Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 135 II 156



Urteilskopf

135 II 156

17. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public dans la cause Commune de
La Chaux-de-Fonds, Commune du Locle et Commune de Neuchâtel contre Conseil
d'Etat de la République et Canton de Neuchâtel (recours en matière de droit
public)
2C_692/2008 du 24 février 2009

Regeste

Art. 89 Abs. 1 BGG; Beschwerdelegitimation von Gemeinden. Gemeinden sind
befugt, gegen einen kantonalen Erlass Beschwerde zu führen, der die
Aufgabenverteilung zwischen ihnen und dem Kanton neu regelt; sie werden dadurch
in schutzwürdigen eigenen hoheitlichen Interessen berührt (E. 3).

Sachverhalt ab Seite 156

BGE 135 II 156 S. 156
Le 20 août 2008, le Conseil d'Etat de la République et Canton de Neuchâtel a
adopté une modification de l'arrêté fixant les modalités de subventionnement
des dépenses scolaires (scolarité obligatoire) du 20 décembre 2000 (RSN
410.106) comme suit:
BGE 135 II 156 S. 157
"Elèves en écoles spécialisées
Art. 5a (nouveau)
^1 La participation des communes aux frais de scolarisation de leurs
ressortissants en école spécialisée est égale aux dépenses qu'elles engagent
pour les élèves en âge de scolarité obligatoire au sens de la législation
scolaire.
^2 Le montant de la participation communale est déterminé annuellement sur la
base de la dernière version disponible des données publiées par l'Office
fédéral de la statistique relativement aux dépenses publiques d'éducation, en
tenant compte des éléments suivants:
a) des charges de personnel assumées par les communes, déduction faite des
subventions cantonales sur les traitements;
b) du coût du soutien pédagogique spécialisé anciennement cofinancé par l'AI,
le canton et les communes."
L'arrêté est entré en vigueur le 18 août 2008. Il a été publié dans la Feuille
officielle du Canton de Neuchâtel du 22 août 2008.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, la commune de La
Chaux-de-Fonds, celles du Locle et de Neuchâtel demandent au Tribunal fédéral,
sous suite de frais et dépens, d'annuler l'arrêté du Conseil d'Etat de la
République et Canton de Neuchâtel du 20 août 2008 modifiant l'arrêté fixant les
modalités du subventionnement des dépenses scolaires.
Le Tribunal fédéral a admis le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

Extrait des considérants:

3.

3.1 D'après l'art. 89 al. 1 LTF, la qualité pour former un recours en matière
de droit public est reconnue à quiconque a pris part à la procédure devant
l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire, est
particulièrement atteint par la décision ou l'acte normatif attaqué, et a un
intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification. A l'origine,
cette disposition a été prévue pour des particuliers. Cependant, une
collectivité publique peut aussi s'en prévaloir dans deux hypothèses (la
jurisprudence rendue sous l'empire de l'art. 103 let. a OJ reste applicable;
ATF 134 V 54 consid. 2.3.3.1 p. 58; ATF 133 II 400 consid. 2.4.1 p. 406; ATF
133 I 140 consid. 13.1 p. 143; pour un exposé de la jurisprudence rendue sous
l'empire de l'art. 103 let. a OJ: ATF 123 II 371 consid. 2c p. 374), qu'il
convient d'examiner.
BGE 135 II 156 S. 158
Une collectivité publique peut en premier lieu fonder sa qualité pour recourir
sur l'art. 89 al. 1 LTF si l'acte attaqué l'atteint de la même manière qu'un
particulier ou de façon analogue, dans sa situation matérielle (patrimoine
administratif ou financier) ou juridique et qu'elle a un intérêt digne de
protection à son annulation ou à sa modification (ATF 135 I 43 consid. 1.3; ATF
133 II 400 consid. 2.4.2 p. 406). Le simple intérêt général à l'application
correcte du droit ne suffit pas à cet égard. Une collectivité publique est
touchée comme un particulier par la délivrance d'une autorisation de construire
une installation lorsque celle-ci provoque des nuisances sur des immeubles dont
elle est propriétaire (ATF 124 II 293 consid. 3b p. 304). Il en va de même
d'une collectivité publique dont le patrimoine financier est touché par la
perception d'une contribution (ATF 133 I 140 consid. 1.3.3 p. 143 s.) ou la
condamnation à payer des dommages-intérêts fondés sur une responsabilité de
droit civil ou sur des fondements analogues (ATF 124 II 409 consid. 1e/dd p.
419; pour d'autres exemples: cf. BERNHARD WALDMANN, in: Basler Kommentar,
Bundesgerichtsgesetz, Niggli/Uebersax/Wiprächtiger [éd.], 2008, n° 42 ad art.
89 LTF; YVES DONZALLAZ, Loi sur le Tribunal fédéral, Commentaire, 2008, n°
3174).
La jurisprudence reconnaît aussi que l'art. 89 al. 1 LTF confère la qualité
pour recourir à la collectivité publique lorsqu'elle est touchée dans ses
prérogatives de puissance publique ("hoheitlichen Befugnissen berührt") et
qu'elle dispose d'un intérêt public propre digne de protection à l'annulation
ou à la modification de l'acte attaqué (ATF 135 I 43 consid. 1.3; ATF 134 II 45
consid. 2.2.1 p. 47; ATF 133 II 400 consid. 2.4.2 p. 406). Une collectivité
publique peut faire valoir un intérêt public digne de protection dans
l'accomplissement de ses prérogatives de puissance publique par exemple en tant
que créancière d'un émolument (arrêt 2C_712/2008 du 24 décembre 2008 consid.
1.3.2; ATF 119 Ib 389 consid. 2e p. 391), bénéficiaire d'une subvention (ATF
122 II 382 consid. 2b p. 383), titulaire d'une compétence en matière de police
des constructions (ATF 117 Ib 111 consid. 1b p. 113), lorsqu'elle prévoit de
créer une installation sportive ou une décharge, ou lorsqu'elle ordonne des
mesures de protection des eaux (cf. ATF 123 II 371 consid. 2c p. 374 s., ATF
123 II 425 consid. 3a p. 428; pour d'autres exemples: cf. WALDMANN, op. cit.,
n° 43 ad art. 89 LTF). Récemment, le Tribunal fédéral a jugé que la loi du
canton de St-Gall du 24 avril 2007 sur la péréquation financière adoptée par le
peuple le 23 septembre 2007 touchait les
BGE 135 II 156 S. 159
communes du canton dans leurs intérêts centraux de puissance publique, de sorte
qu'elles pouvaient se prévaloir de la qualité pour recourir de l'art. 89 al. 1
LTF (ATF 135 I 43 consid. 1.3).
En revanche, l'intérêt général à l'application correcte du droit ne fonde pas
la qualité pour recourir au sens de cette réglementation; en particulier,
l'instance inférieure déboutée dans une procédure de recours n'est pas
habilitée à attaquer devant le Tribunal fédéral la décision qui la désavoue (
ATF 134 II 45 consid. 2.2.1 p. 47; ATF 131 II 58 consid. 1.3 p. 62). Un simple
intérêt financier de la collectivité publique, qui n'est pas spécialement et
directement lié à l'accomplissement d'une tâche publique, ne suffit pas, à lui
seul, à lui conférer la qualité pour recourir (ATF 134 II 45 consid. 2.2.1 p.
47 et les références; cf. aussi ATTILIO R. GADOLA, Die Behördenbeschwerde in
der Verwaltungsrechtpflege des Bundes - ein "abstraktes" Beschwerderecht?, AJP
12/1993 p. 1458 ss, p. 1467). Un canton n'a pas qualité pour recourir contre
l'arrêt de la dernière instance cantonale qui le condamne à payer une indemnité
d'aide aux victimes d'infraction parce que l'allocation de cette indemnité
relève d'un devoir d'assistance général. La charge économique que la décision
implique pour le canton n'étant que le corrélat financier, - inhérent à
l'accomplissement de toute tâche publique - de protéger les victimes
d'infraction, le canton ne défend rien d'autre qu'un intérêt financier général
(ATF 123 II 425 consid. 4d p. 432).

