Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 135 III 121



Urteilskopf

135 III 121

17. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit civil dans la cause Etat de
Genève contre X. (recours en matière civile)
4A_318/2008 du 11 novembre 2008

Regeste

Art. 272 Abs. 2 lit. d OR; vermietete Geschäftsräume, die sich auf einem
Grundstück befinden, das der Vermieter nach dem Abbruch des Gebäudes für ein
bedeutendes Infrastrukturprojekt nutzen will; gerichtliche Erstreckung des
Mietverhältnisses. Ab dem Zeitpunkt, in dem der Vermieter über die Bewilligung
verfügt, um die Bauarbeiten aufzunehmen, aber nicht vorher, geht sein Bedarf an
der Mietsache demjenigen des Mieters vor. Der Richter darf nicht eine
Erstreckung des Mietverhältnisses bis zum unbestimmten Zeitpunkt gewähren, in
dem die für das Projekt erforderliche rechtskräftige Polizeibewilligung
vorliegt. Er hat eine Erstreckung auf bestimmte Zeit zu gewähren; im gegebenen
Zeitpunkt kann der Mieter eine zweite Erstreckung verlangen, falls der Stand
des Vorhabens es rechtfertigt und die anderen gesetzlichen Bedingungen erfüllt
sind (E. 2-5).

Sachverhalt ab Seite 122

BGE 135 III 121 S. 122
Depuis 1961, un atelier de carrosserie et de réparation d'automobiles est
exploité dans des locaux sis sur un bien-fonds de Genève, où se trouve
également la gare des Eaux-Vives qui est la tête de ligne du chemin de fer
Genève - Annemasse. Les locaux sont actuellement pris en location par X.,
celui-ci ayant conclu, le 29 septembre 1994, un contrat de bail à loyer avec
l'Etat de Genève qui est propriétaire du fonds et du chemin de fer. Le
locataire acquitte un loyer annuel au montant de 12'720 fr., charges en sus.
Le 24 février 2004, le bailleur a résilié ce contrat avec effet au 31 décembre
suivant, en raison de l'avancement d'un projet de liaison ferroviaire
Genève-Cornavin - Genève-Eaux-Vives - Annemasse (ci-après: la liaison CEVA)
destiné à remplacer l'infrastructure actuelle. Le tracé et les aménagements
prévus empiètent sur les surfaces louées et nécessitent la démolition des
bâtiments.
Le 25 mars 2004, devant la commission de conciliation compétente puis devant le
Tribunal des baux et loyers du canton de Genève, le locataire a ouvert action
contre le bailleur. Sa demande tendait principalement à l'annulation du congé,
qu'il tenait pour abusif; subsidiairement, la demande tendait à la prolongation
du bail. L'Etat défendeur a pris des conclusions selon lesquelles il
acquiesçait à une prolongation unique, qui arriverait à échéance le jour où la
décision d'approbation des plans de la liaison CEVA, à prendre par l'autorité
administrative fédérale, acquerrait force exécutoire.
Le tribunal s'est prononcé le 17 octobre 2007; il a reconnu la validité du
congé et accordé au demandeur une unique prolongation du contrat, jusqu'à
l'entrée en force exécutoire de la décision d'approbation des plans, mais au
plus tard jusqu'au 31 décembre 2010.
Le demandeur ayant appelé de ce jugement, la Chambre d'appel en matière de baux
et loyers a statué le 16 juin 2008. Elle a réformé la décision en ce sens que
le demandeur bénéficie d'une prolongation de son bail jusqu'au 31 décembre
2010.
Le 6 mai 2008, l'Office fédéral des transports a pris une décision
d'approbation des plans de la liaison CEVA; contre ce prononcé, des recours
sont actuellement pendants devant le Tribunal administratif fédéral.
BGE 135 III 121 S. 123
Agissant par la voie du recours en matière civile, le défendeur a requis le
Tribunal fédéral de réformer l'arrêt de la Chambre d'appel en ce sens que le
demandeur soit reconnu au bénéfice d'une unique prolongation de son bail, qui
expirera six mois après l'entrée en force exécutoire de la décision
d'approbation des plans de la liaison CEVA.
Le demandeur a conclu au rejet du recours.
Le Tribunal fédéral a partiellement admis le recours, dans la mesure où
celui-ci était recevable; il a réformé l'arrêt de la Chambre d'appel en ce sens
que le demandeur obtient, pour le bail à loyer le liant au défendeur, une
première prolongation expirant au 30 juin 2009.

Auszug aus den Erwägungen:

Extrait des considérants:

2. Aux termes des art. 272 al. 1 et 272b al. 1 CO, le locataire peut demander
la prolongation d'un bail de locaux commerciaux pour une durée de six ans au
maximum, lorsque la fin du contrat aurait pour lui des conséquences pénibles et
que les intérêts du bailleur ne les justifient pas. Dans cette limite de temps,
le juge peut accorder une ou deux prolongations.
En l'occurrence, il est constant que les parties se sont liées par un bail de
locaux commerciaux.
Le juge apprécie librement, selon les règles du droit et de l'équité (art. 4
CC), s'il y a lieu de prolonger le bail et, dans l'affirmative, pour quelle
durée. Il doit procéder à la pesée des intérêts en présence et tenir compte du
but d'une prolongation, consistant à donner du temps au locataire pour trouver
des locaux de remplacement. Il lui incombe de prendre en considération tous les
éléments du cas particulier, tels que la durée du bail, la situation
personnelle et financière de chaque partie, leur comportement, de même que la
situation sur le marché locatif local (art. 272 al. 2 CO; ATF 125 III 226
consid. 4b p. 230). Le Tribunal fédéral ne revoit qu'avec réserve la décision
d'équité prise en dernière instance cantonale. Il intervient lorsque celle-ci
s'écarte sans raison des règles établies par la doctrine et la jurisprudence en
matière de libre appréciation, ou lorsqu'elle s'appuie sur des faits qui, dans
le cas particulier, ne devaient jouer aucun rôle, ou encore lorsqu'elle ignore
des éléments qui auraient absolument dû être pris en considération; en outre,
le Tribunal fédéral redresse les décisions rendues en vertu d'un pouvoir
BGE 135 III 121 S. 124
d'appréciation lorsqu'elles aboutissent à un résultat manifestement injuste ou
à une iniquité choquante (même arrêt; voir aussi ATF 133 III 201 consid. 5.4 p.
211; ATF 132 III 109 consid. 2 p. 111/112).

3. Le Tribunal des baux et loyers a évalué les intérêts respectifs des parties
et il est parvenu à la conclusion que dès le moment où le défendeur pourra
commencer les travaux de la liaison CEVA, son intérêt à récupérer les biens
loués primera celui du demandeur à les conserver plus longtemps. Il a donc
accordé une prolongation unique qui devait expirer à l'entrée en force
exécutoire de la décision d'approbation des plans, mais sans dépasser le
maximum légal de six ans.
La Chambre d'appel a retenu que le droit fédéral ne permet pas d'accorder,
comme l'a fait le tribunal, une prolongation à l'échéance indéterminée, et que
le juge est au contraire tenu, s'il accorde une prolongation, de spécifier une
durée ou une date d'échéance précises. Elle a réformé le jugement pour fixer la
durée de la prolongation au maximum légal de six ans. Quant au laps ainsi
retenu, la Chambre d'appel s'est exprimée comme suit: "Le bailleur ne s'étant
pas opposé à la prolongation de six ans accordée, à titre subsidiaire, à
l'appelant, il n'y a pas lieu d'examiner si cette durée devrait être
raccourcie."
Parmi d'autres griefs, le défendeur reproche à la Chambre d'appel de n'avoir
pas effectué la pesée d'intérêts exigée par la loi. Il invoque aussi la
décision d'approbation des plans intervenue le 6 mai 2008, dont, semble-t-il,
il ne s'est pas prévalu dans l'instance précédente, en affirmant qu'elle
pourrait entrer en force rapidement. Dans sa réponse au recours, le demandeur
allègue que cette décision, loin d'autoriser le commencement des travaux dans
le secteur de la gare des Eaux-Vives, invite les maîtres de l'ouvrage à fournir
des plans supplémentaires, et que, de plus, des recours sont interjetés contre
elle.
Selon l'art. 99 al. 1 LTF, aucun fait nouveau ni aucune preuve nouvelle ne
peuvent être présentés en instance fédérale, "à moins de résulter de la
décision de l'autorité précédente". Il n'appartient donc pas au Tribunal
fédéral de se faire remettre la décision d'approbation des plans, dont seules
quelques pages sont produites, pour en discuter la portée; les arguments
développés à ce sujet sont irrecevables.
BGE 135 III 121 S. 125

4. En doctrine, plusieurs auteurs estiment que l'échéance d'une prolongation de
bail ne peut pas être valablement reliée à un événement futur et incertain, tel
que l'entrée en force d'une autorisation de construire à obtenir par le
bailleur, qui aura pour objet la transformation ou la démolition de la chose
louée. Ils exposent que cette solution engendrerait une insécurité
inacceptable, d'une part parce que le locataire serait incité à retarder, s'il
le peut, l'accomplissement de la condition fixée par le jugement, et d'autre
part parce que, en soi, constater ledit accomplissement pourrait constituer une
nouvelle source de litige (RAYMOND BISANG ET AL., Das schweizerische Mietrecht,
3^e éd. 2008, n° 12 ad art. 272b CO; MARKUS MOSER, Die Erstreckung des
Mietverhältnisses nach Artikel 267a-267f des Obligationenrechts, 1975, p. 106/
107; voir aussi DAVID LACHAT, Le bail à loyer, 2008, ch. 4.8 p. 785; PETER
HIGI, Commentaire zurichois, 1996, n^o 9 ad art. 272b CO; BRUNO GIGER, Die
Erstreckung des Mietverhältnisses, 1995, p. 124; JEAN-PIERRE MENGE, Kündigung
und Kündigungsschutz bei der Miete von Wohn- und Geschäftsräumlichkeiten, thèse
Bâle 1993, p. 150/151). Aucun auteur n'exprime l'opinion contraire, et il est
évident qu'une décision de prolongation doit renseigner clairement les deux
parties quant au moment où le contrat prolongé arrivera à échéance.
Conformément à l'opinion de la Chambre d'appel, il est ainsi exclu que la durée
d'une prolongation judiciaire du bail à loyer soit indéterminée et qu'elle
dépende d'un événement incertain. Par conséquent, le recours est mal fondé dans
la mesure où il tend à une solution de ce type.

5. Selon l'art. 272 al. 2 let. d CO, le juge doit notamment prendre en
considération le besoin que le bailleur peut avoir à utiliser lui-même les
locaux loués, ainsi que l'urgence de ce besoin. En l'espèce, l'intérêt du
demandeur devra, le moment venu, céder le pas à celui du défendeur, en ce sens
que la présence de celui-là dans les locaux concernés ne devra pas se trouver à
l'origine d'un retard dans la réalisation du projet CEVA. Cette appréciation
des premiers juges n'a pas été contredite par la Chambre d'appel et elle n'est
pas non plus, sinon par de simples dénégations, mise en doute dans la réponse
au recours. Néanmoins, la Chambre d'appel n'a pas tenu compte de l'intérêt du
défendeur et elle a accordé d'emblée, sans plus de discussion, une prolongation
de six ans au demandeur. Ce procédé est incompatible avec l'art. 272 al. 2 let.
d CO. Compte tenu qu'il est difficile de prévoir le moment où le demandeur
devra évacuer les lieux, sauf à nuire gravement aux intérêts du défendeur,
BGE 135 III 121 S. 126
et qu'une évacuation immédiate aurait pour lui des conséquences pénibles, il
s'impose de ne lui accorder qu'une prolongation de durée inférieure à six ans,
mais susceptible de renouvellement. Au besoin, à supposer que le demandeur ne
parvienne pas à trouver d'autres locaux avant l'échéance, il demandera une
seconde prolongation de son bail; les autorités statueront alors selon la
situation des parties et l'état du projet CEVA au moment de cette nouvelle
décision (cf. BISANG ET AL., op. cit., n^o 7 ad art. 272b CO; LACHAT, op. cit.,
ch. 4.2 p. 783). En considération du laps dont le demandeur a déjà bénéficié,
il se justifie de fixer l'échéance de la première prolongation au 30 juin 2009.