Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 135 III 162



Urteilskopf

135 III 162

23. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit civil dans la cause X. contre Y.
(recours en matière civile)
4A_319/2008 du 16 décembre 2008

Regeste

Ausländische Hausangestellte im Dienste einer Diplomatin; zivilrechtliche
Auswirkungen einer Erklärung der Arbeitgeberin gegenüber der Schweizerischen
Eidgenossenschaft (Art. 342 Abs. 2 OR). Die Abgabe einer Legitimationskarte an
eine ausländische Hausangestellte setzt namentlich eine Garantieerklärung der
Arbeitgeberin voraus, in der sie sich insbesondere verpflichtet, die
Arbeitnehmerin in Vollzeit zu beschäftigen. Die Arbeitnehmerin kann sich vor
dem Zivilrichter auf diese öffentlich-rechtliche Verpflichtung berufen (E.
3.2). Rechtsmissbrauch der Arbeitnehmerin im vorliegenden Fall verneint (E.
3.3).

Sachverhalt ab Seite 162

BGE 135 III 162 S. 162

A. En 1999, un diplomate travaillant au sein d'une mission permanente, à
Genève, cherchait à engager comme employée de maison Y., ressortissante des
Philippines résidant alors dans ce pays.
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La procédure d'engagement était soumise à la directive du 1^er mai 1998 du
Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) sur l'engagement des
domestiques privés par les fonctionnaires internationaux (ci-après: directive
du DFAE de 1998 ou la directive), en vigueur jusqu'au 30 avril 2006. Parmi les
conditions d'admission et de séjour du domestique privé, le chiffre 3.1 de la
directive instituait notamment l'obligation de travailler à plein temps pour un
seul et même employeur; à titre exceptionnel, un domestique privé engagé selon
le chiffre 3.1 pouvait être autorisé à travailler pour deux employeurs,
lesquels devaient tous deux être autorisés à engager un domestique privé au
bénéfice d'une carte de légitimation (chiffre 3.21 de la directive).
L'établissement d'une carte de légitimation supposait que l'organisation de
l'employeur adressât à la Mission suisse, avant la prise d'emploi, diverses
pièces justificatives, dont la déclaration de garantie de l'employeur, signée
par celui-ci, et la déclaration du domestique privé, signée par ce dernier.
Par la déclaration susmentionnée, l'employeur garantissait vis-à-vis des
autorités suisses le paiement de cotisations et frais déterminés (cotisations
aux assurances selon les dispositions de la directive, frais médicaux non
couverts par les assurances, frais de voyage du retour dans le pays d'origine
du domestique privé) ainsi que la fourniture du logement et de la nourriture
conformément à la directive; par ailleurs, l'employeur déclarait avoir pris
connaissance des dispositions de la directive et de la déclaration faite par
son futur domestique privé.
Dans la déclaration de l'employé, le domestique privé prenait note, entre
autres, qu'il devait travailler à plein temps pour un seul et même employeur, à
moins d'avoir été autorisé par la Mission suisse à travailler simultanément
pour deux employeurs.
Y. a signé la déclaration du domestique privé; son futur employeur a signé la
déclaration de garantie de l'employeur, avant de faire parvenir les deux
documents à la Mission suisse. Les parties ont conclu ensuite un contrat de
travail, dans lequel l'employeur s'engageait notamment à occuper Y. à raison de
huit heures par jour, six jours par semaine.
Ayant obtenu le visa demandé, l'employée de maison est arrivée en Suisse en
janvier 2000. La Mission suisse lui a délivré une carte de légitimation F. Dès
le début des rapports de travail, l'employeur a informé Y. qu'il n'était pas à
même de l'occuper à plein temps et
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qu'elle devait chercher un travail complémentaire ailleurs. Elle a rapidement
trouvé un tel emploi auprès d'une fonctionnaire internationale; cette deuxième
activité n'a pas été autorisée par le DFAE.
Avant son départ de Suisse, en mars 2001, l'employeur a suggéré à Y. d'entrer
au service d'un autre diplomate, lequel a déféré à la procédure d'engagement
prévue par la directive. A son tour, le nouvel employeur a fait savoir à Y.
qu'il ne pouvait lui fournir un emploi à plein temps, mais tout au plus une
mise à contribution de neuf heures par semaine.
Avant de quitter la Suisse en avril 2003, le deuxième employeur a recommandé Y.
à X., alors diplomate auprès d'une mission permanente. Conformément à la
procédure d'engagement prévue par la directive du DFAE de 1998, X. a fait
signer à Y. la déclaration du domestique privé et a signé la déclaration de
garantie de l'employeur, puis elle a fait parvenir ces documents, par les soins
de sa mission permanente, à la Mission suisse, laquelle a établi à l'intention
de Y. une nouvelle carte de légitimation F. X. a d'emblée fait savoir à
l'employée de maison qu'elle n'était pas à même de lui fournir un emploi à
plein temps. Elle l'a encouragée à trouver un autre employeur pour le temps
restant. Les parties ont signé un contrat de travail, prévoyant notamment une
durée de travail de neuf heures par semaine et un salaire mensuel brut de 948
fr. 50. En réalité, dès le début des rapports de travail, fin mai 2003, X. n'a
occupé Y. que trois heures par semaine et lui versait 240 fr. par mois; X. a
pris en charge la totalité des primes d'assurance-maladie de la travailleuse.
Le contrat de travail a pris fin le 26 juillet 2004.
Du 1^er juin 2003 au 31 juillet 2004, Y. a réalisé en sus un revenu mensuel de
1'340 fr., correspondant à des prestations de travail effectuées auprès
d'autres employeurs. Elle n'a pas pris de vacances pendant cette période.

B. Le 4 décembre 2006, Y. a assigné X. en paiement de 43'916 fr. 95, soit
40'540 fr. à titre de différence entre le salaire payé et le salaire prévu pour
un emploi à plein temps par le contrat-type genevois pour les travailleurs de
l'économie domestique et 3'376 fr. 95 à titre d'indemnité de vacances non
prises, le tout avec intérêts.
Par jugement du 7 août 2007, le Tribunal des prud'hommes du canton de Genève a
condamné X. à payer à Y. le montant brut de 280 fr. avec intérêts, à titre
d'indemnité pour vacances non prises.
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Statuant le 27 mai 2008 sur appel de Y., la Cour d'appel de la juridiction des
prud'hommes a annulé le jugement de première instance et condamné l'employeuse
à verser à Y. la somme nette de 6'815 fr. 50 avec intérêts. Selon l'arrêt
cantonal, la travailleuse pouvait prétendre à un salaire pour un emploi à plein
temps pendant quatorze mois, soit du 1^er juin 2003 au 31 juillet 2004. En
substance, la cour cantonale a considéré qu'en signant la déclaration de
garantie, l'employeuse avait attesté savoir que l'engagement à plein temps de
la domestique constituait l'une des conditions d'admission et de séjour en
Suisse de ladite employée; ce faisant, l'employeuse était tenue, en vertu d'une
obligation de droit public, de respecter cet engagement, dont la travailleuse
pouvait se prévaloir devant les tribunaux civils, conformément à l'art. 342 al.
2 CO ("effet horizontal" de l'engagement). La Cour d'appel excluait par
ailleurs tout abus de droit de la part de l'employée. Au montant de 33'700 fr.
représentant le salaire dû pendant quatorze mois pour un travail à temps plein,
il convenait d'ajouter l'indemnité pour les vacances par 1'244 fr. 50. De la
somme totale de 34'944 fr. 50 ainsi obtenue, la cour cantonale a déduit le
salaire perçu de X. (3'360 fr.), les revenus réalisés chez d'autres employeurs
(18'760 fr.) et les primes d'assurance-maladie payées par l'employeuse (6'009
fr.) pour aboutir à un solde de 6'815 fr. 50 encore dû à Y.

C. Parallèlement à un recours constitutionnel subsidiaire qui a été déclaré
irrecevable, X. a interjeté un recours en matière civile. Elle demandait au
Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt cantonal et de confirmer le jugement de
première instance.

Auszug aus den Erwägungen:

Extrait des considérants:

3.

3.1 Selon le contrat de travail signé par les parties, l'intimée devait fournir
sa prestation à raison de neuf heures par semaine. En réalité, la recourante
n'a occupé l'employée de maison que trois heures par semaine. Il ne résulte pas
de l'état de fait déterminant que l'intimée, qui travaillait par ailleurs pour
une autre employeuse, ait demandé à effectuer six heures hebdomadaires
supplémentaires auprès de la recourante ou, à tout le moins, ait offert ses
services dans cette mesure. Dans ces conditions, il convient de retenir
l'existence d'un accord implicite sur un taux d'occupation de trois heures par
semaine.

3.2 La question litigieuse en l'espèce est la suivante: l'intimée ne peut-elle
réclamer à la recourante que le salaire afférent aux heures
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de travail fournies effectivement et conformément au contrat? Ou alors
peut-elle prétendre au salaire correspondant à un emploi à plein temps, en se
prévalant, par le biais de l'art. 342 al. 2 CO, d'une obligation de droit
public de la recourante portant sur l'engagement d'une domestique privée à
temps complet?

3.2.1 L'art. 342 al. 2 CO autorise une partie à un contrat de travail à agir
civilement afin d'obtenir l'exécution d'une obligation de droit public imposée
à son cocontractant par des dispositions fédérales ou cantonales sur le travail
et susceptible d'être l'objet d'un contrat individuel de travail. L'obligation
de droit public peut résulter directement d'une norme générale et abstraite,
mais elle peut aussi être fondée sur une décision (STAEHELIN/VISCHER, Zürcher
Kommentar, 3^e éd. 1996, n° 15 ad art. 342 CO; MANFRED REHBINDER, Berner
Kommentar, 2^e éd. 1992, n° 14 ad art. 342 CO).
Dans le domaine du droit des étrangers ordinaire, le Tribunal fédéral a
appliqué l'art. 342 al. 2 CO en rapport avec l'art. 9 al. 1 de l'ordonnance du
6 octobre 1986 limitant le nombre des étrangers (OLE, RO 1986 1794; en vigueur
jusqu'au 31 décembre 2007; cf. actuellement art. 22 LEtr [RS 142.20] et art. 22
de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une
activité lucrative du 24 octobre 2007 [OASA; RS 142.201]), disposition qui
soumet l'autorisation nécessaire pour exercer une activité lucrative,
notamment, à la garantie que le travailleur bénéficie des conditions de
rémunération usuelles dans la localité et la profession en question. Il a ainsi
admis qu'une fois l'autorisation délivrée, l'employeur est tenu, en vertu d'une
obligation de droit public, de respecter les conditions qui l'assortissent, en
particulier le salaire approuvé par l'autorité administrative; le travailleur
dispose alors d'une prétention qu'il peut exercer devant les juridictions
civiles, le juge civil étant lié par les conditions de rémunération fixées dans
l'autorisation délivrée pour un emploi donné. Dans ce contexte, le Tribunal
fédéral a rappelé le but visé par l'art. 9 OLE, qui tend à maintenir la paix
sociale en préservant les travailleurs suisses d'une sous-enchère salariale
induite par la main d'oeuvre étrangère, d'une part, et en protégeant les
travailleurs étrangers eux-mêmes, d'autre part (ATF 122 III 110 consid. 4d p.
114/115; ATF 129 III 618 consid. 5.1 p. 621/622 et consid. 6.1 p. 623).

3.2.2 La procédure permettant à l'intimée, de nationalité étrangère, de
travailler en Suisse pour la recourante, diplomate auprès d'une
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mission permanente, n'était pas régie par le droit des étrangers ordinaire. Aux
termes de l'art. 25 al. 1 let. f de la loi fédérale sur le séjour et
l'établissement des étrangers du 26 mars 1931 applicable à l'époque (LSEE; RS 1
113; cf. actuellement art. 98 al. 2 LEtr), le Conseil fédéral est autorisé à
régler, dans le domaine de la police des étrangers, le traitement spécial des
représentants d'Etats étrangers ou des membres d'organisations internationales.
Il a ainsi soustrait à l'application de l'OLE, en particulier, les membres de
missions diplomatiques et permanentes ainsi que le personnel privé au service
de ces personnes, pour autant qu'ils soient titulaires d'une pièce de
légitimation établie par le DFAE (art. 4 al. 1 let. a et d OLE; cf.
actuellement, art. 43 al. 1 let. a et d OASA). C'est en effet le DFAE qui est
compétent pour délivrer la carte de légitimation, valant à la fois titre de
séjour et autorisation de travail dans un domaine délimité (cf. arrêt 2A.432/
1999 du 12 avril 2000 consid. 2; LUCIUS CAFLISCH, La pratique suisse en matière
de droit international public, Annuaire suisse de droit international 1988, p.
238/239).
Le séjour du domestique privé étranger en Suisse est soumis à certaines
conditions, dont celle de travailler à plein temps pour un seul et même
employeur (art. 3.1 de la directive du DFAE de 1998); l'unique dérogation
concerne la possibilité de répartir ce temps de travail entre deux employeurs
autorisés à engager un tel travailleur étranger (art. 3.21 de la directive).
L'exigence d'un emploi à temps complet, voire de deux emplois représentant
ensemble une activité à cent pour cent, vise à garantir des moyens de
subsistance suffisants au domestique, dès lors qu'un emploi à temps partiel
dans ce secteur ne permet guère de réaliser un revenu assurant une existence
décente. Cette condition tend ainsi à protéger l'employé de maison étranger,
mais également à éviter le travail au noir, source de dumping salarial
défavorable aux travailleurs suisses. Ce double objectif de protection, qui
cherche à préserver la paix sociale, correspond au but visé par l'art. 9 OLE en
imposant le respect des conditions salariales usuelles par l'employeur qui
occupe un travailleur étranger. A cet égard, le taux d'occupation imposé, qui
influe nécessairement sur la rémunération, joue un rôle similaire au salaire
agréé par l'autorité cantonale dans le régime ordinaire applicable aux
étrangers voulant travailler en Suisse.
Pour obtenir une carte de légitimation en faveur d'un domestique privé,
l'employeur n'a pas à fournir un contrat de travail écrit, contrairement à ce
qui est exigé dans le droit des étrangers ordinaire
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(art. 9 al. 3 OLE); en revanche, il doit remettre aux autorités suisses
différents documents, dont la déclaration de garantie de l'employeur.
En l'espèce, la recourante a déposé une telle pièce, dans laquelle elle déclare
avoir pris connaissance des dispositions de la directive du DFAE de 1998;
l'exigence du travail à plein temps figure parmi ces dispositions. Cette
déclaration ne peut se comprendre que comme un engagement de l'employeuse
envers la Confédération d'occuper la domestique à temps complet et de la payer
en conséquence. En déclarant savoir que le séjour en Suisse suppose un emploi à
temps complet, l'employeur promet par là-même d'engager le domestique à ce taux
d'occupation. Contrairement à ce que la recourante soutient, la distinction
opérée dans la déclaration entre les points garantis par l'employeur et ceux
simplement connus de celui-ci relève de la pure forme et ne saurait traduire
une différence de fond, en tout cas sur un élément aussi important que la durée
du temps de travail conditionnant l'octroi de la carte de légitimation.
L'engagement de l'employeur à cet égard est encore renforcé par la remise aux
autorités suisses, par le fonctionnaire international, de la déclaration de
l'employé, dont l'employeur atteste connaître la teneur; en effet, le
domestique y déclare précisément avoir pris connaissance du fait qu'il doit
travailler à plein temps pour le même employeur. Il s'ensuit que, comme la cour
cantonale l'a bien vu, la recourante s'est obligée envers les autorités suisses
à engager l'intimée à temps complet.
Il reste à examiner si l'employée de maison peut se prévaloir de cette
obligation de droit public devant le juge civil. Dans le droit des étrangers
ordinaire, l'octroi d'une autorisation de travail dépend en particulier de
l'approbation par l'autorité du salaire convenu par les parties, lequel doit
correspondre au niveau de la rémunération en usage dans la localité et la
profession considérées. Dans le droit spécial applicable en l'espèce, la
délivrance d'une carte de légitimation au domestique privé par le DFAE suppose
notamment l'engagement susmentionné de l'employeur d'offrir à l'employé un
travail à plein temps. Comme déjà relevé, les conditions exigées dans les deux
procédures présentent une analogie et poursuivent le même but. Rien ne justifie
dès lors de traiter différemment les deux situations dans leurs effets de droit
civil.
Au surplus, la recourante ne peut se prévaloir de la liberté économique, et
singulièrement de la liberté contractuelle, pour se soustraire
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à son propre engagement envers l'Etat et, par extension, envers son employée.
Au demeurant, l'employeuse n'a pas été entravée dans sa liberté économique
puisqu'elle pouvait engager comme domestique une ressortissante suisse ou
étrangère au bénéfice d'une autorisation ordinaire (cf. CAROLINE KRAEGE,
Sonderregelungen für Personen [...], in Ausländerrecht, 2^e éd. 2009, n° 5.133
p. 182). La liberté économique n'emporte pas le droit pour le fonctionnaire
international de prendre à son service comme employé de maison n'importe quel
ressortissant étranger, indépendamment de toute procédure d'admission en
Suisse.
Sur le vu de ce qui précède, l'intimée disposait d'une prétention de droit
privé, fondée sur la déclaration de garantie de l'employeur, à être occupée à
plein temps par la recourante. La conclusion dans ce sens de la cour cantonale
ne consacre aucune violation du droit fédéral.

3.3 Il convient encore d'examiner si, comme la recourante le prétend, l'intimée
commet un abus de droit en se prévalant de cette prétention.

3.3.1 A teneur de l'art. 2 al. 2 CC, l'abus manifeste d'un droit n'est pas
protégé par la loi. La règle prohibant l'abus de droit permet au juge de
corriger les effets de la loi dans certains cas où l'exercice d'un droit
allégué créerait une injustice manifeste (ATF 134 III 52 consid. 2.1 p. 58 et
les références). L'existence d'un abus de droit se détermine selon les
circonstances concrètes du cas, en s'inspirant des diverses catégories mises en
évidence par la jurisprudence et la doctrine (ATF 129 III 493 consid. 5.1 p.
497 et les arrêts cités). L'emploi dans le texte légal du qualificatif
"manifeste" démontre que l'abus de droit doit être admis restrictivement. Les
cas typiques en sont l'absence d'intérêt à l'exercice d'un droit, l'utilisation
d'une institution juridique contrairement à son but, la disproportion manifeste
des intérêts en présence, l'exercice d'un droit sans ménagement ou l'attitude
contradictoire (ATF 129 III 493 consid. 5.1 p. 497; ATF 127 III 357 consid. 4c/
bb p. 364). Dans cette dernière catégorie, le comportement de celui qui accepte
d'abord de conclure une convention et qui, par la suite, en considération de
règles impératives, excipe de l'invalidité de cette même convention, n'est
toutefois constitutif d'abus de droit que si des conditions particulières sont
réalisées (ATF 133 III 61 consid. 4.1 p. 76; ATF 129 III 493 consid. 5.1 p.
497). Une telle limitation s'impose spécialement en matière de contrat de
BGE 135 III 162 S. 170
travail car, à défaut, la protection assurée au travailleur par des
dispositions impératives peut se révéler illusoire (ATF 129 III 493 consid. 5.1
p. 497, ATF 129 III 618 consid. 5.2 p. 622). Il incombe à la partie qui se
prévaut d'un abus de droit d'établir les circonstances particulières qui
autorisent à retenir cette exception (ATF 133 III 61 consid. 5.1 p. 76 et les
références).

3.3.2 En l'espèce, l'intimée a accepté de ne travailler que trois heures par
semaine pour la recourante; or, elle avait signé la déclaration de l'employé et
pris ainsi note qu'elle devait travailler à cent pour cent pour le même
employeur, sauf dérogation n'entrant pas en ligne de compte dans le cas
présent. La seule contradiction résultant de ces deux actes ne suffit pas à
qualifier la prétention de l'intimée d'abusive, d'autant plus que la recourante
elle-même a adopté la même attitude inconséquente et n'a pas hésité à tromper
les autorités pour pouvoir engager la domestique philippine. Pour le reste, les
constatations de l'autorité cantonale ne laissent pas apparaître des
circonstances particulières qui justifieraient de ne pas reconnaître la
prétention de l'intimée à un travail à plein temps.
Le moyen tiré de l'art. 2 al. 2 CC est par conséquent mal fondé.

3.4 A juste titre, la recourante ne critique pas les considérants de l'arrêt
attaqué sur la demeure de l'employeur. Si elle pouvait prétendre à travailler à
cent pour cent pour la recourante, l'intimée n'avait pas à offrir ses services
pour la durée du temps de travail dépassant trois heures par semaine, dès lors
que l'employeuse lui avait fait clairement savoir qu'elle ne pouvait l'occuper
plus longtemps que l'horaire convenu (cf. entre autres, arrêt 4A_332/2007 du 15
novembre 2007 consid. 2.1; GABRIEL AUBERT, in Commentaire romand, Code des
obligations, vol. I, 2003, n° 3 ad art. 324 CO). La recourante en demeure
restait dès lors tenue de payer le salaire pour un emploi à plein temps (art.
324 al. 1 CO; cf. également CAROLINE Kraege, op. cit., n° 5.142, p. 184), sous
réserve de l'imputation liée aux revenus réalisés en exécutant un autre travail
(art. 324 al. 2 CO). Le calcul effectué en l'espèce par la cour cantonale, qui
aboutit à un solde de 6'815 fr. 50 en faveur de l'intimée, n'est pas remis en
cause par la recourante et n'a pas à être examiné par la cour de céans.

3.5 En conclusion, le recours en matière civile doit être rejeté.