3.2 Dans le canton de Neuchâtel, d'après l'art. 5 al. 1 let. c de la
Constitution de la République et canton de Neuchâtel du 24 septembre 2000 (Cst.
/NE; RS 131.233), ce sont l'Etat et les communes qui assument les tâches liées
à l'instruction et la formation scolaire dans la mesure réglée notamment par la
loi du 28 mars 1984 sur l'organisation scolaire (LOS; RSN 410.10) ainsi que par
la loi du 18 octobre 1983 concernant les autorités scolaires (LAS; RSN 410.23).
Le Conseil communal est une autorité scolaire (art. 2 let. b et 14 LAS). En
matière d'enseignement spécialisé, c'est en collaboration avec les communes,
d'après les art. 28 et 32 LOS, que l'Etat assure un appui aux élèves qui se
trouvent en difficulté, notamment en les plaçant dans des classes spéciales des
écoles publiques ou des établissements spécialisés.

3.3 En l'espèce, l'examen de la législation scolaire cantonale permet d'exclure
que les communes recourantes sont touchées comme des particuliers par les
charges financières qui leur sont imposées par la
BGE 135 II 156 S. 160
modification de l'arrêté fixant les modalités de subventionnement des dépenses
scolaires (scolarité obligatoire). Elles sont concernées par cette modification
en tant que collectivités publiques détentrices de la puissance publique. En
effet, elles sont investies du devoir d'appuyer les élèves qui se trouvent en
difficulté, notamment en les plaçant dans des classes spéciales des écoles
publiques ou des établissements spécialisés. Elles ne peuvent donc se prévaloir
de la qualité pour recourir qui est reconnue aux particuliers. Reste à examiner
si comme elles le font valoir dans leurs déterminations du 24 janvier 2009,
elles sont touchées dans leurs prérogatives de puissance publique et disposent
d'un intérêt public propre digne de protection à l'annulation ou à la
modification de l'acte attaqué.
La modification réglementaire litigieuse constitue un aspect cantonal des
réformes législatives déclenchées par la nouvelle répartition des tâches entre
la Confédération et les cantons. Le canton de Neuchâtel doit mettre en oeuvre
ces réformes en matière d'enseignement spécialisé conformément à l'art. 197 ch.
2 Cst. qui prévoit que, dès l'entrée en vigueur, le 1^er janvier 2008 (RO 2007
5765, 5771) de l'arrêté fédéral du 3 octobre 2003 concernant la réforme de la
péréquation financière et de la répartition des tâches entre la Confédération
et les cantons, les cantons assument les prestations actuelles de
l'assurance-invalidité en matière de formation scolaire spéciale (y compris
l'éducation pédago-thérapeutique précoce selon l'art. 19 de la loi fédérale du
19 juin 1959 sur l'assurance-invalidité) jusqu'à ce qu'ils disposent de leur
propre stratégie en faveur de la formation scolaire spéciale, qui doit être
approuvée, mais au minimum pendant trois ans. Il apparaît ainsi que la
modification réglementaire litigieuse est une question étroitement liée à la
nouvelle répartition des tâches et des charges entre le canton et les communes,
de sorte que les communes recourantes sont touchées dans leurs prérogatives de
puissances publiques (ATF 135 I 43 consid. 1.3). Elles ont qualité pour
recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF.