Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 135 III 253



Urteilskopf

135 III 253

38. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit civil dans la cause H.X. et F.X.
contre Y. (recours en matière civile)
4A_519/2008 du 6 février 2009

Regeste

Art. 273 Abs. 5 und Art. 274f Abs. 1 OR; Entscheidungsbefugnis der
Schlichtungsbehörde in Mietsachen; Rechtslage, wenn eine der Parteien den
Richter anruft. Ruft mindestens eine der Parteien des Mietvertrages rechtmässig
den Richter an, fällt der Entscheid der Schlichtungsbehörde dahin, so dass die
andere Partei in den Schranken des anwendbaren Verfahrensrechts grundsätzlich
frei ist, materielle Rechtsbegehren zu stellen und eine Widerklage zu erheben
(E. 2).

Sachverhalt ab Seite 254

BGE 135 III 253 S. 254

A. La SI A., alors propriétaire, a remis à bail à H.X., à compter du 1^er juin
1977, un appartement de trois pièces ainsi qu'une grande chambrette dans un
immeuble sis à Genève. Le loyer, sans les charges, était fixé en dernier lieu à
750 fr. par mois.
Au mois de septembre 2004, Y. a acquis l'immeuble, devenant la bailleresse.
Par deux avis officiels du 3 juin 2005, adressés l'un à H.X. et l'autre à son
épouse F.X., la bailleresse a résilié le contrat pour le 31 octobre 2005,
affirmant qu'elle avait besoin des locaux loués pour son frère.

B. H.X. et F.X. ont saisi la Commission de conciliation en matière de baux et
loyers du canton de Genève, concluant principalement à l'annulation du congé et
subsidiairement à une prolongation du bail. Ils soutiennent en substance que le
besoin de la bailleresse n'est pas établi, qu'il n'est qu'un prétexte et
qu'elle a eu d'autres occasions de loger ses proches.
Par décision du 13 décembre 2005, la Commission de conciliation a admis la
validité du congé, mais a accordé une première prolongation du bail de deux
ans.
La bailleresse a saisi le juge par demande du 3 janvier 2006, contestant la
prolongation de bail accordée.
H.X. et F.X., dans leur réponse, ont conclu principalement à l'annulation du
congé et, subsidiairement, à sa prolongation pour la durée maximale.
Par jugement du 11 octobre 2007, le Tribunal des baux et loyers du canton de
Genève a déclaré le congé valable et accordé aux locataires une unique
prolongation du bail de trois ans, soit au 31 octobre 2008.
H.X. et F.X. ont appelé de ce jugement; ils ont conclu principalement à
l'annulation du congé et subsidiairement à une prolongation du bail pour la
durée maximale.
La bailleresse a conclu à la confirmation du jugement attaqué.
Par arrêt du 6 octobre 2008, la Chambre d'appel en matière de baux et loyers du
canton de Genève a annulé le jugement entrepris et accordé une prolongation de
bail de quatre ans. La cour cantonale a cependant considéré qu'il n'y avait pas
lieu d'entrer en matière sur la question de la validité du congé, parce que
H.X. et F.X. n'avaient
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pas saisi le juge dans les trente jours après la décision de la Commission de
conciliation écartant leurs conclusions en annulation de la résiliation.

C. H.X. et F.X. exercent un recours en matière civile au Tribunal fédéral. Ils
concluent à l'annulation de l'arrêt attaqué et, principalement, à l'annulation
du congé, subsidiairement au renvoi de la cause à la cour cantonale pour
qu'elle annule le congé; plus subsidiairement, les recourants requièrent que la
cause soit retournée à l'autorité cantonale pour compléter l'instruction.

Auszug aus den Erwägungen:

Extrait des considérants:

2. Invoquant une violation des art. 273 al. 5 et 274f al. 1 CO, les recourants
reprochent à la cour cantonale de n'être pas entrée en matière sur leurs
conclusions tendant à l'annulation du congé. Ils persistent à soutenir que le
congé doit être annulé et invoquent à ce propos une violation de l'art. 271 CO.
A titre subsidiaire, ils se plaignent d'arbitraire dans l'application du droit
cantonal (art. 9 Cst.), d'un déni de justice et d'une violation de leur droit
d'être entendus (art. 29 Cst.).

2.1 Devant l'autorité de conciliation, le locataire et son épouse ont conclu à
l'annulation du congé. Ils ont succombé sur ce point, puisque l'autorité de
conciliation a conclu à la validité du congé et n'a accordé qu'une prolongation
du bail. Le locataire et son épouse semblaient disposés à s'accommoder de cette
décision, puisqu'ils n'ont pas porté la cause devant le juge dans les 30 jours.
En revanche, la bailleresse a saisi le juge pour contester la décision de
prolonger le contrat. Le locataire et son épouse ont alors repris leurs
conclusions principales en annulation du congé, dans lesquelles ils ont
persisté aussi bien en première instance qu'en appel.
La question litigieuse est de savoir s'ils pouvaient le faire.
D'un côté, il faut observer que les recourants ont succombé dans leurs
conclusions en annulation du congé et qu'ils n'ont pas saisi le juge en temps
utile, ce qui est de nature à faire entrer en force de chose jugée la décision
de l'autorité de conciliation. D'un autre côté, il convient de constater que la
bailleresse a saisi le Tribunal des baux et loyers, ce qui a empêché la
décision de l'autorité de conciliation de devenir définitive. Il sied ainsi de
déterminer si la saisine du juge par une seule des parties entraîne la complète
mise à
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néant de la décision de l'autorité de conciliation (avec le risque d'une sorte
de reformatio in peius) ou s'il y a lieu de faire une distinction suivant les
chefs de conclusions, dont certains seraient définitivement liquidés et
d'autres non.

2.2 A teneur de l'art. 273 al. 1 CO, la partie qui veut contester le congé doit
saisir l'autorité de conciliation dans les 30 jours qui suivent la réception du
congé. L'autorité de conciliation s'efforce d'amener les parties à un accord
(art. 273 al. 4, 1^re phrase, CO). L'accord vaut transaction judiciaire (art.
274e al. 1, 2^e phrase, CO). Si l'autorité de conciliation ne parvient pas à un
accord, elle rend une décision sur les prétentions en annulation du congé (art.
273 al. 4, 2^e phrase, CO). Si elle rejette une requête en annulation du congé,
elle examine d'office si le bail peut être prolongé (art. 274e al. 3 CO). La
partie qui succombe peut saisir le juge dans les 30 jours, à défaut de quoi la
décision de l'autorité de conciliation devient définitive (art. 273 al. 5 CO).
Cette règle est répétée à l'art. 274f al. 1, 1^re phrase, CO.

2.3 Le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de traiter à plusieurs reprises la
question posée.
Dans un premier cas, procédant à une analyse de la doctrine, il a constaté que
la majorité des auteurs étaient d'avis que la décision de l'autorité de
conciliation tombait dans sa totalité dès que le juge est saisi par l'une des
parties, de sorte que la partie qui, dans un premier temps, s'était contentée
de la décision, peut reprendre ses propres conclusions, même si elle n'a pas
agi dans les délais (arrêt 4C.417/1999 du 18 février 2000 consid. 5b, qui se
réfère notamment à MARTIN USTERI ET AL., Schweizerisches Mietrecht, Kommentar,
2^e éd. 1998, n° 31 ad art. 273 CO et n° 3 ad art. 274f CO; PETER ZIHLMANN, Das
Mietrecht, 2^e éd. 1995, p. 244, et à ROLAND GMÜR, Kündigungsschutz -
Prozessuales rund um den "Entscheid" der Schlichtungsbehörde, mp 1990 p. 134;
cf. à ce propos très récemment: DAVID LACHAT, Le bail à loyer, 2008, ch. 3.1.3
p. 156/157 et ch. 7.5.9 p. 282; RAYMOND BISANG ET AL., Das schweizerische
Mietrecht, Kommentar, 3^e éd. 2008, n° 31 ad art. 273 CO). Le Tribunal fédéral
n'a cependant pas eu à trancher la question, parce que, dans le cas qui lui
était soumis, les deux parties avaient saisi le juge, de sorte qu'il a été
admis, dans une telle hypothèse, que l'on pouvait opposer au locataire le fait
d'avoir réduit sa demande dans l'acte par lequel il a saisi le juge.
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Dans une deuxième cause, le Tribunal fédéral a admis que la saisine du juge par
une seule des parties empêchait l'entrée en force de la décision de l'autorité
de conciliation et qu'il n'était pas question d'une entrée en force partielle;
l'autre partie restait donc libre de reprendre ses conclusions dans sa réponse,
respectivement de former une reconvention (arrêt 4C.367/2005 du 7 mars 2006
consid. 2.2.2, lequel se référait - en plus des renvois susmentionnés à USTERI
ET AL. et à GMÜR - à ROGER WEBER, in Commentaire bâlois, CO, vol. I, 3^e éd.
2003, n° 7 ad art. 273 CO, à PETER HIGI, Commentaire zurichois, 4^e éd. 1996,
n° 134 ad art. 273 CO et à DAVID LACHAT, Le bail à loyer, 1997, p. 185). En
revanche, la juridiction fédérale a rejeté la théorie de l' actio duplex, en ce
sens qu'elle n'a pas admis que la partie qui avait renoncé à saisir le juge
puisse poursuivre seule l'action, alors que l'autre partie (qui avait porté
l'affaire devant le juge) avait retiré sa demande (arrêt 4C.367/2005 du 7 mars
2006 ibidem).
Dans un troisième arrêt, le Tribunal fédéral a clairement affirmé que
lorsqu'une seule des parties saisit le juge, la décision de l'autorité de
conciliation ne devient pas définitive également à l'égard de l'autre partie,
en sorte que celle-ci conserve la faculté de soumettre au juge ses propres
conclusions, dans le cadre de la réponse à la demande ou en formant une demande
reconventionnelle, pour autant que le droit de procédure applicable lui offre
une telle possibilité (arrêt 4A_130/2008 du 26 mai 2008 consid. 2.2, SJ 2008 I
p. 461).

2.4 Le cas d'espèce est absolument identique à ce dernier précédent. Il n'y a
pas lieu de revenir sur cette jurisprudence.
Il faut en effet garder à l'esprit que l'autorité de conciliation a pour
mission principale d'amener les parties à régler leur différend à l'amiable
(cf. art. 274a al. 1 let. b et art. 274e al. 1 CO). Il est vrai qu'à la suite
d'une modification législative, les compétences de l'autorité de conciliation
ont été élargies dans le sens où il a été prévu qu'elle pouvait rendre, dans
certains cas, une décision (art. 274e al. 2, 1^re phrase, CO). Cette innovation
de la législation n'a cependant pas eu pour but de transformer l'autorité de
conciliation en un juge de première instance. La jurisprudence a déjà eu
l'occasion de souligner que la "décision" de l'autorité de conciliation
revêtait un caractère sui generis, qu'elle ne constituait pas un jugement de
première instance et qu'elle devait être qualifiée de pré-décision rendue prima
facie; le Tribunal fédéral a ajouté que le seul effet
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juridique de cette décision, en cas de contestation par l'une des parties,
était de répartir le rôle des parties dans la procédure judiciaire (ATF 121 III
266 consid. 2b p. 269; ATF 117 II 421 consid. 2 p. 424).
Comme la mission de l'autorité de conciliation est principalement de favoriser
un règlement amiable des différends, il faut interpréter son pouvoir de
décision en fonction de cette finalité. La décision de l'autorité de
conciliation est en réalité une ultime tentative de parvenir à un arrangement.
En donnant son avis sur le litige, l'autorité de conciliation donne une
dernière chance aux parties de s'y soumettre tacitement et ainsi de parvenir en
définitive à un accord, lequel est revêtu de l'autorité de chose jugée comme
toute autre transaction judiciaire. L'autorité de chose jugée semble dépendre
davantage du consentement tacite des parties que du pouvoir qui appartiendrait
à l'organe qui a prononcé la décision. Lorsque l'une au moins des parties
saisit le juge en temps utile, on doit en déduire que cette ultime proposition
conciliatoire n'a pas rencontré le consentement de tous les plaideurs et que la
conciliation a par conséquent définitivement échoué.
Quand une des parties au moins saisit valablement le juge, la "décision" de
l'autorité de conciliation est ainsi mise à néant; l'autre partie est alors en
principe libre, dans les limites tracées par le droit de procédure applicable,
de conclure sur l'objet du litige et de former une demande reconventionnelle.
Il serait contraire à l'esprit d'une conciliation de désavantager une partie
dans la suite de la procédure judiciaire pour le motif qu'elle s'est montrée
plus conciliante que l'autre. On admet de façon générale qu'une partie ne peut
pas se prévaloir, dans la suite de la procédure, d'une proposition
conciliatoire faite par son adversaire, dès lors que celle-ci n'a pas été
acceptée et que la conciliation n'est pas venue à chef. On peut parfaitement
imaginer qu'une partie, bien qu'insatisfaite de la décision rendue par
l'autorité de conciliation, décide néanmoins de s'y soumettre, par gain de paix
et pour mettre un terme au litige, dans l'idée que sa partie adverse fera de
même; si celle-ci ne se soumet pas et saisit le juge, on ne voit pas pourquoi
la partie qui s'est montrée plus accommodante devrait en subir un préjudice et
se trouver entravée dans ses moyens. Dans un processus de conciliation, toute
proposition ou attitude transactionnelle doit être considérée en principe comme
conditionnée à la survenance d'un accord mettant fin au différend.
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En l'espèce, le juge a été valablement saisi par la bailleresse et la procédure
judiciaire s'est poursuivie. Le locataire et son épouse n'ont pas renoncé à
demander l'annulation du congé indépendamment de l'attitude de leur partie
adverse. Qu'ils n'aient pas saisi le juge dans les 30 jours procède
manifestement de l'espoir de mettre un terme à la querelle. Dès lors qu'un
accord n'a pas pu être trouvé, cette attitude conciliatrice reste sans effet
juridique. Dans ces circonstances, la cour cantonale a violé les art. 273 al. 5
et 274f al. 1 CO en considérant que la décision de l'autorité de conciliation
était devenue définitive à l'égard des recourants, alors même que l'une des
parties avait valablement saisi le juge en temps opportun.

2.5 Le recours étant ainsi fondé, l'arrêt attaqué doit être annulé. Comme la
cour cantonale n'a pas examiné la question de l'annulation du congé en
considérant à tort que cette conclusion était irrecevable, la cause doit lui
être retournée pour nouvelle décision, puisqu'il n'appartient pas au Tribunal
fédéral de statuer à sa place (cf. art. 107 al. 2 LTF). Partant, il n'y a pas
lieu à ce stade d'examiner le grief de violation de l'art. 271 CO. Il ne se
justifie pas non plus d'examiner les griefs constitutionnels qui ont été
clairement présentés comme subsidiaires.