire pour participer au second tour de l'appel d'offres.
Les candidats ont reçu les documents relatifs à cette nouvelle phase de la
procédure, dont un dossier de procédure et un cahier des charges assortis de
leurs annexes.
A réception des documents précités, la Société a derechef saisi le Tribunal
administratif d'un recours. Elle critiquait notamment le chiffre 19 du cahier
des charges, qui imposait au concessionnaire d'assurer la mise en place et la
gestion d'un système dit de vélos en libre service. Au vu de la nature et de
l'ampleur de cette prestation, elle estimait que la procédure avait désormais
toutes les caractéristiques d'un marché public dont les conditions pouvaient
être contestées en justice lors de l'appel d'offres déjà.
Par arrêt du 20 mai 2008, le Tribunal administratif a déclaré le recours
irrecevable, en reprenant la motivation développée dans sa précédente décision
du 19 décembre 2006 concernant l'inapplicabilité des règles en matière de
marchés publics aux procédures tendant à l'octroi d'une concession.

C. La Société forme un recours en matière de droit public contre l'arrêt
précité du Tribunal administratif.
Le Tribunal fédéral a admis le recours, annulé la décision attaquée et renvoyé
le dossier au Tribunal administratif pour nouvelle décision au sens des
considérants.
BGE 135 II 49 S. 52

Auszug aus den Erwägungen:

Extrait des considérants:

4. Pour déterminer si le Tribunal administratif devait entrer en matière sur le
recours, il faut se demander si les règles propres aux marchés publics sont
applicables.

4.1 Aux termes de l'art. 2 al. 7 de la loi fédérale du 6 octobre 1995 sur le
marché intérieur (LMI; RS 943.02), la transmission de l'exploitation d'un
monopole cantonal ou communal à des entreprises privées doit faire l'objet d'un
appel d'offres et ne peut discriminer des personnes ayant leur établissement ou
leur siège en Suisse.
Il est douteux que cette disposition, entrée en vigueur le 1^er juillet 2006,
quelques jours après la publication de l'appel d'offres litigieux, soit
applicable au présent cas. Par ailleurs, son champ d'application et sa portée
ne sont pas clairs et soulèvent de nombreuses questions. En particulier, il
semble que la procédure d'appel d'offres à laquelle l'art. 2 al. 7 LMI fait
référence n'ait pas pour conséquence de subordonner l'octroi des concessions de
monopole cantonal ou communal à l'ensemble de la réglementation applicable en
matière de marchés publics et que ne sont visées par cette disposition que
certaines garanties procédurales minimales, comme celles énoncées à l'art. 9
al. 1 et 2 LMI concernant les voies de droit (cf. DENIS ESSEIVA, Mise en
concurrence de l'octroi de concessions cantonales et communales selon l'article
2 al. 7 LMI, DC 2006 p. 203 ss; REY/WITTWER, Die Ausschreibungspflicht bei der
Übertragung von Monopolen nach revidiertem Binnenmarktgesetz: unter besonderer
Berücksichtigung des Elektrizitätsbereichs, PJA 2007 p. 585 ss; RECHSTEINER/
WALDNER, Netzgebietszuteilung und Konzessionsverträge für die
Elektrizitätsverordnung: aktuelle Fragen und kommende gesetzliche Vorgaben, PJA
2007 p. 1288 ss, spécialement p. 1295 ss).
Ces questions peuvent rester indécises. En effet, comme on le verra ci-après,
les règles de procédure sur les marchés publics doivent, en l'espèce,
s'appliquer directement en raison de la nature même du marché en cause, ce qui,
en vertu du principe lex specialis derogat legi generali, exclut l'application
concurrente des dispositions de la loi sur le marché intérieur (cf. ESSEIVA,
op. cit., p. 206).

4.2 Dans l'arrêt publié à l' ATF 125 I 209, le Tribunal fédéral a jugé que
l'octroi du monopole d'affichage publicitaire sur le domaine public ne relevait
pas du droit des marchés publics. Il a tout d'abord relevé qu'une telle
concession n'entrait pas dans la notion de
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marché public, par laquelle on entendait communément l'ensemble des contrats
relevant du droit privé passés par les pouvoirs publics avec des
soumissionnaires (privés) portant sur l'acquisition de fournitures de
constructions ou de services (consid. 6b p. 212). Cet arrêt retient ensuite
qu'en accordant le monopole d'affichage publicitaire litigieux sur leur domaine
public respectif, les autorités concédantes concernées (soit la Ville et le
Canton de Genève) n'intervenaient pas comme "demandeurs" ou "acquéreurs" de
prestations, mais se trouvaient bien plutôt dans la position "d'offreurs" ou de
"vendeurs", dans la mesure où elles n'entendaient pas acquérir des prestations
de services, mais au contraire "vendre" le droit d'utiliser le domaine public à
des fins commerciales moyennant une redevance et diverses prestations annexes
(consid. 6b p. 213). Concernant ces dernières, il ressort de l' ATF 125 I 209
que le concessionnaire s'engageait à exécuter en faveur des autorités
concédantes certaines prestations susceptibles de relever des marchés publics,
comme l'élaboration d'un concept d'affichage et de mobilier, l'installation et
l'entretien d'éléments de mobilier urbain, ainsi que certaines prestations
d'affichage en faveur de la collectivité. Le Tribunal fédéral a toutefois
estimé que l'ensemble de ces prestations échappaient aux règles sur les marchés
publics, car elles étaient "accessoires" au monopole d'affichage et
permettaient à la société concessionnaire d'exercer son activité commerciale à
ses risques et profits (consid. 6b p. 215).

4.3 Cette jurisprudence a été abondamment commentée en doctrine.

4.3.1 D'une manière générale, les critiques se concentrent sur le fait que l'
ATF 125 I 209 définit la notion de marché public d'une manière trop rigide et
schématique qui suffit pour aborder des cas simples (soit des marchés publics
que l'on pourrait qualifier de "classiques"), mais qui ne permet en revanche
qu'imparfaitement d'appréhender des situations plus complexes rencontrées dans
la réalité économique (cf. FRANÇOIS BELLANGER, La notion de "marché public",
une définition sans concession?, in Les droits de l'homme et la constitution,
Etudes en l'honneur du Professeur Giorgio Malinverni, éd. par Auer/Flückiger/
Hottelier, 2007, p. 399 ss, spécialement p. 404; MARTIN BEYELER, Der objektive
Geltungsbereich des Vergaberechts, in Marchés publics 2008, éd. par Zufferey/
Stöckli, 2008, p. 65 ss, n. 54 ss et 63 ss).
Certains auteurs proposent dès lors de réexaminer la notion de marché public
et, en particulier, d'assouplir certaines des conditions qui
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servent à sa définition. En particulier, une large part de la doctrine est
d'avis que l'absence de versement d'une somme d'argent par l'Etat ne doit pas
nécessairement conduire à exclure l'existence d'un marché public. Il suffit que
la prestation considérée revête un caractère onéreux, mais son paiement doit
pouvoir se faire sous n'importe quelle forme, y compris en nature, afin de
respecter la flexibilité souhaitée en la matière par l'art. II par. 2 de
l'Accord du 15 avril 1994 sur les marchés publics, entré en vigueur pour la
Suisse le 1^er janvier 1996 (AMP; RS 0.632.231.422) (cf. BEYELER, op. cit., n.
84 ss et 94; BELLANGER, op. cit., p. 401; BELLANGER/BOVET, Marché de
l'affichage public ou marché public de l'affichage?, DC 1999 p. 164 s.; DANIEL
KUNZ, Verfahren und Rechtsschutz bei der Vergabe von Konzessionen, 2004, p. 167
ss, 178 s.; AURÉLIA RAPPO, Les marchés publics: champ d'application et
qualification, RDAF 2005 I p. 165 ss, 171; ZUFFEREY/LE FORT, L'assujettissement
des PPP au droit des marchés publics, DC 2006 p. 99 ss, 101 s.; JEAN-BAPTISTE
ZUFFEREY, Le champ d'application du droit des marchés publics - Mise en garde
pour tous ceux qui projettent d'y échapper, in Mélanges en l'honneur de Pierre
Tercier, 2008, p. 691 ss, 699). Dans le contexte particulier d'une concession,
seule une appréciation de l'ensemble des rapports économiques entre l'autorité
concédante et le concessionnaire permet, selon BEYELER (op. cit., n. 94), de
déterminer si une prestation déterminée est ou non onéreuse. Une partie de la
doctrine préconise également, toujours dans l'idée d'assouplir la notion de
marché public, de ne subordonner la définition de celle-ci ni à l'existence
d'un rapport contractuel nécessairement fondé sur le droit privé (cf. BEYELER,
op. cit., n. 69 ss et 72 s.), ni à l'exigence que le pouvoir adjudicateur soit
nécessairement le destinataire direct de la prestation (par opposition à
l'usager final cf. BEYELER, op. cit., n. 67; DENIS ESSEIVA, Marchés publics/
Jurisprudence, DC 2004 p. 165; contra: KUNZ, op. cit., p. 172 ss; JACQUES
FOURNIER, Vers un nouveau droit des concessions hydroélectriques, 2002, p.
271).

