Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 134 V 277



Urteilskopf

134 V 277

33. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit social dans la cause D. et B.
contre Helsana Assurances SA (recours en matière de droit public)
8C_11/2008 du 10 juin 2008

Regeste

Art. 21 Abs. 1 und 2, Art. 82 Abs. 1 ATSG; Art. 37 Abs. 3, Art. 38 UVG (gültig
gewesen bis 31. Dezember 2002); Kürzung von Geldleistungen für Hinterlassene.
Beibehaltung einer Leistungskürzung wegen Ausübung eines Verbrechens oder
Vergehens durch den Versicherten gestützt auf Art. 37 Abs. 3 UVG (in der bis
31. Dezember 2002 gültig gewesenen Fassung) auch unter der Herrschaft des ATSG
(E. 2 und 3).

Sachverhalt ab Seite 278

BGE 134 V 277 S. 278
A. Le 6 juillet 2000, E. circulait de N. en direction de C. sur la voie
centrale d'une chaussée à trois voies. Dans une courbe à droite, dans le sens
de la marche, son véhicule dévia vers l'extérieur du virage. Il franchit la
ligne de sécurité et heurta presque frontalement un véhicule qui circulait
normalement en sens inverse. Sous l'effet du choc, E., qui ne portait pas sa
ceinture de sécurité, fut éjecté et tué sur le coup. Il présentait un taux
d'alcoolémie de 3,37 grammes pour mille.
E. était marié à D. Un enfant, B., né en 1992, était issu de leur mariage.
L'intéressé travaillait depuis le 1^er juillet 2000 en qualité de représentant
au service de X. et était à ce titre obligatoirement assuré contre les
accidents auprès de La Suisse Assurances.
Par décision rendue le 6 avril 2001 sur opposition, cet assureur a réduit ses
prestations de survivants jusqu'à concurrence de 50 pour cent, en application
de l'ancien art. 37 al. 3 LAA (RS 832.20), considérant que l'assuré avait
provoqué l'accident en commettant un délit. Cette décision n'a pas été
attaquée.

B. Les 19 mai et 4 juillet 2005, D. et son fils B. ont demandé à La Suisse
Assurances de réexaminer les réductions opérées sur les prestations en cours au
regard des nouvelles dispositions de la LPGA (RS 830.1), entrée en vigueur dans
l'intervalle. Helsana Assurances SA (ci-après: Helsana), qui avait repris
entre-temps le portefeuille d'assurances LAA de La Suisse Assurances, a informé
les requérants, le 29 août 2005, qu'elle refusait d'entrer en matière sur cette
demande. Sur injonction du Tribunal des assurances du canton de Vaud, saisi
d'un recours pour déni de justice, Helsana a rendu une décision, le 17 juillet
2006, par laquelle elle a refusé de modifier les rentes de survivants en cours.
Elle a maintenu son refus par décision sur opposition du 29 décembre 2006.

C. Par jugement du 16 octobre 2007, le Tribunal des assurances du canton de
Vaud a rejeté le recours formé conjointement par D. et B. contre la décision
sur opposition.
BGE 134 V 277 S. 279

D. Par écriture du 4 janvier 2008, D. et B. ont formé un recours en matière de
droit public dans lequel ils ont conclu au versement par Helsana d'une rente de
veuve et d'une rente d'orphelin non réduites, dès le 1^er janvier 2003, avec
intérêts à 5 pour cent l'an dès le 1^er janvier 2005. Subsidiairement, ils ont
conclu au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour nouveau jugement, le
tout sous suite de frais et dépens.
Helsana a conclu au rejet du recours. L'Office fédéral de la santé publique
(OFSP) a renoncé à prendre position.
Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

Extrait des considérants:

2.

2.1 Les réductions litigieuses des prestations de survivants ont été prononcées
par La Suisse Assurances en application de l'art. 37 al. 3 LAA, dans sa version
en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002. Cette disposition prévoyait ceci:
"Si l'assuré a provoqué l'accident en commettant un crime ou un délit, les
prestations en espèces peuvent être réduites ou, dans les cas particulièrement
graves, refusées. Si l'assuré doit, au moment de l'accident, pourvoir à
l'entretien de proches auxquels son décès ouvrirait le droit à une rente de
survivants ou s'il décède des suites de l'accident, les prestations en espèces
sont réduites au plus de la moitié."
Cette ancienne teneur de l'art. 37 al. 3 LAA exigeait la réalisation des
éléments constitutifs objectifs d'une infraction, mais non nécessairement une
intention ou une négligence grave. L'accident ne devait pas forcément avoir été
causé fautivement; il suffisait qu'il résulte de la commission d'un crime ou
d'un délit (ALEXANDRA RUMO-JUNGO, Die Leistungskürzung oder -verweigerung
gemäss Art. 37-39 UVG, thèse Fribourg 1993, p. 170; GABRIELA RIEMER-KAFKA, Die
Pflicht zur Selbstverantwortung, Fribourg 1999, p. 347 s.). En pratique, cette
disposition était principalement appliquée en matière de violation grave d'une
règle de circulation (art. 90 ch. 2 LCR) et de conduite en état d'ébriété (art.
91 ch. 1 LCR), dans leur version en vigueur jusqu'au 31 décembre 2006
(RUMO-JUNGO, op. cit., p. 167 s.).

2.2 La LPGA, entrée en vigueur le 1^er janvier 2003, a unifié dans une large
mesure les régimes des réductions ou des refus de prestations disséminés
jusqu'alors dans les diverses lois d'assurances sociales. Elle a aussi
introduit des assouplissements en posant le principe que le refus ou la
réduction des prestations n'est
BGE 134 V 277 S. 280
désormais autorisé qu'en présence d'un comportement intentionnel; elle a laissé
subsister des dérogations en matière d'assurance-accidents (pour une vue
d'ensemble, voir UELI KIESER, ATSG-Kommentar, n. 1 ss ad art. 21 LPGA).

2.3 C'est ainsi que l'art. 21 al. 1 LPGA prévoit une réduction, voire un refus
(temporaire ou définitif), des prestations en espèces si l'assuré a aggravé le
risque assuré ou en a provoqué la réalisation intentionnellement ou en
commettant intentionnellement un crime ou un délit. La LPGA ne prévoit pas, en
pareille hypothèse, un refus ou une réduction des prestations en espèces dues
aux proches ou aux survivants. En effet, selon l'art. 21 al. 2 LPGA, les
prestations en espèces qui leur sont dues ne sont réduites ou refusées que
s'ils ont eux-mêmes provoqué la réalisation du risque intentionnellement ou en
commettant intentionnellement un crime ou un délit.

2.4 L'adoption de la LPGA a entraîné, parallèlement, une modification de l'art.
37 al. 3 LAA (modification également entrée en vigueur le 1^er janvier 2003) et
qui prévoit désormais ceci:
"Si l'assuré a provoqué l'accident en commettant, non intentionnellement, un
crime ou un délit, les prestations en espèces peuvent, en dérogation à l'art.
21, al. 1, LPGA, être réduites ou, dans les cas particulièrement graves,
refusées. Si l'assuré doit, au moment de l'accident, pourvoir à l'entretien de
proches auxquels son décès ouvrirait le droit à une rente de survivants, les
prestations en espèces sont réduites au plus de moitié. S'il décède des suites
de l'accident, les prestations en espèces pour les survivants peuvent, en
dérogation à l'art. 21, al. 2, LPGA, aussi être réduites au plus de moitié."
Cette nouvelle version de l'art. 37 al. 3 LAA contient donc une double
dérogation à l'art. 21 LPGA. En premier lieu, elle permet une réduction des
prestations de l'assuré en cas de crime ou de délit non intentionnel. En second
lieu, quand l'assuré a lui-même commis, non intentionnellement, un crime ou un
délit, les prestations en espèces pour les survivants peuvent être réduites de
moitié au plus.

2.5 Une interprétation littérale des art. 21 LPGA et 37 al. 3 LAA révèle une
inconséquence du législateur: si la personne assurée a provoqué l'accident en
commettant intentionnellement un crime ou un délit (p. ex. un incendie
intentionnel au sens de l'art. 221 CP), la rente de survivant ne devrait pas
être réduite au regard de l'art. 21 al. 1 et 2 LPGA; en revanche, si cette même
personne a provoqué
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l'accident en commettant, non intentionnellement, un crime ou un délit (p. ex.
un incendie par négligence au sens de l'art. 222 CP), la rente de survivant
serait réduite selon l'art. 37 al. 3 LAA (voir à ce sujet PETER OMLIN,
Erfahrungen in der UV, in Praktische Anwendungsfragen des ATSG, René
Schaffhauser/Ueli Kieser [éd.], p. 64 s.; JEAN-MAURICE FRÉSARD/MARGIT
MOSER-SZELESS, L'assurance- accidents obligatoire, in Schweizerisches
Bundesverwaltungsrecht [SBVR], 2^e éd., Bâle 2007, n° 317 p. 936). Fort du
constat qu'une telle interprétation littérale aboutissait à ce paradoxe
choquant que la réduction des prestations pour survivants ne pouvait pas être
prononcée en cas d'infraction intentionnelle de l'assuré, mais seulement en cas
d'infraction non intentionnelle, la Commission ad-hoc sinistres LAA a émis une
recommandation aux assureurs, après consultation de l'Office fédéral des
assurances sociales. Cette recommandation prévoit de renoncer dans tous les cas
de commission d'un crime ou d'un délit provoqué par l'assuré à des réductions
de prestations en faveur des survivants; un refus ou une réduction de ces
prestations ne reste possible qu'envers les personnes survivantes qui ont
elles-mêmes provoqué l'accident en commettant un crime ou un délit,
intentionnellement ou non. Cette pratique s'applique à tous les accidents
survenus après le 1^er janvier 2003 (recommandation n^o 3/2003 du 30 juin 2003,
qui peut être consultée à l'adresse internet suivante: http://www.svv.ch/
index.cfm?id=6471). Elle privilégie l'application de la réglementation de la
LPGA au détriment de l'art. 37 al. 3 LAA.

3.

3.1 Selon l'art. 82 al. 1 LPGA, les dispositions matérielles de cette loi ne
sont pas applicables aux prestations en cours et aux créances fixées avant son
entrée en vigueur; sur demande, les rentes d'invalidité ou de survivants
réduites ou refusées en raison d'une faute de l'assuré seront cependant
réexaminées et, si nécessaire, fixées à nouveau conformément à l'art. 21, al. 1
et 2, au plus tôt à compter de l'entrée en vigueur de la loi.

3.2 Les recourants se prévalent de cette disposition transitoire et de la
pratique susmentionnée des assureurs LAA. Selon eux, du moment que les
assureurs ont renoncé à réduire les prestations dues aux survivants lorsque
l'assuré est victime d'un accident mortel à la suite de son comportement
délictueux (intentionnel ou non) l'art. 82 al. 1, 2^e phrase, LPGA, impose
d'appliquer cette solution
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aux réductions prononcées pour ce motif avant l'entrée en vigueur de la LPGA.

3.3 Les dérogations à la LPGA, instituées par l'art. 37 al. 3 LAA, ont été
voulues par le législateur, qui entendait maintenir le régime des sanctions
instauré par l'ancien art. 37 al. 3 LAA. Par ces dérogations, il avait en vue,
principalement, les accidents causés par un conducteur pris de boisson. Cette
intention ressort de manière non équivoque du rapport de la Commission du
Conseil national de la sécurité sociale et de la santé du 26 mars 1999 (FF 1999
p. 4168). A ce sujet, en effet, la commission s'est exprimée en ces termes (p.
4346):
"L'art. 37, al. 3, LAA règle la réduction en cas d'accident en relation avec la
commission d'un délit ou d'une infraction. Cette disposition s'écarte de
plusieurs manières de l'art. 27 LPGA: d'une part, elle couvre également les cas
survenant en présence d'un délit commis par négligence et, d'autre part, les
réductions prévues touchent également les proches. Le principal cas
d'application est la conduite en état d'ébriété. Le maintien de la norme
actuelle exige que ces divergences par rapport à la LPGA fassent l'objet d'une
mention explicite."

3.4 En revanche, le législateur a prévu un assouplissement en matière de
réductions en ce qui concerne les conséquences de la faute des proches dans
l'assurance-accidents en abrogeant, avec l'entrée en vigueur de la LPGA, l'art.
38 LAA. Selon cette disposition, si un survivant avait provoqué
intentionnellement le décès de l'assuré, il n'avait pas droit aux prestations
en espèces (al. 1); si un survivant avait provoqué le décès de l'assuré par une
négligence grave, les prestations en espèces qui lui revenaient étaient
réduites (ou refusées dans les cas particulièrement graves). Par cette
abrogation, la situation des proches - soumise désormais au régime général de
l'art. 21 al. 2 LPGA - se trouve doublement améliorée sous l'angle de leur
faute propre: d'une part, une réduction ou un refus des prestations n'est plus
possible en cas de négligence grave de leur part; d'autre part, la provocation
intentionnelle du décès de l'assuré n'entraîne plus automatiquement le refus
des prestations. Pour ce qui est de l'assurance-accidents obligatoire, ce sont
donc avant tout les cas - au demeurant assez rares - de réductions provoquées
par la faute des proches en application de l'ancien art. 38 LAA qui peuvent
faire l'objet d'un réexamen en vertu de l'art. 82 al. 1 LPGA; (KIESER, op.
cit., n. 11 ad art. 82 LPGA; OMLIN, op. cit., p. 66 s.; pour les réductions de
prestations pratiquées par
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l'assurance-accidents sous l'empire de l'art. 37 al. 2 LAA dans sa version en
vigueur jusqu'au 31 décembre 1998, en particulier les rentes d'invalidité, voir
ATF 131 V 353).

3.5 Les recommandations de la Commission ad-hoc sinistres LAA ne sont ni des
ordonnances administratives ni des directives de l'autorité de surveillance aux
organes d'exécution de la loi. Elles ne créent pas de nouvelles règles de
droit. Même si elles ne sont pas dépourvues d'importance sous l'angle de
l'égalité de traitement des assurés, elles ne lient pas le juge (ATF 114 V 315
consid. 5c p. 318; RAMA 1994 n^o U 207 p. 336, consid. 4c, U 6/93). Dans le cas
particulier, la recommandation de la Commission ad-hoc sinistres LAA se fonde
sur des préoccupations de politique sociale en privilégiant l'application de la
solution générale de la LPGA valable pour l'ensemble des branches de
l'assurance sociale. Cette interprétation ne correspond pas, on l'a vu, à la
volonté du législateur: bien que l'art. 37 al. 3 LAA ne mentionne que les
crimes ou délits non intentionnels, le législateur n'entendait assurément pas
appliquer des règles moins sévères en présence d'actes intentionnels (dans ce
sens, JEAN-MICHEL DUC, Refus ou réduction des prestations aux proches en cas de
crime ou de délits dans l'assurance-accidents obligatoire, in HAVE/REAS 2005 n°
4 p. 369 ss). En voulant conserver, en dérogation à l'art. 21 LPGA, le régime
des sanctions applicable avant l'entrée en vigueur de la LPGA, il a accepté, à
plus forte raison, les rigueurs qui pourraient résulter du maintien des
réductions des prestations de survivants prononcées antérieurement en vertu de
l'ancien art. 37 al. 3 LAA et qui ont fait l'objet de décisions entrées en
force. L'art. 82 al. 1 LPGA ne commande donc pas d'appliquer la recommandation
en cause à ces réductions.

3.6 Un réexamen de celles-ci se justifie d'autant moins dans l'optique du
projet de révision en cours de la LAA. Selon le projet d'art. 37 al. 3 LAA, en
effet, si l'assuré a provoqué l'accident en commettant un crime ou un délit (le
texte ne contient plus les termes "non intentionnellement"), les prestations en
espèces peuvent être réduites à titre définitif ou, dans les cas
particulièrement graves, refusées. S'il décède des suites de l'accident, les
prestations en espèces pour les survivants peuvent aussi être réduites au plus
de moitié, mais seulement si l'assuré a provoqué l'accident en commettant
intentionnellement un crime ou un délit (le projet peut être consulté sur le
site internet de l'OFSP:
BGE 134 V 277 S. 284
www.bag.admin.ch/themen/versicherung/00321/02413/04163/index.html?lang=fr). On
constate donc que le projet reprend, sur le point ici en discussion, un régime
de sanctions qui déroge à la LPGA. Il ne prévoit pas un alignement aux
recommandations de la Commission ad-hoc sinistres LAA.