4.3.2 La doctrine a également exprimé des critiques sur l' ATF 125 I 209
concernant le rapport entre les notions de concession et de marchés publics.
Selon une minorité d'auteurs, la solution à laquelle aboutit cette
jurisprudence serait erronée dans son principe. Ils estiment en effet que
l'octroi d'une concession est un acte mixte qui revêt sous certains aspects un
caractère contractuel. Dans la mesure où un tel acte vise à décharger la
collectivité d'une tâche publique en confiant
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l'exécution de celle-ci à un particulier, il en découlerait entre l'autorité
concédante et le concessionnaire un rapport d'échange tombant sous le régime
des marchés publics. La collectivité publique obtient en effet, d'après cette
conception, une prestation sous la forme de l'accomplissement d'une tâche
publique par un concessionnaire. Or, ce dernier se trouverait, à l'instar de
n'importe quel soumissionnaire, dans un rapport de concurrence avec d'autres
entreprises, sa rétribution consistant, même si aucune rémunération n'est
prévue, en la valeur du monopole qui lui est concédé (cf. BELLANGER/BOVET, op.
cit., p. 164 ss; RAPPO, op. cit., p. 170 s.).
En revanche, la doctrine majoritaire admet, dans la ligne de l' ATF 125 I 209,
que les concessions qui ne comportent pas la délégation d'une tâche publique
(concessions d'usage du domaine public ou de monopole) échappent au droit des
marchés publics, car la collectivité publique, au travers d'une telle
opération, n'acquiert pas de manière onéreuse une prestation utile à
l'accomplissement de ses tâches publiques, mais ne fait que vendre un droit
(cf. GALLI/MOSER/LANG/CLERC, Praxis des öffentlichen Beschaffungsrechts: eine
systematische Darstellung der Rechtsprechung des Bundes, der Kantone und der
Europäischen Union, 2^e éd. 2007, p. 45 ss; MARCO FETZ, Öffentliches
Beschaffungsrecht des Bundes, in Allgemeines Aussenwirtschafts- und
Binnenmarktrecht, éd. par Cottier/Oesch, 2^e éd. 2007, p. 508 ss; JACQUES
DUBEY, Marchés publics/Jurisprudence, DC 2007 p. 192 s.; DENIS ESSEIVA, op.
cit., p. 185 et 205 s.; du même auteur, Les grandes nouveautés: La législation
et les normes privées, in Marchés publics 2008, éd. par Zufferey/Stöckli, 2008,
p. 1 ss, n. 28 s.; FOURNIER, op. cit., p. 271; KUNZ, op. cit., p. 169 et 175
ss; ETIENNE POLTIER, Les marchés publics: premières expériences vaudoises, RDAF
2000 I p. 297 ss, 310 ss; SCHNEIDER HEUSI/JOST, Public Private Partnership -
wenn Staat und Private kooperieren, in Droit des marchés publics, 2006, p. 27
ss; YVES DONZALLAZ, Commentaire de la loi sur le Tribunal fédéral, 2008, n.
2831; BELLANGER, op. cit., p. 404 s. et 416).
Cependant, plusieurs auteurs soulignent que des problèmes d'interprétation et
de qualification peuvent malgré tout se présenter lorsque, en contrepartie de
l'octroi d'une concession de monopole, le concessionnaire est appelé à fournir
des (contre-)prestations qui, prises isolément, pourraient pour certaines
d'entre elles faire l'objet d'un marché public (cf. BELLANGER, op. cit., p.
406; JEAN-BAPTISTE ZUFFEREY, Marchés publics/Jurisprudence, DC 1999 p. 142;
KUNZ,
BGE 135 II 49 S. 56
op. cit., p. 178 s.; RAPPO, op. cit., p. 168; CHRISTIAN BOVET, Marchés publics/
Jurisprudence, DC 2001 p. 59). Une partie de la doctrine préconise dans une
telle situation d'assujettir le contrat dans son ensemble à la prestation
prépondérante (en règle générale en termes quantitatifs), en s'inspirant de la
solution appliquée en droit communautaire (cf. ZUFFEREY, DC 1999 p. 142; RAPPO,
op. cit., p. 173). BELLANGER (op. cit., p. 406 ss) propose de n'appliquer le
critère de la prestation prépondérante que pour les prestations qui ne sont pas
dissociables les unes des autres, tandis que les prestations dissociables
devraient être examinées de manière indépendante et seraient chacune d'entre
elles susceptibles de faire l'objet d'un marché public si les conditions en
sont réunies.

4.4 De ce survol de la doctrine, il ressort que de nombreuses questions
demeurent controversées sur les liens entre les notions de marchés publics et
de concessions. L'évolution de la pratique, pour sa part, laisse de moins en
moins souvent la place à ce qu'il est convenu d'appeler des marchés publics ou
des concessions classiques, au profit de rapports juridiques et économiques
complexes où une multitude de cas de figure sont envisageables. La solution à
adopter dans un cas d'espèce ne peut donc prétendre résoudre l'ensemble de ces
questions. Il se dégage néanmoins des critiques de la doctrine et de
l'évolution de la pratique que l' ATF 125 I 209 doit être précisé, afin
d'éviter que des biens et des services qui, au vu de leur nature, ne devraient
normalement être acquis par les collectivités publiques que dans le respect des
règles sur les marchés publics, n'échappent aux garanties procédurales propres
à cette matière, en raison de l'application stricte d'une règle faisant primer
la concession. En d'autres termes, il ne faut pas qu'une collectivité publique
puisse, par le biais de l'octroi d'une concession, détourner l'application des
règles sur les marchés publics. On peut admettre que tel est notamment le cas
lorsque la collectivité subordonne l'octroi d'une concession à des
contre-prestations d'une certaine importance qui entrent clairement dans la
notion de marché public et sont dissociables de la concession. Dans un tel cas,
il se justifie de soumettre l'acquisition de telles prestations aux garanties
procédurales propres au droit des marchés publics.

5. En l'espèce, les exigences figurant dans le second tour de l'appel d'offres
portant sur la mise à disposition de vélos en libre service entraîneraient,
selon la recourante, l'application des règles sur les
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marchés publics à l'ensemble de l'appel d'offres ou, subsidiairement, aux
seules prestations requises en relation avec le système de vélos.

5.1 Ces prestations sont exigées dans le cadre de l'octroi d'une concession
d'affichage public, similaire à celle qui était en cause dans l' ATF 125 I 209.
Prises isolément, les prestations liées à l'affichage public en tant que telles
ne relèvent pas du droit des marchés publics. En octroyant ladite concession,
la Ville de Genève n'acquiert en effet aucunement à titre onéreux des moyens
utiles à l'accomplissement de ses tâches publiques ni ne vise d'ailleurs
véritablement la poursuite d'un intérêt public. Elle ne fait que concéder un
monopole d'utilisation du domaine public en échange d'une redevance et de
certaines prestations annexes que le concessionnaire s'engage à lui fournir.
Conformément à la jurisprudence publiée à l' ATF 125 I 209 et à la doctrine
majoritaire (cf. supra consid. 4.3.2), l'octroi de ladite concession, en tant
qu'elle porte sur l'affichage public, échappe aux exigences issues des marchés
publics, sous réserve des conséquences à tirer de l'éventuelle application de
l'art. 2 al. 7 LMI (cf. supra consid. 4.1).

5.2 Il reste à examiner ce qu'il en est des prestations contestées liées à la
mise en place d'un système de vélos en libre service et qui, selon la
recourante, devraient être soumises au droit des marchés publics.

5.2.1 Le cahier des charges prévoit que le concessionnaire doit, pendant la
durée de la concession (soit cinq ans), supporter tous les coûts relatifs à la
mise en place et au fonctionnement du système de vélos en libre service.
Ceux-ci comprennent en particulier la remise à la Ville de 500 vélos en prêt,
la remise en propriété de 40 stations automatisées où seront stationnés les
vélos destinés aux usagers, l'entretien, la réparation et le remplacement des
vélos ainsi que les frais d'exploitation comprenant notamment les charges
salariales. A cet égard, les vélos doivent pouvoir être pris et rendus dans
chacune des stations dont le fonctionnement sera automatisé ou assuré par du
personnel. Le concessionnaire doit faire en sorte que les vélos soient
"accessibles à la plus large part de la population, tant du point de vue
financier que des facilités d'usage et aspects pratiques". Il doit également
veiller à ce que les vélos soient toujours correctement répartis entre les
différentes stations, afin d'assurer en permanence leur disponibilité pour les
usagers sur l'ensemble de la Ville. Ce rééquilibrage doit se faire au moyen de
véhicules "peu ou pas polluants". Enfin, le concessionnaire est tenu
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d'encaisser auprès des usagers une contribution fixée par la Ville, qui doit
être rétrocédée à celle-ci "en intégralité".

5.2.2 Ces éléments font apparaître que le système de vélos en libre service
représente pour l'autorité concédante un moyen de réaliser une tâche publique.
Cette prestation vise en effet à promouvoir la mobilité douce en ville afin,
notamment, de limiter les nuisances liées au trafic motorisé. Or, la notion de
tâche publique doit être définie largement et englobe toutes les activités qui
favorisent un intérêt public, sans être nécessairement elles-mêmes des tâches
publiques à proprement parler (cf. ZUFFEREY/LE FORT, op. cit., p. 100; dans le
même sens, BEYELER, op. cit., n. 90). Par ailleurs, l'acquisition de cette
prestation a un coût pour la Ville. Certes, cette dernière ne s'engage-t-elle
pas à payer un montant en espèces en échange du système litigieux de vélos en
libre service. Ce point ne suffit toutefois pas à exclure l'existence d'un
marché public, contrairement à ce que pourrait laisser penser une lecture
littérale de l' ATF 125 I 209 (consid. 6b, p. 214). Comme le soulignent à
raison de nombreux auteurs (cf. supra 4.3.1), le paiement d'une prestation
soumise au droit des marchés publics peut en effet se faire autrement que par
le seul versement d'un prix. Toutes les formes de rémunération sont possibles
en vertu de l'art. II par. 2 AMP qui sert de cadre pour l'application de la
réglementation en matière de marchés publics (sur l'importance de cet accord
pour l'interprétation du droit interne; cf. ATF 134 II 192 consid. 2.3 p. 199;
BELLANGER, op. cit., p. 400; OLIVIER RODONDI, Le droit cantonal des marchés
publics - Les premières expériences, RDAF 1999 I p. 265 ss, 269). Or, en
l'espèce, le montant de la redevance que les soumissionnaires sont prêts à
payer pour l'acquisition du monopole d'affichage dépend directement des
investissements qu'ils doivent consentir pour respecter les obligations annexes
à la concession; leurs offres seront à cet égard d'autant plus basses que les
prestations annexes qu'ils devront fournir seront d'un coût élevé; autrement
dit, même si la Ville ne verse pas directement une somme d'argent en
contrepartie de la prestation litigieuse, celle-ci a bien un prix qui
correspond à la diminution du montant offert par les soumissionnaires pour la
redevance.
Par ailleurs, les prestations que le concessionnaire doit fournir au titre du
système de vélos en libre service font assurément partie des biens et des
services visés par l'art. 6 de l'accord intercantonal du 25 novembre 1994 sur
les marchés publics (AIMP/GE; RSG L 6 05). Que le concessionnaire conserve la
propriété des vélos n'est à cet
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égard pas déterminant. Les marchés de fournitures englobent en effet les
contrats entre un adjudicateur et un soumissionnaire concernant l'acquisition
de biens mobiliers, notamment sous forme d'achat, de crédit-bail (leasing), de
bail à loyer, de bail à ferme ou de location-vente (art. 6 al. 1 let. b AIMP/
GE). Par ailleurs, l'entretien et la réparation des vélos relèvent des marchés
de services, de même que les autres prestations liées à l'exploitation et la
gestion du système (cf. annexe 4, appendice I de l'AMP). Quant aux stations
automatisées, il n'est pas exclu qu'elles puissent, selon leur conception,
tomber sous le coup des marchés de constructions visés à l'art. 6 al. 1 let. a
AIMP/GE.
Enfin, le système de vélos en libre service apparaît parfaitement dissociable
de la concession d'affichage. Que le cahier des charges prévoie que le
concessionnaire peut utiliser les vélos pour de l'affichage publicitaire et
retirer une partie des recettes en découlant apparaît une circonstance
marginale impropre à faire admettre que le système litigieux serait dépendant
de la concession. Du reste, on ne saurait dire, contrairement à ce qui vaut
pour les activités d'affichage en lien avec la concession, que le
concessionnaire va exploiter à ses risques et profits le système litigieux. Le
cahier des charges lui fixe en effet précisément de nombreuses obligations et
ne lui laisse guère d'indépendance pour organiser son activité; en outre, il
doit rétrocéder l'ensemble des recettes de location des vélos encaissées auprès
des usagers et même une partie des recettes publicitaires induites par
l'affichage sur les vélos.

5.2.3 Par conséquent, le système de vélos en libre service tel que décrit dans
le cahier des charges comporte toutes les caractéristiques propres à un marché
public. En outre, ce système est parfaitement dissociable de l'octroi du
monopole d'affichage et ne peut, vu sa nature et son importance, être assimilé
à une simple prestation accessoire à la concession. Il n'y a donc pas de raison
de soustraire les prestations liées à la mise en place et à l'exploitation du
système litigieux aux garanties procédurales propres aux marchés publics.

5.3 Dans ces conditions, le Tribunal administratif devait admettre, en vertu de
la protection juridique spécifique prévue pour les marchés publics cantonaux,
le droit de la recourante de recourir directement contre les documents d'appel
d'offres afférents au système de vélos en libre service sans avoir à attendre
la décision d'adjudication, afin de faire constater les éventuelles
irrégularités affectant cette phase de la procédure.